Home ARTICLESLa problématique algérienne1970-1979 REPONSE DU DIRECTEUR DU JOURNAL, M. NOUREDDINE NAÏT MAZI AU « GENIE DES PEUPLES » DE M. BOUKROUH (LES HOMMES ET NON LES « DJINNS »)

REPONSE DU DIRECTEUR DU JOURNAL, M. NOUREDDINE NAÏT MAZI AU « GENIE DES PEUPLES » DE M. BOUKROUH (LES HOMMES ET NON LES « DJINNS »)

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Dans le contexte du largedébat engagé par l’opinion publique sur la problématique de la lutte contreles fléaux sociaux, « ElMoudjahid » a publié dans sonédition de lundi un long article de M. NoureddineBoukrouh, article dont la lecture ne saurait laisserindifférent, que l’on soit ou non d’accord avec son auteur.

Pour ma part, je voudrais me garder de porter surles propos de M. Boukrouh un jugement manichéenqu’il ne mérite pas du reste : beaucoup de points soulevés par son auteur, beaucoup de thèses qu’il avancesont fort exacts, mais dans la mesure aussi où l’on sedéfend d’en tirer des généralisations qui risquent d’êtreabusives. A la mode du « tout le monde il est beau, toutle monde il est gentil », nesubstituons pas la mode du« tout le monde il est laid, tout le monde il est méchant » ! Dans les deux cas l’erreur serait égale.

Et c’est précisément en ce sens que l’article deM. Boukrouh, malgré toutes ses qualités de franchise,de réflexion sérieuse, de refus de toute démagogie,malgré le fait que – je le répète – j’en approuvebien des termes, a provoqué en mon esprit une impression d’incomplet, d’unilatéral, c’est-à-dire d’inexact,pour ne pas utiliser le mot de tendancieux.

Selon son auteur en effet, tous les citoyens et lescitoyennes de ce pays sont affublés de nombre demaux, et des pires, et ils s’y complaisent depuis plusde quinze ans. Je ne suis pas de ceux, fustigés à justetitre par M. Boukrouh, qui prétendent au contraire quenoussommes dépositaires de toutes les vertus,exempts de tout vice, que tous nos actes sontexemplaires.

Au demeurant, si la Charte nationale nousappelle à lutter contre les maux sociaux, c’est bienque ceux-ci existent et que tout un chacun peut eêtre atteint. Mais doit-on pour autant affirmer que,depuis la reconquête de l’indépendance, nous nous sommestous transformés en égoïstes, en paresseux, en licencieux, sans entreprendre jamais rien de valable ?

Comment expliquer alors l’existenceaujourd’huidans notre pays de réalisations parfois considérablesqui sont indéniables et dont l’étranger quant à luinous attribue le mérite ? Est-ce là l’œuvre d’une cohorte de « djinns » invisibles, inodores insonoresqui aurait travaillé dans l’ombra de la nuit pour nos beaux veux ? Car la réalité est là et l’Algérie possède en 1979 des biens et des richesses dans tous les domaines, dont nous n’avons notoirement pas hérite1962 après la victoire sur le colonialisme.

S’il est vrai que « nous fonctionnons en deçà denos capacités économiques », il n’en reste pas moinsque les bases matérielles de l’industrialisation ont été jetées ; que les usines et les ateliers se sont multipliés à travers le territoire ; que l’agriculture utilisedes tracteurs construits dans notre pays ; que les paysans vivent dans des maisons plus décentes édifiéesavec du ciment algérien.

S’il est vrai que nos maladessont trop souvent mal soignés, il n’en reste pas moinsque la médecine gratuite a été instaurée et permet de soigner, même si c’est de manière insuffisante, tantde nos concitoyens qui n’avaient pas du tout les moyensde se soigner auparavant ; s’il est vrai que notre culture présente encore force lacunes, dues tout autant ànos propres défauts qu’aux séquelles de l’entreprisecolonialiste séculaire d’aliénation, il n’en reste pasmoins que quatre millions de nos enfants sont aujourd’hui dans les écoles et quelque 70.000 de nos jeunesdans les universités.

Tout ceci, si minime ou si important que cela soit- et je pense comme M. Boukrouh que nous avionsles moyens de faire davantage peut-être – il a biena fallu tout de même que quelqu’un l’accomplisse, que quelqu’un en accepte le tribut de la transpiration, qu’ilen paie le prix de la sueur et fasse preuve de l’espritd’engagement et de désintéressement correspondant.

Voilà pourquoi, en ce qui me concerne, je ne retrouve pas la vérité de notre situation dans le tropnoir tableau dressé lundi dans « El Moudjahid ».Voilàpourquoi je suis convaincu qu’il y a toujours eu dansnotre pays un nombre non négligeable demilitantssincères, de travailleurs sérieux, de responsables compétents et engagés, qui se sont débattus dans les milledifficultés réelles mentionnées par M. Boukrouh et quiont su faire face à leurs missions dans toute la mesure où les circonstances l’autorisaient. Ce sont ceux-là et non les « djinns » qui sont à l’origine de nossuccès.

Mon intention n’est pas, bien sûr, de prétendreaprès cela que tous les Algériens et les Algériennesont toujours pleinementrempli leur devoir, qu’ils sontornés de toutes les qualités.

Je crois aussi qu’il existechez nous beaucoup trop de « rentiers », beaucouptrop de tentations « économistes », beaucoup trop detendances à mesurer la valeur du « radjel » selon lagrosseur de son porte-monnaie, en un mot beaucouptrop de parasites dont le comportement est l’anti-thèse des exigences socialistes.

Je crois aussi quenous avons trop longtemps laissé un champ trop libre àl’extension néfaste de maux sociaux dont la gravitéavaitatteint un seuil d’intolérance, et qu’il faut sansrépit les combattre désormais avec le plus grandacharnement.

Mais je pense également que si l’autocritique estcertes un devoir et une preuve de force, une exigencerévolutionnaireconfirmée par la Charte nationale, iln’y a nullement lieu qu’elle entraine un quasi-masochisme.

Notre peuple, c’est une évidence que l’on nepeut dissimuler, en arrive à faire preuve de laisser-alleret se laisse tenterpar des inclinations nocives dansla vie de tous les jours, surtout lorsque cesse lavaleur de l’exemple auquel il accorde la plusgrandeconsidération.

Est-il le seul dans ce cas ? Ce qui estcertain par contre, ce qui a été maintes fois prouvé dans notrehistoire, c’est qu’il a toujours su grandirdans les grandes circonstances, se hisser aux niveaux les plus élevés et répondre aux exigences lesplus dures que lui imposent les évènements décisifs.

Ses prouesses et son héroïsme durant la guerre delibération sont trop connus pour qu’il soit nécessairede les rappeler. Mais, tout près de nous encore, il enest un exemple dans l’attitude de profonde dignité,de sérénité et de sérieux, de vigilance intraitable etde foi en la Révolution dont il a fait preuve à la face dumonde durant la période douloureuse et délicate qui aentouré la maladie et la mort du Président Boumediene parvenant, par le couronnement de ses institutions,à transformer le mal en bien, en dépit du sauvage tirde barrage exécuté contre notre Révolution par ses ennemis internes et externes.

Grandir à l’extrême dansles moments les plus grands, pour répondre à laquestion posée par M. Boukrouh, n’est-ce pas là peut-être le « génie de notre peuple ?

« El-Moudjahid » du10 octobre 1979

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