Home ARTICLESLa problématique algérienne2011-2016 MYSTERES ET MISERES DU 4e MANDAT

MYSTERES ET MISERES DU 4e MANDAT

by admin

Le président Liamine Zéroual s’est donc exprimé, et c’est tout à son honneur car il a réagi à ‎la sollicitation des Algériens qui attendaient de lui, dans leur désarroi actuel, un mot sur la ‎situation que vit le pays.

En fai,t ils attendaient beaucoup plus qu’un mot de la part d’un homme jouissant d’un ‎respect national et dont la parole pèse. Ils attendaient de lui une prise de position claire, ‎avec des mots clairs et, pour beaucoup, une direction claire.

Il vient de leur donner beaucoup plus qu’un mot, mais ce qu’on relève à la lecture des ‎commentaires de la presse qui a retourné dans tous les sens son communiqué c’est qu’il a ‎donné lieu à des interprétations différentes et parfois divergentes, ce qui signifie qu’il était ‎suffisamment équivoque pour que chacun y trouve ce qu’il espérait. ‎
Question : était-il involontairement équivoque ou sciemment énigmatique ?‎

Le président Zéroual a parlé mais à la manière de Nostradamus, ce visionnaire qui, au XVIe ‎siècle, a écrit des prophéties que quatre siècles après on n’a pas encore totalement ‎déchiffrées.‎

‎Le sieur Nostradamus, apothicaire de son état et qui voyait à des siècles au-delà de son ‎époque en vertu d’un don inexpliqué, n’a pas enveloppé ses visions dans des quatrains ‎indéchiffrable pour embarrasser ses contemporains mais parce qu’il avait peur que l’Église, ‎venant à saisir le sens de ce qu’il écrivait, se saisisse de sa personne et le jette au bûcher où ‎beaucoup de savants et de devins avant lui ont laissé leurs cendres, faute d’avoir ‎suffisamment enveloppé dans l’équivoque des idées suspectées d’hérésie. ‎

Le président Zéroual, eu égard à sa stature, son âge et son désintéressement, n’a rien à ‎craindre ou à espérer de personne. Mais il craint pour son pays et partage les craintes de ‎ses concitoyens ainsi qu’il l’a écrit.

Il a dit ce qu’il pensait de la « crise de confiance structurelle » qui ronge le pays, du ‎‎« scepticisme exacerbé de l’opinion nationale exsangue », de « l’effervescence citoyenne ‎que connaît la scène politique nationale » et dont il reconnaît la légitimité, de l’erreur ‎d’avoir levé la limitation des mandats présidentiels en 2008, des exigences physiques, ‎morales et protocolaires de cette haute charge, de son rejet du mythe de l’homme ‎providentiel et de la nécessité de mettre à profit le prochain mandat pour faire entrer ‎l’Algérie dans l’avenir avec une nouvelle gouvernance et une nouvelle génération.

Quand on compare sa déclaration à celle faite par Mouloud Hamrouche il n’y a pas ‎longtemps (à laquelle elle s’oppose dans l’esprit et la lettre) et qui s’ouvrait ex abrupto sur la ‎promesse de garanties à de mystérieux « groupes d’intérêts », « minorités » et « régions » ‎que lui seul a vus, elle apparait comme lumineuse.

La première lecture m’ayant laissé sur ma faim, j’en ai réexaminé le contenu de plus près ‎pour chercher entre les lignes ce que le président n’a pas mis dans les lignes.

J’en suis sorti avec l’impression que sa déclaration recèle un mystère : le constat sévère qu’il ‎fait du présent et les critiques voilées qu’il adresse à son successeur ne concordent pas avec ‎l’optimisme avec lequel il appréhende l’après-17 avril. ‎
Il y a comme une incohérence entre l’état des lieux alarmant qu’il dresse et les perspectives ‎rassurantes qu’il entrevoie pour au moins une raison : c’est que l’homme qui est à l’origine ‎de l’état des lieux décrié va être l’architecte du « nouvel ordre politique » esquissé. ‎

J’en ai déduit que si le président Zéroual a parlé à la manière de Nostradamus, c’est parce ‎qu’il sait quelque chose que nous ne savons pas ou qu’il n’est pas temps que nous sachions.‎

Pourquoi le président Zéroual n’a-t-il pas publié ce texte avant que Bouteflika n’annonce sa ‎candidature ou tout juste après, et préféré attendre la veille de l’ouverture de la campagne ‎électorale, c’est-à-dire une fois que tout est plié ?‎

S’il l’avait fait, tout le monde en aurait inféré que le Sage de Batna se rangeait parmi ses ‎compatriotes qui pensent que le président Bouteflika, compte tenu de son état de santé et ‎de son âge, pour ne rien dire du bilan de ses quinze ans de règne, ne devait pas postuler à un ‎quatrième mandat.

Le président Zéroual s’est-il résigné à l’idée que son successeur postule à une charge qu’il ‎n’a plus les moyens d’assumer au risque d’exposer le pays à l’inconnu ? Quels arguments ‎sont venus à bout de la réticence qu’on devine dans son texte ?‎

Il écrit à un endroit de sa déclaration : « Indépendamment de ce qui va résulter du scrutin du ‎‎17 avril prochain, il faudra surtout retenir que le prochain mandat présidentiel est le mandat ‎de l’ultime chance à saisir pour engager l’Algérie sur la voie de la transition véritable ». ‎
Une ambiguïté entoure le mot « indépendamment », sachant que tout dépend précisément ‎du président-candidat, lequel a mis en place le dispositif nécessaire pour que l’élection ne se ‎déroule que « dépendamment » de lui. ‎

Le président Zéroual donne à penser ici qu’avec ou sans Bouteflika il y aura une « transition ‎véritable ». Sur quoi repose cette certitude, sachant les inclinations naturelles du président-‎candidat, qu’un « nouvel ordre politique » va vraiment voir le jour après le 17 avril ?‎

Autre question : d’où le président Zéroual tient-il que « le prochain mandat présidentiel doit ‎s’inscrire dans le cadre d’un grand dessein national et offrir l’opportunité historique ‎d’œuvrer à réunir les conditions favorables à un consensus national autour d’une vision ‎partagée sur l’avenir de l’Algérie ; une vision partagée par les principaux acteurs de la vie ‎nationale et que doit nécessairement couronner, en dernière instance, l’assentiment ‎souverain de l’ensemble du peuple algérien ».

On devine qu’il s’agit dans ces lignes de la prochaine Constitution qui « doit » émaner d’un ‎‎« consensus national » puis être couronnée, « nécessairement », par un référendum.

Or le projet d’amendement de la Constitution dont personne ne connait les tenants et les ‎aboutissants est entre les mains du président qui le garde jalousement au secret comme on ‎garde un testament ou un titre de propriété.

Ce passage n’exprime pas un souhait puisque c’est le temps de l’impératif qui est employé. ‎Si le président Zéroual avait été candidat, on aurait pris ces affirmations pour des ‎engagements pris devant les électeurs ; or il n’est pas candidat. Sauf à déduire de ce ‎paragraphe l’invraisemblable : que Bouteflika ne soit pas élu ! ‎

Comment cela se pourrait-il alors que si tel avait été son vœu, il aurait pu y contribuer en ‎amont. Il aurait pu rendre le 4e mandat aléatoire en se présentant lui-même, en parrainant ‎un candidat ou en appelant le peuple à boycotter l’élection. Il aurait pu aussi appeler ‎ouvertement au soutien d’un rival.‎

Le président poursuit dans son texte : « Ce mandat-transition constituera la première étape ‎sérieuse d’un saut qualitatif vers un renouveau algérien, plus conforme aux aspirations ‎légitimes des générations postindépendance et en harmonie avec les grandes mutations que ‎connait le monde. Il est temps d’offrir à l’Algérie la République qu’elle est en droit d’exiger ‎de son peuple et de son élite éclairée ».

Ce langage, là aussi, est celui d’un candidat qui annonce des choses que nous n’avons pas ‎entendues dans la bouche du candidat Bouteflika. ‎

Cette « transition » au profit du pays, ce dernier pouvait la faire en 2008 quand il en avait la ‎force, ou cette fois-ci en s’abstenant de se présenter à l’élection, mais il ne l’a pas faite il y a ‎cinq ans et n’a encore rien dit de ses intentions pour l’avenir. Là, le président Zéroual n’a pas ‎utilisé l’impératif mais le futur, comme s’il en était certain. Sur quoi s’appuie son ‎assurance ?‎

L’idée de transition pouvait se concevoir dans le cas où le président aurait été défaillant. Elle ‎n’est envisageable désormais que si Bouteflika est réélu car tout autre candidat qui serait ‎élu à sa place se considèrerait sui generis comme la « transition », le « renouveau », la ‎‎« deuxième République », et estimerait qu’ayant été élu contre le « candidat du pouvoir », il ‎n’a rien à faire d’un compagnonnage encombrant.

La question qui s’impose alors est : pourquoi est-ce au président-candidat Bouteflika qu’il ‎revient de tracer notre avenir ?‎

Quant à l’appréciation qu’ « il est temps d’offrir à l’Algérie… », elle n’engage que son auteur ‎car Bouteflika peut estimer qu’il n’a rien à offrir d’autre à l’Algérie que son auguste ‎personne puisque, à entendre ceux qui parlent pour lui, il lui a déjà tout offert.

J’ajouterais que notre mère-patrie l’Algérie n’a jamais été en droit d’exiger quoique ce soit, ‎et que si elle avait disposé d’un tel droit elle se serait tournée vers le « système » et non vers ‎le pauvre peuple dépourvu de tout pouvoir ou son élite, peut-être « éclairée », mais ‎absolument impuissante. Ça rappelle l’histoire du muet qui demande à sa femme sourde de ‎fermer la fenêtre parce qu’un aveugle les regarde.‎

Si mystère il y a, si le 4e mandat se décline en deux volets dont nous ne connaissons que le ‎premier, de nouvelles questions surgissent : n’y avait-il que ce chemin sinueux et périlleux ‎pour aller vers une transition ? ‎

N’était-ce pas un pari extrêmement dangereux que celui de miser sur un homme qui pouvait ‎rechuter ou, à Dieu ne plaise, mourir avant l’arrivée au complet des échéances prévues par ‎le mystérieux scenario (17 avril, amendement de la Constitution, etc) ? Bouteflika en aura-t-‎il la force et le temps ?‎

Le président Zéroual a aussi parlé de « contre-pouvoirs forts ». Où sont-ils, d’où vont-ils ‎sortir dans l’état actuel du champ politique laminé par quinze ans de fermeture ? Est-il, ‎comme Nostradamus, seul à voir ce que les autres ne voient pas ?

Le seul contre-pouvoir dont personne n’a jamais douté de son existence est celui constitué ‎par l’Armée qui, tout en étant la source du pouvoir, pouvait s’ériger en contre-pouvoir en cas ‎de péril imminent comme en 1992 quand elle a divergé avec Chadli.

Or certains indices montrent qu’elle a tourné le dos à la politique et s’en lave les mains ‎dorénavant, soulevant du même coup L’INQUIETUDE DES CITOYENS OPPOSES AU 4E ‎MANDAT QUI VOIENT DANS CE RETRAIT LE RISQUE QUE LA MAFIA POLITICO-FINANCIERE ‎NE S’EMPARE « DEMOCRATIQUEMENT » DU POUVOIR.

C’EST CE QUI EXPLIQUE LEUR PEUR MAIS AUSSI LEUR DETERMINATION A DENONCER ET ‎A S’OPPOSER A UNE TELLE PERSPECTIVE. C’EST CE QUI DECLENCHERAIT AUSSI UN ‎DEUXIEME 1ER NOVEMBRE…‎

En conclusion, formulons le vœu en ce début de printemps algérien (je vise la saison, pas la ‎‎« main de l’étranger ») que les prédictions du président Zéroual, au milieu de tant de ‎mystères et de misères, ne mettront pas plusieurs siècles à se vérifier comme avec ‎Nostradamus, et qu’on sera encore en vie pour assister à l’ « apocalypse » (le mot signifiait à ‎l’origine « révélation ») annoncée. Nous sommes nombreux à lui faire confiance et à prier le ‎Ciel qu’il en ira ainsi.

‎(Le soir d’Algérie du 23 mars 2014)‎

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