ÉMEUTE AU SOMMET DE L’ETAT

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Les spécialistes de la communication moderne nous apprennent que celui qui détient ‎l’information tient le pouvoir d’orienter les mouvements d’opinion, les idées et les ‎convictions qui meuvent les hommes.‎‏ ‏Cette fonction d’information du public et d’orientation ‎des esprits était, depuis l’indépendance, dévolue à l’APS et, dans le domaine de la télévision, ‎à l’ENTV.‎

Au cours des deux dernières années, on a observé que cette mission a été progressivement ‎transférée à la chaîne « Ennahartv» qui, comme chacun sait est, en vertu du statut insensé ‎voulu par l’État pour les télévisions privées, une chaîne étrangère autorisée à activer en ‎Algérie dans des limites excluant qu’elle puisse se substituer à la communication officielle.‎‏ ‏Or c’est ce à quoi elle est parvenue. Sinon de droit, du moins de fait.‎

Nos idées et convictions relatives à la vie politique sont donc influencées par cette chaîne qui ‎n’aide pas à les structurer, mais à les disperser aux quatre vents. « Ennahartv » est devenue ‎la source de toutes les sources, car ce qu’elle annonce dans ses news depuis deux ans se ‎confirme généralement.‎‏ ‏Avant, il y avait aussi Ammar Sâadani, mais l’agrément lui a été ‎brusquement retiré et son canal fermé comme s’il n’avait jamais existé.‎

Pourquoi cette chaîne de statut étranger a-t-elle pris la place de l’agence officielle de presse ‎et de la chaîne publique de télévision ? C’est un des mystères de la communication de l’État ‎sous le 4e mandat. Pourquoi la présidence de la République lui confie-t-elle l’exclusivité de ‎ses fuites organisées, foucades et toquades ? Ça ne nous regarde pas, semble-t-il.‎

Que nous a appris cette fois la source autorisée ? Qu’une émeute a éclaté au sommet de ‎État, et qu’on ne peut compter sur aucune police anti-émeutes pour restaurer l’ordre car ‎l’émeutier en chef, selon des informations qu’il est interdit de chercher à vérifier, serait le ‎chef de l’État lui-même.‎

En effet, et de mémoire d’Algérien indépendant (si les informations distillées par « ‎Ennahartv » se confirment), on n’a jamais vu un président de la République se plaindre ‎publiquement de son Premier ministre et pousser à l’émeute les membres de son équipe en ‎leur enjoignant d’agir en s’affranchissant des directives issues d’un « plan d’action » adopté ‎en Conseil des ministres, puis par le Parlement.‎

C’est ce qu’aurait fait le Président, selon « Ennahartv », en envoyant aux membres du ‎Gouvernement, en l’absence du Premier ministre (en fuite ou en vacances en France, on ne ‎sait plus), « des instructions urgentes afin de mettre fin à l’anarchie née des dernières ‎instructions relatives aux importations ».‎

Mais comment procéder dans la pratique pour mettre fin à l’anarchie supposée avoir été ‎créée par le Premier ministre, sans un coordinateur des actions des différents départements ‎ministériels ? A-t-on désigné un intérimaire pour ce faire ? Ou bien les ministres vont-ils ‎devoir improviser chacun de leur côté ?‎

Alors qu’il eut été plus indiqué de convoquer le Premier ministre ou de l’instruire par ‎téléphone en attendant de le limoger, le cas échéant sans ameuter l’univers, le Président a ‎parlé de lui en public comme on parle d’un délinquant qui ne tardera pas à être écroué. ‎Toujours selon « Ennahartv », il l’aurait mis en demeure de « respecter les textes de loi » et ‎‎« d’arrêter la publicité contre les patrons et les investisseurs étrangers » (sic).‎

Avec cet énième épisode fantasque du 4e mandat, nous aurons franchi le mur du son. Avant, ‎on n’entendait pas le « bang » assourdissant quand un Premier ministre remplaçait un autre. ‎Tout se faisait en douceur, à la vitesse subsonique, voire celle des ultra-sons. Mais cette fois-‎ci, c’est vraiment le « big bang », la débandade générale, et bientôt peut-être le sauve-qui-‎peut.‎

Ces actes et ces paroles, qu’ils émanent du Président, de son frère ou d’Ouyahia selon une ‎autre source, ne sont pas raisonnés. Ils sont incohérents et n’obéissent à aucune logique.‎

Si l’erreur de casting concernant Benaggoun a laissé les observateurs pantois, celle ‎s’appliquant à Tebboune pose, par les invraisemblances qui l’entourent, un très grave ‎problème, celui de l’exercice des pouvoirs présidentiels.‎

Car ce monsieur est un très ancien ami du Président. Il n’a pas un tempérament d’aventurier ‎et n’est pas un gaffeur. Il est dans les rouages du pouvoir depuis des décennies, et ne peut ‎pas jouer ce qu’il lui reste à vivre à la roulette. Rappelons-nous aussi qu’il a été désigné il n’y ‎a pas longtemps à l’Ordre national du mérite.‎

Si ce qui est imputé au président Abdelaziz Bouteflika par « Ennahartv » émane réellement ‎de lui, cela voudrait dire que nous ne sommes plus en présence d’un homme affligé d’une ‎défaillance physique mais aussi, depuis peu, D’UNE DEFICIENCE MENTALE.‎

SA DESTITUTION IMMEDIATE S’IMPOSERAIT ALORS COMME UNE NECESSITE DEVANT ‎L’APPARITION DE SIGNES DE DEMENCE, DE CONFUSION MENTALE OU DE PERTE DU ‎DISCERNEMENT CHEZ LUI, RISQUANT DE PLACER LE PAYS DANS UNE SITUATION DE « ‎PERIL IMMINENT ».‎

S’IL N’EMANE PAS DE LUI, C’EST DONC DE SON FRERE COMME DIRAIT JEAN DE LA ‎FONTAINE, MAIS CELA RENDRAIT LES CHOSES ENCORE PLUS COMPLIQUEES : CELA ‎SIGNIFIERAIT UNE ECLIPSE TOTALE DU PRESIDENT LEGAL, LA VACANCE DE LA FONCTION ‎PRESIDENTIELLE, ET UNE USURPATION DE POUVOIR.‎

Les nouvelles qui, au moment où j’écris, donnent une autre exégèse des événements ‎récents, celle d’un Ouyahia volant au secours de ses amis du patronat, renforceraient ‎l’hypothèse de l’évanescence du Président, tout en ouvrant instantanément une série ‎d’interrogations sur une collusion inattendue entre lui et le frère du Président.‎

Normalement, ils tendraient à s’évincer mutuellement plutôt qu’à se compléter. Si ce n’est ‎pas le cas, si le Président dispose toujours de ses facultés mentales, pourquoi a-t-il laissé son ‎frère emprunter l’apparat présidentiel à « al-Alia », et son directeur de cabinet attaquer ‎Tebboune en son nom ?‎

De quelque façon qu’on retourne le problème, on retombe toujours dans l’absurde, un ‎absurde dérivant de l’absurdité du 4e mandat. Qu’en sera-t-il d’un cinquième ?‎

‎(EL WATAN 12/08/2017)‎

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