« Comme toute civilisation dépend, pour son organisation sociale et économique, de la vision du monde qui domine parmi ses membres, les changements de vision du monde sont les évènements les plus importants de l’histoire humaine » Jean Staune(« Les clefs du futur »).
Héritiers d’une longue tradition d’oralité du fait d’une langue originelle qui a failli disparaître faute de s’écrire, le tamazight, d’une langue qui a longtemps été réduite à leurs besoins religieux, l’arabe, et d’une langue étrangère condamnée du fait des mauvais souvenirs auxquels elle est liée, le français, les Algériens lisent très peu les livres. Très rarement en tamazight car il n’y en a presque pas, de moins en moins en français, et des ouvrages religieux en arabe en forte croissance.
Peut-on, avec ces caractéristiques, prétendre à une place de choix parmi les sociétés du savoir de demain ?
Nous accordons peu d’importance au savoir contenu dans les livres, nous intéressant pour la plupart aux questions religieuses comme si l’islam venait d’être révélé, le Prophète de mourir et le Jugement dernier pour demain.
« Plus tard », pour nous, ce n’est pas l’avenir, l’Histoire, la réalisation des buts terrestres et cosmiques pour lesquels l’être humain a été créé, mais l’« autre demeure » dans laquelle nous allons bientôt déménager pour un établissement définitif et une vie de félicité sans fin.
Il n’y a plus que les musulmans sur la terre à avoir une vue aussi étriquée des choses et, plus grave encore, à mourir et à tuer pour des idées fausses qu’ils persistent à croire vraies.
Quelle différence entre une idée fausse et une idée folle ? Entre fous n’est-on pas toujours sain d’esprit ? Cela étant, peut-on sérieusement se considérer comme la « meilleure communauté sortie parmi les hommes » ?
L’ancien « ilm » (savoir religieux) nous dit en nous tapotant sur l’épaule, sur la conscience, qu’il n’est pas une créature sur la Terre dont les besoins ne soient à la charge d’Allah (« wa ma min dabbatin fil-ardh illa wa ‘âla llahi rizkouha », Coran) idée qu’il nous a présentée il y a quatorze siècles comme la garantie que nous n’avons pas à nous en faire pour notre subsistance, alors que ce verset vise la notion de chaîne alimentaire, la nature ayant assigné à chaque organisme vivant non seulement un système d’alimentation approprié, mais relié à celui d’autres êtres vivants pour que la vie puisse se dérouler comme elle le fait.
Ces organismes vivants sont classés en producteurs (végétaux), consommateurs (herbivores et carnivores) et décomposeurs (bactéries et champignons). Dans quelle catégorie nous placerions-nous de notre propre chef ?
Nous nous trompons sur la religion, croyant à tort que nous n’avons été créés que pour « adorer » Dieu. C’est ce qui est effectivement répété plusieurs fois dans le Coran, mais le problème n’a jamais été avec le Coran, surtout dans l’ordre où il a été révélé, mais avec les interprétations qui en ont été tirées à une époque où c’est tout ce qui pouvait en être tiré.
Adorer Dieu à travers l’exercice de rites se comprend, encore que le rite soit plus utile à l’homme qu’à Dieu, mais c’est l’adorer mieux en tendant vers Lui, en allant à Lui en assumant les tâches historiques et cosmiques pour lesquelles il nous a conçus.
N’est-ce pas parce que nous portons un savoir obsolète que nous nous trouvons à contre-sens de l’évolution humaine ?
Nous sommes hypnotisés par l’incompréhensible autodestruction de plusieurs pays musulmans, horrifiés par des bains de sang absurdes, abasourdis par le bruit des explosions détruisant la ville de Palmyre à qui aucun évènement, aucune folie humaine n’a fait subir un tel sort depuis son édification, son extension et son embellissement successivement par les juifs (Salomon, selon la Bible), les Grecs et les Arabes qui la conquirent deux ans après la mort du Prophète (Khaled ibn-al-Walid).
Ces derniers n’ont touché à aucun vestige de la ville prestigieuse, et ont ajouté à ce qu’ils ont trouvé de grandioses constructions comme des palais, des voies de circulation et des établissements commerciaux.
Même Tamerlan qui pilla ses richesses en 1401 a épargné son patrimoine architectural.
Le Coran demande à l’homme, vicaire de Dieu sur la Terre (khalifatû allahi fi-l-ardh) de bâtir des civilisations, de conquérir l’espace, de protéger la nature, mais c’est à peine si l’ancien savoir religieux nous rappelle de ne pas oublier «nacibaka mina dounia » (notre part de ce monde).
C’est différent de dire à quelqu’un « fais ceci » ou « n’oublie pas de faire cela », le premier visant quelque chose d’essentiel, le second quelque chose d’accessoire.
QUELLE SERA NOTRE ATTITUDE FACE AUX REVELATIONS DE L’AVENIR QUI RISQUENT D’ENGLOUTIR PAR PANS ENTIERS NOS REPRESENTATIONS MENTALES ET BEAUCOUP DE NOS CROYANCES ?
QUE FERONS-NOUS LORSQUE NOUS LES VERRONS S’ECROULER LES UNES APRES LES AUTRES COMME LES PANS DE GLACE QUI TOMBENT DE LA BANQUISE SOUS L’EFFET DU RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE ?
Le monde connaît des révolutions épistémologiques, scientifiques et technologiques d’une ampleur sans précédent mais nous n’en avons pas conscience, attendant de trouver leurs produits sur le marché pour nous les payer avec l’argent du pétrole.
Au cours de ce siècle les conditions de la vie humaine vont se transformer, dépassant tout ce qu’on savait et faisait. Tout va aller très vite et à très haut débit. Ces mutations ne sont pas prédites, elles sont déjà pensées, expérimentées et ne tarderont pas à être mises en application.
QUE FERONS-NOUS DANS CE NOUVEAU MONDE AVEC NOS MENTALITES REFRACTAIRES A TOUTE REMISE EN QUESTION DE NOTRE CONCEPTION DE L’UNIVERS, DE DIEU, DES AUTRES ET DE NOTRE RAISON D’ETRE SUR LA TERRE ARRETEE IL Y A BIEN LONGTEMPS ?
Nous recevons les transformations qui se succèdent à grande vitesse en consommateurs, sans qu’elles ébranlent nos convictions ou bouleversent notre vision archaïque des choses. Nous nous y faisons sans en parler ou y réfléchir, nous contentant d’en acquérir les codes nécessaires à leur mise en marche pour en tirer profit. C’est l’apprentissage par le marché et le mimétisme, non par les idées.
Puis tout le monde s’y met, jusqu’à la prochaine technologie, le dernier cri ou le meilleur cru qui les remplacera. Quand on n’aura plus de quoi les payer, nous serons éjectés du monde et jetés dans ses caves parmi les peuples sous-classés.
Un ami, Youssef Messaoudène, « chercheur isolé » qui en a remontré à des savants patentés en physique théorique, cosmologie et biologie, passionné par les points de convergences entre la science et la métaphysique, vient de me ramener de Paris le dernier livre de son ami le philosophe français des sciences Jean Staune, « Les clés du futur, réinventer ensemble la société, l’économie et la science ».
C’est un ouvrage prospectiviste de sept cent pages paru aux éditions Plon avec une préface de Jacques Attali qui m’a (le livre) subjugué. Il m’a également apporté de sa part un autre ouvrage, « Science et quête de sens », que l’auteur m’a dédicacé à la suite d’une conversation téléphonique que nous avons eue il y a quelques semaines.
J’ai connu Youssef Messaoudène lorsqu’il m’a écrit à mon adresse email publique en 2011 pour me proposer de l’aider à la révision de l’écriture de deux études qu’il venait d’achever et destinées à l’Université d’al-Azhar, l’une sur la « Théorie M », l’autre sur le « code génétique ».
Puis nous nous sommes rencontrés au mois de Ramadhan 2014, car il souhaitait m’entretenir d’un projet lui tenant à cœur : organiser, sous l’égide de l’Etat, un colloque international sur la thématique développée dans le livre qu’il vient de cosigner avec le professeur François Vanucci, professeur émérite de physique, chercheur au CERN de Genève et spécialiste mondial des neutrinos, sous le titre de « Dialogue entre foi et science ». J’ai eu, là aussi, le plaisir de contribuer à la mise en forme rédactionnelle de la partie échue à notre compatriote.
Youssef a soumis son idée de colloque aux autorités publiques (Présidence, ministère de l’Enseignement supérieur, ministère des Affaires religieuses, Conseil supérieur islamique), il a été reçu par le précédent ministre de l’Enseignement supérieur pour une éventuelle prise en charge de l’évènement mais, cinq mois après, aucune suite concrète n’a été donnée à la proposition dont le but est de faire profiter le public algérien spécialisé et profane d’une information sur les dernières découvertes scientifiques.
Sans parler de l’impact culturel et médiatique d’un tel regroupement de scientifiques connus mondialement. Les personnalités susceptibles de participer à ce colloque, en plus des professeurs Staune et Vanucci, pourraient être : l’astrophysicien Hubert Reeves ; les frères Igor et Grichka Bogdanov ; l’Américain d’origine vietnamienne, Trinh Xuan Thuan, professeur d’astrophysique en Virginie, auteur du best-seller « La mélodie secrète » et découvreur de la plus jeune galaxie connue à ce jour, I Zwicky ; le Dr Sylvie Déthiollaz, biologiste moléculaire à Genève ; le Dr J. J. Charbonnier, spécialiste des expériences de vie après la mort ; le philosophe Frédéric Lenoir, auteur dont les œuvres sont traduites en vingt langues ; le polytechnicien François de Witt qui vient de publier « La preuve par l’âme », et plusieurs autres savants et spécialistes.
Youssef m’a montré un courrier où les frères Bogdanov lui disent : «Nous serions ravis de venir à Alger pour présenter nos travaux sur l’avant-Big Bang à des universitaires et nos idées sur la cosmologie au grand public au cours d’une conférence non technique…» Comme ils y affichent leur intérêt pour la mise en place d’un laboratoire de cosmologie générale avec l’aide d’une institution algérienne.
Youssef et Jean Staune, philosophe, anthropologue, mathématicien, informaticien et professeur dans le MBA du groupe HEC, sont des amis depuis que le premier est parti à Paris porter au second la contradiction sur la base de certaines notions biologiques et anthropologiques en rapport avec les sujets traités dans ses livres.
Youssef est convaincu que les thèses issues de ses recherches et de sa réflexion atypique peuvent aider à faire avancer les théories actuelles en matière de cosmologie, de physique, de mécanique quantique et de biologie. Et l’étonnant est que ses « objections » destinées, si elles sont prises en compte par la communauté scientifique internationale, à réaliser ces avancées sont regardées avec sérieux par les authentiques et très académiques savants que sont Staune, Vanucci et d’autres.
Il n’aurait pas capté leur attention s’il ne les avait épatés avec ses consternantes connaissances alors qu’il a fait des études basiques et exercé dans sa vie professionnelle dans l’art culinaire ; mais cet autodidacte en sait autant que des enseignants universitaires et auteurs reconnus dans leurs spécialités, et c’est ainsi que ces savants sont devenus ses amis et qu’il les a fait venir en Algérie pour des conférences.
En 2012, les physiciens du monde entier sont persuadés que la famille des neutrinos est complète avec trois types : électronique, muonique et tauique. Youssef Messaoudène, lui, soutient dans ses échanges avec le professeur François Vanucci la probabilité de l’existence d’un quatrième. En 2013, il reçoit un courriel de ce dernier qui lui écrit : « On parle de nouveaux neutrinos appelés « stériles » qui seraient plus pesants que les trois connus, et l’un d’eux pourrait former la matière manquante de l’univers »…
S’il a obtenu gain de cause sur ce point, Youssef s’attend à une autre reconnaissance : la dualité onde-corpuscule n’existe pas, tout au plus devrait-on parler de « complémentarité »… Rien ne le fait ciller, et il attend que de nouveaux travaux ou découvertes entérinent ses certitudes.
Nous avons décliné le profil multidisciplinaire du Dr Staune qui compte à son actif un autre best-seller paru en 2007, « Notre existence a-t-elle un sens ? ». Son dernier livre, « Les clés du futur » m’a tout de suite rappelé le livre de l’Américain Alvin Toffler paru en 1970, « Le choc du futur », qui a connu un retentissement mondial et auquel Malek Bennabi, je m’en souviens, avait consacré plusieurs séances de son séminaire.
Jean Staune a abattu un travail colossal pour dresser ce bilan des plus récentes découvertes et mises au point technologiques et même celles en cours pour les présenter au large public dans un langage intelligible afin de l’affranchir sur le monde dans lequel vivra bientôt l’humanité.
AU FUR ET A MESURE QUE J’EN TOURNAIS LES PAGES, GRANDISSAIT EN MOI LA QUESTION CENTRALE DE MA VIE : QU’ALLONS-NOUS DEVENIR, NOUS AUTRES ALGERIENS, DANS CE MONDE SI PROCHE DANS LE TEMPS MAIS A DES ANNEES-LUMIERE DE NOS IDEES ACTUELLES, DE NOS MENTALITES SECULAIRES, DE NOS TRES PAUVRES RENDEMENTS DANS TOUS LES SECTEURS D’ETUDE ET d’activité, de nos classements parmi les derniers du monde dans l’ensemble des domaines ?
Car toujours je ramène les choses à notre cas, notre état, notre niveau, notre réalité.
MON IMPRESSION EST QUE NOUS SOMMES A LA VEILLE D’UN MOMENT DE L’HISTOIRE HUMAINE SEMBLABLE PAR SES REPERCUSSIONS A CELUI OU L’EVOLUTION NATURELLE A DETACHE L’HOMME DU PRIMATE (POUR CEUX QUI CROIENT A LA SELECTION NATURELLE).
Le nouveau monde, nous apprend « Les clés du futur », sera l’œuvre de firmes planétaires activant dans les NTIC comme Google à qui 3,5 milliards de demandes sont quotidiennement adressées, Facebook chez qui un milliard de personnes possèdent déjà un compte et Apple, la plus importante capitalisation boursière du monde et qui possède plus de réserves financières que les Etats-Unis.
Auxquels il faut ajouter des organismes publics comme la DARPA (Defence Advanced Research Projects agency), l’Agence américaine pour les projets de recherche avancée de défense. Cette agence et Google sont en pointe au niveau international dans la recherche en intelligence artificielle.
Internet a déjà changé notre vie, nos relations, nos idées, nos sentiments, l’organisation de notre budget et celle de notre temps. Il a contribué aussi à renverser des régimes politiques, sauvant les uns du despotisme et basculant d’autres dans la guerre civile ou les livrant à la barbarie.
Il va nous permettre à l’avenir des choses encore plus fabuleuses comme produire chez soi des objets grâce à une nouvelle technologie, l’imprimante 3D. Des imprimantes de plusieurs mètres de haut pourront « imprimer » des anneaux de 125 grammes pouvant soulever un véhicule d’une tonne, des prothèses d’organes humains, et même des maisons en vingt-quatre heures à partir d’un mélange de ciment et de déchets de construction recyclés… Chacun pourra fabriquer à domicile pour ses besoins ce qu’il voudra.
L’auteur nous signale qu’un groupe d’ingénieurs algériens a réussi à fabriquer des briques en utilisant le sable du Sahara qui était considéré comme impropre à un tel usage, et note : « Imaginez le potentiel de l’association des briques faites en sable du désert aux imprimantes 3D géantes capables de construire des maisons ! » Il nous donne une adresse pour joindre ces compatriotes : www.greenprophet.com/2013/04.
Quelqu’un a-t-il entendu parler de cette innovation qui pourrait faire sensiblement baisser le coût du logement dans notre pays ? Quelqu’un, institution publique ou entreprise, va-t-il s’intéresser au sujet ?
D’ici vingt à trente ans, annonce Staune, l’utilisation des robots dans la production industrielle va faire disparaître entre 150 et 200 millions d’emplois, surtout dans les pays émergents à qui les délocalisations ont considérablement profité ces dernières décennies.
Les usines vont être rapatriées et la main-d’œuvre peu coûteuse remplacée par des automates qui feront disparaître beaucoup de métiers :
« Il faut bien avoir en tête une règle simple : tout ce qui est automatisable sera automatisé. La grande question est donc : qu’est-ce qui n’est pas automatisable ? Les chauffeurs de taxis sont-ils à l’abri de cette évolution ? Probablement pas. Dans les grandes villes du moins, il paraît très probable de voir apparaître des voitures sans conducteur comme celles que Google teste actuellement. Les secrétaires ? Elles commencent déjà à disparaître en masse avec le progrès de la reconnaissance vocale… Les standardistes ? On n’en parle déjà plus car elles sont toutes remplacées par un menu vocal… Les traducteurs ? Il suffira à l’avenir d’un seul pour relire et corriger de nombreuses traductions automatiques… Les professeurs ? Même pas ! Aujourd’hui un professeur peut enseigner à des milliers d’élèves. Ce ne seront pas des vidéos préenregistrées, mais un automate programmé pour, à partir d’une base de données, fournir les réponses aux questions les plus fréquentes… » (p 44-45).
QUE FERONT TOUS CES HOMMES ET FEMMES LIBERES DU TRAVAIL PAR LE PROGRES TECHNOLOGIQUE, DEVENU DEPUIS UN DEMI-SIECLE LA PREMIERE CAUSE VERITABLE DE CHOMAGE ? DE QUOI VIVRONT-ILS ? A QUOI OCCUPERONT-ILS LE TEMPS ? QUELLE SOCIETE SERA POSSIBLE AVEC UNE MAJORITE DE DESŒUVRES QU’IL NE SERA PLUS NECESSAIRE DE FORMER, D’INSTRUIRE, PUISQUE L’ECONOMIE N’AURA PAS BESOIN D’EUX ?
Le remplacement des énergies fossiles par l’énergie solaire rendra la production encore moins chère, mais avec quoi payera cette production un consommateur privé de travail, de pouvoir d’achat ? : « Un grand effondrement de l’économie se produira mathématiquement dans le futur, seule sa date reste encore inconnue. Il lui succédera une société relocalisée, agraire, stable, et ne cherchant plus la croissance comme l’a fait une bonne partie de l’humanité depuis des millénaires » (p.74).
Les perspectives ouvertes par l’automatisation et la miniaturisation, « small is powerful », semblent illimitées et effrayantes :
« Et si l’homme était automatisable dans son ensemble ?… Un jour, grâce à une étude suffisamment poussée des mécanismes du cerveau, nous arriverons à comprendre le fonctionnement de la conscience et nous pourrons alors fabriquer une machine susceptible d’arriver au même niveau de conscience, et donc d’évolution, que l’espèce humaine… La super-intelligence sera la dernière invention de l’espèce humaine et marquera la fin du règne de celle-ci sur la terre… Oubliez les risques du nucléaire civil ou militaire, le réchauffement climatique, la pollution : au XXIe siècle, la plus grande menace pour l’espèce humaine, c’est de très loin la possibilité que nous avons de susciter l’apparition d’une super-intelligence… Nous pouvons être sûrs que, si une intelligence artificielle capable de dépasser l’homme est possible, elle sera forcément réalisée un jour » (p.47 et 56)… La convergence de l’intelligence artificielle et des biotechnologies (manipulations génétiques, nanotechnologies) rendra disponibles vers 2045 des nano-robots capables de parcourir le corps humain pour réparer les cellules et des micro-drones-tueurs, l’arme « la plus décisive et la plus terrifiante inventée par l’humanité » (p. 60).
Après ces annonces qui ont émaillé la première partie du livre, la seconde est consacrée au passage en revue des doctrines économiques libérales et des politiques économiques suivies en Occident entre la fin du siècle dernier et la crise financière de 2008 dans laquelle Staune voit une crise de modèle, une rupture systémique :
« Comme la crise des « subprimes » l’a parfaitement démontré, la recherche de l’intérêt individuel économique d’un petit nombre d’acteurs peut aller à l’encontre des intérêts de quasiment tous les acteurs économiques et gravement menacer l’équilibre de la société… C’est pourquoi, entre étatisme et interventionnisme et libéralisme et privatisations à tous crins, le rôle des États dans une société complexe comme celle du XXIe siècle est entièrement à réinventer » (p. 304.)
La troisième partie du livre porte le titre de « Modernité, Postmodernité et Transmodernité » et s’ouvre sur cette sentence : « La modernité est morte mais elle ne le sait pas encore ».
L’auteur veut dire que la prédictibilité n’est plus possible, qu’on ne peut pas modéliser l’avenir, comme personne n’avait prévu que l’immolation de Bouazizi déclencherait le printemps arabe. Mais de tels évènements « vont augmenter de façon exponentielle » (p. 319) et ce seront des révolutions sans leader, le savoir cessant d’appartenir à des « maitres » et les bibliothèques de la planète ouvertes à tous, consultables depuis cher soi, sans limite ni paiement. Le savoir n’est plus infus, il est étalé sur la toile avec connexion gratuite et mise en réseau illimitée, il est popularisé et démocratisé, ce qui induira à terme une transformation complète des rapports sociaux.
Les relations ne seront plus à l’avenir hiérarchiques mais horizontales et transversales ; les modes de communication et d’échange ayant été renouvelés, ils entraineront une modification des modes de pensée et une extension des échanges qui ne se feront plus à l’intérieur d’une société mais entre toutes les générations, tous les pays, toutes les cultures et langues…
Dans les deux dernières parties de son ouvrage, l’auteur examine les bases d’une nouvelle économie qui ne reposera pas sur les ressources financières ou naturelles mais sur la connaissance, l’information et la créativité : « C’est la force intellectuelle qui est la ressource essentielle » (p.395).
Ce sera la troisième révolution en Occident en trois siècles, la première ayant consisté à appliquer le savoir à la technique (savoir-faire des artisans), la deuxième à appliquer le savoir au travail (taylorisme) et la troisième à appliquer le savoir au savoir lui-même :
« Des concepts scientifiques nouveaux sont apparus qui nous permettront de mieux nous diriger dans la mondialisation complexe devenue notre quotidien. L’éducation, associée à la révolution de l’informatique et de l’Internet, a radicalement changé le potentiel et les structures mentales des personnes qui travaillent dans l’entreprise… Vous venez d’être recruté par une grande entreprise industrielle dont certains produits sont connus dans le monde entier. Vous arrivez dans l’entreprise pour la première fois et demandez à la personne qui vous accueille où est situé votre poste de travail. Quelle n’est pas votre surprise quand on vous répond : « C’est à vous de l’inventer » (p. 534-540).
En conclusion, nous apprend le professeur Staune, les composantes de la mutation qui va nous transporter dans une nouvelle époque seront :
1) la révolution technologique des quatre Internet (de la communication, des objets « imprimés » à domicile, des objets connectés et de l’énergie) qui sont « rendus possibles par une augmentation exponentielle des capacités de traitement, de stockage et de transmission de l’information. Cette révolution est la plus visible, et c’est elle qui a le plus de conséquences sur notre vie car elle modifie notre façon de produire, de consommer, de se comporter, et inversera les rapports de pouvoir entre les particuliers, les États et les entreprises » (p.660).
2) La révolution conceptuelle (changement de vision du monde induit par des découvertes effectuées dans des sciences fondamentales, telles la physique quantique, l’astrophysique, la théorie du chaos ou les mathématiques) ;
3) Une révolution sociétale (le passage de l’avoir à l’être) ;
4) Une révolution économique (passage d’un monde fondé sur les machines et les capitaux, à un monde fondé sur le savoir et la créativité).
Sommes-nous préparés, nous autres Algériens, à trouver notre place dans ces lignes d’évolution ?
(« Le Soir d’Algérie » du 09 juillet 2015)
Post scriptum : Youssef Messaoudène est décédé en juillet 2017. Un hommage lui a été rendu sur la page Facebook de Mr Boukrouh.