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TEBBOUNE, UN NOUVEAU BOUTEFLIKA ?

by admin

‎ ‎Le président Abdelmadjid Tebboune s’est adressé dimanche dernier par twitt aux Algériens ‎depuis un lieu indéterminé après une disparition qui a duré près de deux mois.

Dans un enregistrement de moins de cinq minutes dans une ambiance lugubre, il leur a annoncé ‎qu’il était guéri grâce à Dieu et à la compétence des médecins algériens et allemands, et qu’il serait ‎de retour au pays dans une à trois semaines. ‎

II a parlé de son absence comme l’aurait fait par skype avec sa famille inquiète un émigré dans la ‎‎« ghorba » (exil) longtemps privé de moyens de communication.

Mais quand il a récité les célèbres et émouvants vers du savant algérois Abderrrahmane al-Thaâlibi ‎‎(1384-1471), on ne savait pas s’il pensait à l’Algérie ou à lui-même : « Les humeurs de l’Algérie sont ‎très inaccoutumées ; Pour les gens, jamais le malheur ne peut l’emporter. A chaque fois que par un ‎désastre elle se trouve affectée, Ou bien qu’y apparaisse quelque adversité, Le Miséricordieux la fait ‎suivre par une grande facilité ».‎

Si c’est à l’avenir de la patrie qu’il pensait, il doit se livrer à un profond examen de conscience pour ‎justement résister à la tentation de devenir un nouveau Bouteflika car le pays ne le supporterait ‎pas. A aucun prix, même celui du chaos, le peuple algérien n’acceptera cette perspective.

Il doit ‎aussi se rappeler que quelques décennies après que le saint homme eut composé cette ode, ‎l’Algérie rentrait dans une longue nuit coloniale qui allait durer plus de quatre siècles (occupation ‎espagnole puis ottomane puis française).

Si c’est à son propre sort qu’il songeait, nous lui souhaitons une longue vie à condition qu’il ne ‎prenne pas en otage l’Algérie comme l’a fait Bouteflika. S’il est réellement guéri, bon retour à la ‎présidence de la République ! S’il se sait irrémédiablement affaibli, qu’il organise son départ et aille ‎se reposer chez lui le plus vite possible, sinon il sera à l’origine de problèmes terribles.‎

Son intervention inattendue, non annoncée, clandestine à certains égards, a fait l’objet de ‎commentaires dont quelques-uns se sont arrêtés aux anomalies dont elle était truffée comme si ‎l’homme voulait duper les Algériens en leur faisant croire qu’il ne lui est arrivé que ce qui est arrivé ‎à Johnson, Bolsonaro et Trump, et qu’il allait par conséquent reprendre rapidement son travail au ‎service de la nation. ‎

Ce n’est pas le cas car ces chefs d’États n’ont pas été évacués en Allemagne ; ils n’ont pas été ‎soustraits à la vue de leurs compatriotes et isolés de tout contact avec eux durant deux mois ; le ‎monde entier avait quotidiennement de leurs nouvelles et, surtout, leurs peuples n’ont pas été ‎soumis aux épreuves humiliantes et préjudiciables que Bouteflika a fait subir à l’Algérie durant six ‎ans.‎

La brusque réapparition de Tebboune avait en réalité pour but d’éviter le constat d’empêchement ‎évoqué dans l’article 102 de la constitution en vigueur (devenu l’article 94 dans la constitution de ‎Tebboune, rejetée par le référendum du 1er novembre dernier) en ces termes : « Lorsque le ‎Président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l’impossibilité ‎totale d’exercer ses fonctions, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit, et après avoir vérifié ‎la réalité de cet empêchement par tous moyens appropriés, propose à l’unanimité au Parlement de ‎déclarer l’état d’empêchement…» ‎

Il a cessé « pour cause de maladie grave et durable » d’exercer ses fonctions depuis la mi-octobre ‎sans que quiconque ne puisse y redire ou tenter une quelconque procédure, car la constitution en ‎vigueur (de même que celle par laquelle il se proposait de l’amender) ne précise pas à partir de ‎combien de jours, semaines, mois ou années, le Conseil constitutionnel doit « se réunir de plein ‎droit pour vérifier la réalité de cet empêchement et proposer au Parlement de déclarer l’état ‎d’empêchement ».

Il vient de s’octroyer trois semaines de répit supplémentaires en exploitant cette énième carence ‎du texte constitutionnel algérien qui ne cesse d’être pris au dépourvu par les incessantes et ‎innovantes turpitudes présidentielles.

Dans trois semaines on sera le 3 janvier 2021, et Tebboune ‎aura passé deux mois et demi à l’étranger sans qu’on n’y puisse rien. Ce n’est pas normal, ce n’est ‎pas admissible.‎

Dans son speech sur twitter, Tebboune a assuré aux Algériens qu’il suivait « heure par heure les ‎affaires du pays » sans préciser depuis quand et pour combien de temps encore, et ajouté, dans ‎une dérive surréaliste, qu’il « transmettait ses instructions à la présidence de la République » alors ‎qu’en son absence nul fonctionnaire de la présidence n’est habilité à instruire des membres du ‎gouvernement.

Il aurait dû dire « au Premier ministre », mais il ne l’a pas dit pour on ne sait quel ‎intriguant motif.‎

En réponse à la montée des tensions à nos frontières, il s’est contenté d’affirmer que l’Algérie était ‎plus forte qu’on ne le pensait en ayant à l’esprit certainement sa puissance militaire dont chaque ‎Algérien se réjouit, est fier et est prêt à donner sa vie. Cela, le monde entier le sait.‎

Pour ma part, je ne crois pas du tout à la probabilité que notre pays soit un jour attaqué ‎militairement par le Maroc, une coalition arabo-israélienne ou la France. Je ne parle même pas des ‎autres pays frontaliers.

Si l’Algérie doit être affaiblie, poussée à la guerre civile, affamée, voire ‎disloquée et dépecée, ce sera par des voies économiques, idéologiques et politiques. ‎

Notre premier ennemi c’est nous-mêmes : la fracture entre le pouvoir et le peuple, la gouvernance ‎ignare et la gestion incompétente de nos dirigeants depuis des décennies, le populisme et le ‎charlatanisme islamiste qui nous a coûté il n’y a pas longtemps des centaines de milliers de morts et ‎des dizaines de milliards de dollars de dommages… Cela aussi le monde entier le sait.‎

15 Décembre 2022

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