Une année s’en va, une autre commence pour les hommes. Une ère finit, une autre s’ouvre pour les Algériens : celle d’un nouveau départ pour leur Révolution.
En cette nuit transitoire, des hommes et des peuples se sont arrêtés un instant pour fixer le mouvement imperturbable du balancier de l’horloge. Ils auraient voulu qu’il marquât par quelque signe ce passage si important pour eux d’un chiffre à un autre.
Mais le temps a poursuivi sa progression indifférente, sa fuite perpétuelle, sa marche inexorable vers on ne sait quel but, quelle fin, quelle destination.
Tels des fourmis grouillant sur les flancs d’un globe suspendu dans le néant, les peuples s’affairent à vaincre leur angoisse du vide cosmique. L’œuvre de résistance consciente au temps destructeur continue depuis le néolithique, menée par les hommes avec plus ou moins de bonheur.
Quelques deux cent générations se sont succédé au cours de ces sept mille ans de combat de l’Histoire contre les temps anonymes. Les peuples sèment et cultivent, forgent et bâtissent, créent et consolident pour durer, pour donner un sens à leur présence sur la terre, pour vivre du mieux possible les moments impartis par l’éternité.
La hantise de durer, la peur du vide, la démesure de l’infini insaisissable leur insufflent l’élan prométhéen, le sentiment tragique, le courage chaque fois renouvelé de résister à l’œuvre du temps.
Les peuples qui possèdent la conscience historique, le sens historique, se dressent en permanence comme sujets actifs dans la lutte incessante de l’être dans l’Histoire contre le néant, contre l’existence végétative, inutile et parasitaire. Ils ont aussi une notion lucide des conditions implacables de la survie positive, du devenir dans l’Histoire.
Ces peuples regardent d’habitude loin devant eux et, sans perdre de vue leur passé, se refusent à vivre dans l’éternel hier. Ils s’assignent des objectifs éloignés de leur portée immédiate et échafaudent constamment de nouveaux projets.
Ils accomplissent au-delà de leurs besoins, au-delà de leurs possibilités, s’astreignent au perpétuel dépassement et jettent volontairement le bouchon plus loin devant eux. Ces peuples n’ont pas les yeux rivés sur des « acquis » que le temps se hâte de rendre dérisoires, mais sont en mouvement permanent, à la recherche du nouveau but, du prochain défi, du sens du monde.
Ils craignent qu’à tout moment le danseur ne se substitue dans certaines fonctions au calculateur, qu’il y ait dans la nation plus d’ « oratores » (ceux qui parlent) que de « laborators » (ceux qui travaillent), que la donnée personnelle n’entrave le chemin de l’intérêt général …
Pour prévenir ces malheurs, pour se prémunir de ces calamités, ils s’en remettent en général à la sagesse de leurs lois, à la fiabilité de leurs institutions, à la crédibilité de leurs mandataires.
En cette fin d’année, les Algériens ont reçu un grand cadeau : la promesse que leur Révolution allait connaître un nouveau départ.
Puisse la nouvelle année constituer le point de départ de la nouvelle ère promise : celle du travail, du sérieux, de la rigueur, de la justice, de la démocratie responsable, de la critique constructive et tant d’autres choses chères au cœur des algériens.
« Algérie-Actualité » du 02 janvier 1986