C’est en principe le féminin qui enfante du masculin, mais il y a deux cas au moins où c’est le masculin qui a enfanté du féminin : le premier est celui d’Eve qui, selon les religions, est issue d’Adam, et le second celui de patrie qui, bien que féminin, est issu du masculin « pater » qui signifie père en latin.
Le mot mère vient aussi du latin « mater » et désigne la femme qui a enfanté mais, paradoxalement, la mère-patrie est le « pays des pères ». Pourquoi pas le « pays des mères » d’autant qu’en anglais on dit « motherland », qu’il existe des sociétés matriarcales, et que la majeure partie des pays porte des noms à consonance féminine ? On ne sait pas. En dehors du machisme, il n’y avait aucune raison de dire « patriote » et « patriotisme » au lieu de « matriote » et « matriotisme ». On s’y serait fait.
Lorsque Solon rédigea le fameux Code qui porte son nom, on lui demanda pourquoi il n’avait pas inclus parmi les crimes répertoriés pour composer le premier code pénal celui du « parricide ». Le législateur grec eut cette réponse : « Parce que j’espère que ce crime ne sera jamais commis ». Personne n’avait jugé utile de l’interroger sur le « matricide ».
Cette manière de voir révèle, en dehors du sexisme des origines, deux choses : dans le cas d’Adam et d’Eve l’homme n’est pas supérieur ou égal à la femme, il lui est curieusement antérieur. Dans le cas des nations, le patriotisme est associé à l’homme et la patrie à la femme au foyer qui met au monde de robustes et vaillants enfants qui l’aimeront et la défendront alors que cela n’a pas toujours été vrai.
On a beau écrire qu’« On appartient à sa patrie, comme on appartient à sa mère », beaucoup d’hommes ont trahi leur patrie ou leur mère, et dans l’histoire de beaucoup de nations des Jeanne d’Arc et des Fatma N’Soumer se sont levées pour incarner et défendre la mère-patrie en péril.
Avant le 5 juillet 1962, notre mère-patrie était un ensemble de départements français et nous des apatrides car nous n’étions ni Français, ni Algériens. Ce n’était pas la première fois qu’on était orphelins, et les Français n’étaient pas les premiers à nous enlever notre mère-patrie à notre barbe et sous notre « khchem ».
Les Ottomans et les Romains les ont précédés dans la pratique du kidnapping, et pour des durées beaucoup plus longues : quatre siècles environ pour les uns et les autres. On appelle ce genre de rapt le colonialisme, ses auteurs les colonisateurs, et ses victimes les colonisés.
Mais lorsqu’un de nos compatriotes s’est levé un jour pour émettre l’avis qu’il y avait peut-être un peu de notre faute dans ces serial-kidnappings, des « patriotes » le couvrirent d’injures comme si c’était lui qui avait remis les clés du pays aux Romains, aux Turcs puis aux Français.
Il avait commis le matricide d’écrire dans un livre paru à Alger en février 1949 (« Les conditions de la renaissance algérienne ») : « Pour cesser d’être colonisé, il faut cesser d’être colonisable ». On lui en voulut pour ce blasphème antipatriotique plus qu’aux colonisateurs. C’était pourtant vrai puisque colonisés nous l’étions, et que colonisables nous cesserons d’être le 1er novembre 1954 parce que vingt-deux jeunes Algériens l’avaient enfin décidé.
La mère-patrie, terre des ancêtres, n’est pas régie par les lois de la biologie, mais de l’Histoire : elle nait, croît ou stagne, mais jamais ne meurt. Elle peut se porter comme un charme ou rester dans le coma pendant des siècles ; on peut la négliger et la livrer à la colonisation, comme on peut la libérer d’une occupation et la rajeunir.
Maternelle, elle se plie aux volontés de ses enfants et subit leurs outrages sans souffler mot comme devant ceux qui, parce qu’ils ont contribué à sa libération, voient aujourd’hui en elle une mineure placée sous leur tutelle. On peut remplacer son nom par un autre (Tamazgha, Numidie, Ifrikya, Régence d’Alger, al-Djazaïr, Algérie…), la rendre prospère ou misérable, généreuse ou intolérante.
Elle peut aussi changer de descendance et adopter une autre progéniture, comme cela s’est vu en Australie, en Amérique ou au Mexique où les premiers habitants étaient noirs ou rouges, et qui sont aujourd’hui pour la plupart blancs et blonds. Le président américain est noir alors que les premiers habitants des USA n’étaient ni noirs, ni blancs, ni blonds. La Palestine ne sait plus si elle est juive ou arabe, et les Pieds-noirs disaient que l’Algérie leur appartenait parce qu’ils avaient mis en valeur sa terre et construit ses villes modernes.
Le Coran dit : « Nous donnons la terre à ceux parmi nos créatures qui y accomplissent des œuvres utiles ». Le critère de la propriété, ici, n’est pas l’héritage, mais l’usage. C’était déjà la philosophie du socialisme algérien et de la Révolution agraire pour ceux qui s’en souviennent.
QUE DOIT-IL ADVENIR DE LA TERRE QU’ON NE VALORISE PAS ? FAUT-IL QU’ELLE SOIT PERDUE POUR TOUT LE MONDE ? LE PRINCIPE CORANIQUE POURRAIT DEVENIR UN JOUR UN PRINCIPE DE POLITIQUE INTERNATIONALE ET ETRE OPPOSE A CEUX QUI OCCUPENT INUTILEMENT DES TERRES ALORS QUE L’HUMANITE A BESOIN QUE TOUS LES ESPACES DE LA PLANETE SOIENT EXPLOITES ET FRUCTIFIES POUR LA SURVIE DE L’ESPECE CAR LES RESSOURCES NATURELLES S’EPUISENT, TANDIS QUE LA DEMOGRAPHIE MONDIALE CROIT DE PLUS EN PLUS VITE.
La mère-patrie algérienne, notre terre nourricière, a de tout temps été riche par le fait de la nature, ou de la Providence si l’on préfère. Elle l’a bien dotée en lui donnant l’étendue, des terres fertiles, un sous-sol regorgeant de ressources hydriques, minières et fossiles, en diversifiant ses paysages et son climat, et en la pourvoyant d’une longue façade maritime.
C’est de ces richesses que nous avons vécu à travers l’Histoire sans toujours les mettre en valeur nous-mêmes. Notre pays est un don du Sahara, comme on disait de l’Egypte qu’elle est un don du Nil. Mais nous n’avons pas toujours mérité de notre mère-patrie : l’œuvre de la nature était belle, nous l’avons ternie avec nos œuvres laides. Nous l’avons vidée de sa sève sans rien lui donner en retour.
Comme d’autres mamans, elle a mis au monde des fils valeureux et des hommes éclairés, mais aussi des enfants indignes et des esprits obscurantistes. Les meilleurs sont morts en voulant la libérer, d’autres l’ont mal guidée et appauvrie, et certains ont même pris les armes contre elle. Elle a aussi été traitée comme une mère-porteuse dont les enfants ont été à d’autres, chérissant une belle-mère adoptive ou une famille d’accueil sur quelque continent. Un hadith dit : « Le Paradis se trouve sous les pieds des mères ». C’est parce que nous n’avons pas mérité de notre mère-patrie que nous avons eu la « tragédie nationale », c’est-à-dire l’enfer sur terre.
Notre mère-patrie nous a donné la vie, elle nous a nourris, instruits et soignés. Ce qu’elle a fait pour nous, elle voudrait pouvoir le faire aux générations à venir, nos enfants et nos descendants, mais elle a besoin pour cela de nous, de notre travail et de notre génie. Y sommes-nous disposés ?
On fragilise sa mère-patrie quand on est dépendant de l’extérieur, quand on échange des ressources naturelles contre des produits et des services élaborés à l’étranger, quand on perd son élite, quand le peuple est démotivé, quand la politique, art de gérer les intérêts de la mère-patrie, est pervertie, quand le système éducatif est mauvais, quand on ne pense pas à l’avenir, mais au seul présent.
De grandes infrastructures sont récemment venues embellir notre paysage et rendre fluide la circulation des véhicules et le transport des personnes, ou nous alimenter régulièrement en eau potable, mais elles ont été réalisées par des étrangers et payées avec l’argent de la nature, celui du pétrole.
MALGRE SON AGE CANONIQUE, NOTRE MERE-PATRIE SEMBLE ETRE ENCORE DANS LES LANGES. DEPUIS LES PREMIERS ETATS NUMIDES JUSQU’A L’INDEPENDANCE, SON HISTOIRE EST JALONNEE DE LUTTES ET DE SACRIFICES POUR COMBATTRE UNE OCCUPATION OU ESSAYER D’ETABLIR UN ORDRE INTERIEUR.
ELLE A PU RELEVER DES DEFIS COMME CELUI DU COLONIALISME, MAIS ELLE N’A PAS REUSSI TOUTES LES MUTATIONS NECESSAIRES A UNE CROISSANCE NORMALE, DE SORTE QU’A CE JOUR ELLE DONNE L’IMPRESSION DE N’AVOIR PAS FINI DE NAITRE, DE VIVRE PERPETUELLEMENT LES DOULEURS DE LA NAISSANCE ET DE DEVOIR A CHAQUE TOURNANT REPARTIR DE ZERO.
AUJOURD’HUI, ELLE EST ENCORE DANS L’EPREUVE, LUTTANT CONTRE DES PULSIONS DE MORT SURGIES DE SON SEIN, EVOQUANT D’AUTRES PERIODES OU, APRES AVOIR SEMBLE S’APPROCHER DU SOMMET D’UNE REALISATION, SES ENFANTS SE HATAIENT DE REBROUSSER CHEMIN, LAISSANT EN PLAN L’OUVRAGE DEVENU SOURCE DE DISCORDE.
Quels que soient les noms qu’ils ont porté tout au long de leur histoire, et quoique celle-ci soit difficilement dissociable de celle de l’ensemble du Maghreb, les Algériens ont traversé les deux derniers millénaires avec un FONDS MENTAL INVARIABLE AU CŒUR DUQUEL LES HISTORIENS ONT ETE UNANIMES A REPERER UN CERTAIN NOMBRE DE CARACTERES PERMANENTS COMME L’ATTACHEMENT A LA LIBERTE, UNE GRANDE SENSIBILITE A L’INJUSTICE ET AUX INEGALITES ET UN SENS RELIGIEUX PREGNANT.
SI CE VIATIQUE PSYCHOLOGIQUE LEUR A SUFFI POUR PARVENIR AU XXIE SIECLE, IL NE LEUR A PAS PERMIS DE S’AGREGER LES UNS AUX AUTRES, D’EDIFIER DES SYSTEMES SOCIAUX DEPASSANT LES LIMITES AGNATIQUES ET TRIBALES, DE S’AGGLOMERER DANS UNE STRUCTURE ETATIQUE UNITAIRE, DE BATIR UNE ARMEE NATIONALE, DE DEVELOPPER DES MODES DE PRODUCTION COLLECTIFS ET D’ELABORER UNE CULTURE SUPERIEURE.
TOUT EN PRESENTANT LES CONTOURS EXTERIEURS D’UNE NATION PAR LE FAIT D’AVOIR EN COMMUN UN TERRITOIRE, DES CARACTERES PSYCHOLOGIQUES, UNE RELIGION ET UNE OU DEUX LANGUES, ILS N’ONT QUE RAREMENT PU LES CONVERTIR EN FACTEURS DE REGROUPEMENT, EN FAITS DE CONSCIENCE GENERATEURS D’INSTITUTIONS POLITIQUES ET DE SYSTEMES SOCIAUX, EN DENOMINATEURS COMMUNS ET EN MOUVEMENTS D’ENSEMBLE.
LEURS BONNES DISPOSITIONS NATURELLES SONT COMME RESTEES A L’ETAT DE VIRTUALITES NON ECLOSES ET D’ENERGIES EPARSES. A CHAQUE INVASION ETRANGERE NOTRE MERE-PATRIE NE TROUVAIT PAS UNE CONSCIENCE NATIONALE POUR LA DEFENDRE, MAIS SEULEMENT DES TRIBUS VALEUREUSES ET DES PERSONNALITES DE PREMIER ORDRE CONDAMNEES CEPENDANT A ECHOUER CAR NE POUVANT COMPTER NI SUR UNE MOBILISATION GENERALE, NI SUR UNE ARMEE NATIONALE, NI SUR DES STRUCTURES ECONOMIQUES ET SOCIALES CAPABLES DE SOUTENIR UN EFFORT DE GUERRE PROLONGE.
Aussi ses enfants en étaient-ils réduits à s’allier au nouveau conquérant pour se venger du précédent, aux Vandales pour chasser les Romains, aux Byzantins pour chasser les Vandales, aux Arabes pour chasser les Byzantins et aux Turcs pour chasser les Espagnols, dans un pathétique élan de libération qui se soldait à chaque fois par une nouvelle occupation, SANS QUE LES CAUSES QUI PERPETUAIENT A L’INFINI CET ENGRENAGE NE SOIENT SAISIES PAR LEUR CONSCIENCE, RAPPORTEES A LEUR ETAT SOCIAL, IDENTIFIEES, PUIS LIQUIDEES UNE FOIS POUR TOUTES.
EN TANT QU’INDIVIDUALITES LES ALGERIENS SE SONT DE TOUT TEMPS DISTINGUES PAR LEUR FRUGALITE, LEUR GENEROSITE, LEUR COURAGE, LEUR INTELLIGENCE ET BEAUCOUP D’AUTRES BONNES DISPOSITIONS. MAIS ILS NE SE SONT JAMAIS CONSTITUES EN SOCIETE COHERENTE, ET CE STADE LEUR EST RESTE CONSTAMMENT INTERDIT PAR LEUR FAIBLE INCLINATION AU CONSENSUS, A LA SYSTEMATISATION DES ACTIONS ET AU DEPASSEMENT DES CONTINGENCES.
C’est que, bonnes moralement et individuellement, ces qualités avaient, sociologiquement et politiquement, leurs revers. En fait, elles n’eurent à s’exercer positivement que ponctuellement, en tout cas plus volontiers quand il s’agissait de rejoindre un mouvement de révolte comme celui dirigé par Jugurtha, Takfarinas, Mazippa, Firmus, Koceïla, La Kahina, cheikhs al-Mokrani et al-Haddad, Bouamama ou d’autres, que lorsqu’il fallait se mettre au service d’une œuvre de construction comme celle initiée par Massinissa, Juba 1er, Ibn Rostom, Bologhine, Yeghmorassen, Abou Hammou, l’Emir Abdelkader ou d’autres.
LES SOULEVEMENTS DIRIGES PAR LES PREMIERS, COMME LES ETATS FONDES PAR LES SECONDS, NE DURAIENT EN GENERAL QUE PEU DE TEMPS AVANT DE S’EVANOUIR AVEC LEURS PROMOTEURS SOUS LES COUPS DE BOUTOIR DE L’ETRANGER, DES LUTTES INTESTINES OU DE LA TRAHISON.
Les exemples sont nombreux et s’étalent sur les deux mille ans d’histoire connue de notre pays : nomades contre sédentaires, Massyles contre Massesyles, Kotamas contre Rostémides, Zénatas contre Sanhadjas, Zirides contre Hammadites, Almohades contre Almoravides, tribus contre arouch, assimilationnistes contre nationalistes, harkis contre moudjahidine, ET AUJOURD’HUI MODERNISTES CONTRE ISLAMISTES, ARABOPHONES CONTRE FRANCOPHONES…
DEGLINGUES PAR LES OCCUPATIONS SUCCESSIVES, UNE COLONISATION CHASSANT UNE AUTRE, DESUNIS DEPUIS TOUJOURS, EPARPILLES A TRAVERS NOS IMMENSITES OU AGRIPPES AUX FLANCS DE NOS MONTAGNES OU NOUS NOUS SOMMES EXILES POUR FUIR LE CONQUERANT, NOUS N’AVONS PAS EU LA LATITUDE DE CONSOLIDER NOS VALEURS INTRINSEQUES, SYSTEMATISER NOS APTITUDES, OPTIMISER LE RENDEMENT DE NOS MOYENS, TIRER DE NOTRE GENEROSITE ANCESTRALE UN « ART DE VIVRE D’UNE VIE DE NATION ».
NOUS AVONS ETE PARTIE PRENANTE A DES PROJETS GENERAUX, A DES TRAVAUX PUBLICS DECIDES PAR DES ETRANGERS ET NON ISSUS DE NOTRE VOLONTE. NOUS AVONS AIDE LES PHENICIENS A ETABLIR DES COMPTOIRS SUR NOS COTES, LES ROMAINS DES CITES SUR NOS PLAINES, LES TURCS DES FORTS SUR NOS COLLINES, ET LES FRANÇAIS UNE COLONIE SUR NOS TERRES CULTIVABLES.
Nous avons été respectivement leurs Nomades, leurs Barbares, leurs Sujets et leurs Indigènes. Nous avons contribué dans la disparité et l’émiettement à l’œuvre des autres chez nous et quelques fois loin de nos contrées. Dans le domaine intellectuel, Saint-Cyprien, Optat de Milev, Fronton de Cirta, Terentius le Maure, Porphyrien, Arnobe, Apulée de Madaure, Saint-Augustin, et d’autres, ont beau être des nôtres, ils ont servi la gloire de la culture romaine et de l’Eglise. Ils ne pouvaient dédier leur génie à rien d’autre et à personne d’autre.
NOUS N’AVONS RIEN FAIT POUR PROPRE COMPTE AVEC NOTRE AMAZIGHITE, TRES PEU AVEC L’ISLAM, ET RIEN DE DECISIF AVEC L’INFLUENCE OCCIDENTALE. C’EST COMME SI LA TACHE HISTORIQUE DE NOUS ERIGER EN NATION HOMOGENE ET INDEPENDANTE AVAIT CHAQUE FOIS ETE REMISE AU LENDEMAIN PAR NOS DEVANCIERS. D’ailleurs, c’est aux déséquilibres structurels laissés en l’état par les générations qui nous ont précédés que nous sommes confrontés actuellement.
CE QUI A DE TOUTE EVIDENCE MANQUE AUX ALGERIENS POUR REUSSIR.
LES GRANDES MUTATIONS INTELLECTUELLES, POLITIQUES, ECONOMIQUES ET SOCIALES QUI ONT PERMIS A D’AUTRES PEUPLES DE SE HISSER AU RANG DE PUISSANCES IMPOSANTES ET DE SOCIETES HOMOGENES, C’ETAIT DE REALISER A LA FAVEUR DES OPPORTUNITES OFFERTES PAR L’HISTOIRE LE PASSAGE DE L’INDIVIDUEL AU COLLECTIF, DU NOMADISME A LA SEDENTARISATION, DE LA TRIBU A LA NATION, DU RAISONNEMENT COUTUMIER A LA RATIONALITE, DE LA QUIETUDE FATALISTE A LA PRISE EN CHARGE CONSCIENTE ET RESOLUE DE LEUR DESTIN.
Pendant des siècles, ils se sont contentés d’une sorte d’autogouvernement à l’échelle du « arch » ou de la « déchra », s’accommodant d’un ersatz de démocratie volontariste et informelle à base de vertus morales comme la « djemâa » et la « touiza », embryons d’institutions inopérantes quelques kilomètres plus loin et totalement hermétiques aux améliorations suggérées par l’évolution.
A AUCUN MOMENT L’ALGERIE N’A POSSEDE L’EQUIVALENT D’UN PROJET DE SOCIETE PRENANT EN COMPTE TOUT SON TERRITOIRE, TOUTES SES POPULATIONS, TOUTES SES RICHESSES ECONOMIQUES ET CULTURELLES, AGENCES A L’INTERIEUR D’UNE PERCEPTION GLOBALE DE L’ETAT, ET SAISIS PAR LA CONSCIENCE GENERALE COMME DES ELEMENTS FONDATEURS D’UNE IDENTITE COLLECTIVE.
C’EST COMME SI NOTRE ADN NE COMPORTAIT PAS D’INFORMATIONS RELATIVES AU GROUPE, DE DONNEES GREGAIRES, D’HEREDITE SOCIALE. L’ADN DES SOCIETES C’EST LEUR PASSE, ET LE PASSE C’EST LE LOGICIEL RENFERMANT CE QUI A ETE ACCOMPLI ENSEMBLE, LA SOMME DES EXPERIENCES COLLECTIVES, DES HABITUDES DE TRAVAILLER ET DE PRODUIRE EN RELATION LES UNS AVEC LES AUTRES, AMASSEES TOUT AU LONG DE LEUR PARCOURS HISTORIQUE. C’EST LE BILAN, NON PAS DE CE QUI A ETE SUBI ET SUPPORTE PAR TOUS, MAIS DE CE QUI A ETE REALISE DE CONCERT, EN CONNAISSANCE DE CAUSE, DANS LA LIBERTE ET LA CONVICTION.
CE SONT TOUTES CES CHOSES QUI CONFERENT A UNE COMMUNAUTE LE SAVOIR-VIVRE ENSEMBLE, LE SAVOIR-FAIRE HISTORIQUE, LE « KNOW HOW » COLLECTIF QUI LA DISTINGUE DES AUTRES COMMUNAUTES. CE SONT CES INFLUENCES RECIPROQUES, CES CONTRAINTES DE GROUPE LIBREMENT CONSENTIES, CES PRATIQUES SOCIALES SECULAIRES, QUI INSERENT L’INDIVIDU DANS LA COMMUNAUTE ET LE PARTICULIER DANS LE GENERAL.
CE N’EST QUE LORSQUE LES HABITUDES D’AGIR, DE PENSER ET DE CREER ENSEMBLE S’INCRUSTENT DANS L’INCONSCIENT COLLECTIF ET DEVIENNENT DES MECANISMES DE SYMBIOSE ET DES INSTITUTIONS EFFICIENTES QUE LE ROLE DE LA COMMUNAUTE S’AFFIRME ET RELATIVISE CELUI DES INDIVIDUALITES EXCEPTIONNELLES ET DES ELITES.
Les valeurs les plus nobles, les vertus les plus hautes, les qualités les plus généreuses, quand elles ne sont pas activées à des fins générales, ni conditionnées pour devenir des matériaux de construction, quand elles gisent à l’état primaire au fond de l’individu, ou tout au plus au niveau de la tribu, deviennent des handicaps, des défauts, des vices rédhibitoires quand il s’agit d’instaurer des règles d’organisation collective et de fonctionnement général.
C’EST CE QUI EXPLIQUE QUE NOTRE MERE-PATRIE AIT MIS AU MONDE DAVANTAGE DE HEROS LIBERATEURS QUE DE HEROS CIVILISATEURS, QUE NOTRE PEUPLE SOIT PLUS CONNU POUR SES FAITS D’ARMES QUE POUR SES REALISATIONS PACIFIQUES, ET QUE LES « DEFIS » NOUS AIENT TOUJOURS PARU PLUS ATTRAYANTS QUE L’INVITATION A NOUS ENGAGER DANS DES ŒUVRES DE LONGUE HALEINE REQUERANT ASSIDUITE, DISCIPLINE ET SYNERGIE.
QUAND ON A TROP LONGTEMPS VECU SANS L’INTERVENTION D’UNE CULTURE ASSOCIATIVE QUI STRUCTURE ET ORGANISE LES PARTICULES ELEMENTAIRES QUE SONT LES INDIVIDUS AUTOUR D’UNE PROPRIETE DELIMITEE, D’UN TRAVAIL REGULIER ET D’UN CODE SOCIAL,
QUAND ON A PU TRAVERSER LES SIECLES SANS ORDRE POLITIQUE STABLE, NI CONTRAINTES JURIDIQUES D’AUCUNE SORTE, QUAND ON N’A ETE QUE LES SPECTATEURS INDIFFERENTS D’ETATS ERIGES PAR DES ETRANGERS SUR SON PROPRE SOL, L’IDEE QUE DES SYSTEMES SOCIAUX ET DES EDIFICES INSTITUTIONNELS SOIENT INDISPENSABLES A LA VIE NE SE PRESENTE MEME PAS A L’ESPRIT, ET LE SENS COLLECTIF NE TROUVE DES LORS NI COMMENT NI OU SE FORMER.
C’EST MIRACLE QU’IL NE SOIT PAS ARRIVE AUX ALGERIENS CE QUI EST ARRIVE AUX INDIENS D’AMERIQUE, AUX ABORIGENES D’AUSTRALIE OU AUX CIVILISATIONS PRECOLOMBIENNES QUE LA PERSISTANCE DANS DES MODES D’ORGANISATION REVOLUS, AJOUTEE A LA CRUAUTE DES CONQUERANTS EUROPEENS, ONT PRECIPITE DANS LE NEANT.
« Le Soir d’Algérie » du 27 mai 2012