Home ARTICLESLes questions internationales2020-2024 CRISE ALGERIENNE : AVANT D’ECHAPPER A TOUT CONTRÔLE…‎

CRISE ALGERIENNE : AVANT D’ECHAPPER A TOUT CONTRÔLE…‎

by admin

Une révolution citoyenne est en cours en Algérie depuis le 22 février 2019. Elle a des formes pacifiques, ‎les manifestations hebdomadaires désignées par le mot « Hirak », et un contenu constitué d’idées ‎naturelles, basiques, raisonnables, devenues universelles sauf dans quelques pays dont l’Algérie : ‎citoyenneté, légitimité populaire, libertés publiques, Etat de droit, démocratie…

La propagation mondiale du Covid 19 a obligé les Algériens à suspendre les manifestations pendant ‎plus d’une année. Mais si le « Hirak » s’est arrêté, la révolution citoyenne a poursuivi son cheminement ‎dans les esprits, les écrits et les échanges entre Algériens à l’intérieur et à l’extérieur et a mis à profit ce ‎répit pour clarifier ses idées et ses slogans.‎

Cette révolution est légitime, légale, constitutionnelle. Elle s’inscrit dans l’esprit et la lettre de toutes ‎les constitutions algériennes de 1963 à la toute fraîche, conçue par Tebboune avec l’assentiment du ‎commandement militaire. Soumise au peuple par référendum le 1er novembre 2020, elle a été rejetée ‎par 80% du corps électoral pour des raisons de forme et non pour son contenu qui a repris telles ‎quelles les dispositions constitutionnelles confirmant sa légitimité et sa légalité. ‎

Voici ces dispositions :‎

Art. 7 : « Le peuple est la source de tout pouvoir. La souveraineté nationale appartient exclusivement au ‎peuple ». ‎
Art. 8 : « Le pouvoir constituant appartient au peuple. Le peuple exerce sa souveraineté par ‎l’intermédiaire des institutions constitutionnelles qu’il se donne. Le peuple l’exerce aussi par voie de ‎référendum et par l’intermédiaire de ses représentants élus ».‎
Art. 12 : « Le peuple choisit librement ses représentants ».

Ça, c’est ce qu’ont dit toutes les constitutions algériennes. Mais dans la réalité, « Le commandement ‎militaire est la source de tout pouvoir », le reste dépendant de ce postulat. Le monde entier a eu le ‎loisir de le constater en suivant l’actualité algérienne depuis février 2019.‎

Le pouvoir et le système judiciaire algériens n’avaient pas le droit d’emprisonner les manifestants qu’ils ‎viennent de libérer en les « graciant ». Espérons qu’ils ne les emprisonneront pas de nouveau quand ils ‎auront rejoint les rangs du « Hirak » car c’est ce qu’ils feront.‎

Le pouvoir a peut-être compris qu’il n’arrêtera pas la Révolution citoyenne en arrêtant des ‎manifestants. Le droit est contre lui, et ses magistrats et ses prisons ne suffiront pas pour juger et ‎abriter les Hirakistes qui se comptent en millions.‎

La situation n’est pas encore aussi désespérée qu’elle a failli le devenir après les massacres collectifs de ‎la deuxième moitié des années quatre-vingt-dix, quand l’ONU envisageait de placer l’Algérie sous ‎tutelle, ce qui aurait impliqué le retrait de la reconnaissance de l’Etat algérien par ses instances et les ‎autres nations. ‎

Le « Contrat de Rome », conclu sous l’égide de l’organisation San Egidio (affiliée au Vatican), avait ‎ouvert la voie à l’internationalisation de la première grande crise algérienne qui s’est soldée par des ‎centaines de milliers de morts. J’y étais, avec d’autres invités (Ben Bella, Aït Ahmed, Mehri, Nahnah, ‎Haddam, Djaballah, Hanoune…). ‎

Le programme de la conférence prévoyait que chacun de nous présenterait sa vision de la crise et des ‎solutions possibles devant la presse mondiale (et, forcément, des services de renseignement ‎occidentaux) avant de nous retirer pour des séances de travail en aparté. Ce que je fis quand mon tour ‎vint, en insistant sur l’idée que les solutions devraient émaner des Algériens et en Algérie.‎

Mais quand j’appris que ces séances devaient se dérouler en présence et sous la présidence de ‎membres de l’organisation San Egidio, je refusai de rentrer dans la salle. Nahah me rejoignit dans cette ‎position et la réunion tomba à l’eau, scellant l’échec de San Egidio I. ‎

San Egidio 2 devait se tenir deux mois plus tard et se conclure par la signature du fameux « Contrat de ‎Rome » qui a placé sur un pied d’égalité l’Etat algérien et ceux qui voyaient dans le terrorisme une ‎‎« résistance populaire ». Bien sûr, on s’était gardé de nous inviter Nahnah et moi.‎

Aujourd’hui, l’Algérie vit la deuxième grande crise de son histoire. Aucune goutte de sang n’a encore ‎coulé jusqu’ici, Dieu merci. Les acteurs en sont le commandement militaire disposant de toutes les ‎forces de sécurité du pays et le peuple légaliste, désarmé, pacifique, uni, unanime, ne cherchant pas à ‎négocier quoi que ce soit et se contentant de réclamer le respect de la Constitution. Sauf si on venait à ‎remplacer le mot « peuple » par le mot « armée » dans les articles cités.‎

Cette crise peut trouver son dénouement dans le cadre de la Constitution actuelle malgré son rejet ‎‎(pour la forme et non le contenu), avec le président de la République en place choisi par le ‎commandement militaire, et en partant de l’acte de dissolution de l’Assemblée nationale qu’il vient de ‎décider. Cette décision est bonne si elle ouvre des perspectives pour :‎

‎1) Rénover la scène politique en l’expurgeant des vestiges du passé (retrait de l’agrément à l’ensemble ‎des partis, puis octroi aux seules formations politiques conformes à la Constitution, n’exploitant pas la ‎symbolique de la Révolution du 1er novembre 1954, la religion ou le séparatisme, et n’ayant pas ‎soutenu le régime prédateur).‎

‎2) Ouvrir un dialogue avec le peuple dont la majorité écrasante est représentée par le « Hirak » malgré ‎son évident noyautage par des « twaychiya » et des nostalgiques du « Contrat de Rome » pour qui ‎‎« madaniya » signifie en réalité « diniya » au sens fissiste du terme.‎

‎3) Instituer un « Conseil de l’entente Nationale », lieu de concertation entre le président de la ‎République et le « Hirak », composé du même nombre de représentants que l’ancienne APN et ‎proposés par le Hirak en s’inspirant des circonscriptions électorales existantes.‎

‎4) Surseoir aux élections législatives jusqu’à la mise au point d’une Plateforme de l’Entente Nationale ‎définissant les conditions à remplir et les tâches à mener pour fonder une nouvelle République.‎
L’unique manière de mettre fin au « Hirak » (manifestations) sans violence ni risque ‎d’internationalisation est de satisfaire les revendications de la Révolution citoyenne (mise en œuvre ‎des articles du chapitre II de la Constitution). C’est aussi simple que cela.‎

On reproche au « Hirak » d’être un magma, une kermesse, un défilé sans tête ni finalités. Ces carences ‎s’expliquent par deux motifs : 1) Il a peur d’être noyauté, sort connu par toute les institutions et ‎associations, tous les partis politiques, syndicats, associations, comités de mosquée, etc. 2) Il est ‎impossible à un mouvement populaire de cette ampleur de s’organiser sans locaux, sans finances, sans ‎personnel opérationnel, sans outils de communication…‎

La création d’un « Conseil de l’Entente Nationale » peut lever ces hypothèques et rendre possible un ‎dialogue sérieux et sincère entre le peuple, représenté par le « Hirak », et le pouvoir civil et militaire ‎représenté par le président de la République, chef suprême des forces armées.‎

20 Février 2021

You may also like

Leave a Comment