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ET SI TOUTE L’ALGERIE AVAIT ÉTÉ LA KABYLIE ?

by admin

Les eaux douces et les eaux salées ne se sont pas mélangées ce week-end en Algérie comme ‎dans la belle métaphore coranique. Les eaux saumâtres avaient beau courir après les eaux ‎claires, elles ne les ont pas rattrapées.

Les eaux propres et les eaux usées ne se sont pas mêlées à l’arrivée de la dépouille du ‎dernier « historique » à l’aéroport d’Alger, au siège du FFS, à Aït Yahia et encore moins à Ath ‎Ahmed.

La famille du défunt a refusé au salon d’honneur de l’aéroport de serrer la main des officiels ‎chargés par le chef de l’Etat de rendre hommage à celui qui a été emprisonné, condamné à ‎mort et banni depuis les premiers jours de l’indépendance jusqu’à sa mort hors du pays.

Un pays que lui a contribué à libérer tandis qu’eux l’ont, par suite de leur absence de vision ‎de ce qu’est un Etat et de leur incompétence en tous domaines, détruit moralement, ‎mentalement, politiquement et économiquement.

Dans les multiples gestes de refus de la famille d’Aït Ahmed, il fallait lire en filigrane le rejet ‎du pouvoir en cette circonstance par l’écrasante majorité des Algériens. Elle a dédaigné ‎‎« leurs » moyens, avion présidentiel et véhicule officiel, et refusé qu’ils s’approchent de son ‎tombeau.

Le premier ministre, Sellal, et les présidents des deux chambres ont été obligés par la foule ‎de rebrousser chemin avant même d’atteindre les lieux de l’inhumation. ‎
Pourront-ils encore gérer, légiférer ou proclamer dans leurs prises de parole démagogiques ‎que le peuple est avec eux ? Eh bien oui, comme d’habitude !

En tout cas, et cela nul ne peut le nier, l’exemple nous vient souvent de cette Kabylie qui ‎nous donne périodiquement des leçons à méditer profondément.

L’ambiance religieuse et les traditions funéraires sur lesquelles comptaient les Djouha du ‎pouvoir pour se faufiler parmi la foule, l’air faussement triste, et faire oublier les décennies ‎de persécutions et d’humiliation infligées au dernier résigné et au premier indigné des ‎Algériens, n’y a rien fait.

La solennité et la sacralité attachées à ce cérémonial depuis des temps immémoriaux ne les ‎ont pas prémunis contre les inévitables « pouvoir assassin ! » avec lesquels la Kabylie les ‎reçoit chaque fois que leurs chemins se croisent chez elle, à Alger ou à l’étranger. ‎

C’est dans ce genre de circonstances qu’on mesure l’importance de la manipulation de ‎la religion par les pouvoirs illégitimes. C’est en bonne partie à la culture religieuse bon ‎marché généreusement plantée dans les douars et à l’esprit tribal que les pouvoirs ‎despotiques doivent leur maintien dans les pays arabo-islamiques. ‎

La « réconciliation », la paix des cimetières, le pardon et l’oubli mettant sur un pied ‎d’égalité l’assassin et la victime sont quelques-unes de leurs fourberies pour rester au ‎pouvoir après avoir été la cause du drame et les protagonistes de l’hécatombe.‎
‎« Yafetah ya rezak !», tôt le matin en ce premier jour de l’année 2016, l’Algérie officielle, ‎kidnappée par un clan en 1962, et l’Algérie populaire, frustrée de son indépendance, sont ‎apparues dans une opposition frontale présageant d’une mauvaise année 2016 pour le ‎pouvoir et l’Algérie.

Ceux qui étaient au premier rang pour faire l’histoire de l’Algérie étant morts sous les ‎balles de l’ennemi ou été assassinés par leurs pseudos frères d’armes, il est resté ceux de ‎l’arrière-ban, les profils louches au parcours obscur pour l’anéantir systématiquement ‎avec leur ignorance, leur petitesse, leur narcissisme et leur satanisme.

Aït Ahmed, le dernier des « historiques », qu’il aimât ou non l’expression, est parti fâché ‎avec cet arrière-ban qui ne lui a pas donné une seule datte de son vivant, mais a voulu ‎l’ensevelir à sa mort sous un régime qu’il a rejeté d’un coup de pied avec leurs « honneurs » ‎post-mortem insincères et payés avec l’argent du peuple.

Il a refusé de les blanchir de leurs crimes depuis l’époque de la Révolution et de ce qu’ils ‎ont fait de l’Algérie indépendante dont ils ont massacré les valeurs, les rêves, les ‎richesses, la jeunesse, les rares élites et l’image dans le monde.

Sa génération a libéré l’Algérie, celle de l’arrière-ban l’a livrée aux voleurs par milliards ‎de dollars sous la protection des plus hauts « responsables » pour s’attacher leurs ‎services et leur omerta. ‎

Il les a humiliés pendant huit jours, mis au piquet, puis leur a désigné la poubelle de ‎l’histoire sous l’œil méprisant des nouvelles générations.

A la mort des héros, les usurpateurs se déguisent de leur mieux pour leur ressembler, non ‎pas dans un élan de regret, mais pour subtiliser comme des pickpockets ce qu’ils peuvent de ‎leur grandeur, de leur légitimité, de leur pureté… Ils ont, quelques fois, réussi dans le passé, ‎ils n’ont recueilli en Kabylie que dédain et insultes.

Aït Ahmed s’est dérobé au baiser de Judas, il a prévenu contre les larmes de crocodile, il a ‎dénoncé à l’avance la comédie des « bousboussades » en guise de dédommagements des ‎préjudices causés. Il a tenu à ce que chacun reste dans son coin, n’ayant pas gardé les ‎vaches avec eux.‎

Les voleurs de poules et de prestige ne sont pas arrivés malgré leurs ruses de Sioux à ‎s’emparer d’un millimètre de son image, d’un bout du respect populaire dont il jouit, eux qui ‎n’ont rien fait pour la Révolution ou le pays mais qui ont tout pris pour le vouer, finalement, ‎à la faillite économique et à la guerre civile.

Qui est finalement mort dans l’esprit des Algériens ? Aït Ahmed ou le pouvoir ?‎
L’équation algérienne a de tout temps comporté deux inconnues, le peuple et le pouvoir. La ‎façon la plus simple de procéder pour résoudre une équation à deux inconnues est d’affecter ‎une valeur à l’une pour déterminer celle de l’autre et arriver ainsi à la solution. Si le produit ‎des deux valeurs est, par exemple, quarante millions, et que ce nombre est celui d’une des ‎deux inconnues à elle seule, le pouvoir par exemple, la valeur du peuple est fatalement de ‎zéro.

C’est ce qu’il en est dans la réalité algérienne puisque le pays est entièrement ‎dépendant du pouvoir, incarné de surcroit par un homme malade, qui, en dépit de son ‎état et de tout bon sens, concentre tous les pouvoirs, réduisant les autres institutions ‎au rôle de courtisans effrayés par le moindre regard ou mouvement de sa main ‎tremblante.

C’est cela l’équation algérienne : 1 homme pesant autant que 40 millions d’autres. Est-il ‎plus homme qu’eux, ou sont-ils à eux tous moins hommes que lui tout seul pour parler ‎le langage algérien ?‎

Peut-on dire d’Obama qu’il pèse plus que tant d’Américains ? Il ne peut venir à l’esprit de ‎personne, pas même d’Obama, qu’il vaut plus que 1, plus que lui-même, plus que sa ‎modeste personne. Obama ne peut pas toucher à la Constitution de son pays alors qu’en ‎Algérie Bouteflika vient de le faire pour la énième fois afin d’arranger ses petites affaires. Il ‎vient, avec un mépris infini pour ce peuple, de sceller en mini comité le sort de la ‎‎« nouvelle » Constitution et par conséquent celui de notre avenir.‎

Un avenir déposé comme un drapeau ramené et replié entre les mains de la prédation, ‎de l’ignorance et de l’opportunisme qui ont été choisis pour hériter en toute légalité de ‎l’Algérie libérée par des hommes comme Aït Ahmed.

A quoi va servir la révision de la Constitution si ce n’est à conférer cette légalité au plan ‎ourdi pour la sauvegarde du pouvoir au détriment de l’intérêt des Algériens?‎

N’avait-elle, cette nation, dans le réservoir de ses ressources humaines que cet homme pour ‎être dirigée, un homme qui ne s’est pas adressé à elle comme lui en fait obligation l’article ‎‎70 de la Constitution depuis plusieurs années ?

Et d’abord pourquoi cet homme et pas Aït Ahmed, par exemple, en 1999, 2004, 2009 et ‎‎2014 ? Gageons que ce sera encore lui en 2019. Était-il plus « moudjahid » qu’Ait ‎Ahmed ? Plus instruit que lui ? Plus présentable que lui ?

N’est-ce pas le jeune et inconnu Bouteflika que Boumediene, complotant avant même ‎l’indépendance, a chargé de porter la proposition à Aït Ahmed de devenir le premier ‎chef d’Etat sous la houlette de l’armée des frontières, proposition qu’il a déclinée puis ‎Boudiaf après lui ?‎

LES ALGÉRIENS SE NOURRISSENT DE MYTHES PARCE QU’ILS NE RAISONNENT PAS, NE ‎REFLECHISSENT PAS, NE SONT PAS RATIONNELS. ILS SONT AFFECTIFS, SENTIMENTAUX, ‎CROIENT AU MERVEILLEUX, AUX SORTILÈGES, AU MAUVAIS ŒIL, A LA BARAKA ET A ‎L’HOMME PROVIDENTIEL COMME LES HOMMES DU MOYEN AGE. C’EST DANS CES ‎DISPOSITIONS MENTALES QUE NIDIFIENT LES DJOUHA, LES IMPOSTEURS, LES ESCROCS ‎ET LES DESPOTES.

Existe-t-il un pays au monde dont le président est désigné sur le seul critère vague de ‎‎« moudjahid » ? A-t-on besoin d’un moudjahid quand l’Algérie est indépendante et vit ‎en paix depuis 54 ans ? Est-il l’unique moudjahid du pays ? A-t-il plus fait pour la ‎Révolution qu’Aït Ahmed, le commandant Bouragâa ou n’importe quel autre moudjahid ‎ou moudjahida incontestable qu’on aurait pu citer ?‎

Nous sommes les figurants d’un film d’épouvante où toute une nation a accepté qu’un ‎homme malade joue avec sa vie. Bientôt l’Algérie bouclera sa deuxième année de ‎funambule.

Le funambule est cet équilibriste qui se livre à l’exercice périlleux de marcher au-dessus du ‎vide sur un fil tiré entre deux points. Au moindre faux pas, c’est la chute dans le vide et la ‎mort certaine. L’acrobate qui se livre à cet art s’appelle un « fildefériste ». On le confondrait ‎à l’ouïe avec « flniste ». L’Algérie a-t-elle choisi de s’adonner à ce sport de l’extrême ou l’y ‎a-t-on contrainte? ‎

QU’EST-CE QUI PEUT JUSTIFIER UNE TELLE ANOMALIE ? RIEN D’AUTRE QUE CE QUE JE ‎RÉPÈTE INLASSABLEMENT DEPUIS DES DÉCENNIES ET QUE CONFIRMENT LES ‎ÉVÉNEMENTS L’UN APRES L’AUTRE, D’UNE DÉCENNIE A L’AUTRE, L’UN PLUS GRAVE QUE ‎L’AUTRE.

Un homme tient dans sa seule main valide le destin d’une nation jeune, assoiffée de ‎développement et de modernité. Un pays à ce point aveugle connaîtra nécessairement une ‎triste fin.

IL N’Y A QU’UNE EXPLICATION AU FAIT QUE CETTE NATION SOIT INCONSCIENTE A CE ‎POINT : ELLE N’EN EST PAS UNE ! IL N’EST PAS AU MONDE EN EFFET UNE NATION DIGNE ‎DE CE NOM QUI SOIT DANS NOTRE SITUATION. LES ÉLÉMENTS MATÉRIELS ET ‎APPARENTS QUI CONSTITUENT LES NATIONS, NOUS LES AVONS (TERRITOIRE, ENSEMBLE D’‎INDIVIDUS), MAIS PAS LE CONTENU MORAL, LA RÉALITÉ MENTALE ET SOCIALE. ‎

Là est le point nodal du problème algérien, la vérité cachée au plus profond de la ‎vérité : nous sommes tombés d’un arbre sans caractéristiques communes, nous ne ‎portons pas le sentiment d’être une collectivité nationale pensant pareillement et ‎regardant dans la même direction, nous sommes un assemblage, un attelage, une ‎quantité de « bounadems » vivant non pas « ensemble » mais l’un à côté de l’autre, ‎quand ce n’est pas l’un au détriment de l’autre, et croyant chacun en notre for intérieur ‎que la nation peut s’écrouler et nous lui survivre, en réchapper.‎

POUR AVOIR DES DIRIGEANTS DIGNES DE CE NOM, L’ ALGÉRIE DOIT DEVENIR UNE ‎NATION DIGNE DE CE NOM. ‎

QUELLES SONT LES VOIES ET MOYENS D’ACTIONS QUI S’OFFRENT A CEUX QUI VEULENT ‎UNE VRAIE NATION, UNE AUTRE ALGÉRIE ? EN 2017 VONT SE TENIR DES ELECTIONS ‎LÉGISLATIVES ET EN 2019 UNE ELECTION PRÉSIDENTIELLE. LES DEUX RENDEZ-VOUS SONT ‎ASSEZ LOIN POUR PERMETTRE UNE PRISE DE CONSCIENCE ET ENGAGER LES ACTIONS ‎DICTÉES PAR CETTE PRISE DE CONSCIENCE, DES ACTIONS QUI DOIVENT ABSOLUMENT ‎DIFFÉRER DU TRAIN-TRAIN HABITUEL ET ÉCULÉ QUI A MILLE FOIS FAIT LA PREUVE DE SON ‎INEFFICACITÉ.‎

La solution n’est pas dans une « transition démocratique », elle n’aura jamais lieu ; c’est une ‎fausse solution découlant d’une analyse irréaliste démontrant aussi bien la méconnaissance ‎du « système » que la naïveté de ses initiateurs. Que représentent les partis réunis dans la ‎CNLTD pour que le pouvoir négocie avec eux cette « transition » ? L’opposition formelle n’a ‎rien entre les mains, l’addition de ses forces est dérisoire malgré les tartarinades de ses ‎porte-voix.

La solution n’est pas plus dans la mise en place d’une instance indépendante de surveillance ‎des élections. Il faut une autre approche, une stratégie radicalement nouvelle comme celle ‎que j’ai esquissée dans de précédents écrits.

SI TOUTE L’ALGERIE AVAIT ETE LA KABYLIE, COMBIEN RESTERAIT-IL A VIVRE AU ‎POUVOIR ?

‎(« Le Soir d’Algérie » du 04 janvier 2016) ‎

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