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L’ORIGINE DE TOUS NOS PROBLEMES

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La Révolution du 1er Novembre 1954 mise à part, les Algériens n’ont pas une mémoire claire ‎et vivante des grandes choses qu’ils auraient entreprises dans le passé. Leur histoire est un ‎feuilleton de soulèvements, mais pas une recension de leurs réalisations.

La liste de nos hommes d’Etat et d’Esprit, toutes époques confondues, ne remplirait pas une ‎ou deux pages du dictionnaire.99% de nos rues portent des noms de martyrs, et chaque ‎commune possède son cimetière de « chouhada », mais nous n’aurions pas de quoi remplir ‎un modeste Panthéon où reposeraient nos penseurs, nos grands hommes et nos génies ‎scientifiques… ‎
Notre histoire est par ailleurs ponctuée de trop de blancs, de trop de vides, de trop de ‎silences : ils correspondent aux périodes de non-être historique. Nous ne portons pas le ‎sentiment de continuer l’œuvre de quelqu’un d’antérieur à nous, ou le souvenir de quelque ‎chose qui évoquerait un courant existentiel ininterrompu ayant sa source au fond des âges. ‎C’est pourquoi tout trahit en nous l’être sans « curriculum vitae », le citoyen improvisé, le ‎‎« bounadem » imprévisible.‎

Notre antériorité est si courte que nous avons l’air d’être sortis frais émoulus des mains ‎d’une nature retardataire. On dirait que notre inconscient collectif n’a pas stocké assez ‎d’images primordiales, d’archétypes, de mémoire collective, pour nous doter de réflexes ‎semblables et permettre à chacun de nous d’y puiser les attitudes, les réactions et les gestes ‎qui le rapprocheraient des autres et le rendraient compatible avec eux. ‎

Comment cela aurait-il été possible alors que nous ne nous sommes réunis que fortuitement ‎autour de nos intérêts communs, d’un projet de vie collectif, ou d’un dessein général ?‎

L’Algérie a très tôt attisé les convoitises étrangères en raison de son emplacement ‎géographique et de ses richesses, et c’est ainsi qu’elle connut de nombreuses invasions dont ‎la plupart se transformèrent en occupation durable, donc en apports humains, culturels et ‎linguistiques dont les uns furent assimilés et les autres rejetés. ‎
N’ayant pas eu le loisir d’être constamment utilisée, et surtout écrite, la langue amazighe se ‎réduisit à des parlers que sauva leur usage régulier par des communautés comme les ‎Touaregs, les Mozabites, les Kabyles et les Chaouis.

Les Etats érigés par les Romains, les Ottomans ou les Français sur nos terres n’ont ni ‎impliqué ni concerné l’Algérien tout au long des mille ans qu’ils ont duré. Ségrégationnistes, ‎oppressifs, inégalitaires et tournés vers les seuls intérêts de l’occupant, ils l’ont, au contraire, ‎systématiquement spolié, humilié et dressé contre ses propres frères.

L’organisation administrative qu’ils mettaient en place avait principalement pour but le ‎contrôle des voies de communication et la levée de l’impôt avec le concours de chefs de ‎tribus, de caïds, aghas et autres bachaghas que les divers envahisseurs trouvaient à leur ‎service en contrepartie de quelques privilèges dérisoires et signes honorifiques.

Autrement, ces institutions n’étaient que des plaquages superficiels sur une psychologie ‎résolument réfractaire à l’étranger et consciente que celui-ci ne cherchait pas le bien des ‎populations locales, mais seulement leur dépouillement et leur asservissement.

A l’exception de petites minorités qui ont aspiré quelques fois à l’ « intégration », le gros des ‎Algériens est resté éloigné des mœurs et des normes administratives imposées, et la haine ‎de l’occupant s’étendait tant et si bien à ses formes d’organisation que lorsque celui-ci ‎disparaissait, l’idée négative que s’était fait l’Algérien de la notion d’État subsistait en son ‎for intérieur, se muant à la longue en hostilité instinctive et en désaffection chronique à son ‎égard.‎

Privés du droit de cité sous les uns comme sous les autres, relégués au rang d’étrangers dans ‎leur propre patrie, les Algériens croupissaient entre deux occupations dans la misère et ‎l’ignorance en attendant le moment de se soulever derechef pour laver leur honneur et ‎donner libre cours à leur dépit. Les épopées se suivaient ainsi et se terminaient sur les ‎mêmes débâcles. Les mêmes causes engendrant les mêmes effets, et les mêmes idées ‎menant fatalement aux mêmes situations, l’histoire des Algériens allait continuer à dériver ‎et à tanguer entre les récifs au gré des vents et des tempêtes.

Nous allions traverser deux longs millénaires sans laisser de traces d’un État central fait ‎par et pour nous, sans marquer la nature par des réalisations d’envergure, sans inventer ‎une technique ou faire une découverte scientifique, sans que nos mains ni notre ‎cerveau n’impriment au temps et à l’espace des empreintes indélébiles.

Les grands bouleversements, les découvertes capitales, les mutations essentielles, ‎apparaissaient ailleurs et nous éclaboussaient par hasard. Ils nous atteignaient par ricochet. ‎Nous ne faisions pas l’Histoire, elle nous portait et nous entraînait à vau-l’eau. Nous ne ‎faisions pas des choses, il nous arrivait des choses.

Tenus loin des courants de pensée et des débats qui ont provoqué les grandes avancées ‎intellectuelles, scientifiques et technologiques, maintenus à l’écart des crues de l’esprit ‎et des orages de la réflexion politique qui ont doté les autres peuples de lois et ‎d’institutions pérennes, nous sommes demeurés des tribus, des « arouchs » et des ‎zaouïas faits de valeureuses individualités capables de courage et de sacrifice, mais ‎incapables de syntonie.‎

La liberté et l’esprit d’indépendance pour nos ancêtres tétanisés ce fut pendant tout ce ‎temps le repli sous la tente, l’exil en haut des montagnes ou l’errance dans le désert, lieux ‎inexpugnables et peu convoités, préférables en tout cas à la sédentarisation asservissante, ‎aux plaines vulnérables et aux villes édifiées pour l’usage de l’occupant.

L’attachement à la liberté porté par chaque Algérien depuis les temps immémoriaux n’a ‎paradoxalement pas débouché sur une résolution collective à demeurer libres, et c’est ‎pourquoi notre pays a passé le plus clair de son temps sous domination étrangère.

Faute de ‎pouvoir s’illustrer avantageusement, ce noble sentiment devait fatalement dégénérer en ‎refus viscéral de la norme, de la loi et de l’ordre, quel qu’en fût l’initiateur. ‎
A force de s’exercer hors de tout cadre social et d’être ramené à des considérations ‎purement subjectives, le sens de la dignité est devenu un enfermement sur soi, une fierté ‎mêlant vertus et défauts, une opposition à toute considération publique ou civique.

Il devint du négativisme alimenté par une culture de la ruse et de l’esquive résumée dans ‎des expressions populaires insensées mais encore en vigueur de nos jours, sources toujours ‎vivifiantes et tonifiantes de l’erreur de jugement et de l’aberration dans tous les domaines ‎de la vie.

La femme algérienne sera particulièrement victime de cette valeur subvertie en orgueil ‎désuet, en machisme, en despotisme patriarcal, en infatuation de soi, en « taghennante » ‎vaille que vaille.

A bien y regarder, ce « khéchinisme » à fleur de peau qui fait se cabrer l’Algérien à la ‎moindre remarque, au moindre reproche, n’est que l’envers d’un authentique sens de la ‎dignité qui n’a pas trouvé les voies de son expression positive. Il cristallise plusieurs ‎sentiments vitalistes caractéristiques de la psychologie algérienne qu’aucun malheur, ‎aucune défaite, aucun aléa n’a pu détruire ou soumettre.‎

L’extrême sensibilité de l’Algérien aux injustices et aux inégalités est une donnée constante ‎de son tempérament et explique qu’il ait été de toutes les révoltes sociales et qu’il n’ait pas ‎hésité à s’engager dans des schismes à vocation égalitaire comme le Kharidjisme et le ‎chiisme fatimide. Chaque fois que l’injustice l’a interpellé, à chaque manifestation de la ‎‎« hogra », il a répondu « présent ! ».

Si l’islam a conquis l’âme berbère, à la différence des paganismes carthaginois et romain, ‎du judaïsme et du christianisme, c’était précisément en raison de son adéquation avec les ‎inclinations de nos ancêtres pour la liberté, la justice et les vertus morales. Aucune force n’a ‎obligé les Algériens à croire en Allah, comme aucune n’a pu les contraindre à y renoncer. ‎

Voilà, grosso modo, dans quel état moral et social l’Algérien est parvenu au XXe siècle, ‎et voilà sur quel canevas mental est venu se greffer l’État algérien issu de la plus grande ‎entreprise jamais réalisée par les Algériens eux-mêmes et à eux seuls depuis l’aube des ‎temps, la Révolution du 1er Novembre 1954.

En venant à l’indépendance, en venant au monde en tant que nation et Etat souverain, nous ‎n’avions que nos vertus morales ancestrales et nos réflexes asociaux hérités d’une longue ‎habitude de vivre épars, indépendants les uns des autres, évoluant côte à côte et non les uns ‎avec les autres.

Les vertus morales, la solidarité traditionnelle, le volontariat, le militantisme, ne ‎fondent pas les sociétés mais seulement les peuples. Ce sont des bouts de vérité, des ‎morceaux d’institutions, des moments d’efficacité à la fortune du pot, de l’empirisme, ‎mais pas des systèmes de vie résistants et durables.

L’ampleur de la crise qui nous a frappés au cours des dernières décennies et les horreurs ‎qu’elle a mis au jour ont dessillé les yeux des Algériens et leur ont fait obscurément prendre ‎conscience que leurs problèmes n’étaient pas de nature économique et politique, comme ils ‎l’ont d’abord supposé, et que la faillite enregistrée dans ces domaines eux-mêmes n’était ‎qu’un nouvel écho, un autre avatar, la lointaine conséquence d’échecs plus anciens : ceux ‎d’une communauté en perpétuelle gestation, ne se relevant que pour tomber de nouveau, et ‎qui n’échappe à un naufrage que pour se mettre à préparer les conditions du prochain.

La conscience populaire garde les stigmates de la confusion des premières années de ‎l’Indépendance, et a encore en mémoire les luttes fratricides pour le pouvoir, la course aux ‎biens vacants et le régionalisme.

Quant à la « tragédie nationale » qui a commencé en 1992, elle n’est pas un souvenir ‎lointain, un chapitre de notre histoire ou un fait pour illustrer une théorie, elle fauche ‎chaque jour encore de nouvelles vies algériennes.‎

Les problèmes algériens sont anciens, seule leur découverte peut être qualifiée de ‎nouvelle.

Au plan politique, les fléaux qui ont attaqué l’État algérien à la base et gangréné la ‎fonction publique (clanisme, régionalisme, népotisme, clientélisme) ne sont que des ‎survivances de nos anciens modes de cooptation et de regroupement. Ces germes nocifs ‎ont résisté au temps, et ce ne sont certainement pas quelques décennies ‎d’indépendance qui pouvaient les dissoudre.‎

Aux plans idéologique et culturel, les dissemblances, les dissonances et les ‎incompatibilités qui nous opposent aujourd’hui et nous divisent en visions du monde ‎antagoniques et en « projets de société » inconciliables ne peuvent pas non plus s’être ‎formées en quelques décennies.

Leurs causes remontent à notre passé et leurs racines plongent dans les tréfonds de ‎notre inconscient. Elles sont le résultat à long terme, la conséquence différée des ‎anciennes intrusions étrangères dans notre pays, lesquelles, en devenant des ‎colonisations durables, ne se sont pas limitées à l’accaparement de nos terres et de nos ‎richesses, mais ont affecté nos idées, nos mentalités et nos comportements.

Lorsqu’on a été longuement exposé à des sujétions physiques et morales de différentes ‎provenances, il est naturel qu’on en garde des séquelles, qu’on perde les bases de sa ‎personnalité, l’usage de sa langue et même sa mémoire. On devient des êtres hybrides, ‎des composés d’influences diverses, des mélanges d’idées et d’idéaux contradictoires, ‎étrangers les uns aux autres.

C’est donc un phénomène de déculturation qui est à l’origine de nos déchirements et de ‎nos valses hésitations entre l’héritage amazigh, l’héritage arabo-musulman et l’héritage ‎occidental. C’est à lui que nous devons principalement nos divergences politiques, et ‎c’est ce qui explique que certains militent pour l’État islamique, d’autres pour ‎l’autonomie de la Kabylie, et un plus grand nombre pour un État démocratique ‎moderne.

C’est à la prégnance de ces influences inégalement réparties sur les uns et les autres que ‎nous devons les différences qui se manifestent à travers nos parlers, nos costumes et ‎nos modes de pensée, et qui expliquent que nous ne soyons ni des Orientaux à part ‎entière, ni des Occidentaux accomplis, mais un conglomérat pathologique des deux.

Le système d’enseignement mis en place à l’Indépendance n’a pas éteint cette dualité, ni ‎remédié à cette schizophrénie, mais les a consacrées en approfondissant le clivage entre ‎l’enseignement « religieux » et l’enseignement « profane », en envoyant en formation les ‎uns en Orient et les autres en Occident, et en mélangeant souci d’authenticité et souci ‎d’efficacité, aboutissant en fin du compte à un enseignement produisant des arabisants, des ‎francisants, des islamistes et des laïcs, mais pas des citoyens portant les mêmes référents, ‎les mêmes valeurs et les mêmes conceptions de la société et du monde.

Normalement, la première mesure conservatoire à prendre dans un tel cas est de ne pas ‎accentuer les divisions et les clivages, de ne se préoccuper de ses différences que lorsqu’on ‎a définitivement assuré le domaine de ses convergences et de ses ressemblances, mais nos ‎instincts ataviques de division ont trouvé dans ces clivages l’occasion de se réactiver.

A trop changer de modèle on finit par ne plus savoir qui l’on est. Aussi le débat d’idées qui ‎s’est ouvert à la faveur de l’adoption de la Constitution du 23 février 1989 ne pouvait-il que ‎dégénérer en affrontements et en malentendus, d’autant qu’il n’avait été préparé ni ‎intellectuellement ni politiquement. ‎
Le pouvoir malmené en Octobre 1988 y avait vu l’occasion de se maintenir et le moyen de ‎se faufiler dans l’avenir sous un nouveau déguisement, mais il comptait sans l’extraordinaire ‎force de rejet qu’il avait suscitée chez les uns et les autres, si bien que le « piège ‎démocratique » se referma sur tout le monde.

Les premiers partis politiques qui eurent à se constituer le firent en accaparant chacun ‎un morceau de l’Algérie, l’un de l’une de ses langues, l’autre de sa religion, un troisième ‎de la symbolique de Novembre et d’autres de ses travailleurs. Faute de posséder une ‎vision unitaire d’avenir, ils se sont jetés sur le passé et le patrimoine commun pour le ‎déchiqueter et frapper leurs rivaux avec l’organe arraché et le morceau de vérité ‎subtilisé. ‎
Cela donna un leader rêvant de devenir un Aguellid, un autre al-Hadjadj, et un troisième ‎Ataturk. Le premier a en mémoire le royaume Numide, le second le califat, et le troisième ‎l’Etat laïc turc ou français.

Ces symboles ont tous eu leur moment de mode dans notre passé, et chacun d’eux a ‎laissé des traces dans l’imaginaire collectif.

L’Algérie se trouva alors prise dans un ouragan qui la fit vaciller sur ses fondements. Les ‎institutions artificielles s’effondrèrent d’un coup et le pays ne put compter au plus fort de la ‎tempête que sur les corps constitués fondés sur l’ordre, la discipline et la hiérarchie pour le ‎maintenir debout. La « fitna » se propagea et les démons du séparatisme affleurèrent. Dans ‎la cohue, des voix s’élevèrent pour en appeler à l’intervention étrangère aux fins d’arbitrer ‎les conflits surgis une fois de plus entre les descendants de Massinissa. De nouveau, les ‎Algériens se retrouvaient en pleine effervescence anarchique, tentés par le retour au ‎‎« chaos primordial » et au magma des origines.

Les liens tissés par la lutte de libération nationale s’étaient effilochés à force ‎d’irrégularités, de démagogie et de déception. Le processus associatif déclenché au ‎lendemain de l’Indépendance s’enraya parce qu’il a été mené sans prise en ‎considération de la nature psychique et « chimique » des Algériens.‎

La leçon de tout cela, c’est que tant les dirigeants que les dirigés avaient cru pouvoir ‎déroger aux règles de la croissance naturelle des sociétés et leur substituer des méthodes ‎‎« révolutionnaires » de resquillage. Non seulement ils n’y sont pas parvenus, mais ils ont ‎aggravé leurs problèmes dans la mesure où, aux défauts déjà répertoriés, se sont ajoutées ‎les déformations inculquées par le socialisme populiste.

Si les colonialismes romain, turc et français se sont évertués à opprimer les Algériens, à les ‎empêcher d’entreprendre, de posséder, de s’exprimer et de s’épanouir, force est de ‎reconnaître que le populisme leur a réservé à peu près le même sort. Ils se sont finalement ‎rejoints dans le résultat : obliger les Algériens à fonctionner clandestinement, à contourner ‎les règles et les obstacles bureaucratiques, à se débrouiller, à recourir à la ruse et à l’astuce ‎pour vivre, toutes habitudes malsaines et aléatoires qui n’annoncent pas la formation d’une ‎société mais son déclin, sa déchéance dans l’encanaillement et la décadence.

Nous sommes l’unique peuple dont on entend les membres se définir avec malice comme ‎des « hchicha talba ma’icha », comme s’ils enviaient le sort de la plante et aspiraient à ‎devenir des êtres chlorophylliens, oubliant que même les végétaux remplissent leur devoir ‎dans la Création en transformant industriellement l’énergie qu’ils reçoivent en oxygène, et ‎tiennent une place essentielle dans la chaîne alimentaire sans laquelle il n’y aurait plus de ‎vie sur la Terre.

C’est peut-être notre façon de clamer notre besoin d’être pris en charge, de nous en ‎remettre à la nature, à Dieu ou à l’État pour nous nourrir.

Si le combat pour l’Indépendance, au lieu d’être une guerre, une destruction par tous les ‎moyens des forces et du moral de l’ennemi, avait été une construction comme les Pyramides ‎de l’ancienne Égypte, la muraille de Chine ou la fertilisation d’espaces désertiques comme la ‎Californie, c’est-à-dire d’imposantes réalisations collectives requérant la mise en commun ‎des idées, des volontés, des bras et des moyens techniques d’une société, il n’est pas certain ‎que nous les aurions menées avec succès. La preuve ? Nous n’avons rien fait de tel en ‎deux mille ans.

Il n’y aucune trace sur l’ensemble de notre territoire d’un seul ouvrage durable ‎construit par nous. On sait où se trouvent les ports phéniciens, les ruines romaines, les ‎forts, les palais et les mosquées turcs, sans parler de ce qu’a laissé la France.

Les ouvrages réalisés depuis l’Indépendance comme « Maqam ech-chahid », l’autoroute ou ‎la future grande mosquée d’Alger sont l’œuvre d’étrangers et ont été financés avec l’argent ‎de la nature, du pétrole.‎

Ce sont nos représentations mentales, nos conceptions et nos jugements sur nous-‎mêmes et sur les choses depuis la nuit des temps qui sont à l’origine de tous nos ‎problèmes.

C’est sur nos idées de toujours qu’il faut se pencher pour résoudre l’énigme de notre ‎non-croissance sociale, de l’atrophie de notre instinct grégaire, de notre non-‎développement, car ce sont elles qui ont déterminé nos attitudes et nos actes à toutes ‎les étapes de notre histoire.

‎C’est à elles que nous devons nos tendances naturelles, nos réflexes et nos modes de ‎réaction, autrement dit le dispositif mental qui guide nos actions dans toutes les situations ‎d’une génération à une autre, et les oriente dans telle direction plutôt que dans telle autre, ‎vers le désordre plutôt que vers l’ordre, vers la division plutôt que vers le regroupement, ‎vers la guerre civile plutôt que vers l’union sacrée.

Quand le « dedans » n’est pas homogène, le « dehors » ne peut qu’être incohérent. ‎

‎(« Le Soir d’Algérie » du 3 juin 2012)‎

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