« En vérité je vous le déclare, cette génération ne passera pas que toutes ces chosesn’arrivent… Ce seront des jours d’une détresse telle qu’il n’y en a jamais eu de pareille… »Sidna Aissa-Jésus (1).
Toutes les pièces du puzzle étant en place, suffisamment de temps s’étant écoulé, il est permisde se prononcer : l’œuvre politique menée depuis l’élection présidentielleévoque en fin decompte ces cités construites pour durer quelques lustres avant de tomber de délabrement (lapresse rapportait récemment que 500.000 logements construits après l’indépendance étaientvoués à la démolition).
Tout devra donc être refait un jour, encore et encore, jusqu’à ce que les réalisations soientenfin conformes aux normes de construction universelles des institutions. Ces normes sontsimples : il faut que le peuple y croie et que les hommes qui les peuplent soient crédibles.C’est loin d’être le cas, et c’est pourquoi la formule est appelée à se défaire.
La tournure prise par les choses depuis novembre 1995 n’est pas celle qui étaitespère C’estcomme si la Révolution algérienne, au lieu de déboucher sur la libération, avait débouché sur le remplacement du colonialisme français par un colonialisme d’une autre nationalité. Au total, on aura considéré le néant, puis entrepris de le combler avec mille riens.
Il n’est pas possible avec cela d’aller à l’an 2000.
Bientôt une année se sera écoulée depuis que la nouvelle Assemblée nationale a été mise en place, et déjà on murmure qu’elle n’ira pas à son terme. Il y a à peine six mois que le conseil de la Nation a été installé que l’on constate déjà qu’il recèle en son sein une troisième chambre (les 25% de voix +1) capable de neutraliser les deux premières, sans dire que faute de pouvoir agir sur les projets ou propositions de lois, il ne servait dans son intégralité à presque rien selon ses propres membres qui appellent d’ailleurs à une nouvelle révision de laConstitution.
Au plan moral, l’ère Chadli commence à être regrettée. Elle est regardée, en comparaisonavec le présent, comme une ère où l’injustice, le « barghoutisme », la corruption et la pauvretén’avaient pas atteint leur niveau actuel. Finalement, conclut-on, on n’est pas allé versmieux, mais vers pire. Sauf pour ceux qui lui en voulaient personnellement de les avoirécartés.
Jamais le système de valeurs de la société n’avait été perverti à ce point : fraude électoraleindécente, faux élus, faux bilan gouvernemental, absence de toute réalisation économiqued’envergure, ségrégation entre les citoyens (Moudjahidine, fils de chouhada et fils demoudjahidine d’un côté, et reste du peuple de l’autre) …
Les irrégularités ayant entache ladévolution du pouvoir ont rendu son exercice anormal et immoral.
Le choix des hommes a porté sur les fantômes du passé, les amis personnels, les traitres àleurs partis, les personnages creux et veules, les opportunistes et les parasites de toujours. Ilrenseigne suffisamment sur les véritables intentions des auteurs de la formule, sur leuraveuglement et leur sens de l’inefficacité.
L’ETAT, C’EST EN PRINCIPE CELUI QUI COURT APRES LES VOLEURS POUR LES PUNIR, ET NON CELUI QUI LES HEBERGE ET LES COUVRE.
C’EST CELUI QUI POURCHASSE LES INEGALITES DE DROIT ET LES PRIVILEGES, ET NON CELUI QUI LES INSTITUE ET LES PROTEGE.
C’EST CELUI QUI FAIT LES LOIS ET VEILLE A LEUR RESPECT, ET NON CELUI QUI LES VIOLE EN PREMIER.
Or, l’Etat actuela interdit l’inféodation des organisations ditesnationales (ONM, ONEC, ONEM, UGTA) aux partis politiques, mais les responsables decelles-ci siègent tranquillement à latête du RND.
Nous ne pouvons pas aller à l’an 2000 danscet état…
Les plus incroyables miracles se sont réalisés au cours des trois dernières décennies : on amarché sur la lune, l’URSS a disparu, Mandela dirige l’Afrique du Sud, Suharto est parti aubout de 500 morts, etc, alors qu’en Algérie non seulement rien n’a changé, mais tout ne cessed’empirer : paupérisation générale, ENRICHISSEMENT ILLICITE DES NOUVEAUX HOMMES FORTS DU POUVOIR, arabisation menée comme une embuscade tendue à l’ennemi…
Le terrorisme est entrédans sa septième année, et tout indique qu’il durera plus que la guerre de libération. IL AURA AUSSI TUE PLUS D’ALGERIENS QUE LA REVOLUTION N’A TUE DE FRANÇAIS (MOINS DE 20.000).
L’orientation prise depuis Novembre 1995 n’est pas, tout compte fait, un antidote auterrorisme, mais son dopage indirect. Ce que les forces de l’ordre font, la politique dugouvernement le défait.
On savait déjà que celle-ci ne créait pas d’emplois mais en faisaitperdre.Ce qu’il faut encore savoir, c’est que les seuls emplois qu’Ouyahia aura créés d’ici son départsont ceux qu’il aura offerts aux désespérés qu’il a acculés au terrorisme ou à la grandedélinquance.
C’est dire qu’une victoire totale des forces de l’ordre ne pourra être définitivetant que durera la politique actuelle de démotivation et d’appauvrissement de la population.
Les entraves à l’investissement, les restrictions a l’importation pénalisant les uns et favorisantles autres, les récentes augmentations de prix a la barbe des députés (a travers la hausse des« valeurs administrées » de tous les produits alimentaires excepté l’alcool et la bière dont lavaleur en douane a été révisée à la baisse), tous ces facteurs vont réduire encore plus lepouvoir d’achat et la consommation, et par voie de conséquence la production, la créationd’emplois et les recettes fiscales.
Les salaires exorbitants que ce sont votés les 524-12 vrais et faux parlementaires vont entrainer des réactions en cascade Les magistrats et les élusde base (APC) se sont déjà manifestés. Les enseignants, les pilotes, les médecins lestravailleurs, les fonctionnaires, etc, ne tarderont pas. Il s’agira alors de choisir :OU LES VRAIS ET FAUX ELUS SE METTENT AU NIVEAU DE LA NATION, OU C’EST LA NATION QUI SE MET A LEUR NIVEAU.
QUAND LA FORMULE EXPLOSERA, CAR ELLE FINIRA PAR EXPLOSER, QUAND TOUT LE DISPOSITIF S’ECROULERA D’UN SEUL BLOC, CAR IL S’ECROULERA, LE RND SE DISLOQUERA COMME LE FLN S’ETAIT EFFILOCHE EN OCTOBRE 1988.
Ses membres en appelleront alors à l’Armée pour qu’elle rétablisse l’ordreet, dans son sillage, leur « barghoutisme ».
CEUX QUI ONT ENTREPRIS DE DETRUIRE LE PAYS PAR LE TERRORISME NE SONT PAS PLUS COUPABLES QUE CEUX QUI ŒUVRENT A SON EXPLOSION PAR LA PERVERSION DE SES INSTITUTIONS ET LE PILLAGE DE SES DERNIERES RESSOURCES.
POUR CES PARASITES QUI SE SONT CONSTITUES EN « PRIVILIGENTSIA » EXPLOITANT JUSQU’A L’USURE LE SOUVENIR DE LA REVOLUTION, LE TERRORISME EST MOINS REDOUTABLE QUE LA DROITURE, L’HONNETETE, LE LEGALISME, LA DEMOCRATIE, ET C’EST POURQUOI ILS NE SOUHAITENT PAS AU FOND QUE LE TERRORISME DISPARAISSE. ILS ONT BESOIN QU’IL SE MAINTIENNE A UN NIVEAU ACCEPTABLE, LE NIVEAU « RESIDUEL » PAR EXEMPLE.
Le cœur des citoyens, leur esprit, leur mémoire, sont pleins de haine dissimulée, de désir devengeance contenu, d’humiliation cachée, de rage tue. Qu’il est devenu difficile, périlleuxécœurant de vivre en Algérie ! Combien ce droit est contrarié, conteste, combattu !Il l’était parla nature, les maladies, le sous-développement, il a été intensifié par des dirigeantsignares et sans pitié pour leur nation.
Les fils qui retiennent les Algériens à la vie sontdevenus si minces qu’ils ont le sentiment d’être plus proches de la mort que de la vie. La findu monde a déjà été connue par ceux qui ont vécu Rais, Bentalha, Sidi Hamed. Chekala BeniMessous… Ayant été mis si près de l’Enfer, ils n’ont plus rien à redouter, plus rien à perdre.
POUR QUI SONNERA LE GLAS LE JOUR OU TOUT EXPLOSERA ?
Les nouveaux pauvres sont les cadres de haut niveau sous-payés, les compétences en retraiteou au chômage, les jeunes diplômés sans débouché, et non plus les anciens va-nu-piedsillettrés et incapables d’action collective. Le prochain soulèvement n’impliquera donc pasque « les gamins». Les seniors s’y mettront nécessairement, et tous ensemble réclameront lalibération de Ali Benhaj. C’est que quand les peuples se soulèvent, ils ne raisonnent pas, ils sevengent. Et au bon moment, il surgit toujours un Savonarole pour canaliser la haine et leressentiment exprimés.
Les peuples ?Ah, les peuples ! Nietzsche disait :« Un peuple est ledétour que prend la nature pour parvenir à six ou sept grands hommes… et pour leséviter ensuite »
Alarmisme ? Démoralisation de la nation ? Appel à l’émeute ? Que non ! Ces choses-là ne sont pas à reprocher à ceux qui dénoncent, mais à ceux qui commettent les faits dénoncés.
(I) L’Évangile selon Saint Marc
« El-Watan » du 02 juin 1998