Lakhdar Bouragaa a eu tort de traiter l’Armée Nationale Populaire (dénomination prise par l’ALN à l’indépendance) de « milice », de « mafia » et d’« héritière indigne de l’ALN ».
Mais ces propos sont suffisamment condamnables en soi pour avoir besoin de leur ajouter des attaques sur le parcours de l’homme.
La partie qui a ordonné samedi, jour de week-end, l’arrestation de cet ancien combattant de 86 ans à son domicile sans dépôt de plainte et mandat d’amener préalables (à notre connaissance), a ramené le pays à la sinistre époque des « enlèvements » extra-judiciaires. Elle a violé des droits consacrés par la Constitution.
On est donc devant deux dérives.
Cette affaire vient en outre en pleine campagne d’arrestation de citoyens et citoyennes en « flagrant délit » de port d’un drapeau sur la signification duquel les avis divergent : drapeau du MAK pour les uns, drapeau exprimant l’attachement à nos origines amazighes reconnues dans la Constitution, pour d’autres.
Il y aura forcément d’autres mises sous mandat de dépôt dans bon nombre de wilayas dans les semaines et mois à venir, dont celles de bébés dans leurs poussettes et de vieilles mémés revêtues du fameux étendard ne serait-ce que par « taghennant ».
Ces péripéties sont de nature à relancer les interrogations internes et externes sur le cours des événements en Algérie :
1) Vont-ils servir la révolution citoyenne en renforçant le sentiment d’unité nationale ?
2) Vont-ils la desservir en poussant une partie de la population à se méfier d’une autre, voire à diaboliser certaines wilayas jusqu’à les rapprocher des thèses du fédéralisme et du séparatisme ?
3) Vont-ils favoriser l’institution d’un Etat civil et démocratique dans une ambiance « khawa-khawa » entre l’ensemble des composantes du peuple, d’un côté, et entre le peuple et son armée, de l’autre ?
4) Ou bien s’orientent-ils subrepticement vers le remplacement d’un pouvoir crapuleux par un despotisme qui se prévaudra à ses débuts des valeurs de la révolution du 1er novembre 1954, ou de celles du 22 février 2019, avant de se transformer en « issaba » qui voudra utiliser l’ANP comme garde rapprochée contre d’éventuelles furies populaires ?
5) Que faut-il faire pour que le sort de l’Algérie ne soit plus jamais joué à « rey-rey » comme le souhaitait dernièrement Gaïd Salah ?
Ce n’est qu’une première fournée de questions…
30 Juin 2019