L’ESPRIT D’UNE NATION

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Des penseurs reconnus ont donné des définitions célèbres de la nation comme Renan qui l’a ‎résumée dans le « désir de VIVRE ENSEMBLE » qui a bénéficié longtemps de la faveur ‎universelle avant qu’un de ses compatriotes, Régis Debray, ne la tempère un siècle et demi ‎plus tard en observant que « Les vaches aussi vivent ensemble ».

S’inspirant probablement d’un courant de pensée allemand dont Oswald Spengler a été l’un ‎des derniers représentants avec son fameux « Déclin de l’Occident » (livre qui a été traduit ‎de l’allemand au français par l’Algérien Mohand Tazerout dans les années 1930), il préfère ‎pour sa part y voir le « désir de FAIRE ENSEMBLE ». ‎

Le siècle de Renan était celui du romantisme, celui de Debray celui du pragmatisme. Il ‎importe, en effet, plus pour l’Histoire des nations, de réaliser ensemble que de ressentir en ‎commun quoique dans les faits l’un ne va pas sans l’autre. Renan a autant raison que Debray ‎car ils ne sont pas en contradiction, mais en complémentarité.‎

Le romantisme est une forme élaborée du sentimentalisme qui, dans sa déclinaison algéro-‎islamiste a promu une définition de la nation qui ne prend en compte ni le désir de « vivre ‎ensemble », ni celui de « faire ensemble », mais seulement celui « de CROIRE ENSEMBLE ». ‎

Or, croire à l’unisson n’entraine pas à faire nécessairement la même chose. Dans le cas ‎islamique, on peut croire la même chose et s’entretuer pour rien et sans compter. Quant à ‎‎« faire ensemble », on détruit le présent avec entrain non pour construire l’avenir, mais ‎pour retourner au temps de Qoreïch.‎

Peut-on parler dans notre cas de « désir de vivre ensemble » quand une partie des Algériens, ‎les musulmans islamistes qui aspirent à revenir à l’époque d’Abou Hurayra, ne partage rien ‎avec l’autre, les musulmans non-islamistes qui souhaitent vivre au diapason de leur époque, ‎sinon un sentiment de rejet réciproque ?

Quand les arabophones monolingues regardent les ‎francophones monolingues comme des étrangers avec lesquels ils n’ont rien de commun, ‎sinon le passeport ? ‎

Quand l’un tire à hue et l’autre à Dia ? Quand Tic dit une chose et Tac le contraire ?‎

Peut-on « faire ensemble » quand un pouvoir malsain favorise un clan au détriment du reste ‎du pays ? ‎

Quand les gens honnêtes croupissent dans la misère et les malhonnêtes se pavanent dans les ‎palaces mondiaux avec l’argent public volé ? ‎

Quand des industriels qui créent de la richesse et des emplois sont pourchassés et les ‎affairistes privilégiés ? ‎

Quand jeunesse ne sait pas et que vieillesse ne peut pas ?‎

Ce qui nous manque pour être une VRAIE NATION, ce ne sont évidemment pas les ‎composants physiques (un territoire, un peuple, un État, un drapeau), mais un constituant ‎immatériel qui est ce qu’on appelle l’esprit d’une nation.

Qu’est-ce que c’est ? C’est l’élément chimique qui catalyse les composants physiques d’un ‎pays et en tire une nation, qui les combine entre eux pour leur donner un sens et une ‎vocation. C’est le sentiment d’être fait de même, de penser pareil, de parler un seul langage ‎dans des langues différentes, de regarder dans la même direction. C’est une perception ‎commune de l’intérêt commun, une aspiration synchronique, un rêve symbiotique.

C’est une opération psychique et mentale dont on ne sait pas comment elle se réalise, sinon ‎qu’elle agit à travers l’enseignement dispensé à tous les niveaux, l’éducation sociale et les ‎lois mises en place, le bon exemple donné par les dirigeants et les citoyens, et l’effet de la ‎production intellectuelle et artistique des élites sur de larges pans de la société.

On ne le voit pas se dérouler, se déployer, mais ses effets apparaissent à la surface de la vie ‎communautaire, sur les visages, dans la manière de penser, de parler et de se comporter les ‎uns avec les autres dans la vie où chacun est poli et attentif au respect, à la satisfaction et au ‎repos de l’autre.

Phénomène spirituel, intellectuel, culturel, elle est l’œuvre des hommes, elle résulte des ‎idées produites par eux au fur et à mesure du progrès moral et des découvertes ‎scientifiques.

C’est aux philosophes des Lumières que l’Europe doit les grandes avancées intellectuelles, ‎techniques, industrielles et politiques qui en a fait dans nations développées.‎

C’est à un livre, « The common sens », que les Etats-Unis doivent leur naissance. Ce sont ‎d’autres livres, tels « Que faire ? » de Lénine et le « Livre rouge » de Mao, qui ont réveillé la ‎Russie et la Chine et les ont projetées au rang de grandes puissances. ‎
Cet esprit, quand il apparait au sein d’une collectivité à un moment ou à un autre, à la ‎faveur d’un petit ou d’un grand évènement, et se met en œuvre, rayonnant sur tout le ‎monde et irradiant chacun, soudant les individus entre eux et les dotant d’une vision ‎commune du monde, en fait une belle nation où il fait bon vivre et pour qui des centaines de ‎‎« harragas » de divers pays meurent chaque année en mer en voulant s’y installer. ‎

Parfois on ne nomme pas ces nations, on les désigne par l’expression « esprit américain », ‎allemand, chinois ou autre.

MESUREE A CETTE AUNE, IL N’EXISTE PAS DE NATION ALGERIENNE CAR NOTRE VIE ‎PUBLIQUE EST UNE PERPETUELLE SOUFFRANCE OU CHACUN SEMBLE ETRE VENU AU ‎MONDE POUR CONTRECARRER QUELQU’UN D’AUTRE, OU TOUR A TOUR NOUS FAISONS ‎DU MAL, CONSCIEMMENT OU « MACHI-BAL-ANI » ET ENDURONS CELUI DES AUTRES, OU ‎NOUS PASSONS NOTRE TEMPS A NOUS VENGER MUTUELLEMENT DE L’INJUSTICE SUBIE, ‎DES DECONVENUES VECUES, DES FRUSTRATIONS ACCUMULEES…

NON SEULEMENT IL NOUS MANQUE L’ESPRIT DE NATION, MAIS LE MOULE MENTAL ‎DANS LEQUEL NOUS NOUS INSERONS EN VENANT AU MONDE NOUS VACCINE, NOUS ‎PREMUNIT CONTRE TOUTE POSSIBILITE DE L’ACQUERIR UN JOUR

CE QUE NOUS PENSONS ET ENTRETENONS COMME IDEES COURANTES EST JUSTE LE ‎CONTRAIRE DE L’ESPRIT DE NATION, SON ANTITHESE, SA NEGATION.

Nous sommes par contre la proie d’autres « esprits », démoniaques ceux-là : l’esprit de ‎vengeance, l’esprit de « hasd », l’esprit de clan… au lieu de l’esprit d’équipe, de l’esprit de ‎camaraderie et de l’esprit de bon voisinage.

Cinq fois par jour depuis mille ans les imams de toutes les mosquées nous le rappellent ‎inlassablement sans donner autre chose que la triste réalité dans laquelle nous galérons de ‎la vie au trépas.

CE QUI VEUT DIRE QUE CROIRE ENSEMBLE NE SERT A RIEN OU, A TOUT LE MOINS, NE ‎SUFFIT PAS.

Par contre, on voit dans les pays développés le résultat du « désir de vivre et de faire ‎ensemble » sous la surveillance de lois intransigeantes envers les faibles comme les ‎puissants.‎

C’est notre esprit à l’envers qui nous empêche depuis la nuit des temps d’être une nation, ‎avec ou sans pétrole. ‎

Ni les hommes politiques ni les intellectuels ne le savent, ni n’ont une idée de ce qu’il faut ‎faire ou par où commencer pour échapper à ce qui semble être une malédiction mais qui ‎n’est en réalité que notre incompétence et notre ignorance, même si nous étions tous ‎docteur en ceci ou cela. ‎

Nous n’avons pas été préparés à l’indépendance, même si les « dirigeants », eux, s’y sont ‎préparés loin de la répression des forces coloniales. Ils étaient instructeurs militaires ou ‎commissaires politiques chargés d’« expliquer » la Révolution aux autres.

Aucune révolution ne s’est faite sans projection de ce que serait l’avenir, sauf la révolution ‎algérienne où le héros était le « baroudeur » et le « maquisard » à l’exclusion de ‎l’intellectuel éclairé dont on riait comme de tous ceux qui « yfalsfou ».

ON POUVAIT, ON DEVAIT AVOIR LES DEUX, LE MAQUISARD ET LE PENSEUR, MAIS LES ‎‎« DIRIGEANTS » ONT HUMILIE OU MARGINALISE LE SECOND PAR COMPLEXE PERSONNEL ‎DEVANT L’INTELLIGENCE A QUI L’ON A PREFERE DES LE DEPART LA BRUTALITE, LA FORCE ‎BRUTE.

Personne n’a rien préparé, et tout le monde croyait benoîtement que ça se ferait tout seul ‎avec le temps et l’alphabétisation généralisée.

C’est ainsi que nous sommes entrés par effraction dans le XXe siècle et tenons jusqu’à ce ‎jour grâce au pétrole. Et s’il n’y avait pas eu de pétrole ? Et quand il n’y aura plus de ‎pétrole ? ‎

NOUS AURONS VECU INDEPENDANTS QUELQUES DECENNIES, CONTRE DES SIECLES DE ‎COLONISATION.‎

A toutes les époques de l’histoire humaine il a existé des éducateurs sociaux qui ont éclairé ‎leurs peuples et les ont préparés à devenir des civilisations et plus tard des nations, des ‎sociétés et des citoyens.

Quels ont été nos éducateurs tout au long de notre itinéraire dans l’Histoire, de notre sur-‎place à vrai dire ? Il n’y en a pas. Dans sa longue quête spirituelle, le peuple algérien a ‎rencontré très peu de maîtres à penser mais beaucoup de faux maîtres en toute chose et de ‎Djouha.

OR AUCUN DJOUHA N’A JAMAIS BATI UNE NATION, IL LA SIPHONNE PUIS DISPARAIT.

Mohand Tazerout a bien publié en 1943 à Paris « Les éducateurs sociaux de l’Allemagne ‎moderne : l’éducation idéaliste », et en 1946 « Critique de l’éducation allemande : de Kant à ‎Hitler ». Il est aussi l’auteur d’une série intitulée « Au congrès des civilisés » en plusieurs ‎tomes, mais l’Algérie indépendante n’avait pas encore vu le jour. Après l’indépendance, ‎personne n’a jugé utile de l’inviter à rentrer au pays pour le baigner de ses lumières. Il gît à ‎Tanger comme Mohamed Arkoun. ‎

Le fait est que ni le pouvoir, en pleine démagogie révolutionnaire, ni le peuple affairé à ‎prendre ce qu’il pouvait de biens-vacants, ne ressentait le besoin d’être éclairé, certain ‎d’être la lumière elle-même.‎

Ghandi disait dans les années 1930 à son peuple : « Tant qu’un passant risque de recevoir un ‎crachat d’un balcon, l’Inde ne mérite pas l’indépendance ». Malek Bennabi rapporte dans ‎‎« Les conditions de la renaissance » cette déclaration d’un intellectuel algérien dans les ‎années 1940 : « Nous voulons notre indépendance même avec notre crasse ! ».

La distance entre le « bon sens » qui caractérisait le premier et le « patriotardisme » du ‎second est celle-là même qui existe aujourd’hui entre l’Inde et l’Algérie.‎

On a vu dans l’actualité récente avec quelle facilité des pays qui ne se sont pas consolidés en ‎nations se sont effilochés alors qu’ils possédaient des armées impressionnantes (Irak, Syrie, ‎Libye).

Ces pays n’étaient en fait qu’un assemblage de composants physiques non innervés par ‎l’esprit des nations, par un désir de « vivre » ou de « faire » ensemble, par un projet de vie ‎dans lequel les habitants de ces pays se reconnaissent et pour lequel ils auraient accepté ‎volontiers de mourir.

Qui a défendu Saddam ou Kadhafi ? Bachar ne doit son salut qu’à la Russie qui tient à ses ‎intérêts stratégiques dont la possession de la base navale de Tartous.‎

On a vu par contre après la deuxième guerre mondiale des pays complètement ravagés se ‎relever des décombres en quelques années comme par enchantement, comme dans les ‎effets spéciaux des films fantastiques.‎

SI L’ALGERIE NE COMPTE QUE SUR SES FORCES ARMEES POUR DURER DANS L’HISTOIRE, ‎S’IL N’Y A QUE L’ARMEE POUR GARANTIR SON UNITE ET SA SOUVERAINETE, ELLE ‎S’EFFONDRERA COMME CEUX QUI ETAIENT CONSTRUITS DE LA MEME MANIERE QU’ELLE, ‎QUI COMPTAIENT SUR LEUR « ZAÏM » ET SA « PUISSANTE » ARMEE. ‎

Faut-il attendre que cela arrive pour le croire ? Les guerres de demain se feront sans ‎engagement d’hommes, sans « sens de l’abnégation », sans nécessité de courage ou ‎d’héroïsme, car ces valeurs morales ont été remplacées par l’intelligence et la technologie. ‎Elles se feront avec des moyens invisibles et imparables, du ciel ou de sous les mers, sans ‎combattants, avec des armes téléguidées.

Celui qui ne possède pas ces technologies, je veux dire qui ne les produit pas lui-même et ‎croit être en droit de fanfaronner, n’est qu’un imbécile de maréchal ferrant, sauf le respect ‎du métier.

SI NOUS NE FAISONS RIEN POUR ASSIMILER LA PROBLEMATIQUE DE LA NATION D’ICI LA ‎FIN DU PETROLE, SI NOUS NE NOUS DOTONS PAS, D’ICI-LÀ, DE L’ESPRIT DE NATION, IL ‎N’Y AURA MEME PLUS DE FAUSSE NATION EN ALGERIE MAIS UN DAR AL-HARB COMME ‎DANS LES ANNEES 1990 OU PIRE ENCORE, A DIEU NE PLAISE.‎

‎ Il y aura après le pétrole un territoire mais morcelé, un peuple ramené à sa récente ‎condition de « arouch » avec plusieurs drapeaux, en concurrence avec celui du MAK, qui ‎claqueront au vent ici ou là, et des chants de « meddahin » à consonance religieuse ou ‎paillarde à la place de « Kassaman ».

Au paradis, les « chouhada » voudront mourir une seconde fois.

‎(« Le Soir d’Algérie » du 23 juin 2016)‎

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