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LA VIE DE MALEK BENNNABI (28)

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A la veille de l’indépendance de l’Algérie, Bennabi rédige un texte extrêmement téméraire ‎‎(« Témoignage pour un million de martyrs »)dans lequel il s’en prend à la fois au GPRA et à ‎l’état-major de l’armée des frontières qui se disputent le pouvoir. Il est daté du 11 février ‎‎1962. En raison de son contenu explosif il ne sera publié qu’en 2000, lorsque le commandant ‎Lakhdar Bouragaâ en fera paraître le contenu intégral dans une annexe de ses Mémoires ‎édités à compte d’auteur (1).‎

Il était destiné au Conseil National de la Révolution Algérienne (CNRA) qui devait se réunir ‎en mai 1962 à Tripoli (Libye), mais le « zaïm » à qui Bennabi l’a confié (Ben Bella) a préféré ‎le garder par devers lui. Ce que constatant, Bennabi en remet une copie à Ammar Talbi, ‎alors étudiant au Caire, en le chargeant de le remettre au Dr. Khaldi à Alger pour ‎publication. ‎

Il était attendu de la réunion du CNRA dans la capitale libyenne qu’elle prépare la relève de ‎l’Etat français par l’Etat algérien, et qu’elle débatte de deux points principaux inscrits à ‎l’ordre du jour : un projet de programme et la désignation d’un Bureau politique. La ‎‎« Charte de Tripoli », qui prévoit la mise en place d’un parti unique et l’option socialiste est ‎votée à l’unanimité. Quant au second point, relatif à la structure du pouvoir à mettre en ‎place, Ben Bella et Khider proposent le remplacement du GPRA par un Bureau politique ‎composé d’eux-mêmes, Aït Ahmed, Boudiaf, Bitat, Ben Alla et Mohammedi Saïd. ‎

Un témoin des débats, Saâd Dahlab, écrit dans ses Mémoires : « Ce fut l’étincelle qui mit le ‎feu aux poudres. Les passions se déchaînèrent autour de cette seule question parce qu’elle ‎signifiait le pouvoir. Ben Bella et Khider jetaient le masque. Ils ne voulaient personne de ‎l’ancienne équipe…» (2).‎

Après dix jours de discussions, les membres du CNRA n’arrivent pas à s’entendre. Boudiaf et ‎Aït Ahmed refusent de s’allier à Ben Bella et à Khider, lesquels sont soutenus par l’état-‎major militaire. Benkhedda, président du GPRA, quitte Tripoli et rentre à Tunis. ‎

Le 30 juin, le GPRA décide de destituer et de dégrader les membres de l’état-major. Le 1er ‎juillet, le référendum a lieu à travers le territoire national. Le 3, les troupes de l’armée des ‎frontières rentrent en Algérie. Le 6, Ferhat Abbas se prononce contre la destitution de ‎l’EMG. Le 11, Ben Bella rentre en Algérie par Maghnia. Le 22, il proclame à Tlemcen la ‎formation du Bureau politique (la liste proposée au CNRA moins Aït Ahmed et Boudiaf). ‎Ferhat Abbas le soutient et le rejoint à Tlemcen. Le GPRA est éclaté : cinq de ses membres ‎font partie du BP (Ben Bella, Bitat, Boudiaf, Khider et Mohammedi), deux ont démissionné et ‎se sont retirés à Genève (Aït Ahmed et Dahlab), deux autres sont restés à Tunis (Boussouf et ‎Bentobbal), alors que Krim Belkacem s’est retiré en Kabylie. ‎

Le 02 août, un compromis est enfin trouvé sur la tenue d’élections pour désigner une ‎Assemblée constituante. Boudiaf réintègre le BP. Le 03, le BP rentre à Alger. Le 21, les ‎Oulamas proclament leur soutien à Ben Bella, suivis du Parti communiste algérien. Les ‎wilayas sont divisées entre le soutien au GPRA et au BP. Des affrontements éclatent. On ‎dénombre des centaines de morts. Le 20 septembre se tient l’élection de l’Assemblée ‎nationale constituante. Le 27, Ben Bella forme son gouvernement. ‎

Dans son « témoignage », Bennabi proclame sa volonté de dire au peuple algérien ce qu’il ‎sait de la Révolution et de ses dirigeants. Il commence par s’étonner de ce que des ‎personnages (dont il cite les noms) qui avaient été proches de l’administration coloniale se ‎soient retrouvés à la « Voix de l’Algérie », ou en charge des finances de la Révolution. Il y ‎affirme que le peuple doit être éclairé sur les comportements et les responsabilités de ‎chacun avant la tenue du référendum d’autodétermination. Il propose au CNRA de ‎convoquer à Alger un « Congrès extraordinaire du peuple algérien » qui formerait des ‎commissions chargées d’enquêter sur un ensemble de questions avant la tenue de toute ‎élection dans le pays. Il énumère ces questions : ‎

‎1-‎ Conditions de création en avril 1955 d’une direction autonome sous le nom de Zone ‎Autonome d’Alger (ZAA).‎

‎2-‎ Circonstances de la mort de Ben Boulaïd, Abbas Laghrour, Zighoud Youcef, Abdelhaï, ‎Mostefa Lakehal, Ben M’Hidi, Amirouche… Il y voit la main de la trahison et ‎incrimine la direction qui s’était autoproclamée en 1955, lorsque le gouvernement ‎français cherchait des « interlocuteurs valables » hors des rangs de l’ALN pour ‎négocier avec eux. Pour lui, même le détournement d’avion qui a permis ‎l’arrestation des « cinq » en 1956 résultait d’une trahison.‎

‎3-‎ Comportement des dirigeants issus du Congrès de la Soummam face à l’édification ‎de la « ligne Morrice » qui n’a été ni entravée ni retardée, mais au contraire ‎accompagnée d’une accalmie sur le front intérieur. Selon lui, le Congrès de la ‎Soummam avait été suivi d’une baisse d’intensité des combats et d’un transfert ‎délibéré des unités combattantes vers les frontières Est et Ouest, pour « laisser ‎souffler » les forces françaises et en prélude à l’ouverture de négociations (3). Il ‎estime que ces unités ont été transformées en unités de parade entre les mains des ‎‎« zaïms ».‎

‎4-‎ Circonstances dans lesquelles les déserteurs de l’armée française ont rejoint l’ALN et ‎les raisons de leur nomination à des fonctions sensibles au sein de l’ALN. ‎

‎5-‎ Assassinat de Allaoua Amira au siège du GPRA au Caire après qu’il eut mis en cause ‎le GPRA dans certains contacts secrets avec la France (4).‎

‎6-‎ Attitude des membres du GPRA envers les étudiants algériens à l’étranger.‎

‎7-‎ Gestion des finances par le GPRA et leur utilisation en dressant un état comparatif ‎des dépenses effectuées au profit de l’ALN et de celles consacrées au fonctionnement ‎du GPRA, dont les rémunérations allouées à ses membres (5).‎

‎8-‎ Modalités de constitution du CNRA et sa représentativité.‎

‎9-‎ Initiative d’engager l’Algérie dans des pourparlers au sujet du Grand Maghreb sans ‎consulter le peuple.‎

Dans la lettre d’accompagnement de « Témoignage pour un million de martyrs » qu’il ‎adresse à Ben Bella le 18 juin 1962, Bennabi demande la réunion d’un Congrès « comme ‎celui de 1936 », c’est-à-dire regroupant le FLN-ALN, les Oulamas, l’UDMA, le PCA et même ‎le MNA de Messali Hadj. Idée irrecevable pour ceux qui ont en main le pouvoir et qui ont ‎déjà arrêté le principe du parti unique. ‎

Il ressort de cette demande que Bennabi envisageait pour l’Algérie un système ‎démocratique fondé sur le pluralisme politique. En conclusion de son témoignage, il affirme ‎qu’on ne peut pas s’engager dans des élections sans que le peuple connaisse la vérité sur la ‎Révolution : « Les jours de deuil et de misère vécus par le peuple algérien pendant la ‎Révolution ont été, pour les « zaïms », les plus beaux de leurs jours qu’ils ont passés comme ‎les émirs arabes du pétrole dans leurs palais des mille et une nuits » écrit-il rageusement. ‎

Il déplore enfin qu’aucun « alem » ni intellectuel n’ait proféré le moindre mot pour ‎condamner ces agissements ou en informer le peuple. Une telle liberté de ton pouvait faire ‎craindre pour sa vie étant donné les mœurs politiques de l’époque. Si la lettre n’a été ‎connue, par un public forcément restreint, qu’en 2000, son contenu est passé pour l’essentiel ‎dans « Perspectives algériennes » et « Le problème des idées dans la société musulmane ». ‎

Ainsi est Bennabi : jamais il ne se tait, jamais il ne renonce à sa liberté de jugement et ‎d’expression. Les questions qu’il a soulevées sont, on s’en doute, gravissimes et laissent ‎clairement entendre que la Révolution algérienne a été « détournée » quelques mois à ‎peine après son lancement. Il n’a jamais fait mystère de cette conviction. ‎

Le Congrès de la Soummam ‎

Un peu moins de deux ans après le déclenchement de la Révolution, Krim Belkacem, Larbi ‎Ben M’hidi et Abane Ramdane s’entendent pour réunir un Congrès qui donnerait à la ‎Révolution une organisation, une direction et un programme. Celui-ci se tient effectivement ‎le 20 août 1956 dans un village de basse Kabylie et dure vingt jours. ‎

Le Congrès dresse le bilan de la Révolution, décide d’une réorganisation de l’ALN sur le ‎modèle des armées classiques, découpe le territoire national en six wilayas, érige Alger en ‎Zone autonome, adopte une plate-forme politique (rédigée pour l’essentiel par Amar ‎Ouzegane, un ancien responsable du Parti communiste algérien) et désigne une direction ‎constituée d’un exécutif de 05 membres (le Comité de Coordination et d’Exécution- CCE), et ‎une instance politico-législative de 34 membres (le Conseil National de la Révolution ‎Algérienne -CNRA). ‎

Lorsque les membres de la Délégation extérieure du FLN au Caire reçoivent les procès-‎verbaux et les résolutions du Congrès, ils s’aperçoivent qu’ils ont été exclus de la direction ‎de la Révolution. Ils contre-attaquent en reprochant au Congrès de ne pas être représentatif ‎et d’avoir « remis en cause le caractère islamique des futures institutions politiques », et en ‎rejetant ses décisions. Quant à la composition du CCE, ils récusent la nomination de ‎Benkhedda et de Dahlab, anciens « centralistes ». L’organisateur du Congrès, Abane ‎Ramdane, est sévèrement critiqué. On pense qu’il veut prendre le pouvoir et écarter les ‎‎« historiques » et les chefs de l’extérieur. ‎
La réunion au Caire du CNRA en août 1957 annule les décisions de la Soummam ; un ‎nouveau CCE de 9 membres est désigné ; Abane est marginalisé ; on lui confie la direction ‎du journal « El-Moudjahid ».‎

La proclamation du 1er Novembre 1954 avait assigné pour premier but à la Révolution « la ‎restauration de l’Etat algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes ‎islamiques ». Dans la « Plateforme de la Soumam », il est question d’ « un Etat algérien sous ‎la forme d’une République démocratique et sociale et non la restauration d’une monarchie ‎ou d’une théocratie révolues ». ‎

Deux mois après le Congrès, les quatre principaux membres de la Délégation extérieure ‎sont arrêtés après le détournement de leur avion. Venues à l’oreille de Bennabi, de telles ‎‎« nuances » et de telles « coïncidences » ne peuvent passer pour innocentes. Il y voit un plan ‎méticuleusement préparé pour vider la Révolution de ses valeurs. Il s’insurge contre le ‎changement introduit dans l’organisation de la Révolution qui n’est plus le « Nidham », ‎contre la hiérarchisation des rangs des « moudjahidine », et contre l’introduction du ‎‎« stimulant matériel » (les soldes). ‎

Quoi qu’il en soit des œuvres publiques de Bennabi, il faut dire que c’est dans ses Mémoires ‎inédits et dans ses Carnets que nous trouvons ses véritables sentiments et pensées. Pour lui, ‎cette Révolution était « le rugissement du lion, le mot de ralliement des compagnons de Ben ‎Boulaïd, ces héros du 1er novembre 1954. C’était le cri qui faisait trembler le colonialisme ‎parce qu’il se rendait compte, tant que ce cri était poussé (Allah Akbar), que la Révolution ‎avait encore une âme. » ‎

Aussi allait-il s’inquiéter de voir Ben Bella d’abord, puis Abane Ramdane ensuite au Congrès ‎de la Soummam, proposer la transformation de la Révolution en organisation classique et ‎conventionnelle. Il allait encore davantage s’alarmer en voyant les intellectomanes (qu’il ‎nomme) se glisser à la tête de la Révolution Il écrit dans ses Carnets en date du 7 janvier ‎‎1959 : « La Révolution n’a plus son âme, elle est morte ; les « zaïms » ont fait des ‎‎« moudjahidines » des tirailleurs ». ‎

Des six « historiques » qui ont déclenché la Révolution, Didouche Mourad, Mostefa Ben ‎Boulaïd et Larbi Ben M’hidi sont morts ; Boudiaf et Bitat sont en prison ; il ne reste plus que ‎Krim Belkacem vivant et en liberté. ‎

Nous le savons, toute la vie de Bennabi est un témoignage de l’existence de forces occultes ‎qui pèsent sur l’orientation des évènements, des idées et des choses. Comment ne verrait-il ‎pas dans ces morts subites et ces arrestations opportunes les séquences d’un plan prémédité ‎pour mener la Révolution algérienne dans une autre direction que celle de l’authenticité ? ‎C’est donc presque naturellement qu’il va être de ceux qui penseront que Abane Ramdane ‎n’était pas « net ». ‎

Dans « Le problème des idées », il parle de lui comme de quelqu’un dont le rôle a été ‎néfaste à la Révolution. A l’époque où Bennabi écrivait son livre, les acteurs directs de ces ‎évènements (Abbas, Lebjaoui, Dahlab, Benkhedda, Yacef Saâdi, Ali Kafi…) et les témoins les ‎plus proches ne s’étaient pas encore exprimés et n’avaient pas écrit les ouvrages qu’on ‎connaît. Les historiens comme Harbi n’avaient pas encore étalé les archives de la ‎Révolution, ni l’administration militaire française les siennes. ‎

Mais Bennabi peut-il croire en d’autres grilles de lecture que la sienne, forgée dans un ‎contexte hallucinant et basée sur des critères essentiellement idéologiques et moraux? ‎Abane avait des idées marxistes et laïques et ne s’en cachait pas. Mais était-il pour autant ‎un « traître » ? Il était de caractère difficile, cassant, autoritaire, méprisant. Cela, tous ceux ‎qui ont écrit sur lui le confirment (6). ‎

Khalfa Mameri raconte par le menu détail les très difficiles relations que Abane avait avec ‎la plupart des dirigeants, à commencer par celui qui l’a recruté au PPA, Omar Oussedik, ‎celui qui l’a nommé à la tête d’Alger, Krim Belkacem (qu’il a un jour publiquement traité ‎d’ « aghioul » (âne)), les membres de la Délégation extérieure (surtout Ben Bella qu’il a ‎accusé d’être un « traître ») et les colonels de la Révolution (Boussouf, Boumediene, ‎Bentobbal, Amirouche, qu’il lui est arrivé de qualifier de « voyous »).‎

Il pensait qu’il était le plus qualifié pour diriger la Révolution, ce qui a suscité chez les autres ‎prétendants une terrible méfiance à son égard. Mameri a consacré à Abane un livre ‎extrêmement documenté et d’une grande impartialité puisqu’il n’hésite pas à s’attarder sur ‎les zones d’ombre de sa vie qui ont justement servi à alimenter la terrible accusation qui a ‎pesé sur lui (7). ‎

Saâd Dahlab qui était très proche de Abane et à qui il devait son ascension politique écrit : ‎‎« Il nous mettait souvent devant le fait accompli… Rien n’irritait davantage Krim et Ben ‎M’hidi que de le voir « jouer au chef ».‎
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Né en Kabylie en 1920, Abane Ramdane a fait ses études primaires dans son village natal, ‎puis à Blida où il a obtenu en 1942 son baccalauréat, série mathématiques. Lamine ‎Debaghine, Benyoucef Benkhedda et Saâd Dahlab qu’il désignera plus tard, le premier à la ‎tête de la Délégation extérieure du FLN et les seconds au CCE, ont étudié dans le même ‎établissement. Avec eux, il découvre le militantisme PPA. ‎

La guerre mondiale et la situation économique de sa famille ne lui permettent pas de ‎s’inscrire à l’université. Il est mobilisé par l’armée française et accomplit son service ‎militaire à Fort-National (Larbaâ-Nath-Irathen), non loin de chez lui, puis dans les ‎‎« Tirailleurs algériens» à Blida. Il n’ira pas sur le front et ne sera démobilisé qu’en mai 1946. ‎

Omar Oussedik, membre de la direction du PPA, le recrute en juin à Fort-National. Il est ‎employé à la commune mixte de Châteaudun comme secrétaire d’octobre 1946 à octobre ‎‎1947, poste dont il démissionne (comme Bennabi vingt ans avant lui, dans la même ‎commune).‎

Il devient permanent du PPA à Sétif et entre en clandestinité. Il fait partie de l’OS à sa ‎création en 1947, mais un doute subsiste sur cette appartenance. Il est désigné responsable ‎de wilaya en 1949. Khalfa Mameri n’a pas pu trancher entre la wilaya de Sétif, celle de ‎Annaba et celle de l’Oranie, écrivant : « La désignation de Abane comme chef de wilaya ‎nous pose un problème comme pour son appartenance à l’OS ». Il est arrêté en mai 1950, ‎mais là aussi un doute existe sur le lieu de l’arrestation, « soit à Aïn Témouchent, soit à ‎Mostaganem, sans qu’on ait pu trancher entre ces deux villes » note Mameri. ‎

L’auteur continue : « Un autre élément mérite d’être signalé. Ses parents nous ont indiqué ‎que son père recevait de son fils une contribution financière évaluée à 15.000 francs de ‎l’époque… Cela est-il vraisemblable ? Il n’est pas facile de trancher. Surtout en matière de ‎périodicité. Car il est tout à fait possible que Abane Ramdane, qui n’a pas dû toucher, au ‎début, plus de 5 à 6000 francs, comme simple permanent du PPA-MTLD, ait pu gagner ‎autour de 15 à 20.000 francs comme chef de wilaya. » ‎

L’OS est découverte en mars 1950. Il est arrêté en mai et incarcéré à Bejaïa où il se lie à un ‎gardien de prison juif, Atlan (8) « particulièrement bien disposé à l’égard de son prisonnier » ‎selon Mameri. Abane est « interrogé par les trois commissaires principaux d’Algérie : celui ‎d’Oran, celui de Constantine et celui d’Alger, un certain Costes qui aurait dit à la suite de ‎l’interrogatoire que son détenu « a l’étoffe d’un chef et peut devenir une grande ‎personnalité ». Son avocat est Abderrahmane Kiouane, membre du comité central du MTLD ‎et ami de Benkhedda. ‎

Abane est jugé en février 1951 et condamné à cinq ans de prison, dix ans d’interdiction de ‎séjour, dix ans de privation des droits civiques et 500.000 francs d’amende. Il est transféré à ‎Alger (Barberousse-Serkadji). Après une mutinerie, il est renvoyé à la prison de Bejaïa. ‎Début 1952, il est transféré en France où il va se retrouver seul dans une prison d’Alsace. Là, ‎il entame une grève de la faim qui durera 33 jours et arrive à faire sortir de prison une ‎lettre destinée à ses compagnons de militantisme où il dénonce ses conditions de détention ‎et où il dit : « Vous n’avez pas à rougir de nous. Nous n’avons jamais failli à notre devoir. ‎Notre seul but, c’est de sortir et de reprendre la lutte, plus implacable que jamais. » ‎

A la suite de la médiatisation de cette lettre, le directeur de la prison est démis de ses ‎fonctions et Abane transféré dans le Sud de la France avec le statut de détenu politique. Il ‎reçoit du courrier qui l’informe sur tout ce qui se passe au sein du PPA-MTLD alors en pleine ‎crise. A l’automne 1954, et alors que la Révolution vient de commencer, il est ramené à ‎Alger (al-Harrach). ‎

En janvier 1955, il est libéré cinq mois avant l’expiration de sa peine. Mameri écrit : ‎‎« Comment ne pas être surpris par une libération qui intervient juste au moment où l’Algérie ‎commence à s’embraser… ? Ce n’est pas l’assignation à résidence de Abane, obligé de ‎pointer une fois par semaine auprès de la gendarmerie de Fort-National, qui va l’empêcher ‎d’entrer à son tour dans le combat libérateur auquel, au fond, il avait toujours voulu prendre ‎part sans en rencontrer l’occasion. » ‎

Il rentre chez lui à Azouza. Une semaine après, il est contacté par Slimane Dehilès et Amar ‎Ouamrane, futurs colonels de la Révolution, mandatés par Krim Belkacem qui lui offre de ‎devenir l’adjoint de Bitat pour l’information et la propagande dans l’Algérois.‎
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Début mars 1955, Abane rejoint Alger où il est logé chez des militants. Bitat est arrêté au ‎cours du même mois. Krim et lui ont failli être arrêtés en même temps que Bitat, tous trois ‎ayant été manipulés par un traître qui les a attirés dans un traquenard tendu par la police. A ‎la dernière minute, Krim et Abane ne se sont pas présentés au rendez-vous fixé dans la ‎Casbah. ‎
Khalfa Mameri écrit : « Le voici donc par le double effet du hasard et de la nécessité, destiné ‎à assumer la plus grande responsabilité. On glosera à l’infini sur les circonstances de cette ‎ascension. L’a-t-il voulue, s’est-il imposé, l’a-t-on imposé, que se serait-il passé si Bitat ‎n’avait pas été capturé ? Y avait-il quelqu’un d’autre pour succéder à ce dernier, tel par ‎exemple Souidani Boudjemâa qui était son adjoint? Autant de questions qui peuvent venir à ‎l’esprit mais qui n’ont plus guère d’intérêt aujourd’hui car dès le jour de l’arrestation de ‎Bitat, Alger s’est vue littéralement prise en main par un homme d’une rare envergure». ‎

Abane n’est pas favorable à l’action militaire à Alger, et se méfie des groupes formés par ‎Yacef Saadi et Mokhtar Bouchafa. Il prend le titre de « Délégué national du FLN » et s’attelle ‎à rallier toutes les forces politiques (« Centralistes » du MTLD, Oulamas, partisans de Ferhat ‎Abbas, communistes…). Il suscite la création des grandes organisations nationales ‎‎(commerçants, travailleurs, étudiants…), passe commande à Moufdi Zakaria de l’hymne ‎national… ‎

C’est ce qui lui sera reproché, notamment par le colonel de la Révolution Ali Kafi, futur ‎membre du Haut Comité d’Etat (1992-1994) qui l’accusera dans ses Mémoires d’avoir ‎favorisé l’avènement des partisans de Ferhat Abbas et des « Centralistes » à la tête de la ‎Révolution, et d’avoir dénaturé son esprit pour mieux négocier avec la France. D’après lui, ‎Amirouche a établi la preuve que Abane entretenait des relations secrètes avec les Français ‎‎(9). Ces éléments et ces arguments ont dû entrer en ligne de compte dans le jugement de ‎Bennabi.‎

Khalfa Mameri leur oppose une réponse : « Le rassemblement des forces nationales dans le ‎combat libérateur ne s’est pas fait sans mal. Il s’est inscrit sur un fond de crise sans ‎précédent qui n’a pu être résorbé, et dans une longue tradition de déchirements et ‎d’ostracisme entre les diverses formations politiques. La querelle est loin d’être close. ‎Aujourd’hui encore, bon nombre d’Algériens, témoins de l’époque, admettent difficilement ‎l’intégration individuelle des cadres et militants des formations traditionnelles au sein du ‎FLN du temps de guerre. A les entendre, la Révolution a été contrariée dans sa course par ‎les éléments modérés qui n’y croyaient pas. Plus encore, ils l’auraient indirectement ‎combattue, retardée ou affaiblie en laissant croire aux autorités coloniales qu’une solution ‎de type « troisième force » était possible… La reconversion tardive de ces éléments modérés ‎à la Révolution a toujours été suspecte aux yeux de ceux qui professent leur hostilité au ‎rassemblement opéré… Qu’on leur ouvre les portes de la Révolution, c’était déjà énorme. ‎Qu’ils deviennent des chefs, c’était déjà trahir en quelque sorte cette même révolution… ‎C’est ce qui sera reproché à Abane Ramdane. » ‎
Notamment par Bennabi. ‎

Lors de sa rencontre avec Ferhat Abbas en février 1956, rapporte ce dernier, Abane lui ‎dit : « Le FLN n’appartient à personne, mais au peuple qui se bat. L’équipe qui a déclenché la ‎Révolution n’a acquis sur celle-ci aucun droit de propriété. Si la Révolution n’est pas l’œuvre ‎de tous, elle avortera inévitablement… Personne n’a le droit de vous juger. Il y a place pour ‎tous dans cette guerre de libération… Votre adhésion au FLN donnera un élan aux forces ‎populaires ». ‎

Le rencontrant une deuxième fois deux mois plus tard et alors que Ferhat Abbas, âgé de 57 ‎ans, s’apprête à quitter l’Algérie pour le Caire, Abane, qui n’en a que 36, lui tient ce langage ‎dans lequel se serait reconnu Bennabi : « Il ne faut permettre à personne de s’identifier avec ‎la Révolution ou de la personnifier. Celle-ci doit rester l’œuvre exclusive du peuple ‎souverain. Sinon, ce peuple passerait d’une colonisation à une autre colonisation, d’une ‎servitude à une autre servitude. » ‎

Quelle signification accorder à ces propos ? Conscience du mal que pouvait constituer le ‎‎« zaïmisme », tactique pour décrédibiliser « ceux de l’extérieur»? Trancher serait verser ‎dans le procès d’intention. ‎
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De son côté, Abane reprochait à la Délégation extérieure, avant qu’il ne la remanie, de ne ‎pas alimenter les maquis en armes, et à ses membres de s’être arrangés pour se mettre en ‎lieu sûr après avoir « allumé la mèche ». Mais lui-même, ainsi que les autres membres du ‎CCE, ne vont pas tarder à quitter le front intérieur pour se réfugier à l’extérieur après ‎l’arrestation de Larbi Ben M’hidi et ce, en violation des décisions du Congrès de la ‎Soummam qui avait consacré la primauté de l’intérieur sur l’extérieur. ‎

Yacef Saâdi, qui dénie au CCE tout rôle dans la « Bataille d’Alger », est ulcéré quand il ‎apprend leur décision de quitter le territoire national : « Ils ont choisi, à la faveur ou à cause ‎de la grève, de prendre leurs jambes à leur cou et déserter le champ de bataille… Moins ‎brillant qu’à son arrivée de la Soummam, le CCE était reparti en baissant la tête… Le ‎précédent créé par le CCE se traduira par deux conséquences majeures : primo, à partir de ‎cette date, des milliers d’Algériens fuyant la guerre, n’essaieront même pas de justifier leur ‎acte auprès du FLN de l’intérieur… A l’abri de la frontière tunisienne et marocaine, on ‎tentera de former avec les meilleurs d’entre eux ce qu’on appelle « l’armée des ‎frontières » ; secundo, s’il est un homme dans l’histoire récente de notre guerre de ‎libération qui perdra tout son poids à cause de ce départ irréfléchi à l’étranger, c’est bien ‎Abane Ramdane qui, de chef de gouvernement révolutionnaire bénéficiant de la quasi-‎totalité des prérogatives pour conduire la guerre à bon port, est relégué au niveau de ‎directeur de journal » (10).‎

Un des membres du CCE, Benkhedda, reconnaîtra quarante ans plus tard que la plus grande ‎erreur de la Révolution a été de transférer à l’étranger sa direction : « Il s’est formé une ‎bureaucratie politique et militaire coupée de l’intérieur et de ses réalités quotidiennes, qui a ‎ouvert la voie à l’arrivisme, à l’opportunisme, au népotisme, et dont l’origine remonte à la ‎sortie du CCE en 1957, une décision lourde de conséquences… C’est cet appareil forgé à ‎l’extérieur qui prendra le pouvoir en 1962 et confisquera la Révolution à son profit. ‎Beaucoup plus que pour le GPRA, l’état-major général siégeant à l’extérieur a été une ‎aberration. L’ALN a été divisée en deux : celle des deux frontières, et celle de l’intérieur, ‎séparées l’une de l’autre par la ligne Morrice » (11).‎

Le 27 décembre 1957, quelque part à Tétouan, au Maroc, Abane Ramdane, attiré dans un ‎guet-apens, est assassiné par ses pairs du CCE. Plus tard, Ferhat Abbas mettra cet assassinat ‎sur le compte de « la haine que les analphabètes vouaient à ceux qui savaient lire et écrire. ‎La jalousie et l’envie ont été les deux maladies de l’insurrection algérienne… Au cours de son ‎histoire, le Maghreb a toujours décapité la société en supprimant ses élites pour ‎recommencer du début. C’est pourquoi il a stagné sans jamais progresser » (12). ‎
Avant d’être tué, Abane aurait été jugé en son absence, selon le témoignage de Krim ‎Belkacem. L’accusation retenue contre lui aurait été de s’être livré à un travail fractionnel et ‎d’avoir comploté avec un commandant de l’ALN pour renverser le nouveau CCE (13). ‎

Les négociations ‎

On a reproché à Abane Ramdane d’avoir voulu très tôt négocier avec les Français. Comme ‎dans tout conflit, la négociation était souhaitée et recherchée des deux côtés ; seuls les ‎préalables et les conditions différaient. Le principe de la négociation et son objet ont été ‎clairement posés, avant même le déclenchement de la lutte armée, dans la « Proclamation ‎du 1er novembre 1954».‎
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C’est ainsi que dès janvier 1955 Vincent Monteil, chef de cabinet militaire du gouverneur ‎général Jacques Soustelle, rencontre dans sa cellule Mostefa Ben Boulaïd arrêté depuis ‎quelques jours, et Kiouane et Benkhedda détenus à la prison Barberousse. En juin, Ferhat ‎Abbas propose à Abane Ramdane, en présence du colonel Amar Ouamrane, de prendre des ‎contacts à Paris où il devait se rendre pour « essayer d’arrêter cette guerre qui va être ‎catastrophique pour tout le monde. M’autorisez-vous à contacter les responsables français ‎pour une éventuelle négociation ? » Abane lui répond : « Vous avez notre accord, à la ‎condition que la négociation passe par le FLN ». ‎

A Paris, Abbas rencontre tout le spectre de la politique française (Borgeaud, Mendes-France, ‎Michelet, Hamon, Pineau, le maréchal Juin, le président Reynaud, Pleven, Viollette, ‎Schumann, Debré, Soustelle, Faure, Bourgès-Maunoury, Mitterrand, etc), mais ne perçoit ‎aucune volonté pacifique du côté français où, au contraire, on se prépare à la guerre totale. ‎

Deux mois plus tard éclatent les évènements du 20 août à Skikda qui se soldent par la mort ‎de 72 Européens et le massacre de 12.000 Algériens. Bendjelloul, dont le frère a été exécuté ‎par les colons à Oued Zenati (Est algérien), déclenche la « Motion des 61 » (élus algériens) ‎par laquelle ceux-ci condamnent la répression française et refusent de servir plus longtemps ‎de faire-valoir à la politique d’intégration. La France n’a plus sur qui compter. Elle a ‎désormais contre elle tous les Algériens. A Alger, Mohamed Lebjaoui rencontre secrètement ‎Jacques Chevalier, maire d’Alger (14). Soustelle confie à Massignon fin novembre 1955 : ‎‎« Messali est ma dernière carte » (15).‎

En février 1956, le socialiste Guy Mollet forme un nouveau gouvernement. Il se rend en ‎Algérie où l’atmosphère le convainc vite que la recherche de la paix est hors de question ‎pour les Français d’Algérie. Les « pouvoirs spéciaux » sont votés en mars pour « mater la ‎rébellion ». Une nouvelle rencontre a lieu à Alger entre Abane Ramdane et Ferhat Abbas, ‎accompagné de Boumendjel. Il leur demande de dissoudre l’UDMA et de rejoindre au Caire ‎la Délégation extérieure du FLN.‎
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Au mois d’avril, le parti socialiste français (SFIO) au pouvoir délègue George Gorce au Caire ‎pour prendre contact avec Mohamed Khider, puis Pierre Commin en Suisse pour rencontrer ‎Abdelhafid Boussouf. A Alger, Abane et Benkhedda reçoivent l’avocat Charles Verny, un ‎proche de Mendès-France, en présence d’André Mandouze. En juillet, août et septembre, de ‎nouvelles rencontres ont lieu à Belgrade et à Rome entre des envoyés algériens et français, ‎mais sans aboutir à quoi que ce soit. Les contacts cessent avec le détournement de l’avion ‎transportant les leaders algériens en octobre 1956 (16). ‎

Ils ne reprendront qu’une année plus tard par le biais de Jacques Chevallier, Jean Amrouche, ‎Olivier Guichard, Abderrahmane Farès et Ferhat Abbas, mais sans influer sur le cours des ‎évènements (17). Plus tard, Ben Bella confiera à son biographe Robert Merle : « Nous étions ‎entrés en contact depuis un an avec le gouvernement du président Guy Mollet pour tenter ‎de mettre fin à la guerre d’Algérie par un accord négocié. Il y eut cinq rencontres : une au ‎Caire, deux à Belgrade et deux à Rome. Le dernier rendez-vous a occupé une partie ‎importante de septembre 1956 » (18). ‎

Rappelé aux affaires en juin 1958, le général de Gaulle entrouvre discrètement la porte des ‎négociations tout en mettant l’accent sur l’effort militaire. Georges Pompidou, Edmond ‎Michelet, Robert Buron, René Brouillet, Abderrahmane Farès et Jean Amrouche seront ses ‎envoyés et ses intermédiaires de confiance. Mais les conditions qu’il met à l’aboutissement ‎des négociations sont inacceptables pour les Algériens. ‎

Il lance l’idée de « paix des braves ». Le GPRA, présidé par Ferhat Abbas, repousse l’offre et ‎appelle à la « lutte à outrance ». Entre-temps, le gouvernement français n’a pas renoncé à ‎chercher une « troisième force » pour contourner le FLN et l’ALN. Ce n’est qu’après une ‎autre année de durs combats que de Gaulle proclame le 16 septembre 1959 son intention de ‎recourir à un référendum sur l’autodétermination de l’Algérie, mais sans le Sahara.‎
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Des troubles, provoqués par les partisans de l’Algérie française, éclatent en Algérie et en ‎France. L’armée exprime son mécontentement. Le GPRA répond le 29 septembre à Tunis ‎que le référendum doit se tenir après le départ de l’armée française et que le Sahara fait ‎partie intégrante de l’Algérie qui n’envisage que l’indépendance. Le 14 juin 1960, de Gaulle ‎vise pour la première fois les « dirigeants de l’insurrection » et déclare : « Nous les ‎attendons ici pour trouver avec eux une fin honorable aux combats ». ‎

Le GPRA accepte l’offre et délègue à Melun Ahmed Boumendjel et Mohammed Benyahia. Ils ‎ont en face d’eux le général Robert de Gastines, le colonel Mahon et Roger Moris. Après ‎quelques jours de discussions, la France décide d’arrêter les pourparlers, n’ayant pu faire ‎accepter ses préalables (dépôt des armes) à la partie algérienne. ‎

A la fin de l’année éclatent les manifestations des 10 et 11 décembre où la population ‎algérienne déferle dans les rues pour adresser un message clair à de Gaulle en tournée en ‎Algérie. Des centaines d’Algériens sont abattus par l’armée dans plusieurs villes. De Gaulle ‎comprend enfin qu’il ne peut plus rien pour le maintien de la France en Algérie. ‎

L’ONU vote une résolution en faveur de l’autodétermination du peuple algérien. Le 08 ‎janvier 1961 se tient le référendum espéré d’un côté et redouté de l’autre. Une majorité de ‎Français de France répondent « Oui » à l’autodétermination, tandis que 72% des Français ‎d’Algérie se prononcent par « Non ». ‎

En février 1961, une nouvelle rencontre a lieu à Lucerne entre Boumendjel et Boulahrouf ‎d’un côté, et Georges Pompidou de l’autre. Les négociations progressent pour la première ‎fois. De Gaulle décide d’une trêve unilatérale. Une organisation terroriste, l’OAS, fait son ‎apparition et se lance dans une vague insensée d’actions terroristes en France et en Algérie. ‎Des généraux français sont impliqués dans sa mise en place et sa direction. En mai, un ‎nouveau round de négociations est lancé à Evian dont le maire, Camille Blanc, est aussitôt ‎abattu par l’OAS. ‎

La délégation algérienne est conduite par Krim Belkacem et comprend Ahmed Francis, ‎Ahmed Boumendjel et deux officiers de l’ALN. Après trois semaines de tractations, les ‎négociations continuent de buter sur l’intégrité du territoire algérien ; elles reprennent fin ‎juillet à Lugrin. ‎
En août, le GPRA est remanié ; Ferhat Abbas est remplacé par Benkhedda. En octobre, de ‎Gaulle déclare qu’il accepte les conditions algériennes : autodétermination, indépendance, ‎intégrité du territoire. En février 1962, les rencontres reprennent aux « Rousses ». Elles ‎aboutissent le 18 mars 1962 aux fameux « Accords d’Evian ».‎
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Le cessez-le-feu entre en vigueur le 19 mars. Le 07 avril, un « Exécutif provisoire », dirigé ‎par Abderrahmane Fares est créé à Boumerdès. Le 08, un référendum approuve les Accords. ‎Le 03 juillet, l’indépendance de l’Algérie est proclamée, le drapeau algérien hissé et celui de ‎la France ramené. (A ‎SUIVRE)‎

NOTES :‎
‎ « Chahid âla ightial ath-thawra » (« Témoignage sur l’assassinat de la Révolution »), Ed. El-Oumma, Alger 2000. ‎

‎2 Saâd Dahlab : « Mission accomplie », Ed. Dahlab, Alger 1990.‎

‎3) B.Stora et Z.Daoud ont fait état dans leur livre collectif d’un rapport des Renseignement généraux français du ‎‎18 décembre 1956 où il est écrit: « Un groupe prend, petit à petit, une influence importante dans le ‎FLN métropolitain. Il comprend un groupe d’intellectuels, anciennement membres de l’UDMA, qui ont suivi ‎Ferhat Abbas lorsque celui-ci, au Caire, a rallié le FLN. Il a à sa tête Boumendjel, avocat à Paris et conseiller de ‎l’Union française, Yalaoui, employé d’assurances, et quelques Français musulmans, médecins, pharmaciens, ‎membres du corps enseignant, récemment venus d’Algérie. Ce groupe est en contact avec un autre groupe par ‎l’intermédiaire des étudiants avec lesquels il possède des affinités de pensée fort compréhensibles, mais les ‎véritables chefs de la Fédération de France du FLN lui gardent une suspicion marquée du fait que ses membres ‎appartenaient hier encore à un parti dont les connivences avec l’administration étaient trop connues. » Ibid.‎

‎4) Membre de la représentation du FLN au Liban, Allaoua Amira est reçu au siège du GPRA au Caire. Accusé ‎d’avoir tenu des propos désobligeants à l’égard des membres du GPRA, il a une altercation avec Ferhat Abbas ‎qui le gifle. 48 heures plus tard, il est retrouvé mort près du siège du GPRA. La police égyptienne qui ouvre une ‎enquête découvre dans sa serviette (« entre les pages de mon livre « L’Afro-Asiatisme » écrit Bennabi dans ses ‎Carnets), des documents qu’elle confisque. ‎

‎5) Benkhedda a publié ces comptes pour la période où il était à la fois président du GPRA et ministre des ‎finances : « Du 24 septembre 1961 au 30 juin 1962, le GPRA a versé aux différents départements du FLN et de ‎l’ALN la somme de 12 milliards environ. La répartition de cette somme s’est faite dans les proportions suivantes : ‎
Etat-major général : 45,81%‎
Ministère de l’armement et des liaisons générales (MALG) : 25%‎
Ministère de l’intérieur : 16%‎
Les wilayas : 7,30%‎
Ministère des affaires étrangères : 1,95%‎
Ministère de l’information : 0,80%‎
Présidence du GPRA : 0,20%‎
S’agissant du fameux « Trésor du FLN », Benkhedda écrit : « Lorsque le Bureau politique prit la succession du ‎GPRA en août 1962, la responsabilité des finances fut détenue par le secrétaire général et trésorier du FLN, ‎Mohamed Khider, à la suite d’un ordre donné par moi-même aux différents établissements bancaires chargés ‎des opérations financières du GPRA. Khider a disposé alors des avoirs déposés dans les banques suisses et ‎autres, évalués à près de six milliards de francs dont 4,7 en devises fortes » (cf. Benyoucef Benkhedda : ‎‎« L’Algérie à l’indépendance : la crise de 1962». Ed. Dahlab, Alger 1997). Khider a été assassiné le 3 janvier ‎‎1967 à Madrid.‎

‎6) Notamment : ‎
Saad Dahlab :op.cité.‎
Benyoucef Benkhedda : op.cités.‎
Ferhat Abbas : op.cités. ‎
B.Stora et Z.Daoud : op.cité.‎
Amar Hamdani : « Krim Belkacem, le lion des djebels », Ed. Balland, Paris 1973. ‎
Yacef Saâdi : « La bataille d’Alger » (trois volumes), Ed. Casbah, Alger 1997. ‎

‎7) Cf. « Abane Ramdane, une vie pour l’Algérie », Ed. K.Mameri, Alger 1996. ‎

‎8) Existe-t-il un lien entre cet homme et le peintre de Constantine du même nom que Bennabi et Ben Saï ont ‎fréquenté à Paris dans les années 1930 ? Celui-ci, Jean-Michel Atlan (1913-1960) était connu pour son intérêt ‎pour l’ésotérisme qui s’est reflété dans sa peinture.‎

‎9) Cf. « Mémoires du président Ali Kafi » (en arabe), Ed. Casbah, Alger 1999. ‎

‎10) Cf. Yacef Saâdi : « La bataille d’Alger », T.3, Ed. Casbah, Alger 1997. ‎

‎11) « La crise de 1962 », op.cité.‎
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‎12) F.Abbas : « L’indépendance confisquée ».‎

‎13) Cf. Amar Hamdani : « Krim Belkacem, le lion des djebels », op.cité. ‎

‎14) Cf. Mohamed Lebjaoui « Vérités sur la Révolution algérienne », Ed. Gallimard, Paris 1970. ‎

‎15) Cité in C.et F. Jeanson, « L’Algérie hors-la-loi », Ed. du Seuil, Paris 1955.‎
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‎16) L’organe de l’Association des Oulamas publie le 20 janvier 1956 un communiqué où on peut lire : ‎‎« L’Association des oulama algériens félicite les peuples marocain et tunisien pour leur noble combat contre le ‎colonialisme et l’impérialisme ; proclame que l’ordre colonialiste est le seul responsable des malheurs dévorant ce ‎pays depuis 1830 : réclame l’indépendance de l’Algérie dans le respect des intérêts de tous et la conservation des ‎droits de chacun, et engage le gouvernement français à négocier dans cette intention avec les représentants ‎authentiques du peuple algérien. »‎
Un peu plus tard, l’Association précisera encore davantage sa position : « Les combats ne cesseront que si ‎l’Algérie devient une nation libre, le gouvernement français s’engageant à respecter les aspirations du peuple ‎algérien à la dignité et à l’indépendance. Le dialogue devra s’engager avec les combattants qui supportent tous ‎les fardeaux, ou avec leurs représentants légitimes. Aujourd’hui, la parole est à ceux qui combattent, et non à ceux ‎qui fréquentent les salons. » En avril, le journal « Al Basaïr » est suspendu par les autorités coloniales. ‎

‎17) En juin 1957, Germaine Tillon est à Alger pour une mission de bons offices et est reçue par Yacef Saâdi, Ali la ‎Pointe et Zohra Drif.Yacef Saadi en informe le CCE à Tunis. L’émissaire qu’il a chargé de cette mission sera ‎‎« retourné » par les services français et sera à l’origine, avec un autre traître, du démantèlement des réseaux ‎d’Alger, de l’arrestation de Yacef Saâdi et de la mort de Ali la Pointe, Hassiba Ben Bouali, « Petit Omar », Ramel ‎et beaucoup d’autres glorieux combattants de la « Bataille d’Alger ». ‎

‎18) Cf. « Ahmed Ben Bella », Ed. Gallimard, Paris 1965.‎

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