LA MERE-PATRIE ET SES ENFANTS

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C’est en principe le féminin qui enfante du masculin, mais il y a deux cas au moins où c’est le ‎masculin qui a enfanté du féminin : le premier est celui d’Eve qui, selon les religions, est issue ‎d’Adam, et le second celui de patrie qui, bien que féminin, est issu du masculin « pater » qui ‎signifie père en latin.

Le mot mère vient aussi du latin « mater » et désigne la femme qui a enfanté mais, ‎paradoxalement, la mère-patrie est le « pays des pères ». Pourquoi pas le « pays des mères » ‎d’autant qu’en anglais on dit « motherland », qu’il existe des sociétés matriarcales, et que la ‎majeure partie des pays porte des noms à consonance féminine ? On ne sait pas. En dehors du ‎machisme, il n’y avait aucune raison de dire « patriote » et « patriotisme » au lieu de ‎‎« matriote » et « matriotisme ». On s’y serait fait. ‎

Lorsque Solon rédigea le fameux Code qui porte son nom, on lui demanda pourquoi il n’avait ‎pas inclus parmi les crimes répertoriés pour composer le premier code pénal celui du ‎‎« parricide ». Le législateur grec eut cette réponse : « Parce que j’espère que ce crime ne sera ‎jamais commis ». Personne n’avait jugé utile de l’interroger sur le « matricide ».

Cette manière de voir révèle, en dehors du sexisme des origines, deux choses : dans le cas ‎d’Adam et d’Eve l’homme n’est pas supérieur ou égal à la femme, il lui est curieusement ‎antérieur. Dans le cas des nations, le patriotisme est associé à l’homme et la patrie à la femme ‎au foyer qui met au monde de robustes et vaillants enfants qui l’aimeront et la défendront alors ‎que cela n’a pas toujours été vrai.

On a beau écrire qu’« On appartient à sa patrie, comme on appartient à sa mère », beaucoup ‎d’hommes ont trahi leur patrie ou leur mère, et dans l’histoire de beaucoup de nations des ‎Jeanne d’Arc et des Fatma N’Soumer se sont levées pour incarner et défendre la mère-patrie ‎en péril.‎

Avant le 5 juillet 1962, notre mère-patrie était un ensemble de départements français et nous ‎des apatrides car nous n’étions ni Français, ni Algériens. Ce n’était pas la première fois qu’on ‎était orphelins, et les Français n’étaient pas les premiers à nous enlever notre mère-patrie à ‎notre barbe et sous notre « khchem ».

Les Ottomans et les Romains les ont précédés dans la pratique du kidnapping, et pour des ‎durées beaucoup plus longues : quatre siècles environ pour les uns et les autres. On appelle ce ‎genre de rapt le colonialisme, ses auteurs les colonisateurs, et ses victimes les colonisés.

Mais lorsqu’un de nos compatriotes s’est levé un jour pour émettre l’avis qu’il y avait peut-être ‎un peu de notre faute dans ces serial-kidnappings, des « patriotes » le couvrirent d’injures ‎comme si c’était lui qui avait remis les clés du pays aux Romains, aux Turcs puis aux Français.‎

Il avait commis le matricide d’écrire dans un livre paru à Alger en février 1949 (« Les conditions ‎de la renaissance algérienne ») : « Pour cesser d’être colonisé, il faut cesser d’être ‎colonisable ». On lui en voulut pour ce blasphème antipatriotique plus qu’aux colonisateurs. ‎C’était pourtant vrai puisque colonisés nous l’étions, et que colonisables nous cesserons d’être le ‎‎1er novembre 1954 parce que vingt-deux jeunes Algériens l’avaient enfin décidé.‎

La mère-patrie, terre des ancêtres, n’est pas régie par les lois de la biologie, mais de l’Histoire : ‎elle nait, croît ou stagne, mais jamais ne meurt. Elle peut se porter comme un charme ou rester ‎dans le coma pendant des siècles ; on peut la négliger et la livrer à la colonisation, comme on ‎peut la libérer d’une occupation et la rajeunir.

Maternelle, elle se plie aux volontés de ses enfants et subit leurs outrages sans souffler mot ‎comme devant ceux qui, parce qu’ils ont contribué à sa libération, voient aujourd’hui en elle ‎une mineure placée sous leur tutelle. On peut remplacer son nom par un autre (Tamazgha, ‎Numidie, Ifrikya, Régence d’Alger, al-Djazaïr, Algérie…), la rendre prospère ou misérable, ‎généreuse ou intolérante.

Elle peut aussi changer de descendance et adopter une autre progéniture, comme cela s’est vu ‎en Australie, en Amérique ou au Mexique où les premiers habitants étaient noirs ou rouges, et ‎qui sont aujourd’hui pour la plupart blancs et blonds. Le président américain est noir alors que ‎les premiers habitants des USA n’étaient ni noirs, ni blancs, ni blonds. La Palestine ne sait plus si ‎elle est juive ou arabe, et les Pieds-noirs disaient que l’Algérie leur appartenait parce qu’ils ‎avaient mis en valeur sa terre et construit ses villes modernes.

Le Coran dit : « Nous donnons la terre à ceux parmi nos créatures qui y accomplissent des ‎œuvres utiles ». Le critère de la propriété, ici, n’est pas l’héritage, mais l’usage. C’était déjà la ‎philosophie du socialisme algérien et de la Révolution agraire pour ceux qui s’en souviennent. ‎

QUE DOIT-IL ADVENIR DE LA TERRE QU’ON NE VALORISE PAS ? FAUT-IL QU’ELLE SOIT ‎PERDUE POUR TOUT LE MONDE ? LE PRINCIPE CORANIQUE POURRAIT DEVENIR UN JOUR UN ‎PRINCIPE DE POLITIQUE INTERNATIONALE ET ETRE OPPOSE A CEUX QUI OCCUPENT ‎INUTILEMENT DES TERRES ALORS QUE L’HUMANITE A BESOIN QUE TOUS LES ESPACES DE LA ‎PLANETE SOIENT EXPLOITES ET FRUCTIFIES POUR LA SURVIE DE L’ESPECE CAR LES ‎RESSOURCES NATURELLES S’EPUISENT, TANDIS QUE LA DEMOGRAPHIE MONDIALE CROIT DE ‎PLUS EN PLUS VITE.‎

La mère-patrie algérienne, notre terre nourricière, a de tout temps été riche par le fait de la ‎nature, ou de la Providence si l’on préfère. Elle l’a bien dotée en lui donnant l’étendue, des ‎terres fertiles, un sous-sol regorgeant de ressources hydriques, minières et fossiles, en ‎diversifiant ses paysages et son climat, et en la pourvoyant d’une longue façade maritime.

C’est de ces richesses que nous avons vécu à travers l’Histoire sans toujours les mettre en valeur ‎nous-mêmes. Notre pays est un don du Sahara, comme on disait de l’Egypte qu’elle est un don ‎du Nil. Mais nous n’avons pas toujours mérité de notre mère-patrie : l’œuvre de la nature était ‎belle, nous l’avons ternie avec nos œuvres laides. Nous l’avons vidée de sa sève sans rien lui ‎donner en retour.

Comme d’autres mamans, elle a mis au monde des fils valeureux et des hommes éclairés, mais ‎aussi des enfants indignes et des esprits obscurantistes. Les meilleurs sont morts en voulant la ‎libérer, d’autres l’ont mal guidée et appauvrie, et certains ont même pris les armes contre elle. ‎Elle a aussi été traitée comme une mère-porteuse dont les enfants ont été à d’autres, chérissant ‎une belle-mère adoptive ou une famille d’accueil sur quelque continent. Un hadith dit : « Le ‎Paradis se trouve sous les pieds des mères ». C’est parce que nous n’avons pas mérité de notre ‎mère-patrie que nous avons eu la « tragédie nationale », c’est-à-dire l’enfer sur terre.‎

Notre mère-patrie nous a donné la vie, elle nous a nourris, instruits et soignés. Ce qu’elle a fait ‎pour nous, elle voudrait pouvoir le faire aux générations à venir, nos enfants et nos ‎descendants, mais elle a besoin pour cela de nous, de notre travail et de notre génie. Y ‎sommes-nous disposés ?

On fragilise sa mère-patrie quand on est dépendant de l’extérieur, quand on échange des ‎ressources naturelles contre des produits et des services élaborés à l’étranger, quand on perd ‎son élite, quand le peuple est démotivé, quand la politique, art de gérer les intérêts de la mère-‎patrie, est pervertie, quand le système éducatif est mauvais, quand on ne pense pas à l’avenir, ‎mais au seul présent.

De grandes infrastructures sont récemment venues embellir notre paysage et rendre fluide la ‎circulation des véhicules et le transport des personnes, ou nous alimenter régulièrement en eau ‎potable, mais elles ont été réalisées par des étrangers et payées avec l’argent de la nature, ‎celui du pétrole.

MALGRE SON AGE CANONIQUE, NOTRE MERE-PATRIE SEMBLE ETRE ENCORE DANS LES ‎LANGES. DEPUIS LES PREMIERS ETATS NUMIDES JUSQU’A L’INDEPENDANCE, SON HISTOIRE ‎EST JALONNEE DE LUTTES ET DE SACRIFICES POUR COMBATTRE UNE OCCUPATION OU ‎ESSAYER D’ETABLIR UN ORDRE INTERIEUR.

ELLE A PU RELEVER DES DEFIS COMME CELUI DU COLONIALISME, MAIS ELLE N’A PAS REUSSI ‎TOUTES LES MUTATIONS NECESSAIRES A UNE CROISSANCE NORMALE, DE SORTE QU’A CE ‎JOUR ELLE DONNE L’IMPRESSION DE N’AVOIR PAS FINI DE NAITRE, DE VIVRE ‎PERPETUELLEMENT LES DOULEURS DE LA NAISSANCE ET DE DEVOIR A CHAQUE TOURNANT ‎REPARTIR DE ZERO.

AUJOURD’HUI, ELLE EST ENCORE DANS L’EPREUVE, LUTTANT CONTRE DES PULSIONS DE ‎MORT SURGIES DE SON SEIN, EVOQUANT D’AUTRES PERIODES OU, APRES AVOIR SEMBLE ‎S’APPROCHER DU SOMMET D’UNE REALISATION, SES ENFANTS SE HATAIENT DE ‎REBROUSSER CHEMIN, LAISSANT EN PLAN L’OUVRAGE DEVENU SOURCE DE DISCORDE.‎

Quels que soient les noms qu’ils ont porté tout au long de leur histoire, et quoique celle-ci soit ‎difficilement dissociable de celle de l’ensemble du Maghreb, les Algériens ont traversé les deux ‎derniers millénaires avec un FONDS MENTAL INVARIABLE AU CŒUR DUQUEL LES HISTORIENS ‎ONT ETE UNANIMES A REPERER UN CERTAIN NOMBRE DE CARACTERES PERMANENTS ‎COMME L’ATTACHEMENT A LA LIBERTE, UNE GRANDE SENSIBILITE A L’INJUSTICE ET AUX ‎INEGALITES ET UN SENS RELIGIEUX PREGNANT.‎

SI CE VIATIQUE PSYCHOLOGIQUE LEUR A SUFFI POUR PARVENIR AU XXIE SIECLE, IL NE LEUR ‎A PAS PERMIS DE S’AGREGER LES UNS AUX AUTRES, D’EDIFIER DES SYSTEMES SOCIAUX ‎DEPASSANT LES LIMITES AGNATIQUES ET TRIBALES, DE S’AGGLOMERER DANS UNE ‎STRUCTURE ETATIQUE UNITAIRE, DE BATIR UNE ARMEE NATIONALE, DE DEVELOPPER DES ‎MODES DE PRODUCTION COLLECTIFS ET D’ELABORER UNE CULTURE SUPERIEURE.

TOUT EN PRESENTANT LES CONTOURS EXTERIEURS D’UNE NATION PAR LE FAIT D’AVOIR EN ‎COMMUN UN TERRITOIRE, DES CARACTERES PSYCHOLOGIQUES, UNE RELIGION ET UNE OU ‎DEUX LANGUES, ILS N’ONT QUE RAREMENT PU LES CONVERTIR EN FACTEURS DE ‎REGROUPEMENT, EN FAITS DE CONSCIENCE GENERATEURS D’INSTITUTIONS POLITIQUES ET ‎DE SYSTEMES SOCIAUX, EN DENOMINATEURS COMMUNS ET EN MOUVEMENTS ‎D’ENSEMBLE. ‎

LEURS BONNES DISPOSITIONS NATURELLES SONT COMME RESTEES A L’ETAT DE ‎VIRTUALITES NON ECLOSES ET D’ENERGIES EPARSES. A CHAQUE INVASION ETRANGERE ‎NOTRE MERE-PATRIE NE TROUVAIT PAS UNE CONSCIENCE NATIONALE POUR LA DEFENDRE, ‎MAIS SEULEMENT DES TRIBUS VALEUREUSES ET DES PERSONNALITES DE PREMIER ORDRE ‎CONDAMNEES CEPENDANT A ECHOUER CAR NE POUVANT COMPTER NI SUR UNE ‎MOBILISATION GENERALE, NI SUR UNE ARMEE NATIONALE, NI SUR DES STRUCTURES ‎ECONOMIQUES ET SOCIALES CAPABLES DE SOUTENIR UN EFFORT DE GUERRE PROLONGE. ‎

Aussi ses enfants en étaient-ils réduits à s’allier au nouveau conquérant pour se venger du ‎précédent, aux Vandales pour chasser les Romains, aux Byzantins pour chasser les Vandales, ‎aux Arabes pour chasser les Byzantins et aux Turcs pour chasser les Espagnols, dans un ‎pathétique élan de libération qui se soldait à chaque fois par une nouvelle occupation, SANS ‎QUE LES CAUSES QUI PERPETUAIENT A L’INFINI CET ENGRENAGE NE SOIENT SAISIES PAR ‎LEUR CONSCIENCE, RAPPORTEES A LEUR ETAT SOCIAL, IDENTIFIEES, PUIS LIQUIDEES UNE ‎FOIS POUR TOUTES.

EN TANT QU’INDIVIDUALITES LES ALGERIENS SE SONT DE TOUT TEMPS DISTINGUES PAR ‎LEUR FRUGALITE, LEUR GENEROSITE, LEUR COURAGE, LEUR INTELLIGENCE ET BEAUCOUP ‎D’AUTRES BONNES DISPOSITIONS. MAIS ILS NE SE SONT JAMAIS CONSTITUES EN SOCIETE ‎COHERENTE, ET CE STADE LEUR EST RESTE CONSTAMMENT INTERDIT PAR LEUR FAIBLE ‎INCLINATION AU CONSENSUS, A LA SYSTEMATISATION DES ACTIONS ET AU DEPASSEMENT ‎DES CONTINGENCES.

C’est que, bonnes moralement et individuellement, ces qualités avaient, sociologiquement et ‎politiquement, leurs revers. En fait, elles n’eurent à s’exercer positivement que ponctuellement, ‎en tout cas plus volontiers quand il s’agissait de rejoindre un mouvement de révolte comme ‎celui dirigé par Jugurtha, Takfarinas, Mazippa, Firmus, Koceïla, La Kahina, cheikhs al-Mokrani et ‎al-Haddad, Bouamama ou d’autres, que lorsqu’il fallait se mettre au service d’une œuvre de ‎construction comme celle initiée par Massinissa, Juba 1er, Ibn Rostom, Bologhine, ‎Yeghmorassen, Abou Hammou, l’Emir Abdelkader ou d’autres.

LES SOULEVEMENTS DIRIGES PAR LES PREMIERS, COMME LES ETATS FONDES PAR LES ‎SECONDS, NE DURAIENT EN GENERAL QUE PEU DE TEMPS AVANT DE S’EVANOUIR AVEC ‎LEURS PROMOTEURS SOUS LES COUPS DE BOUTOIR DE L’ETRANGER, DES LUTTES ‎INTESTINES OU DE LA TRAHISON.

Les exemples sont nombreux et s’étalent sur les deux mille ans d’histoire connue de notre pays : ‎nomades contre sédentaires, Massyles contre Massesyles, Kotamas contre Rostémides, Zénatas ‎contre Sanhadjas, Zirides contre Hammadites, Almohades contre Almoravides, tribus contre ‎arouch, assimilationnistes contre nationalistes, harkis contre moudjahidine, ET AUJOURD’HUI ‎MODERNISTES CONTRE ISLAMISTES, ARABOPHONES CONTRE FRANCOPHONES…

DEGLINGUES PAR LES OCCUPATIONS SUCCESSIVES, UNE COLONISATION CHASSANT UNE ‎AUTRE, DESUNIS DEPUIS TOUJOURS, EPARPILLES A TRAVERS NOS IMMENSITES OU ‎AGRIPPES AUX FLANCS DE NOS MONTAGNES OU NOUS NOUS SOMMES EXILES POUR FUIR ‎LE CONQUERANT, NOUS N’AVONS PAS EU LA LATITUDE DE CONSOLIDER NOS VALEURS ‎INTRINSEQUES, SYSTEMATISER NOS APTITUDES, OPTIMISER LE RENDEMENT DE NOS ‎MOYENS, TIRER DE NOTRE GENEROSITE ANCESTRALE UN « ART DE VIVRE D’UNE VIE DE ‎NATION ». ‎

NOUS AVONS ETE PARTIE PRENANTE A DES PROJETS GENERAUX, A DES TRAVAUX PUBLICS ‎DECIDES PAR DES ETRANGERS ET NON ISSUS DE NOTRE VOLONTE. NOUS AVONS AIDE LES ‎PHENICIENS A ETABLIR DES COMPTOIRS SUR NOS COTES, LES ROMAINS DES CITES SUR NOS ‎PLAINES, LES TURCS DES FORTS SUR NOS COLLINES, ET LES FRANÇAIS UNE COLONIE SUR ‎NOS TERRES CULTIVABLES.

Nous avons été respectivement leurs Nomades, leurs Barbares, leurs Sujets et leurs Indigènes. ‎Nous avons contribué dans la disparité et l’émiettement à l’œuvre des autres chez nous et ‎quelques fois loin de nos contrées. Dans le domaine intellectuel, Saint-Cyprien, Optat de Milev, ‎Fronton de Cirta, Terentius le Maure, Porphyrien, Arnobe, Apulée de Madaure, Saint-Augustin, ‎et d’autres, ont beau être des nôtres, ils ont servi la gloire de la culture romaine et de l’Eglise. ‎Ils ne pouvaient dédier leur génie à rien d’autre et à personne d’autre.

NOUS N’AVONS RIEN FAIT POUR PROPRE COMPTE AVEC NOTRE AMAZIGHITE, TRES PEU ‎AVEC L’ISLAM, ET RIEN DE DECISIF AVEC L’INFLUENCE OCCIDENTALE. C’EST COMME SI LA ‎TACHE HISTORIQUE DE NOUS ERIGER EN NATION HOMOGENE ET INDEPENDANTE AVAIT ‎CHAQUE FOIS ETE REMISE AU LENDEMAIN PAR NOS DEVANCIERS. D’ailleurs, c’est aux ‎déséquilibres structurels laissés en l’état par les générations qui nous ont précédés que nous ‎sommes confrontés actuellement. ‎
CE QUI A DE TOUTE EVIDENCE MANQUE AUX ALGERIENS POUR REUSSIR.

LES GRANDES ‎MUTATIONS INTELLECTUELLES, POLITIQUES, ECONOMIQUES ET SOCIALES QUI ONT PERMIS ‎A D’AUTRES PEUPLES DE SE HISSER AU RANG DE PUISSANCES IMPOSANTES ET DE SOCIETES ‎HOMOGENES, C’ETAIT DE REALISER A LA FAVEUR DES OPPORTUNITES OFFERTES PAR ‎L’HISTOIRE LE PASSAGE DE L’INDIVIDUEL AU COLLECTIF, DU NOMADISME A LA ‎SEDENTARISATION, DE LA TRIBU A LA NATION, DU RAISONNEMENT COUTUMIER A LA ‎RATIONALITE, DE LA QUIETUDE FATALISTE A LA PRISE EN CHARGE CONSCIENTE ET RESOLUE ‎DE LEUR DESTIN.

Pendant des siècles, ils se sont contentés d’une sorte d’autogouvernement à l’échelle du ‎‎« arch » ou de la « déchra », s’accommodant d’un ersatz de démocratie volontariste et ‎informelle à base de vertus morales comme la « djemâa » et la « touiza », embryons ‎d’institutions inopérantes quelques kilomètres plus loin et totalement hermétiques aux ‎améliorations suggérées par l’évolution.‎

A AUCUN MOMENT L’ALGERIE N’A POSSEDE L’EQUIVALENT D’UN PROJET DE SOCIETE ‎PRENANT EN COMPTE TOUT SON TERRITOIRE, TOUTES SES POPULATIONS, TOUTES SES ‎RICHESSES ECONOMIQUES ET CULTURELLES, AGENCES A L’INTERIEUR D’UNE PERCEPTION ‎GLOBALE DE L’ETAT, ET SAISIS PAR LA CONSCIENCE GENERALE COMME DES ELEMENTS ‎FONDATEURS D’UNE IDENTITE COLLECTIVE. ‎

C’EST COMME SI NOTRE ADN NE COMPORTAIT PAS D’INFORMATIONS RELATIVES AU ‎GROUPE, DE DONNEES GREGAIRES, D’HEREDITE SOCIALE. L’ADN DES SOCIETES C’EST LEUR ‎PASSE, ET LE PASSE C’EST LE LOGICIEL RENFERMANT CE QUI A ETE ACCOMPLI ENSEMBLE, LA ‎SOMME DES EXPERIENCES COLLECTIVES, DES HABITUDES DE TRAVAILLER ET DE PRODUIRE ‎EN RELATION LES UNS AVEC LES AUTRES, AMASSEES TOUT AU LONG DE LEUR PARCOURS ‎HISTORIQUE. C’EST LE BILAN, NON PAS DE CE QUI A ETE SUBI ET SUPPORTE PAR TOUS, MAIS ‎DE CE QUI A ETE REALISE DE CONCERT, EN CONNAISSANCE DE CAUSE, DANS LA LIBERTE ET ‎LA CONVICTION. ‎

CE SONT TOUTES CES CHOSES QUI CONFERENT A UNE COMMUNAUTE LE SAVOIR-VIVRE ‎ENSEMBLE, LE SAVOIR-FAIRE HISTORIQUE, LE « KNOW HOW » COLLECTIF QUI LA DISTINGUE ‎DES AUTRES COMMUNAUTES. CE SONT CES INFLUENCES RECIPROQUES, CES CONTRAINTES ‎DE GROUPE LIBREMENT CONSENTIES, CES PRATIQUES SOCIALES SECULAIRES, QUI INSERENT ‎L’INDIVIDU DANS LA COMMUNAUTE ET LE PARTICULIER DANS LE GENERAL.

CE N’EST QUE LORSQUE LES HABITUDES D’AGIR, DE PENSER ET DE CREER ENSEMBLE ‎S’INCRUSTENT DANS L’INCONSCIENT COLLECTIF ET DEVIENNENT DES MECANISMES DE ‎SYMBIOSE ET DES INSTITUTIONS EFFICIENTES QUE LE ROLE DE LA COMMUNAUTE S’AFFIRME ‎ET RELATIVISE CELUI DES INDIVIDUALITES EXCEPTIONNELLES ET DES ELITES. ‎

Les valeurs les plus nobles, les vertus les plus hautes, les qualités les plus généreuses, quand ‎elles ne sont pas activées à des fins générales, ni conditionnées pour devenir des matériaux de ‎construction, quand elles gisent à l’état primaire au fond de l’individu, ou tout au plus au niveau ‎de la tribu, deviennent des handicaps, des défauts, des vices rédhibitoires quand il s’agit ‎d’instaurer des règles d’organisation collective et de fonctionnement général.

C’EST CE QUI EXPLIQUE QUE NOTRE MERE-PATRIE AIT MIS AU MONDE DAVANTAGE DE ‎HEROS LIBERATEURS QUE DE HEROS CIVILISATEURS, QUE NOTRE PEUPLE SOIT PLUS CONNU ‎POUR SES FAITS D’ARMES QUE POUR SES REALISATIONS PACIFIQUES, ET QUE LES « DEFIS » ‎NOUS AIENT TOUJOURS PARU PLUS ATTRAYANTS QUE L’INVITATION A NOUS ENGAGER ‎DANS DES ŒUVRES DE LONGUE HALEINE REQUERANT ASSIDUITE, DISCIPLINE ET SYNERGIE.‎

QUAND ON A TROP LONGTEMPS VECU SANS L’INTERVENTION D’UNE CULTURE ‎ASSOCIATIVE QUI STRUCTURE ET ORGANISE LES PARTICULES ELEMENTAIRES QUE SONT LES ‎INDIVIDUS AUTOUR D’UNE PROPRIETE DELIMITEE, D’UN TRAVAIL REGULIER ET D’UN CODE ‎SOCIAL,

QUAND ON A PU TRAVERSER LES SIECLES SANS ORDRE POLITIQUE STABLE, NI ‎CONTRAINTES JURIDIQUES D’AUCUNE SORTE, QUAND ON N’A ETE QUE LES SPECTATEURS ‎INDIFFERENTS D’ETATS ERIGES PAR DES ETRANGERS SUR SON PROPRE SOL, L’IDEE QUE DES ‎SYSTEMES SOCIAUX ET DES EDIFICES INSTITUTIONNELS SOIENT INDISPENSABLES A LA VIE ‎NE SE PRESENTE MEME PAS A L’ESPRIT, ET LE SENS COLLECTIF NE TROUVE DES LORS NI ‎COMMENT NI OU SE FORMER. ‎

C’EST MIRACLE QU’IL NE SOIT PAS ARRIVE AUX ALGERIENS CE QUI EST ARRIVE AUX INDIENS ‎D’AMERIQUE, AUX ABORIGENES D’AUSTRALIE OU AUX CIVILISATIONS PRECOLOMBIENNES ‎QUE LA PERSISTANCE DANS DES MODES D’ORGANISATION REVOLUS, AJOUTEE A LA ‎CRUAUTE DES CONQUERANTS EUROPEENS, ONT PRECIPITE DANS LE NEANT.‎

‎« Le Soir d’Algérie » du 27 mai 2012‎

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