TEL HOMME, TELLE CONSTITUTION

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‎ « Quelques fois, on peut tuer un Etat sans tuer un seul de ses membres ». (J.J Rousseau)‎

Pour survivre face aux périls provenant de la nature ou des agressions de leurs congénères, ‎les individus doivent s’organiser en communautés. A un certain stade de leur évolution, ici ‎ou là, ils ont commencé à élaborer des systèmes de vie collectifs à l’intérieur desquels ‎étaient répartis les rôles pour répondre à leurs besoins de sécurité et d’entraide face à la ‎famine ou la maladie.

Les règles de vie qu’ils se sont données à travers les âges ont porté divers noms comme ‎code, table des lois, charte ou constitution, et été améliorées au fil du temps après des ‎ruptures dans les rapports sociaux, d’évènements extérieurs, comme les guerres, ou à ‎l’initiative de chefs exceptionnels.

Ces règles de droit, orales ou écrites, d’origine sacrale ou humaine, ont été à l’origine des ‎cités, empires, civilisations et États décrits dans les livres d’histoire ou qui s’offrent à nos ‎yeux sous différentes formes et nuances dans le monde actuel.

Les constitutions, ou lois fondamentales dont découlent toutes les autres, ont fait leur ‎apparition dans l’Antiquité là où la richesse et le savoir ont atteint un niveau exigeant des ‎modes de gestion de la cité élargis au plus grand nombre pour donner plus de légitimité aux ‎décisions de l’autorité, accroître la prospérité générale, imposer l’égalité en droits et en ‎devoirs, et résoudre les conflits par des procédures consensuelles convenues à l’avance.

Depuis notre apparition sur la terre, la première Constitution dont nous nous sommes dotés ‎pour gérer nos affaires, nous autres Algériens, est celle que Ben Bella a imposée en 1963 à ‎l’Assemblée nationale constituante élue en septembre 1962 pour un mandat d’un an en vue ‎de doter l’Algérie d’une constitution démocratique.

Alors qu’elle étudiait en commission deux projets de constitution, Ben Bella, président du ‎Conseil du gouvernement, l’a dessaisie de cette mission. A un mois de la fin de son mandat, ‎un projet de Constitution rédigé par le Bureau politique du FLN lui est envoyé pour adoption, ‎entraînant la démission de son président, Ferhat Abbas, le 12 août 1963.

C’était le troisième coup de force après l’abandon de la réunion du CNRA à Tripoli en juin ‎‎1962 et la prise du pouvoir par la force quelques mois plus tard.

Si, comme on dit en littérature, le style fait l’homme, le caractère de l’homme qui les a ‎inspirées a fait les constitutions algériennes. Il y a en effet une psychologie des Constitutions ‎algériennes comme il y a un style d’écriture, d’architecture ou de mise en scène ‎cinématographique auquel on reconnaît tel auteur, designer ou cinéaste même s’il n’a pas ‎signé son œuvre.

Chaque Constitution algérienne semble, à travers ses choix, refléter la psychologie de ‎l’homme qui l’a initiée. A l’exception de celle de 1963, toutes portent la patine du moi de ‎leur initiateur.‎

‎1) LA CONSTITUTION DE 1963 est la seule à n’avoir pas été l’œuvre d’un homme en ‎particulier car aucun ne s’était suffisamment imposé au sortir de la Révolution pour ‎prétendre même au titre de « Primus inter pares ». Les équilibres étaient mouvants, les ‎ambitions masquées et les conflits de tempérament feutrés.

Au-delà de ses rédacteurs proprement dits, cette Constitution a été un compromis provisoire ‎sur le partage du pouvoir entre les figures de la Révolution réunies au sein de l’Assemblée ‎nationale, et le clan qui s’est emparé du Bureau politique du FLN. ‎
Ben Bella, à l’instar de la plupart de ses compagnons issus de l’école de Messali Hadj, rêvait ‎d’un pouvoir absolu alors qu’il n’avait pas le niveau requis par une telle fonction, ne portait ‎aucune vision d’avenir pour l’Algérie, et n’était embarrassé par aucun scrupule légaliste. Il ‎avait besoin du soutien du chef d’état-major de l’armée des frontières et vice-versa, et c’est ‎sous les auspices de cette conspiration inaugurale que s’est engagé le destin de l’Algérie qui ‎n’allait plus, à ce jour, retrouver ses marques. ‎
Ben Bella s’était en apparence résigné au partage du pouvoir avec l’Assemblée nationale, ‎mais dans les faits il allait très vite contourner la Constitution et la transgresser chaque fois ‎qu’elle le gênait. S’il l’avait respectée, s’il en avait fait jouer les mécanismes, s’il en avait ‎exploité les ressources, il n’aurait peut-être pas été renversé par un coup d’Etat le 19 juin ‎‎1965.

Cette Constitution, la plus courte de toutes (78 articles), apparait rétrospectivement comme ‎le lieu d’une surprenante synthèse entre l’essence totalitaire du parti unique et l’essence ‎démocratique du régime parlementaire, aboutissant, sur le papier, à un équilibre inattendu ‎des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif.

On peut même affirmer qu’elle a fondé un régime (fictif) plus parlementaire que ‎présidentiel puisque le président de la République, chef du gouvernement et du parti, est ‎responsable devant l’Assemblée nationale, que cette dernière l’astreint à prendre les ‎quatre-cinquièmes de ses ministres parmi ses membres (art. 47), qu’il prête serment devant ‎elle, qu’elle partage avec lui l’initiative des lois (art. 36) et de la révision constitutionnelle ‎‎(art. 71), que le président de l’Assemblée nationale peut promulguer les lois si le président ‎de la République ne le fait pas dix jours après leur transmission (art. 51), etc.‎

Quelle autre Constitution algérienne a donné, ne serait-ce que théoriquement, autant de ‎pouvoirs à l’organe législatif ? Aucune. ‎

Celle-ci lui a donné même le droit de destituer le président de la République en cas de ‎désaccord ainsi que le prévoient les articles 55 et 56 : « L’Assemblée nationale met en cause ‎la responsabilité du président de la République par le dépôt d’une motion de censure qui ‎doit être signée par le tiers des députés composant l’Assemblée » ; « Le vote d’une motion ‎de censure à la majorité absolue des députés de l’Assemblée nationale entraine la démission ‎du président de la République et la dissolution automatique de l’assemblée nationale ».

Le président de la République ne peut pas dissoudre l’Assemblée nationale mais, elle, peut le ‎renverser et s’auto-dissoudre du même coup alors qu’il est élu au suffrage universel direct. ‎Dans ce cas de figure, l’intérim du président de la République est assuré par… le président ‎de l’Assemblée nationale. ‎

A toutes les époques de l’Histoire, les constitutions que se sont données les pays régis par ‎une loi fondamentale écrite se sont heurtées au problème de la stabilité de leur contenu, de ‎leur pérennité. ‎

Cette crainte trouve sa justification dans le risque évident que ce qu’un homme ou une ‎assemblée a fait, un autre homme ou une autre assemblée peut le défaire, et que ce qu’une ‎révision a réalisé, une autre peut l’annuler et ce en vertu du principe que nul n’est fondé à ‎légiférer pour l’éternité, et qu’un pouvoir constituant en vaut un autre.‎
Le 19 juin 1965 le colonel Houari Boumediene renverse le président élu Ahmed Ben Bella et ‎le jette en prison sans jugement où il restera au secret jusqu’à sa libération par le président ‎Chadli Bendjedid en 1980. ‎

Le voit-on accepter les dispositions de la Constitution ? Consentir à être responsable devant ‎elle ? Prendre ses ministres sur ses bancs et s’exposer à être démis de ses fonctions par la ‎moitié de ses députés +1 ?‎

L’homme dont le psychiatre Frantz Fanon avait signalé bien avant l’indépendance l’amour ‎‎« pathologique » du pouvoir voulait de toute la force de ses passions un pouvoir sans partage ‎d’aucune sorte et avec personne.

Aussi suspendit-il sans état d’âme la Constitution pour gouverner et légiférer par ‎ordonnances jusqu’en 1976, année où il fit voter une Charte nationale dans la ligne des ‎grands textes du totalitarisme marxiste-léniniste puis une Constitution-programme, la plus ‎pléthorique (199 articles) et la plus antidémocratique de toutes les constitutions algériennes. ‎Il en a profité peu de temps puisqu’il est décédé en décembre 1978. ‎
IMAGINONS UN INSTANT QU’AU LIEU DE S’INTRONISER LUI-MEME, BOUMEDIENE AVAIT ‎PROPOSE UN HOMME DE LA TREMPE ET DE LA PSYCHOLOGIE DE FERHAT ABBAS POUR ‎SORTIR LE PAYS DE L’AVENTURISME OU L’AVAIT MIS BEN BELLA : NOTRE DESTIN ‎N’AURAIT-IL PAS ETE AUTRE ? MAIS BOUMEDIENE N’AIMAIT ET NE CONCEVAIT L’ALGERIE ‎QUE DIRIGEE PAR LUI-MEME.

Plusieurs héros de la Révolution, tombés au champ d’honneur ou assassinés par leurs ‎‎« frères », ont mis en garde contre la tendance au « sultanisme », héritée du messalisme, ‎notée notamment chez Ben Bella et Boumediene, tendance dénoncée dans des textes ‎fondateurs de la Révolution comme la Plateforme de la Soummam (1956) où on peut lire : ‎‎« La psychologie de Messali s’apparente à la conviction insensée du coq de la fable qui ne se ‎contente pas de constater l’aurore, mais proclame « qu’il fait lever le soleil »… Le soleil se ‎lève sans que le coq soit pour quelque chose, comme la Révolution algérienne triomphe sans ‎que Messali y ait aucun mérite ». ‎

Ou de cette annexe de la Charte d’Alger de 1964 où Ben Bella dit : « Il faut combattre sans ‎répit la tendance de ceux qui affirment que la construction de l’Etat est un préalable à la ‎révolution. Une telle voie est fausse. ELLE ABOUTIRAIT, SI ON LA PRENAIT, A REMETTRE LE ‎POUVOIR ENTRE LES MAINS DE CEUX QUI ACTUELLEMENT POSSEDENT LA CULTURE ET ‎L’EXPERIENCE POLITIQUE, C’EST-A-DIRE EN GROS AUX ELEMENTS LIES A LA ‎BOURGEOISIE… Dans ce pays, les hommes qui occupent les premières places ne doivent pas ‎être les fonctionnaires ou les intermédiaires de toutes sortes, mais les paysans et les ‎ouvriers. Tous les autres sont à leur service car ils vivent de leur travail… ». ‎

Ben Bella était à la première place sans avoir été un paysan ou un ouvrier, pas plus que ne ‎le seront ses successeurs, et n’a pas vécu de leur travail ni été à leur service. Ce n’était que ‎de la démagogie qui a fait écrire à Ferhat Abbas dans « L’indépendance confisquée » : ‎‎« Après l’OAS, Ben Bella et Boumediene ont été les seconds fléaux de l’Algérie… Pourquoi ‎ont-ils choisi le modèle de société communiste ?… Parce que l’un et l’autre étaient rongés ‎par l’amour du pouvoir personnel et qu’ils voulaient conserver ce pouvoir à l’ombre d’un ‎régime communiste qui le leur garantirait mieux que tout autre. Un Fidel Castro ou un ‎Brejnev ont plus de pouvoir qu’un monarque d’un autre âge et sont inamovibles. C’est ‎l’attrait du pouvoir absolu qui a déterminé le choix de nos dirigeants. Installés sur leur ‎‎« trône », ils se sont entourés, l’un et l’autre, de courtisans plus prompts à se servir qu’à ‎servir ».

CETTE PSYCHOLOGIE A FAIT ECOLE ET TOUCHE LES PROFONDEURS MENTALES DE TOUT ‎DETENTEUR D’UNE PARCELLE D’AUTORITE DANS NOTRE PAYS. ELLE EST ENCORE A ‎L’ŒUVRE AUJOURD’HUI, SOUS NOS YEUX, ET NE SEMBLE PAS VOUEE A LA DISPARITION ‎PUISQU’ON A VU PIRE ENCORE EN MATIERE DE SULTANISME. LE NEPOTISME, LE ‎REGIONALISME, LE CLANISME, L’IGNORANCE CRASSE ET LA CORRUPTION N’AVAIENT ‎PAS ETE ERIGES EN LEVIERS DE COMMANDE VISIBLES DE LOIN COMME AUJOURD’HUI.

CERTAINS DE CEUX QUI SE SONT POSE COMME DES « PERES FONDATEURS » N’ETAIENT ‎EN REALITE QUE DES « PERES DEVASTATEURS », DES DEGENERES QUI ONT FORME DES ‎ADEPTES A LEUR IMAGE ET DONT L’ALGERIE NE CESSERA PAS DE PATIR AVANT ‎LONGTEMPS.‎

‎2) LA CONSTITUTION DE 1976 marque un recul énorme par rapport à la précédente. Nous ‎sommes toujours dans le système du parti unique mais tous les pouvoirs sont désormais ‎concentrés entre les mains du président de la République. Le parti unique, source théorique ‎des options politiques du pays et pourvoyeur des postes de responsabilité de haut en bas de ‎la hiérarchie, n’a ni prérogatives, ni présence autre que folklorique dans la vie nationale
. ‎
D’ailleurs il n’est pas question de «pouvoir» législatif ou judiciaire, mais de «fonction» pour ‎l’un et l’autre. L’âge du candidat à l’élection présidentielle est monté de 35 à 40 ans et le ‎mandat présidentiel de cinq à six ans ; le président peut nommer et déléguer une partie de ‎ses pouvoirs au Vice-président et au Premier ministre mais il n’en nomme pas dans les ‎faits ; les membres du gouvernement engagent leur responsabilité devant lui ; il peut ‎dissoudre l’APN et possède l’initiative de la révision constitutionnelle ; le décès et la ‎démission du président sont prévus, mais pas la maladie alors qu’il en était question dans la ‎précédente. Or c’est justement de maladie que mourra Boumediene en décembre 1978 à ‎l’âge de 46 ans.

Les Constitutions vivent et meurent par le fait des hommes qui détiennent le pouvoir ou de ‎ceux qui le leur contestent ; elles subissent des révisions pour les adapter aux besoins de la ‎société ou satisfaire aux desiderata d’un potentat. C’est en proportion de ces évènements ‎qu’on peut juger de la stabilité d’une Constitution et donc d’un pays. La France a eu seize ‎constitutions en deux siècles, quand les Etats-Unis d’Amérique n’ont eu qu’une seule ‎‎(amendée 27 fois entre 1791 et 1992 dont les 10 premiers amendements forment la ‎‎« Déclaration des droits des citoyens », « Bill of Rights »).

LA REVISION DE JUILLET 1979 : le président Chadli Bendjedid succède au président ‎Boumediene en février 1979 et va appliquer cette Constitution mieux que ne l’aura fait son ‎concepteur. N’étant pas tenaillé par le démon du pouvoir et respectueux de la légalité, c’est ‎avec le parti unique qu’il va chercher à le partager en accord avec l’esprit et la lettre de la ‎Constitution. Il le mettra au-dessus de toutes les institutions de l’Etat et ira même jusqu’à ‎expulser du siège actuel du gouvernement l’ensemble des ministères qui y étaient ‎domiciliés, de même que le Chef du gouvernement et ses services, pour installer à leur ‎place le siège du FLN et sa direction. Toute fonction d’autorité, tout haut responsable, tout ‎‎« cadre de la nation » se devait de compter parmi les membres du Bureau politique ou du ‎comité central du FLN.‎

En juillet 1979, il initie une révision constitutionnelle pour ramener le mandat présidentiel à ‎cinq ans, introduire la possibilité de nommer non pas un, mais plusieurs Vice-présidents de ‎la République (sans le faire en acte toutefois), rendre obligatoire (et non possible) la ‎nomination d’un 1er ministre qui « assiste le président dans la coordination de l’activité ‎gouvernementale et la mise en œuvre des décisions prises en conseil des ministres », ‎rétablir l’empêchement pour cause de maladie.

Cohérent avec sa démarche c’est, le cas échéant, « le comité central du FLN qui se réunit de ‎plein droit et, après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous moyens appropriés, ‎propose à la majorité des 2/3 de ses membres et charge le président de l’APN de l’intérim ». ‎Le conseil constitutionnel n’existait pas, il faudra attendre encore dix ans.

UNE AUTRE REVISION INTERVIENT EN JANVIER 1980 pour élargir les prérogatives de la Cour ‎des comptes.‎

LA REVISION PAR REFERENDUM DE NOVEMBRE 1988 : A deux mois de la fin de son ‎deuxième mandat qui devait expirer en décembre 1988, Chadli est confronté à la plus ‎sanglante explosion populaire de l’histoire du pays. On dénombre des centaines de morts, ‎mais il parvient à amadouer l’ire publique en promettant d’importants changements à ‎travers une révision constitutionnelle qu’il initie par voie référendaire le 3 novembre 1988.

Dans la nouvelle mouture, le chef de l’État incarne l’unité de la nation (et non du parti et de ‎État) ; il s’adresse directement à la nation (au lieu de l’APN) ; le poste de chef du ‎gouvernement est créé ; « le programme de gouvernement est arrêté, coordonné et exécuté ‎par le chef du GV, responsable devant l’APN » (art. 113) ; « pour former son gouvernement, ‎le chef du GV procède à de larges consultations et présente les membres du gouvernement ‎qu’il a choisis au président de la République qui les nomme ; le chef du GV présente son ‎programme à l’APN en vue de son approbation ; l’APN ouvre à cet effet un débat général ; le ‎chef du GV peut adapter son programme à la lumière de ce débat ; en cas de non ‎approbation, il présente la démission de son GV au président de la République qui nomme ‎un autre chef du GV selon les mêmes modalités, si l’approbation de l’APN n’est de nouveau ‎pas obtenue, elle est dissoute de plein droit ; de nouvelles élections législatives sont ‎organisés dans les trois mois (art. 114) ; l’initiative des lois appartient concurremment au ‎chef du GV et aux membres de l’APN (art. 148).

Cette révision n’a pas néanmoins répudié le socialisme comme option « irréversible », ou ‎démantelé le parti unique. ‎

On sent à travers cette révision qui ouvre la voie au multipartisme un Chadli soucieux de se ‎protéger et de se défausser, en cas de nouvelle secousse, sur le chef du gouvernement. Elle ‎trahit une indécision entre un parlementarisme franc et un présidentialisme qui ne veut pas ‎s’afficher ; le président cherche visiblement à installer un « fusible » à un mois de l’élection ‎présidentielle.

Il appelle au poste de Chef du gouvernement l’ancien chef des services de renseignements, ‎le colonel Kasdi Merbah, avec lequel un conflit de caractère ne tarde pas à éclater. Réélu ‎par un score confortable et retrouvant sa confiance en lui-même, Chadli limoge brutalement ‎Merbah et le remplace par l’un de ses proches, Mouloud Hamrouche, lui-même ancien ‎militaire, qui va le desservir plus que Kasdi Merbah en s’entêtant à imposer un projet de loi ‎électorale favorable au FLN. ‎

Une coalition des partis d’opposition dite « les 7+1 » et une grève sauvage du FIS ‎précipiteront sa chute. L’état de siège est proclamé le 4 juin 1991 et lui renvoyé.

‎3) LA CONSTITUTION DE 1989 : composée de 167 articles, elle consacre les innovations ‎venues dans la révision de 1988. Préambule très court ; apparition des notions de ‎‎« pouvoirs » exécutif, législatif et judiciaire ; autorisation d’ « associations à caractère ‎politique » et d’associations de la société civile ; reconnaissance du droit syndical et du droit ‎de grève ; création du conseil constitutionnel qui remplace le Comité central du FLN dans la ‎prérogative de constater l’empêchement du président… Mais la révision constitutionnelle ‎demeure une prérogative du président de la République.

La crise juridique qui survient en janvier 1992 dans les institutions algériennes a pour origine ‎l’arrêt du processus électoral législatif de décembre 1991, suivi de la démission du président ‎Chadli alors que celui-ci venait de dissoudre l’APN. La vacance simultanée des fonctions ‎présidentielle et législative amène le Haut conseil de sécurité, une instance à compétence ‎consultative, à s’investir des pleins pouvoirs avant de les confier à un Haut Comité d’État ‎créé dans la précipitation et dont la présidence est confiée à un leader de la Révolution, ‎Mohamed Boudiaf, qui sera assassiné dans des conditions troubles six mois plus tard.‎

‎4) LA CONSTITUTION DE 1996 est un toilettage de celle de 1989, mais va surtout apporter ‎des changements dans l’exercice du pouvoir législatif qui devient bicaméral (création d’une ‎deuxième chambre dite « Conseil de la nation »). Elle compte 182 articles. L’expression ‎‎« associations à caractère politique » est remplacée par « partis politiques » ; les mandats ‎présidentiels sont limités à deux pour la première fois dans l’histoire de l’Algérie ; l’initiative ‎des lois est partagée avec les députés comme en 1963 ; la révision constitutionnelle reste ‎l’apanage du président de la République ; le président peut être jugé pour trahison.

Ces innovations tendent à faire barrage à la victoire électorale d’un courant extrémiste ‎pouvant mettre en danger le régime républicain, mais constituent aussi des avancées ‎démocratiques notables sur plusieurs plans.

L’homme qui est derrière ces innovations, le président Liamine Zéroual, est connu pour être ‎indemne de toute pathologie de pouvoir et il va d’ailleurs le prouver une fois encore en ‎démissionnant de ses fonctions avant la fin de son premier mandat.

De tous les présidents algériens, lui et Chadli auront été les moins intéressés par le pouvoir ‎qu’ils ont tous deux quitté de leur gré. Ils sont aussi les seuls à avoir cru peu ou prou à la ‎démocratie et essayé de pousser les pas du pays dans cette direction. ‎
Mais les progrès acquis avec eux vont être annulés par l’arrivée aux responsabilités d’un ‎homme qui était aux avant-postes du pouvoir entre 1962 et 1980, synthèse psychologique de ‎Ben Bella et de Boumediene. Il a déjà battu le record de longévité à ce poste, il a ramené les ‎institutions à une existence purement formelle comme sous Ben Bella et Boumediene mais, ‎surtout, il a posé des précédents que ni l’un ni l’autre n’aurait commis.‎

LA REVISION DE 2002, initiée par Bouteflika, a touché à l’article 5 de la Constitution pour ‎rendre immuables l’emblème national et l’hymne national. Mais celle DU 15 NOVEMBRE ‎‎2008 va réaliser la plus grande régression connue dans l’histoire des révisions ‎constitutionnelles algériennes en ce qu’elle a effectué un retour à la situation antérieure à ‎octobre 1988.

Le président Bouteflika s’est plaint dès son arrivée au pouvoir en 1999 de ce que la ‎Constitution de 1996 ne lui plaisait pas, mais ce n’est que dix ans plus tard qu’on a compris ‎pourquoi : il a réduit à néant le rôle du chef du gouvernement, devenu Premier ministre sans ‎prérogatives en dehors de la coordination, et levé la limitation des mandats présidentiels à ‎deux. Il en est aujourd’hui à son quatrième malgré la menace que constitue son état de ‎santé pour le pays.

LES CONSTITUTIONS ALGERIENNES ONT TOUTES EU A SUBIR LES OUTRAGES DE ‎PRESIDENTS QUI ONT PRIS EN CONSIDERATION AVANT TOUTE AUTRE CHOSE LEURS ‎CALCULS DE POUVOIR ET LEURS INTERETS PERSONNELS.

Elles ont souffert du non-respect de leurs dispositions par le président Ben Bella, du coup ‎d’Etat et de la maladie de Boumediene, de révisions improvisées pour assurer la continuité ‎sous un déguisement ou un autre (Chadli), de la démission de Chadli au moment où l’APN a ‎été dissoute, de la maladie du président Bouteflika et du refus des « institutions » de lui ‎appliquer les dispositions pertinentes de la constitution… ‎
On en est là avant la découverte d’autres « failles » dans l’économie de la Constitution, ‎d’autres « cas » imprévus par les spécialistes du droit constitutionnel, alors qu’en réalité les ‎premières ne sont que les cavités creusées par les coups de force de forcenés politiques ‎comme les cratères laissés par des météores, et les seconds les trous percés par les caprices ‎d’un malade comme les trous noirs laissés dans l’espace par l’explosion d’étoiles en fin de ‎vie.‎

Comment espérer comprendre quelque chose à la courbe erratique suivie par les ‎Constitutions algériennes si on confie le soin de leur étude à la science du droit ‎constitutionnel au lieu de les ramener à la psychologie de dirigeants qu’un sort vengeur a ‎infligés à l’Algérie comme si c’est elle qui s’est dressée à la place d’Iblis (Satan) contre le ‎Seigneur à la veille de la Création du monde, qui a mangé la pomme à la place d’Adam et ‎d’Eve au paradis, ou tué Abel à la place de Caïn par jalousie.

CELA N’ETANT PAS VRAI, IL FAUT CHERCHER NOS « PECHES » AILLEURS. ET CET ‎AILLEURS N’EST PAS LOIN : IL EST JUSTE EN NOUS, DANS NOTRE BOITE CRANIENNE, ‎DANS LES FAUSSES IDEES SUR NOUS-MEMES, LES CHOSES ET LE MONDE QUE NOUS ‎TRAINONS DEPUIS DES MILLENAIRES, DANS NOTRE TOURNURE D’ESPRIT, NOS ‎COMPORTEMENTS ET NOS US ET COUTUMES. NOUS CONTINUERONS A SUBIR LE SORT ‎DU TROUPEAU QUE DES BERGERS INCULTES OU FOUS CONDUISENT AU GRE DU HASARD ‎ET CELA JUSQU’AU JOUR IMPROBABLE OU NOTRE PAYS NE SERA PLUS UNE TERRE DE ‎NOMADISME, DE PACAGE, DE GAZ DE SCHISTE ET DE KHECHINISME. ‎

‎(« LE SOIR D’ALGERIE » DU 18 MAI 2014)‎

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