Un quart de siècle après son apparition en Algérie le terrorisme islamiste est toujours capable de nous infliger des pertes de l’ampleur de celles du dernier massacre commis à Aïn Defla. Les Algériens ne se sont pas encore remis du choc des massacres ramadanesques de Ghardaïa, qu’un autre les a surpris au premier jour de l’Aïd.
Pourquoi n’y avait-t-il pas d’actions terroristes spectaculaires en Tunisie au temps de Benali alors qu’elles se sont multipliées, jusqu’à devenir monnaie courante, depuis son départ ? La réponse, tout le monde croit la connaître : il tenait la Tunisie d’une main de fer !
Mais, à ce que l’on sache, Benali en quittant la Tunisie avec femme et enfants n’a pas emmené dans son exil saoudien la main de fer, elle est restée sur place. Ce qui appelle une nouvelle question : pourquoi cette main de fer a-t-elle perdu la maîtrise de la sécurité du pays ?
Le président Caïd Essebsi étant connu pour être intraitable avec l’islamisme, ne peut pas être soupçonné de calculs politiciens comme ceux qui ont accompagné en Algérie la mise en œuvre de la « réconciliation nationale » qui a désarmé l’AIS, les GIA et le GSPC mais pour un temps seulement à en croire Madani Mezrag et ceux qui préconisent la reconnaissance diplomatique de l’ « État islamique », connu sous l’abréviation « Daesh », pour ne pas encourir la guerre « inextinguible » que des compatriotes enrôlés sous sa bannière promettent à l’Algérie.
Comme preuve de sa résolution Mr Caïd Essebsi, donneur d’ordres à la main de fer, vient de déclarer la guerre totale au terrorisme et d’en appeler à une nouvelle stratégie requérant des moyens plus importants que ceux de la seule Tunisie, mais dont il n’en a rien dit.
Si,par une telle stratégie, le président tunisien entend de nouveaux dispositifs sécuritaires et militaires il n’aura pas innové par rapport à ses homologues confrontés au problème avant lui, et le terrorisme ne disparaîtra pas de son pays.
Bien sûr que tous les moyens sécuritaires et militaires du monde entier doivent être mobilisés contre le terrorisme, mais ils ne suffiront pas. Non pas que le terrorisme soit plus fort que le monde entier, mais au regard de sa nature insidieuse, pernicieuse, insaisissable et se reproduisant à l’infini.
Il survivra tant qu’il n’aura pas été débranché de la source d’énergie qui l’alimente et le régénère à l’infini, l’islamisme sous ses diverses déclinaisons : takfiriste, djihadiste, salafiste, fondamentaliste, pacifiste…
Au temps de Benali, la démocratie et le courant islamiste étaient illégaux. On sait donc par où est venu le terrorisme, et l’expérience de l’Algérie voisine le confirme point par point. Faut-il pour autant incriminer « octobre 1988 » et la « révolution du jasmin » ? Proscrire la démocratie dans les pays musulmans et jeter le bébé avec les eaux du bain ?
Ce serait donner raison aux monarchies arabes qui, juste retour de flammes, commencent à pâtir à leur tour du terrorisme qu’elles ont longtemps soutenu. «Cheh fikoum !» comme diraient nos vieilles et moi avec elles.
L’islamisme a poussé en terre musulmane partout où se trouvait un terreau humain musulman. La démocratie lui a juste offert un peu plus de latitude pour s’exprimer, mais ce que ne lui auraient pas accordé les régimes arabes, internet et les réseaux sociaux allaient le lui donner gratuitement : l’adhésion par correspondance, le recrutement à distance, le travail à domicile…
Daesh est une franchise, elle n’a pas besoin d’envoyer des unités dans un pays, les combattants volontaires sont déjà sur place, disponibles, attendant le moment favorable, les armes et les directives pour entrer en action.
Des « kamis » noirs, il y en a sur le marché, de même que du tissu noir où couper drapeaux et bandeaux. Quelques milliers de dinars et les effets de terreur sont réunis.
Il y a une semaine un enfant a jeté un pétard dans un centre commercial de la capitale tunisienne, provoquant une panique qui s’est soldée par des dizaines de blessés.
A Casablanca, vendredi dernier, ce sont des hurlements de femmes à la vue d’une souris à l’intérieur de la grande mosquée Hassan II lors de la prière collective, qui ont donné lieu à un sauve-qui-peut général qui aurait pu tourner au drame. Il n’y a eu heureusement que des blessés, mais c’est dire l’état des nerfs actuellement au Maghreb.
Les Tunisiens nous regardaient d’un œil curieux pour ne pas dire narquois dans les années 1990, ne se privant pas de se demander discrètement ou à haute voix : « Mais qu’est-ce qu’ils ont ces Algériens à s’entretuer ? »
Je me rappelle très bien du temps où des collègues ministres tunisiens, syriens, libyens, égyptiens et d’autres nationalités arabes me le faisaient remarquer chacun avec leurs mots et leur air contrit (mais pas trop) lors des réunions biannuelles de la Ligue arabe au Caire que j’avais fini par haïr pour cette raison.
Le terrorisme islamiste n’a pas reculé depuis son apparition, il s’est déplacé d’un endroit à un autre en gagnant en intensité, finissant par couvrir plusieurs pays en même temps sur au moins deux continents. Daesh vient de souffler sa deuxième bougie d’anniversaire alors qu’on croirait, à voir son bilan, qu’elle existe depuis Tamerlan.
Il y a une seule chose à faire, un chemin obligé à prendre si l’on veut éradiquer cette peste noire : aller à sa source, couper le compteur général, découpler l’islam et l’islamisme, sauver l’islam de l’islamisme…
Il s’agit en l’occurrence d’engager le travail de rénovation de la conception islamique du monde conformément à l’espérance du Prophète à travers son annonce célèbre (« Dieu enverra à cette nation au début de chaque siècle qui rénover sa religion »), espérance portée par des penseurs qui n’ont pas trouvé la manière de faire, ou ont été persécutés par « al-ilm al-kadim » qui avait peur d’une remise en cause du statut social de ses tenants.
SEULE UNE PROFONDE RENOVATION DU SAVOIR ISLAMIQUE, DU « TAFSIR » ET DU « FIKH », PEUT DONNER UN NOUVEAU SOUFFLE, UNE SECONDE VIE A L’ISLAM DONT L’IMAGE EST EN TRAIN DE DRESSER L’HUMANITE EN ENTIER CONTRE LUI. TOUS LES PEUPLES DE LA TERRE SE DEMANDENT AVEC SIDERATION POURQUOI LES MUSULMANS S’ENTRETUENT ET DETRUISENT MUTUELLEMENTLEURS PAYS.
Le terroriste tunisien qui a perpétré le massacre de Sousse, un étudiant en génie informatique de 23 ans, est venu de Kairouan, mais la motivation qui l’a poussé à commettre son acte en y laissant sa vie – il le savait par avance – ne lui est pas personnelle et n’est pas née à Kairouan.
L’idée qui a armé son bras est née avant lui. Elle est venue de l’étranger, des livres de l’égyptien Sayyed Kotb, du Pakistanais Mawdudi, des chaînes tv satellitaires de tous les pays arabo-musulmans, y compris du sien, des camps d’entraînement des Talibans afghans ou pakistanais, du djihadisme de Ben Laden et de Zawahiri qui, tous tant qu’ils sont ou étaient, descendent en droite ligne des idées du kurde Ibn Taïmiya et du saoudien Abdelwahhab…
SI L’ON VEUT CHERCHER PLUS LOIN, REMONTER AUX RACINES, ON DECOUVRIRA QUE CETTE IDEE VIENT DE PLUS LOIN ENCORE DANS LE TEMPS, DU « ILM-AL-KADIM » ELABORE IL Y A DOUZE SIECLES ET RESTE SANS CHANGEMENT DEPUIS. C’EST LA QUE SE TROUVE L’ORIGINE DU PROBLEME, L’ORIGINE DU TERRORISME ISLAMISTE.
Les services de renseignement du monde entier courent derrière les exécutants d’actes terroristes mais pas derrière les idées qui les leur ont inspirés, pas derrière le gant de velours vert (l’islamisme) qui tient la main de fer (le terrorisme).
C’est comme si, au temps de la « prohibition », le FBI courait après les bouteilles de whisky mais laissait les distilleries tourner à plein régime et Al Capone et ses compères s’amuser dans les casinos.
Est-ce à cela que pensaient ceux qui ont dit qu’il faudrait des générations pour se débarrasser du terrorisme islamiste? Probablement.
Le terrorisme d’inspiration marxiste qui visait l’instauration d’une « société sans classes » n’a en effet disparu d’Europe qu’avec l’effondrement du mur de Berlin et de l’idéologie marxiste avec lui.
On aurait aimé apprendre des services de police du monde ce que les terroristes qu’ils arrêtent leur présentent comme raisons et arguments justifiant leurs actes.
On aurait souhaité que des études comparatives, à partir des archives de police et des tribunaux, soient publiées sur les populations de tueurs en série de droit commun, d’un côté, et les terroristes islamistes de l’autre.
De telles études contribueraient à éclairer l’opinion publique, les analystes et surtout les responsables politiques, et les aider à prendre les bonnes décisions devant ce phénomène en croissance au point de devenir une menace mondiale.
Tous les crimes ont un mobile personnel, passionnel ou matériel, sauf ces crimes qui ne sont ni des crimes de sang, ni des crimes de banditisme, ni des crimes de guerre, mais des crimes idéologiques, philosophique, religieux.
CE NE SONT PAS DES CRIMES INDIVIDUELS MAIS DES CRIMES IMPERSONNELS, COLLECTIFS. QU’ON LAISSE EN LIBERTE CES MOTIVATIONS ET CES CRIMES NE CESSERONT JAMAIS.
Les thèses « complotistes » n’expliquent pas pourquoi des centaines de milliers de djihadistes acceptent de mourir pour les desseins stratégiques d’Israël, des Etats-Unis ou de l’Occident.
Que ses derniers y trouvent leur compte et encouragent la guerre mondiale intra-islamique est de bonne guerre et nous n’avons qu’à nous en prendre à nous-mêmes, à notre incapacité à défendre nos intérêts, à réformer notre être archaïque, déphasé et inapte à vivre au XXIe siècle.
La conclusion à tirer de ces considérations est que le véritable ennemi de l’islam et des musulmans sont les idées islamistes au premier chef, et accessoirement leurs porteurs, hommes ou femmes, adultes ou enfants, pauvres ou favorisés.
Ils meurent dans les opérations-suicides ou sont abattus par les forces de l’ordre mais tout de suite après d’autres prennent leur relève ailleurs, sur d’autres continents, inconnus des services de police et de renseignement, sans casier judiciaire ni pilosité suspecte ou habillement distinctif.
LES TERRORISTES TOMBENT OU SONT MIS EN PRISON, MAIS LES IDEES QUI LES ONT TRANSFORMES EN TUEURS EN SERIE COURENT PARTOUT ET DANS TOUTES LES DIRECTIONS : MOSQUEES, RESEAUX SOCIAUX, CHAINES DE TELEVISION, LIVRES…
ELLES SONT ENSEIGNEES DANS LES INSTITUTIONS ET ETABLISSEMENTS ISLAMIQUES OU ELLES SONT PRESENTEES COMME DES IDEAUX A ATTEINDRE, MAIS LORSQUE CEUX QUI LES ONT REÇUES PENDANT LEUR CURSUS VEULENT LES METTRE EN APPLICATION, ILS SE HEURTENT AU REFUS ET AUX INTERDITS DE LEURS GOUVERNANTS QUI LEUR REPROCHENT ALORS DE DEVIER, DE FAIRE DE LA « POLITIQUE ».
C’EST DE CETTE CONTRADICTION, DE CETTE INCOMPREHENSIBLE INCONSEQUENCE QU’EST NE LE TERRORISME ISLAMISTE PARTOUT OU IL EST APPARU : AU TEMPS DES « KARAMITA », DES « HACHACHIN » DU « VIEUX DE LA MONTAGNE » OU DE NOS JOURS.
COMMENT CETTE EVIDENCE A-T-ELLE PU ECHAPPER AUX AUTORITES DES PAYS EN BUTTE AU TERRORISME ISLAMISTE, COMMENT N’ONT-ELLES PAS FAIT LE LIEN ENTRE UN « ILM » DEPASSE, DEVENU UN CIMETIERE D’ « IDEES MORTES » ET D’ « IDEES MORTELLES » OPPOSEES AUX PLUS SIMPLES VALEURS HUMAINES, ET LA RADICALISATION DES ESPRITS ET SON ABOUTISSEMENT FATAL, LE TERRORISME ?
TEL EST L’INCROYABLE PARADOXE DES PAYS MUSULMANS QUI NE VEULENT PAS TOUCHER AUX SOURCES DU PROBLEME, MAIS SEULEMENT A SES EFFETS ET SES CONSEQUENCES. L’ORIGINE DU MAL EST DANS LA CONCEPTION ISLAMIQUE DU MONDE CONÇUE, PRECHEE ET ENSEIGNEE DEPUIS QUATORZE SIECLES SANS LE MOINDRE CHANGEMENT ET LA MOINDRE ACTUALISATION.
Ô GOUVERNEMENTS AVEUGLES, VOUS NE VOULEZ PAS VOIR LA VERITE ET LA REALITE EN FACE ? ELLES VOUS EMPORTERONT VOUS, VOS PAYS ET VOTRE RELIGION !
Les masses musulmanes savent ce que leur réserve l’Etat islamique, mais elles ne sont pas tellement inquiètes. D’abord parce qu’elles ne se sentent pas concernées, continuant à penser que c’est le seul moyen de faire entendre raison à l’Occident et au sionisme.
Elles sont dans l’expectative, attendant de voir de quel côté la balance penchera pour se déterminer enfin et s’engouffrer telles les bêtes à qui on fait suivre le passage les conduisant à l’arène des toréros, aux exhibitions de cirque ou à l’abattoir selon ce qui a été décidé pour elles à leur insu.
S’il n’y qu’un musulman sur mille susceptible d’être séduit par l’islamisme c’est, sur les trois cents millions d’Arabo-musulmans, une réserve de 300.000 candidats au terrorisme. Or quelques centaines suffisent pour mettre un pays à feu et à sang.
Daesh est une véritable « Légion étrangère », comprenant des individus venus d’une cinquantaine de pays au moins, sans compter ceux venus d’Europe, d’Amérique et d’Australie, soit du monde entier.
L’ISLAMISME N’EST PAS EN REGRESSION, IL EST EN EXPANSION. IL A OPERE UNE MUE, OPTE POUR LE CAMOUFLAGE, LE PROSELYTISME ET L’ENDOCTRINEMENT CIVIL, UTILISANT LES BONS SENTIMENTS DES GENS JUSQU’A PRENDRE LES FORMES D’UNE CULTURE SOCIALE ORDINAIRE ALLANT DE SOI. IL EST EN PASSE DE S’IMPOSER COMME L’UNIQUE MANIERE D’ETRE MUSULMAN.
Le terroriste est aussi insidieux qu’une mauvaise idée, il peut passer entre les mailles du filet, vous surprendre car on ne sait ni qui il est, ni à quel aspect le reconnaitre.
La Tunisie a par exemple bien fait de déployer des soldats sur les plages. Cette mesure peut en effet aider à sécuriser ces lieux de détente, mais en apparence seulement car des soldats déployés en de tels endroits est un signe de guerre et non de sécurité, sans dire qu’une « divine » surprise peut à tout moment se retourner contre ses initiateurs bien intentionnés : un soldat se mettant à tirer sur les « étalages d’impudeur » et la confiance en l’armée est perdue, ajoutant au sentiment de terreur ambiant.
Les mouvements terroristes quels qu’ils soient et où qu’ils soient apparus dans le monde ont toujours été clandestins, invisibles. Ils n’occupaient pas des villes, ne menaient pas de guerres classiques avec des engins de transport, des chars et des missiles, ne se comportaient pas en armées conquérantes, ne s’emparaient pas de lieux historiques ayant le caractère de patrimoine de l’humanité pour les démolir, ni de puits de pétrole.
Il en était ainsi du terrorisme algérien, égyptien, d’al-Qaïda, des GIA, de l’AIS, d’AQMI il y a quelques années… On en connaissait le sigle, le leader, mais on ne voyait pas de colonnes blindées, de convois de camions, d’exécutions publiques d’otages…
Les hordes de Daesh tuent, décapitent, immolent musulmans, chrétiens et Yazédis, détruisent les vestiges historiques au nom de l’État islamique qu’ils projettent d’établir par le fer et le feu dans le monde entier. Leur but final, disent-ils, c’est « al-Qods », Jérusalem, Israël.
L’Occident laisse faire pour le moment car plusieurs États jugés hostiles à Israël ont été pratiquement détruits : Syrie, Irak, Yémen, Libye… D’autres sont affaiblis pour longtemps ou peut-être pour toujours : Pakistan, Afghanistan, Égypte, Tunisie, Mali, Nigeria, Niger, Tchad…
« L’Apocalypse » de Jean décrivait il y a deux mille ans la fin du monde qui sera marquée par l’ultime bataille entre le bien et le mal sous le nom d’ « Armageddon ». Et son lieu de déroulement serait le Moyen-Orient.
Ceux qui sont imprégnés des récits et prédictions de Saint Jean ne manqueront pas de voir dans Daesh les cavaliers de l’Apocalypse de la fin du monde qui sera précipitée par le feu nucléaire que ne manquera pas de déclencher Israël s’il se trouve réellement en danger…
« Le Soir d’Algérie » du 21 juillet 2015
PS du 22-11-2015 : Le communiqué diffusé par Daesh pour revendiquer les attentats commis en France le 13 novembre dernier commence par la citation d’un verset coranique (« Et ils pensaient qu’en vérité leurs forteresses les défendaient contre Allah. Mais Allah est venu à eux par où ils ne s’attendaient pas et a lancé la terreur dans leurs cœurs » (sourate 59, verset 2).
Aucune institution islamique, aucun « alem » n’a condamné cette utilisation criminelle des versets du Coran non seulement pour justifier des crimes que l’islam ne saurait couvrir, mais pour imputer ces crimes à Allah lui-même qui, selon le sens du verset, les aurait commis. N’importe qui peut sortir du Coran n’importe quel verset et commettre n’importe quel crime sans que le « ilm » officiel ne pense au moyen d’arrêter cette utilisation sauvage du Coran, du hadith et de l’islam.