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DISCOURS DEVANT LE CONGRES CONSTITUTIF DU PRA

by admin

Il y a neuf mois jour pour jour paraissait dans la presse nationale un « Appel aux citoyens et citoyennes » de ce pays pour la création du Parti du renouveau algérien. L’Appel fut entendu dans toutes les contrées du pays et même parmi notre émigration à l’étranger. C’était un appel du cœur et de la raison, jailli de la conscience de citoyens qui avaient pris acte de la situation critique du pays et conclu à la nécessité de joindre leurs efforts à ceux d’autres compatriotes en vue de construire LA NOUVELLE ALGERIE.

Le nombre de ces citoyens engagés sous la bannière du PRA se compte aujourd’hui en milliers, réunis par l’idéal exprimé dans le Projet de société soumis à notre peuple par voie de presse (en novembre 1989) et à l’occasion de meetings, et mus par la même aspiration à voir notre pays s’engager enfin sur les chemins de l’Histoire qui conduisent à la dignité, à la grandeur morale et matérielle et à la justification de notre existence sur la terre.

Nous tous, frères et sœurs « Ansars » du PRA qui nous trouvons rassemblés en ce lieu sous les yeux de la nation, sommes un résumé de ce peuple qui, il y a trente ans encore, vivait dans une atroce misère et un avilissement permanent, occupé et colonisé par une puissance étrangère. Dans un ultime sursaut de révolte et au prix d’énormes sacrifices humains notre pays se libéra en soulevant l’admiration du monde. Sa victoire n’avait pas été celle du nombre, de la stratégie militaire ou de l’armement sophistiqué, mais celle de la foi, de la solidarité et de l’exemple.

A l’avènement de l’indépendance, l’absence d’un projet de société, les luttes pour le pouvoir, le manque de compétence et l’engouement pour une idéologie en vogue concoururent à fourvoyer notre peuple candide dans une voie qui, 28 ans plus tard, allait en faire une multitude anarchisée, improductive, dépendante de l’aide étrangère et profondément démoralisée. Octobre 1988 a été vécu par lui comme un tragique réveil.

Pour la première fois notre pays sentait ses fondements ébranlés. Pour la première fois des Algériens tuaient en grand nombre d’autres Algériens car le fossé subrepticement creusé par le « système » au sein duquel s’était formé un véritable syndicat du crime économique et politique, avait fini par rompre les liens de confiance, de fraternité et de solidarité qui unissaient les uns aux autres.

La démocratie vint comme un aveu d’échec et de faillite, alors qu’elle aurait pu venir comme le couronnement d’une évolution. Nous l’avions espérée en 1979, nous l’avions attendue en 1985, nous l’avions crue imminente en septembre 1988. Malheureusement, elle ne vint que cinq mois plus tard, un retard qui coûta à notre nation des centaines de morts et une rupture de l’entente nationale. Notre peuple accepta néanmoins le projet démocratique et engagea dans la nouvelle espérance ses dernières réserves de patience.

C’est dans cette ambiance que l’opposition légale fit son apparition. Le PRA naquit quant à lui du constat que les données de la nouvelle situation politique ne lui semblaient pas porter les conditions nécessaires et suffisantes à la formation d’une alternative réellement capable de mettre fin au « système » incriminé par tous sans mettre fin à l’Algérie elle-même en l’engageant dans un cycle de convulsions et d’affrontements…

En sortant des rangs du peuple pour lui proposer un Projet de société destiné à le tirer progressivement des multiples crises qui mettent en péril son existence en tant qu’ensemble social, économique et politique, les hommes du PRA étaient surtout mus par la crainte de voir l’Algérie s’acheminer lentement mais sûrement vers le chaos sous la poussée de forces fiévreuses qui se sont mises à se disputer ses morceaux en cette période de remises en cause brutales, de radicalisations vengeresses et parfois d’ambitions personnelles.

C’est comme si toutes les parties, tous les partis, tous les individus, séparément ou collectivement mais en tout cas objectivement, s’étaient donné le mot pour abattre l’Algérie en croyant abattre le « système » honni ou l’adversaire du moment ou de toujours.

Et de fait nous travaillons tous actuellement, chacun de notre côté à faire monter la tension générale, à exacerber les motifs de division et à affaiblir en fin de compte le pays, pensant de bonne foi œuvrer à le sortir d’affaire… Il n’est jusqu’aux questions identitaires, vestimentaires et linguistiques qui n’aient choisi pareille conjoncture pour s’imposer avec une détermination résolue aux dernières extrémités.

Un sursaut de la conscience nationale est impérieux, urgent, car notre patrie est en danger. Elle est au premier chef menacée par la disqualification définitive d’un régime irrédentiste qui s’obstine à exciter les causes de mécontentement populaire par le seul fait de s’accrocher à un pouvoir que le peuple lui conteste tous les jours de multiples façons, dont la désobéissance civile et le rejet de tout principe d’autorité.

Quand bien même ce régime se présenterait au peuple avec le soleil dans la main droite et la lune dans la main gauche, il ne saurait regagner sa confiance, ni le remettre au travail, tant il est vrai qu’un fleuve ne remonte jamais à sa source. Mais elle est aussi menacée, et là je m’adresse à vous honorables invités en qui nous voyons des frères avant de voir des rivaux, par nos antagonismes, nos efforts divergents, nos peurs réciproques, nos irrationalités respectives…

Voilà qu’à notre tour nous confirmons le séculaire manque de sens collectif reproché à notre peuple. Voilà que nous administrons au monde qui nous observe la preuve de notre incompétence à nous élever à une appréciation commune de nos intérêts supérieurs en une étape pourtant cruciale pour l’avenir de notre nation. Nous savons tous que c’est cela qui a perdu les générations qui nous ont précédé sur cette terre et les a conduits à la colonisation et au sous-développement. Nous pressentons tous obscurément que c’est ce qui nous mènera fatalement àla GUERRE CIVILE et à l’effondrement…

Jetons nos regards sur les sociétés assises et développées qui nous environnent et considérons les causes de leur stabilité et de leur bien-être. Elles résultent de ce qu’elles ont dépassé les risques majeurs de division et mis le respect de l’ordre et de la loi au-dessus de tout et de tous. Leur civilisation transparait dans leur comportement plus que dans leur PIB, on ne s’y querelle qu’à propos des modalités de gestion et de répartition de la richesse nationale.

En notre pays on se querelle pour ces mêmes motifs mais on commence à s’entretuer aussi à propos de la langue à parler, de l’habit à mettre, des droits de la femme, du rôle des mosquées, de nos origines ethniques, etc. Nous ne sommes plus d’accord sur rien, et si nous ne nous employons pas à y remédier dans les meilleurs délais, si nous n’entreprenons pas de faire de notre peuple une société et de notre anarchie actuelle une organisation sociale, économique et politique équilibrée et policée, notre nation aura vécu.

Que ceux parmi nos frères et sœurs Algériens qui ont particulièrement à cœur la défense des intérêts des travailleurs évitent en ces temps de banqueroute économique d’exacerber des revendications à satisfaire, car il n’en sortira que haines sociales et paralysie de l’appareil productif qui emporteront ce qui subsiste de notre économie !

Que ceux parmi nos frères et sœurs Algériens qui ont particulièrement à cœur la défense de notre dimension amazighe s’efforcent de rassurer ceux qui redoutent qu’ils n’aient en vue que la désislamisation et la désarabisation de notre personnalité, et leur cause progressera dans la confiance et la sérénité !

Que ceux parmi nos frères et sœurs Algériens qui ont particulièrement à cœur la défense de l’islamité de notre peuple, reconnue et acceptée de tous, ne soient pas à leur tour tentés par l’hégémonisme et le totalitarisme dont ils étaient hier parmi les victimes.

En tenant ces propos le PRA n’entend ni donner des leçons, ni se poser en recours, ni monter une opération publicitaire, ni plaider en faveur d’un retour à l’unanimisme, au monolithisme ou à la pensée unique d’antan. Il veut seulement profiter de la présence de ses honorables invités en ce lieu et ce jour pour suggérer que les parts de vérité et de légitimité que chacun d’entre nous détient sont susceptibles aussi bien de nous neutraliser mutuellement, au détriment de nos intérêts supérieurs, que de fournir la matière à un plan commun de sortie de l’impasse actuelle pour le bien de notre nation…

Faute de pouvoir présenter à notre peuple un Projet de société commun, nous y parviendrons peut-être un jour, nous pourrions lui offrir dans l’immédiat l’espoir de solutions consensuelles émanant d’une sorte de CONSEIL DE L’ENTENTE NATIONALE que nous pourrions former pour être consultés sur les affaires de la nation en attendant la dissolution de l’Assemblée nationale.

Que le « système » en place doive être évacué est notre premier point d’accord. Qu’il le soit dans la paix sociale et la stabilité des institutions peut être notre deuxième point d’accord.

MAIS QUE NOUS REUSSISSIONS A CONVENIR D’UN DISCOURS DE SALUT PUBLIC ASSORTI D’UN PROGRAMME ECONOMIQUE ADAPTE AUX PROBLEMES URGENTS, SERAIT LA PREUVE SUBLIME QUE L’OPPOSITION ALGERIENNE EST EN MESURE D’ASSURER LA TRANSITION PACIFIQUE VERS L’ALTERNATIVE QUE DESSINERONT DEMOCRATIQUEMENT LES PROCHAINES ELECTIONS LEGISLATIVES QUI DEVRAIENT POUVOIR INTERVENIR D’ICI LA FIN DE L’ANNEE…

Les solutions que nous pourrions avancer ne devraient en aucune façon découler de la mise en exergue de nos dissemblances, mais plutôt de notre aptitude à mettre en avant nos ressemblances d’Algériens venus d’horizons politiques divers, formés à des écoles de pensée différentes, mais nourrissant le même attachement à voir notre nation sortir sans dommages de la crise actuelle.

Si l’on devait s’interroger sur l’origine de ces différences auxquelles on doit que nos compatriotes ne sachent pas à quel modèle de société se vouer, que les uns parlent un langage et les autres juste son contraire, on s’apercevrait que cette origine remonte tout droit à l’incompétence des lointaines et successives générations qui nous ont précédé.

Parce qu’elles ont été inaptes à promouvoir une société algérienne qui se pense avec ses idées, se réalise avec ses moyens et se projette dans l’Histoire à partir de ses propres déterminismes, elles ont perdu la maîtrise de leur destin et de ce fait leur souveraineté intellectuelle, économique et politique.

Les conséquences de cette incompétence ont été la récente colonisation que vous savez, le sous-développement économique que vous voyez, et la déstructuration mentale que vous connaissez. Nous sommes déjà les produits et les victimes de cette incompétence. Devons-nous en être les continuateurs entêtés ?

Coupole du 5 juillet, 3 août 1990

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