« Dans la nature rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » a dit Lavoisier. Il en est à peu près de même pour les idées, elles ne disparaissent pas. Il en est qui se transforment pour s’adapter aux nécessités de la vie, devenant des motivations exaltantes et des institutions au service du bonheur des hommes et de l’harmonie entre eux, et d’autres qui, tels les virus, mutent à la recherche de nouvelles conditions propices à leur survie pour continuer de sévir contre le bonheur des hommes et l’harmonie entre eux au nom de quelque cause « transcendantale ». Elles se nichent dans le double-fond des mentalités, attendant le moment où la rationalité recule et où les mesures prophylactiques s’étiolent pour reprendre leur œuvre corrosive.
Contrairement à ce que l’on croyait, le maraboutisme qui a prospéré dans notre société entre le XVe siècle et la célébration en 1930 du centenaire de la colonisation de l’Algérie n’a pas disparu dans la nature sous l’action éradicatrice des « oulamas » algériens qui s’est étalée sur un demi-siècle. Voyez avec quelle rapidité il est revenu ces dernières décennies, et avec quelle facilité il s’est réincarné dans le charlatanisme qui se cache derrière l’islamisme.
Notre pays a livré une grande guerre de libération, reconquis sa souveraineté au prix de lourds sacrifices, dépensé un millier de milliards de dollars depuis l’Indépendance pour se moderniser, dont une grande partie a été destinée à l’éducation – en vue de former « l’Algérien moderne » –
MAIS FINALEMENT IL SE RETROUVE RAMENE AUX PERIODES LES PLUS OBSCURES DE LA DECADENCE DU MONDE MUSULMAN ET DE LA COLONISATION QUI AVAIT FAIT DU MARABOUTISME UN AUXILIAIRE BENEVOLE. CE QUE NOUS PENSIONS ETRE DES AVANCEES IRREVERSIBLES S’EST AVERE ETRE DE COUTEUX ET VAINS COUPS D’EPEE DANS L’EAU.
LE MARABOUTISME A FAIT UN EXTRAORDINAIRE SAUT EN HAUTEUR PUISQU’IL A ATTEINT LES SPHERES DIRIGEANTES DU PAYS, ET SON AVATAR, L’ISLAMISME POLITIQUE – CHAUSSE DES BOTTES DE SEPT LIEUES – A FAIT UN GIGANTESQUE SAUT EN LONGUEUR PUISQU’IL COUVRE DESORMAIS UNE GRANDE SURFACE DE LA SOCIETE. EN FAIT L’ISLAMISME N’EST PAS L’HERITIER DU MARABOUTISME, IL EN EST UNE DUPLICATION, UN CLONE. ILS SONT DESORMAIS DEUX, DEUX ENTITES VIRALES, DEUX FLEAUX A PRENDRE EN TENAILLES LA SOCIETE ALGERIENNE JUSQU’A SA STERILISATION DEFINITIVE, JUSQU’A SA TALIBANISATION.
TOUT DOIT ETRE REFAIT UN JOUR, A MOINS QUE L’ALGERIE NE LEUR AIT PAS SURVECU PARCE QU’ELLE SERAIT DEVENUE QUELQUE CHOSE COMME LA SOMALIE OU L’AFGHANISTAN, CE QUI N’EST PAS IMPOSSIBLE. Surtout si le pétrole venait à nous lâcher prématurément, ce qui n’est pas non plus impossible
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LA SEULE DIFFERENCE ENTRE L’ISLAMISME CHARLATAN CONTEMPORAIN ET LE MARABOUTISME MUSULMAN D’AUTREFOIS EST QUE CE DERNIER N’ETAIT PAS SANGUINAIRE. IL N’EGORGEAIT PAS LES GENS, IL SE CONTENTAIT DE LES DECERVELER, DE TUER EN EUX LA RATIONALITE, TANDIS QUE LE PREMIER AIME A CUMULER LES DEUX QUAND IL LE PEUT. DE CONCERT, ILS ONT REUSSI A RECONSTITUER DE HAUT EN BAS PARMI LES GOUVERNANTS ET LE PEUPLE LE PUBLIC ASSOIFFE DE SACRE DONT ILS ONT BESOIN POUR EXERCER LEUR APOSTOLAT DOUTEUX. ILS ONT RESTAURE L’AMBIANCE ENVOUTANTE PROPICE A LEURS BONIMENTS EN MEME TEMPS QU’A TOUTES LES ESCROQUERIES ET RETABLI LES PRATIQUES DE SORCELLERIE COMME LA « ROQIA ».
A l’époque de Ben Badis de larges couches de la population, béant de crédulité devant ce qu’on leur racontait, guettant la survenance de quelque miracle et suivant comme des moutons les processions maraboutiques, révéraient les « sidi », les «moulay» et les « chouyoukh » dispensateurs de baraka. Elles buvaient leurs paroles comme de l’eau bénite et recueillaient les poils de leur barbe, quand ils en avaient, comme des reliques.
C’EST CE PUBLIC QUE BEN BADIS A QUALIFIE UN JOUR DE « PEUPLE QUE RASSEMBLE LE BENDIR ET QUE DISPERSE LE GOURDIN ».
Public mêlant pêle-mêle amateurs de « bkhour » et de » djawi », « tolba » guérisseurs de l’âme et du corps, émules entrant en transe au rythme endiablé du bendir et charmeurs de serpents comme ceux qu’enfant j’allais voir sur la place de la Régence (actuelle place des Martyrs).
Il y en avait partout, passant dans les villes, les quartiers et les villages, Blancs ou Noirs, enjôleurs ou louches, en burnous ou en gandoura, exhibant devant les foules émoustillées ou émerveillées tambours, bendirs, karkabous et moult objets fétiches hérités de l’ère ottomane ou provenant de la mythique Tombouctou.
Parfois, la pensée est obligée de créer des mots nouveaux pour cerner des phénomènes nouveaux. C’est ainsi qu’il nous faut un nouveau terme pour caractériser la situation créée par les révolutions arabes, je veux dire la victoire en chaîne de l’islamisme et l’engouement communicatif qu’elle a suscité, notamment en Algérie. « L’islamismania » est celui qui semble convenir pour rendre compte de cet engouement endémique. On pensait que le gourdin de Moubarak avait assommé les islamistes et que celui de Ben Ali les avait dispersés aux quatre vents. Or voilà que l’islamismania les a rameutés.
IRONIE DU SORT, CE SONT LES « GENERATIONS INTERNET » QUI ONT SONNE LE RASSEMBLEMENT ET LEUR ONT FRAYE LA VOIE, QUI ONT OUVERT LA BOITE DE PANDORE ET RAMENE ALADIN (EN LA PERSONNE DE TEL OU TEL LEADER) LA LAMPE MERVEILLEUSE A LA MAIN ET PROMETTANT DE FAIRE RETROUVER LA VUE A LEUR PEUPLE PLONGE DANS LA CECITE DE LA « DJAHILIYA DU XXE SIECLE » SELON L’EXPRESSION DE SAYYEDQOTB.
LE MONDE ARABE S’EST MIS AU VERT, AU SENS PROPRE ET FIGURE DU TERME. ÇA SENT PARTOUT LE « SWAK », LE HENNE ET L’AMBRE. EN SE CLONANT EN ISLAMISME, LE MARABOUTISME S’EST MODERNISE. IL A GAGNE EN RELIGIOSITE OSTENSIBLE ET PERDU EN FOLKLORE RIDICULE.
Le bendir a été remplacé par l’islamismania et, à la place du spectacle des charmeurs de serpents confinés à la place Djamaa-l-fna (Marrakech) pour amuser les touristes européens, les chaînes de télévision des monarchies arabes offrent aux pieux téléspectateurs de nouveaux produits de marketing religieux comme l’activité lacrymale interactive promue par l’inimitable Amr Khaled.
Dans son œuvreة Bennabi considère que la civilisation islamique a été déviée de sa trajectoire en l’an 37 de l’Hégire, l’année de l’affrontement entre Muawiya et Ali. Pour lui la « phase de l’âme » venait de s’achever, laissant place à la « phase de la raison » qui s’est prolongée jusqu’à l’époque d’Ibn Khaldoun, puis à celle de la décadence qu’il est mort sans la voir se clore.
IL VOULAIT DIRE PAR LA QUE LA CIVILISATION ISLAMIQUE N’ETAIT PLUS DEPUIS LORS QU’UN VAISSEAU QUI AVAIT PERDU SON PLAN DE VOL AU DECOLLAGE AVANT D’ACHEVER SA COURSE UN MILLENAIRE PLUS TARD DANS LE MARABOUTISME.
Il propose à notre réflexion un exemple très concret : « L’effort intellectuel, c’est-à-dire l’effort créateur d’idées, a été placé par l’islam au premier rang de ses recommandations par ce hadith du Prophète : « Quiconque fait un effort intellectuel et parvient à une vérité a un double mérite, et quiconque fait un effort et est parvenu à une erreur a quand même un mérite ». Voilà un archétype qui a guidé les efforts des premières générations de l’islam dans ces conquêtes de l’esprit qui ont enrichi le patrimoine humain dans le domaine de la pensée pure, comme dans le domaine des sciences appliquées. Mais, quelques siècles au-delà, nous trouvons la société musulmane en possession d’une nouvelle philosophie de l’effort intellectuel. Nous trouvons, à vrai dire, son comportement totalement changé à l’égard des idées comme l’indique ce précepte que les dernières générations nous ont transmis : «Tafsirouhoukhata’, wakhata’ouhoukofr» (L’interpréter, en parlant du Coran, est une erreur, et toute erreur est blasphème).
Et Bennabi de poursuivre : « Voilà une idée qui constitue une défense qui a effectivement paralysé tout effort intellectuel dans le monde musulman où toute spéculation a eu en effet à la base une idée coranique, comme les spéculations de l’école mu’tazilite qui a tant enrichi la pensée musulmane. L’école réformiste, depuis Abdou, a eu vaguement conscience que l’esprit musulman s’était enlisé dans cette ornière. Mais pour l’en tirer il fallait soit lui donner une nouvelle impulsion spirituelle, comme Luther et Calvin en Europe, soit lui faire subir une révolution intellectuelle comme Descartes, c’est-à-dire lui donner, d’une manière ou d’une autre, un nouvel élan créateur d’idées. L’école réformiste n’a su faire ni cette réforme ni cette révolution. Elle est tombée elle-même dans l’ornière, tout en criant que nous sommes dans l’ornière ».
L’ESPRIT MUSULMAN CONTINUE DE TOURNER EN ROND, PRISONNIER D’UNE GRAVITE QUI LE FAIT TOURNER AUTOUR D’UN ASTRE MORT, CELUI DE LA DECADENCE. LE MARABOUTISME, COMME LE MODE DE PENSEE ET LE MODELE DE SOCIETE PRONES PAR L’ISLAMISME, DESCENDENT EN DROITE LIGNE DE L’ATTITUDE « INTELLECTUELLE » SUGGEREE PAR CE PRECEPTE. COMBIEN DE FOIS NE L’A-T-ON ENTENDU DANS LA BOUCHE DE ULEMAS MOYEN-ORIENTAUX ET MOYENAGEUX, OU DE LEADERS ISLAMISTES ALGERIENS ?
EN DEHORS DU VOLET TOUCHANT AUX MŒURS, QUE SAIT-ON DE LA « SOLUTION ISLAMIQUE » ? RIEN, SINON QU’ELLE SE PREVAUT DES SUCCES DE LA MALAISIE OU DE L’AKP ALORS QUE CELUI-CI, COMME ON L’A MONTRE DANS DE PRECEDENTES CONTRIBUTIONS, RESULTE DES GARDE-FOUS POSES PAR LA LAÏCITE, DE L’APPLICATION DES REGLES DE L’ECONOMIE DE MARCHE ET DES CRITERES DE CONVERGENCE IMPOSES PAR LA PERSPECTIVE D’ADHESION A L’UNION EUROPEENNE.
Si l’islamisme turc n’avait pas été soumis à ces pressions, il aurait probablement versé dans le charlatanisme et l’extrémisme quand on sait que Teyyip Erdogan a failli être happé par cette spirale à un moment de sa vie.
Ayant été dans sa jeunesse à une école de formation des imams – avant de bifurquer plus tard vers des études économiques – il n’était pas loin de devenir un taliban. Alors qu’il était maire d’Istanbul (de 1994 à 1998) il a été mis fin à son mandat et lui jeté en prison parce qu’il avait lu en public un poème d’un auteur turc qui disait : « Les minarets seront nos baïonnettes, les dômes des mosquées nos casques, les lieux de prière nos casernes, et les croyants nos soldats ».
L’islamisme considère que l’islam est une seule et même chose depuis son apparition. Mais si l’islam est un, pourquoi l’islamisme est-il pluriel ? Pourquoi autant de partis en Algérie et en Égypte si la vérité que chacun prétend détenir est une seule ? La différence est-elle dans le « programme » ou dans les hommes qui le véhiculent ? Or, on sait qu’il n’y a pas de programme islamiste.
LA CAUSE DU PEUPLE PALESTINIEN A PERDU SA PREEMINENCE DANS L’ESPRIT DES PEUPLES QUI LA SOUTENAIENT DEPUIS QUE LE PEUPLE PALESTINIEN A ETE DIVISE EN MUSULMANS ISLAMISTES ET EN MUSULMANS TOUT COURT (SANS OUBLIER LES CHRETIENS). ELLE S’EST SCINDEE EN DEUX ETATS AVANT MEME QUE L’ETAT PALESTINIEN NE NAISSE. SOUS PRETEXTE DE « RESISTANCE », L’ISLAMISME L’A DIVISEE EN DEUX SOUS-CAUSES ANTAGONIQUES, L’UNE DOMICILIEE A GAZA, L’AUTRE A RAMALLAH, SOUS L’ŒIL VIGILANT DE TSAHAL. QUI POUVAIT, EN ISRAËL, REVER D’UN TEL SCENARIO, D’UN TEL CADEAU ?
Le monde s’en est détourné et le gouvernement israélien en a profité pour grignoter davantage de territoires, jusqu’au jour où il n’y aura plus de Palestine du tout. Restera l’islamisme qui, faute de terre, planera majestueusement sur les eaux du Jourdain ou de la Méditerranée comme l’Esprit saint au début de la Création.
J’ai parlé dans un écrit antérieur de « chariâland », un autre néologisme qui m’a été inspiré par l’actualité arabe. Gaza n’en est-il pas un modèle ? N’y sont admis que les musulmans palestiniens islamistes. Les autres, musulmans tout court ou chrétiens, n’ont qu’à aller se faire pendre ailleurs.
DANS L’ALGERIE COLONIALE, IL Y AVAIT UN PLURALISME POLITIQUE ET UNE VIE ELECTORALE. EUT-IL PU Y EXISTER DES PARTIS ISLAMISTES POUR CONCURRENCER LE PPA-MTLD ET L’UDMA ? NON, CAR L’ISLAMISME N’EXISTAIT PAS ENCORE, IL N’EST APPARU QU’A L’ERE DES INDEPENDANCES POUR S’OCCUPER DE LA FEMME, DE LA MIXITE, DU MAILLOT DE BAIN, DES SALLES DE PRIERE SUR LES LIEUX DE TRAVAIL, DE L’INTERET BANCAIRE ET AUTRES QUESTIONS « MAJEURES » RESTEES INSOLUBLES DEPUIS L’APPARITION DE L’HOMO SAPIENS. C’EST CELA SON PROGRAMME.
Mais maintenant qu’il est bien installé, que l’islamismania va rassembler encore plus de gens autour de lui qu’il ne sera pas possible de disperser avec le gourdin, devra-t-il s’inspirer du Hamas pour séparer musulmans islamistes et musulmans ordinaires (sans parler du sort à faire à la minorité chrétienne en voie d’expansion) quand il ne sera plus possible de vivre ensemble ? Ou aura-t-il besoin de l’expertise israélienne ?
Et dans la pauvre Égypte bien plus mal lotie que nous, où iraient les 15% de musulmans qui n’ont pas voté islamiste et les 10% de Coptes ? Faudrait-il la diviser par trois ? Le Soudan, lui, n’a pour l’heure été divisé que par deux pour cause d’islamisme. Comme le morceau de gruyère arraché par Yasser Arafat au temps de Clinton et de Rabin.
TOUT LE MONDE CONNAIT L’ARGUMENT UTILISE PAR DES GENERATIONS DE « SAVANTS » ET INTELLECTUELS MUSULMANS : ON PEUT SE DEVELOPPER SANS RIEN CHANGER A SA CULTURE ET A SA PERSONNALITE, ET LA MEILLEURE ILLUSTRATION EN EST LE JAPON. OR, UN SPECIALISTE JAPONAIS DU MONDE ARABE VIENT D’APPORTER LA REPONSE DES JAPONAIS A L’IMPARABLE ET LUMINEUX ARGUMENT.
Il s’agit de Nobouaki Notohara, un nippon arabisant qui a passé quarante ans de sa vie dans la péninsule arabique et traduit plusieurs livres de l’arabe au japonais. Il a publié il y a quelques années un livre intitulé « Les Arabes : point de vue japonais » où il écrit :
« A chaque fois que des Arabes se rencontrent à un colloque scientifique et que le Japon est mentionné, les participants comparent le renouveau japonais au renouveau arabe tant espéré. Ils affirment que le Japon a réussi à intégrer le nouvel âge tout en préservant sa culture. Il semblerait qu’ils cherchent ainsi à se trouver des excuses, à se justifier en disant : “On peut intégrer l’âge de la modernisation, de la mondialisation et de la production sans pour autant renoncer à son héritage social, au modèle politique traditionnel, aux normes comportementales qui ne sont plus de mise aujourd’hui ”. Et si on leur répond que les Japonais ont intégré l’époque moderne parce qu’ils ont renoncé au modèle politique et au comportement social auxquels ils étaient habitués et qu’ils ont adopté de nouvelles idées, certains Arabes réagissent avec stupéfaction, refusant d’admettre les faits… Au Japon, chaque jour apporte son lot de faits nouveaux, alors que l’Arabe se contente de reconstruire les évènements du lointain passé…»
L’ISLAM EST LA RELIGION QUI ETAIT LA MIEUX DISPOSEE POUR PROMOUVOIR UNE PHILOSOPHIE POLITIQUE DEMOCRATIQUE. POURTANT LES PEUPLES QUE RASSEMBLE LA CULTURE THEOCRATIQUE ET QUE DISPERSE LE GOURDIN LUI ONT PREFERE LE DESPOTISME, C’EST-A-DIRE LE REGNE DES PERSONNES PLUTOT QUE CELUI DES INSTITUTIONS.
LA MONARCHIE HEREDITAIRE ETAIT ETRANGERE AUSSI BIEN A LA DOCTRINE ISLAMIQUE QU’A L’HISTOIRE DES ARABES. IL N’EXISTAIT PAS DE MONARQUES DANS L’ARABIE PREISLAMIQUE QUI ETAIT PLUTOT UNE « REPUBLIQUE DE MARCHANDS » OU COHABITAIENT DES TRIBUS ET DES FAMILLES MAIS SANS STRUCTURE UNITAIRE OU AUTORITE AU-DESSUS D’ELLES. POUR SA PART, LE PROPHETE N’A NI INSTITUE LA MONARCHIE NI DESIGNE UN SUCCESSEUR, IL A LAISSE AUX MUSULMANS LE SOIN DE LE FAIRE SELON CE QUI LEUR CONVIENDRAIT. IL N’A NI USE DE LA CULTURE THEOCRATIQUE, NI DU GOURDIN.
POURTANT, QUAND ON REGARDE LE BILAN, LE DESPOTISME EST LE SEUL MODELE POLITIQUE QUE LES ARABO-MUSULMANS ONT CONNU TOUT AU LONG DE LEUR HISTOIRE. CE QUI ETAIT AU DEPART UNE HERESIE EST DEVENU UNE ORTHODOXIE. LE DESPOTISME A SI BIEN ETE MOULE DANS L’ARGILE DES CROYANCES QU’IL N’A PAS ETE, A CE JOUR, INQUIETE DANS LES MONARCHIES QUI SE VEULENT DE DROIT DIVIN.
Autre ironie du sort, ce ne sont pas les républiques qui ont été les plus fervents soutiens des révolutions arabes, mais les monarchies, pour les raisons géostratégiques que l’on devine et non par conviction démocratique, bien sûr. Et que feraient les islamistes s’ils savaient qu’on les laisserait faire ? Le califat.
En cherchant un jour à vérifier un détail dans la Constitution américaine pour les besoins d’un travail, j’ai été saisi par la similitude entre le principe posé dans la Déclaration d’indépendance américaine en vertu duquel les citoyens ont le droit de se soulever contre le despotisme, et le principe posé par Abou Bakr le jour où il a prêté serment comme successeur du Prophète, fondant le même droit. Il n’y a de différence que dans la formulation, autrement le fond est absolument identique. Et les deux moments, la Déclaration d’indépendance, comme le discours d’investiture, étaient des moments fondateurs.
On lit en effet dans le troisième paragraphe de la Déclaration d’indépendance : « Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir (ces) droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu’une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l’abolir et d’établir un nouveau gouvernement… Il est de son droit, il est de son devoir de rejeter un tel gouvernement…»
Et comme pour donner aux citoyens américains les moyens de mettre en œuvre ce principe le Deuxième amendement a institué le droit pour eux de détenir et de porter des armes. Les Américains, n’ayant pas connu depuis leur guerre de libération le despotisme, n’ont pas eu à recourir au soulèvement contre lui. De ce vieux principe est restée la liberté du port d’arme malgré les problèmes qu’elle pose à la société américaine.
Après sa désignation comme premier calife Abou Bakr a déclaré devant ceux qui venaient de l’élire : « Me voici chargé de vous gouverner. Si j’agis bien, soutenez-moi, si j’agis mal, corrigez-moi. Dire la vérité au dépositaire du pouvoir est un acte de dévouement, la lui cacher est une trahison… » Quelqu’un parmi la foule prit la parole et s’écria en levant haut son sabre : « Si tu agis mal, c’est avec ceci que nous te redresserons ! » N’est-ce pas la même philosophie politique qui est à la base du texte américain et du discours du premier calife ? La réponse apportée par le bédouin pour compléter le principe posé par Abou Bakr n’est-elle pas l’égale du Deuxième amendement légitimant le recours aux armes pour combattre un pouvoir devenu illégitime ?
POURQUOI LES CHOSES ONT-ELLES BIEN MARCHE DANS LE CAS DES AMERICAINS ET PAS DANS CELUI DES MUSULMANS ? PARCE QU’UN QUART DE SIECLE APRES L’ENONCE DE CE PRINCIPE LE GOUVERNEUR DE DAMAS, MUAWIYA (FONDATEUR DE LA DYNASTIE OMEYYADE) A RENVERSE LE CALIFE LEGITIME, ALI, ET INSTAURE LE CALIFAT HEREDITAIRE SANS QUE LE PEUPLE NE SE SOULEVE, NI QUE LES ULEMAS NE LE CLOUENT AU PILORI. AU CONTRAIRE, ILS SE SONT INGENIES A LEGITIMER LE GOURDIN ET SA TRANSMISSION HEREDITAIRE.
DEPUIS, LES PEUPLES QUE RASSEMBLE LE BENDIR ET QUE DISPERSE L’EPEE D’AL- HADJADJ ONT FAIT LEUR ENTREE DANS L’ERE ININTERROMPUE DU DESPOTISME SOUS TOUTES SES DECLINAISONS : CALIFAT DYNASTIQUE, MONARCHIES, PRESIDENCE A VIE, REPUBLIQUES HEREDITAIRES…
AUTRE QUESTION : POURQUOI LES MUSULMANS, SI SENSIBLES A L’IDEE DE « SALAF » QUI A DONNE SALAFISME (IMITATION DES ANCIENS) ONT-ILS SUIVI L’EXEMPLE DE MUAWIYA PLUTOT QUE CELUI D’ABOU BAKR ? PARCE QUE LES ULEMAS ET FOUQAHA ONT ESCAMOTE LE PRINCIPE DEMOCRATIQUE PAR CRAINTE DU GOURDIN OU POUR LUI COMPLAIRE EN ECHANGE DE LEUR PREROGATIVE DE RASSEMBLER LE PEUPLE, ET REMPLACE PAR UN AUTRE, TIRE DU DETOURNEMENT DE SENS DE PAROLES COMME : « OBEIR AU DETENTEUR DU POUVOIR, C’EST OBEIR A DIEU ». ILS ONT FAIT AVEC LE CORAN ET LE HADITH CE QUE LES DESPOTES ONT FAIT AVEC LEURS CONSTITUTIONS.
« Le Soir d’Algérie » du 26 février 2012