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‎4e MANDAT : ET S’IL PERDAIT ?‎

by admin

‎ « La politique n’est qu’une façon d’agiter le peuple avant de s’en servir » (Talleyrand)

J’ai consacré au début de cette série une contribution dans laquelle j’ai essayé d’imaginer ce ‎qui se serait passé pour lui et pour le pays si Bouteflika ne s’était pas porté candidat (« Et s’il ‎ne s’était pas présenté ? », 12 mars 2014).

Dans les cieux, le monde et l’Histoire on ne se serait pas arrêté à cette décision allant de soi ‎chez des hommes normaux dans les pays normaux… Mais chez nous où la tradition est de ne ‎quitter le pouvoir que les pieds devant ou contraint par les évènements, un tel geste est ‎inimaginable, d’où notre prédisposition à y voir un acte dont seuls sont capables des ‎hommes de la stature de Omar Ibn Abdelaziz ou de Gaulle.

A l’annonce de sa candidature en 1998, j’avais usé du mot « dissensus » pour l’opposer à ‎ceux qui présentaient Bouteflika comme le candidat du « consensus ». Que faut-il inventer ‎aujourd’hui pour qualifier l’attitude de son entourage – puisque lui ne parle pas – qui veut ‎nous persuader qu’il n’y a que lui qui vaille sur la terre algérienne, qu’il nous a sortis de la ‎l’obscurité vers la lumière, que lui seul peut nous garantir paix, pain et pluie, qu’il est l’ami ‎des puissants et de Dieu (« waliyallah ») et que, si tous ces motifs ne suffisent pas, il reste le ‎respect dû au père comme vient de le rappeler si opportunément Belkhadem.

Ils ont tout sollicité, tout secoué, tout remué en nous : le complexe de dépendance, la ‎sensibilité au paranormal, les liens filiaux, la pitié, la peur des représailles après le 17 avril…‎

N’empêche, BOUTEFLIKA N’AVAIT PAS LE DROIT MORAL DE BRIGUER UN NOUVEAU ‎MANDAT EN REGARD DE SA SITUATION, et tout ce qui a été avancé par lui pour justifier sa ‎transgression dans la lettre qu’il a adressée au douar ou par ses partisans dans leurs ‎aberrations, n’est que contes pour enfants ou attardés mentaux.

LA VERITE EST QU’IL EST UN HOMME MALADE QUI NE PEUT PLUS EXERCER DES ‎FONCTIONS DE CE NIVEAU QUOIQU’IL DISE PAR CORRESPONDANCE OU FASSE CROIRE ‎PAR SES APPARITIONS TELEVISEES, LESQUELLES SONT VECUES COMME UN SUPPLICE ‎PAR LES ALGERIENS HUMILIES DE VOIR LEUR PRESIDENT SE PRETER A DES MISES EN ‎SCENE THEATRALES POUR FAIRE ILLUSION.

Chaque jour qui passe prélèvera de sa santé une nouvelle part en vertu de la loi de la ‎nature : on a l’âge de ses artères et va en périclitant plutôt qu’en rajeunissant.‎
Peu importe maintenant, puisqu’il l’a fait. Ce qui vaut encore la peine d’être tenté, c’est un ‎effort de prospective pour imaginer ce que vont être les suites immédiates et à venir de ‎cette décision à laquelle est liée l’intolérable idée qu’on a accepté de mettre en danger le ‎sort d’une jeune nation pour satisfaire les caprices déraisonnables d’un vieil homme ‎disqualifié par la maladie mais qui n’accepte pas son sort. ‎

AU CHOC CREE EN NOUS PAR SA CANDIDATURE SUCCEDERA UN DEUXIEME CHOC, CELUI ‎DES RESULTATS, PUIS UN TROISIEME, CELUI DE LA PRESTATION DE SERMENT, PUIS ‎D’AUTRES QUI CONDUIRONT A ON NE SAIT QUOI CAR PAR QUELQUE BOUT QU’ON LE ‎PRENNE, LE QUATRIEME MANDAT N’AUGURE RIEN DE BON POUR NOTRE AVENIR.‎

Les données observables rendent improbable une victoire électorale à la loyale du candidat ‎Bouteflika, ce qui serait pour lui le choc suprême. Or on sait qu’il n’acceptera pas une ‎seconde l’éventualité d’être vaincu, surtout par son pire ennemi, et qu’il a dû prendre ses ‎dispositions pour qu’elle n’arrive à aucun prix. Pourquoi alors cette contribution et ce titre ? ‎D’abord parce que dans l’absolu un candidat ne peut jamais être certain d’emporter ‎l’élection dans laquelle il est engagé avant la proclamation des résultats. Ensuite parce que, ‎de mon point de vue, trois inconvénients majeurs entravent son chemin :

Premièrement, il est devenu incapable de diriger une nation, la majorité des Algériens en ‎est convaincue, et nous sommes dans une situation où ce hadith du Prophète prend toute sa ‎signification : « Ma communauté ne saurait s’entendre sur une erreur ». L’ « erreur » en la ‎circonstance serait de voter en faveur d’un homme qui ne remplit plus les critères de chef ‎de la communauté, CHARGE QUI SERA SUBTILISEE ET SUBVERTIE PAR UN ENTOURAGE ‎ILLEGITIME ET DE SURCROIT SUSPECTE DES PLUS MAUVAISES INTENTIONS. Une telle ‎erreur ne saurait sensément être commise par une majorité.‎

Deuxièmement, le comportement des porte-parole de Bouteflika a été extrêmement contre-‎productif au cours de la campagne électorale : en plus de ceux qui étaient hostiles au ‎quatrième mandat pour des motifs politiques ou pour une raison de décence morale, ‎comme dans mon cas, il y a ceux qui le sont devenus par accident, par suite de ‎l’amateurisme et des maladresses commises par son staff qui lui a aliéné plusieurs wilayas ‎en blessant dans leur amour-propre leurs habitants. Dans leur inconscience, ils ont porté ‎atteinte à l’unité nationale.

Troisièmement, c’est la première fois en quinze ans que Bouteflika se trouve en présence ‎d’un challenger qui lui donne des sueurs froides. Le « moudjahid » et le « fils de chahid » ‎‎(Benflis) sont engagés dans une lutte acharnée pour la direction du pays qui ne se terminera ‎pas comme les élections présidentielles précédentes. Le premier a certes battu le second en ‎‎2004, mais c’était une autre époque.

L’hypothèse n’est pas niaise, elle se fonde sur plusieurs données objectives : Bouteflika n’est ‎plus que l’ombre de lui-même alors que son adversaire a bonifié en quelques mois son ‎image ; il était absent de la campagne électorale ; ceux qui l’ont représenté ont massacré ‎son image et lui ont fait perdre des suffrages à chacune de leurs apparitions ; son adversaire ‎a démontré des capacités de mobilisation qui ont étonné et a mouillé le maillot pour se ‎rallier chaque jour plus de monde. ‎

S’il y aura un deuxième tour comme des indices le présagent, c’est lui qui gagnera car ‎Bouteflika fera son plein de voix au premier tour. Les autres concurrents pourraient donner ‎des consignes de vote dans un sens ou l’autre, mais leurs voix iront en majorité dans la ‎cagnotte du challenger car la dynamique du deuxième tour jouera en sa faveur. Il pourra ‎puiser aussi dans le gisement des abstentionnistes qui ne croyaient pas à un scrutin libre et ‎des boycotteurs qui voudront voler au secours de la victoire.

Si Bouteflika perd l’élection pour les raisons qu’on vient d’exposer c’est, à Dieu ne plaise, un ‎nouvel AVC garanti pour lui. Mais s’il échappe à ce risque, il n’acceptera pas cette ‎humiliation et recourra à la ruse ou même à la force pour ne pas quitter son fauteuil car on ‎ne l’imagine pas procédant à une passation de pouvoir tranquille comme celle qu’il a eue ‎lui-même avec le président Zéroual en avril 1999.

Il fera peut-être comme Mugabé qui ne se résolut jamais à accepter les résultats favorables ‎à son challenger et ex-Premier ministre, ou comme Gbagbo qui a préféré ouvrir une guerre ‎civile plutôt que de céder le pouvoir à Alassane Ouattara.‎

On ne comprendrait rien au 4e mandat si on faisait l’impasse sur la psychologie de ‎Bouteflika et sa culture du pouvoir. Il porte l’idée bien chevillée à son âme qu’il est né pour ‎présider à vie aux destinées de l’Algérie de gré ou de force, qu’il fasse bien ou mal, qu’on en ‎soit satisfait ou non. Vingt ans de « traversée du désert » n’ont pas refroidi en lui cette ‎passion irrationnelle et dévastatrice qui ne tient pas du seul « despotisme oriental » ‎puisqu’on la retrouve chez la dynastie communiste issue de Kim Il Sung, dans le psychisme ‎de « camarades révolutionnaires » comme Castro et Mugabe, ou chez le socialiste et ‎disciple de Jaurès, Laurent Gbagbo aujourd’hui embastillé dans une geôle du TPI.‎

A ces considérations, il faut ajouter les intérêts de son entourage qui l’a poussé dans cette ‎voie et parié gros sur le 4e mandat. Non seulement il ne voudra pas perdre sa mise (ET ‎CERTAINS DE SES MEMBRES LEUR SIMPLE LIBERTE CAR CITES DANS DES AFFAIRES DE ‎GRANDE CORRUPTION) mais il fera tout pour tirer les dividendes de son investissement ‎politique. Les signes de panique qui viennent d’apparaître dans leur camp renseignent sur la ‎peur que leur inspire Benflis. Ils voudront l’écraser par tous les moyens, y compris par la ‎fraude, le chantage et la violence.‎

Pour le pays, par contre, une défaite de Bouteflika serait un évènement si énorme que les ‎consciences en seraient bouleversées, car ce serait la première fois qu’ils auraient vu un ‎président en exercice ballotté puis battu. Les esprits en seront chamboulés à telle enseigne ‎que de ce choc positif pourrait naître une NOUVELLE ALGERIE. Le spectre de la fraude qui a ‎accompagné toutes les élections depuis l’Indépendance s’évanouira et le peuple se remettra ‎à croire à l’efficacité du bulletin de vote, moins onéreux et plus rentable que la violence ‎pour produire le changement.‎

A partir de là commencera une nouvelle époque pour l’Algérie. Le nouveau président ‎s’attellera à la réalisation de ses promesses au milieu d’une attente fantastique et d’un peu ‎de désordre politique. La transition dont il a été tant question ces derniers temps pourra ‎s’ouvrir sous son égide et transfigurer progressivement le paysage politique et les ‎mentalités. Mais cela est une autre histoire dont il est prématuré de parler.‎
Revenons donc à la réalité pour relever que le dispositif destiné à assurer à Bouteflika une ‎victoire éclatante est en place depuis plusieurs mois.

L’ADMINISTRATION ET L’ORGANE DE ‎RECOURS (LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL) ONT ETE PLACES ENTRE LES MAINS ‎D’HOMMES ATTACHES A SA FORTUNE QUI, S’IL PERD, PERDRONT LA LEUR. ‎

Gagnant improbable, on l’accusera ici et à l’étranger de tricherie et il figurera un président ‎diminué moralement et politiquement, handicap qui s’ajoutera à ceux qu’il a déjà. S’il lui est ‎octroyé un score trop élevé, on dira qu’il n’a pas lésiné sur la fraude pour tuer le soupçon ‎que son pire ennemi puisse lui être préféré. Un score moyen, autour de 60% comme l’a ‎annoncé Saâdani, le patron du FLN, et on pensera qu’on n’a pas osé le créditer de plus parce ‎qu’il a fallu le tirer de très bas.

Si Bouteflika gagne l’élection par des moyens irréguliers, il compromettra le quatrième ‎mandat car les frustrés de la victoire « volée » ne cesseront pas de le lui rappeler et de lui ‎en demander compte, tandis que lui n’aura de cesse de se venger de ce qu’on l’aura ‎contraint à cette extrémité déplaisante.

Décidément, ce mandat de trop qui risque de coûter très cher à l’Algérie est une mauvaise ‎affaire. Il était un « crime moral » comme je l’ai qualifié dans ma première contribution (10 ‎mars), il est devenu « pire », une « faute » selon l’expression attribuée par certains à ‎Talleyrand et par d’autres à Fouché qui furent tous deux ministres de Napoléon.

Benflis, ses soutiens et ses électeurs ne vont pas s’évanouir dans la nature après la ‎proclamation de résultats jugés scandaleusement défavorables. Nous n’assisterons sûrement ‎pas à un « remake » du sanglant face-à-face qui a opposé Alassane Ouattara à Laurent ‎Gbagbo en Côte-d’Ivoire, mais à la naissance d’un nouveau rapport de forces car il faut ‎prendre acte de ce que Benflis a réussi quelque chose d’inédit dans la vie électorale ‎algérienne depuis novembre 1995.

Il a levé des troupes, soulevé une espérance, rassemblé les opposants à son rival, catalysé ‎des courants politiques opposés jusqu’ici par les « açabiyate » et attiré sur lui l’attention de ‎l’étranger et des médias internationaux qui se feront l’écho de ses récriminations.‎

Ce faisant, il s’est doté des ingrédients nécessaires à la mise en place d’une force politique ‎prometteuse si elle réussit à se traduire en organisation efficiente. Elle siphonnera le FLN, ‎satellisera certaines de ses anciennes organisations, attirera des associations de la société ‎civile et pourra incarner l’opposition désidéologisée et alternative qu’aucune force politique ‎n’a réussi à constituer depuis la dissolution du FIS. Et que fera vraisemblablement Benflis de ‎cette force ? Il l’investira dans la lutte contre le 4e mandat contesté.

La fraude électorale n’est pas comme la piqure de moustique qui fait mal sur le coup mais ‎qu’on oublie après s’être gratté. Elle n’est pas comme l’usage de faux d’un faussaire qui ‎poursuit un sordide intérêt. Pourtant, c’est ainsi qu’elle est perçue dans notre pays où elle ‎est assimilée à une simple tricherie circonstancielle, à un abus véniel de l’administration à ‎l’occasion des élections, presqu’à un jeu, ALORS QUE PAR SES EFFETS ELLE EST UN CRIME ‎MAJEUR, SUPERIEUR AU VOL, AU DETOURNEMENT DE BIENS PUBLICS, A LA CORRUPTION ‎ET AU MEURTRE REUNIS PUISQU’EN OUVRANT INDUMENT LA VOIE DU POUVOIR A DES ‎GENS ILLEGITIMES, ELLE LEUR DONNE LE DROIT DE LES COMMETTRE TOUS. ‎

ELLE NE NUIT PAS A UN HOMME PARTICULIEREMENT, PERSONNE NE LA RESSENT ‎COMME UNE AGRESSION CONTRE SOI, MAIS ELLE NUIT A LA NATION DANS SON ‎ENSEMBLE ET AGRESSE A SON INSU LA COLLECTIVITE QU’ELLE LIVRE A L’ARBITRAIRE ‎D’HOMMES DENUES DE SCRUPULES QUI FERONT CE QU’ILS VOUDRONT UNE FOIS DANS ‎LA PLACE, Y COMPRIS VIDER LES CAISSES DE L’ETAT.‎

Parce qu’elle n’est pas citée parmi les péchés capitaux listés par la Bible, parce qu’elle n’est ‎pas visée par un verset coranique ou un hadith spécifique, parce qu’elle n’est pas recensée ‎par le code pénal comme un crime qui mérite la peine capitale, elle s’est insinuée dans les ‎usages comme un banal instrument de régulation de la vie politique.

Que dire de son application à une élection présidentielle où elle est l’équivalent d’un coup ‎État : le fichier électoral national est le terrain où est livré le combat, l’administration ‎prend la place de la troupe, et les ordinateurs du ministère de l’Intérieur celle des chars.‎

CELUI QUI S’EMPARE DU POUVOIR PAR CE BIAIS N’EST PAS UN FAUSSAIRE MAIS UN ‎USURPATEUR, UN IMPOSTEUR, UN TYRAN, UN CRIMINEL. TOUTES NOS INSTITUTIONS ‎POLITIQUES ONT ETE ET SONT VICTIMES DE CE VIRUS (APC, APW, APN, PRESIDENCE) QUI ‎LES A LIVREES A LA MEDIOCRITE, AU CLANISME, A LA CORRUPTION ET A LA FAILLITE, ET ‎C’EST POUR CELA QUE NOTRE PAYS SE PORTE SI MAL.

TOUT ALGERIEN QUI PARTICIPERA DEMAIN A CE CRIME CONTRE SON PEUPLE, ‎ACTIVEMENT OU PASSIVEMENT, EN ECHANGE DE QUELQUES DINARS, D’UNE PROMESSE ‎DE PROMOTION OU PAR SIMPLE LACHETE, CONTRIBUERA A ENFONCER DAVANTAGE LE ‎PAYS DANS L’ENCANAILLEMENT ET LE SOUS-DEVELOPPEMENT. ‎
Je n’ai personnellement que les arguments de la conscience, de la raison et de la morale à ‎faire valoir.

‎(« Le soir d’Algérie » du 16 avril 2014)‎

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