HISTOIRES D’ANES

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Jean de La Fontaine disait : « Je me sers d’animaux pour instruire les hommes ». C’est vrai, ‎on peut éduquer les peuples et les dirigeants rien qu’avec des fables à condition qu’ils le ‎veuillent bien car il en est qui estiment n’en avoir pas besoin : ni des fables ni de l’éducation.

Ce genre littéraire, écrit ou oral, remonte à la nuit des temps et est particulièrement prisé ‎parce qu’il dispense dans un langage simple, clair et divertissant les plus hautes leçons ‎morales, philosophiques et politiques. Parmi ceux qui ont donné ses lettres de noblesse à cet ‎art on compte Esope, Apulée de Madaure, Ibn Al-Muqaffaâ (qui a laissé la vie dans cet ‎exercice) et Jean de la Fontaine.

Quand la liberté de pensée était encore tolérée en terre d’islam, Ibn Tofaïl (XIIe siècle) a ‎composé le premier roman philosophique en écrivant « Hayy Ibn Yaqdhan » dans lequel il ‎démontre, à travers l’histoire d’un enfant abandonné à sa naissance sur une île déserte et ‎sauvé par une gazelle, qu’il est possible de parvenir à l’idée de Dieu par les seules facultés ‎de la raison, sans l’intervention d’une religion, la médiation d’un prophète ou l’entremise ‎des ulémas.

Ibn Tofaïl n’a pas été déféré devant une juridiction pour blasphème, et aucun ayatollah n’a ‎lancé contre lui une fatwa comme celle que lança Khomeiny contre Salman Rushdie il y a ‎trente ans et qui court toujours. Heureusement pour lui, Rushdie possède la vélocité d’un ‎Forrest Gump.‎

Le premier roman en prose, lui, est le fait d’un Algérien, Apulée de Madaure (IIe siècle). Il a ‎pour titre « L’âne d’or » et pour héros un homme, Lucius, qui, par suite d’une manipulation ‎magique, se métamorphose en âne et se trouve entraîné dans des aventures ‎extraordinaires. Puisqu’il est question d’ânes, commençons par celui de Djouha. ‎

Ce personnage légendaire présenté comme un sage, un fourbe ou un niais selon la morale ‎qu’on veut tirer de ses histoires, devait se rendre en compagnie de sa femme et de son âne ‎à une destination lointaine. Pour cela, il devait transiter par plusieurs contrées habitées par ‎des gens aux mentalités différentes. ‎

Arrivé à la première, il croise un galant monsieur qui lui fait remarquer : « Mon bon ami, ‎pourquoi obliges-tu ta femme à marcher alors que tu as un âne ? » Honteux, Djouha suivit le ‎conseil et, traversant la contrée suivante, tombe sur un vieil homme moustachu et ‎emburnoussé qui le tance en ces termes : « Depuis quand la femme, hachak, monte-elle à ‎dos d’âne alors que l’homme marche à pied ? Ce n’est pas bien vu par ici, tu sais !» Djouha ‎ordonne alors à sa femme de descendre et prend sa place. ‎
A l’entrée de la dechra voisine, une féministe accourt à la vue du cortège et, scandalisée par ‎ce qu’elle voit, lance avec haine à notre homme : « Espèce d’énergumène ! Tu te prends ‎pour un nabab sur ton bourricot alors que ta pauvre compagne doit avoir les pieds en ‎sang…»

Désarçonné, Djouha saute à terre, se prend la tête entre les mains et se demande ce qu’il ‎pourrait bien faire pour ne plus s’attirer de remarques blessantes. Il décide qu’ils ‎monteraient à deux sur le dos de l’âne, mais ne voilà-t-il pas qu’au moment où il croyait s’en ‎être bien sorti apparaît un précurseur de la SPA (Société de protection des animaux) qui lui ‎dit : « Tu n’as pas pitié de cet animal pour que vous le montiez à deux ? »‎
‎ Excédé, notre héros s’accroupit devant son âne, le hisse sur ses épaules et reprend le ‎chemin ainsi lesté et sa femme trottinant à sa suite. Mais voilà encore qu’un drôle sort de ‎derrière une haie de roseaux et lui jette, narquois : « Imbécile, va ! Tu portes l’âne alors que ‎c’est lui qui devrait te porter… C’est lui le « dab » ou toi ?»‎

On ne sait pas si, à la fin, Djouha se suicida, prit la mer comme un harraga, continua à pied ‎ou revint sur ses pas, mais la morale de l’histoire est quoiqu’on fasse on est toujours critiqué, ‎et que si on écoute les autres on ne fait jamais rien. ‎

LES PEUPLES ARABES QUI ONT FAIT LEUR REVOLUTION SE TROUVENT DANS LA ‎SITUATION DE DJOUHA. QUAND ILS PLOYAIENT SOUS LE JOUG DE LA TYRANNIE, ON LES ‎MEPRISAIT ET DISAIT D’EUX QU’ILS NE VALAIENT RIEN ET QU’ILS MERITENT POUR CELA ‎LEUR SORT. QUAND ILS SE SONT SOULEVES POUR ABATTRE LE DESPOTISME, ‎DESTABILISANT INEVITABLEMENT LEURS PAYS, ON EN CONCLUT QU’ILS AVAIENT ETE ‎MANIPULES ET QU’ILS SONT PAR CONSEQUENT SOIT DES ANES QUI NE COMPRENNENT ‎RIEN, SOIT DES TRAITRES. ET QUAND, POUR LA PREMIERE FOIS DE LEUR VIE, ILS ONT ‎LIBREMENT VOTE, ON LES A ACCUSES DE N’AVOIR PAS PRIS LE CHEMIN DU MEILLEUR, LA ‎DEMOCRATIE, MAIS DU PIRE, L’ISLAMISME.‎

Il y a les vraies questions et les fausses réponses. Les peuples ne seraient-ils bons qu’à faire ‎les révolutions et à verser leur sang pour que viennent des hommes prédestinés en cueillir ‎les fruits ? Ne sont-ils patriotes et intelligents que lorsqu’ils se laissent mener par des ‎dictateurs, des ignorants et des familles rapaces ?

Fallait- il que Ben Ali, Moubarak, Kadhafi et Saleh demeurent au pouvoir pour que rien de ‎fâcheux n’arrive à ces pays ? Fallait-il que rien ne change au Maghreb et au Moyen-Orient ‎pour que la théorie du complot ne prospère pas comme actuellement ? Fallait-il que les ‎peuples continuent de subir sans broncher les lubies de leurs dirigeants pour ne pas ‎déranger le sommeil des autres ?

C’est évidemment ce que souhaitaient Ben Ali, Moubarak, Kadhafi et Saleh dans leur ‎obstination à ne pas renoncer au pouvoir, et c’est ce que souhaite toujours le têtu de Bachar.

CES TYRANS N’ONT PAS DIT A LEURS PEUPLES : « OK, ON VA FAIRE LE CHANGEMENT ‎SANS DETRUIRE NOTRE PAYS, SANS NOUS ENTRETUER, SANS FAIRE INTERVENIR ‎L’ETRANGER » ILS LEUR ONT TENU UN DISCOURS OPPOSE : « C’EST NOUS OU LE DELUGE, ‎NOUS OU LE BAIN DE SANG, NOUS OU LA GUERRE CIVILE, NOUS OU LA PARTITION DU ‎PAYS…»

Le mauvais n’incline pas de lui-même à montrer la voie du meilleur, il met d’emblée une ‎croix sur cette direction pour ne laisser ouverte que celle du pire. Les peuples qui se sont ‎soulevés n’avaient pas de solution de rechange toute prête – la meilleure – ils se sont lancés ‎à l’assaut du mauvais en étant persuadés qu’il n’y avait pas pire que ce qu’ils enduraient. ‎N’ayant pas le choix, il fallait ou ne rien faire, ou faire ce qu’ils ont fait. ‎
La révolution est inévitable lorsque le meilleur a disparu des mémoires, et que le mauvais a ‎atteint le seuil de l’intolérable. Quand on est à bout, on s’attaque au mauvais même si on ‎sait qu’on n’a pas préparé le meilleur, même si on ignore de quoi sera fait demain. On ne ‎fait pas d’omelette sans casser des œufs, dit l’adage. C’est l’entêtement de Kadhafi et le ‎choix auquel il a contraint les Libyens qui ont conduit à la guerre civile et à l’intervention ‎étrangère. S’ils ont accepté le risque de revenir au point zéro, c’était avec l’espoir de ‎pouvoir construire un jour le meilleur.

L’ANE DE BURIDAN EST MORT DE FAIM ET DE SOIF FAUTE D’AVOIR DECIDE PAR QUOI ‎COMMENCER, L’EAU OU L’AVOINE. LES DESPOTES ARABES VOULAIENT JUSTEMENT ‎ENFERMER LEURS PEUPLES DANS CE QU’ON APPELLE DEPUIS CETTE TRAGEDIE ANIERE LE ‎‎« PARADOXE DE L’ANE DE BURIDAN » : LES FIGER DANS UNE ACCEPTATION RESIGNEE DU ‎MAUVAIS POUR LES EMPECHER DE TRANCHER ENTRE DEUX ALTERNATIVES, LE MEILLEUR ‎ET LE PIRE.

Jean Buridan est un philosophe français du XIVe siècle qui, comme les ulémas musulmans de ‎son temps, ne croyait pas à la liberté de l’homme et au libre arbitre. Or, comme l’a prouvé ‎l’âne auquel son nom est resté attaché, on peut mourir de ne pas décider, de ne pas choisir, ‎de ne pas prendre de risques. C’est ce qu’ont compris ces peuples.

LES REVOLUTIONS ARABES ONT DEBOUCHE SUR L’ISLAMISME. MAIS LES DESPOTES ONT-‎ILS DONNE AU COURANT NON ISLAMISTE LA LATITUDE DE SE CONSTRUIRE ET AUX ‎FORCES POLITIQUES DEMOCRATIQUES EMBRYONNAIRES LA CHANCE DE S’ORGANISER ? ‎NON, C’ETAIT EUX OU LE CHAOS, ET LES PEUPLES ONT REPONDU : « VIVE LE CHAOS ! »‎

JUSQU’A L’AN DERNIER LES TUNISIENS, LES ÉGYPTIENS ET LES LIBYENS AVAIENT UN ‎PROBLEME AVEC LEURS POUVOIRS. DEPUIS LEUR REVOLUTION ET LES ELECTIONS, POUR ‎CEUX QUI LES ONT FAITES, ILS ONT UN PROBLEME AVEC EUX-MEMES. IL FAUT LEUR ‎LAISSER UN PEU DE TEMPS AU BOUT DUQUEL ILS VONT DEVOIR DEMONTRER S’ILS SONT ‎CAPABLES DE RELEVER LE DEFI DE LA MODERNITE, OU S’ILS SE CONTENTERONT DE ‎REMPLACER UNE FAUSSE MONNAIE PAR UNE AUTRE. DE METTRE DES ABOU YAZID ‎‎(«L’HOMME A L’ANE» DONT ON A PARLE DANS UNE PRECEDENTE CONTRIBUTION) A LA ‎PLACE DES ALIBORON QU’ETAIENT LEURS ANCIENS DICTATEURS. S’ILS VOIENT DANS LES ‎NOUVEAUX CHARLATANS APPARUS EN LEUR SEIN DES ALADIN A LA LAMPE ‎MERVEILLEUSE, A CE MOMENT-LA ILS MERITERONT LE SORT QUI LEUR SERA FAIT. ‎

LES PEUPLES QUI ONT FAIT LEURS REVOLUTIONS VONT DEVOIR PROUVER QU’ILS SONT ‎DES NATIONS, DES SOCIETES ET DES ETATS DIGNES DE CE NOM. AU-DELA DE LA ‎POLITIQUE ET DES ELECTIONS, CE QUI EST EN CAUSE C’EST LA CONSCIENCE DES PEUPLES, ‎LA BIOLOGIE DES NATIONS, LES RESULTATS DU TEST DE VIABILITE AUQUEL ON EST ‎SOUMIS LORSQU’ON PRETEND A CES QUALITES.

IL N’EST PAS DE BON TON DE LE DIRE, MAIS BEAUCOUP DE PAYS ISSUS DE LA ‎DECOLONISATION SONT DE FAUX PAYS. UN PAYS, UNE NATION, UN ETAT, NE S’OFFRENT ‎PAS EN CADEAU NI NE S’IMPROVISENT A LA VA-VITE, ON LES CONSTRUIT ET LES ‎ENTRETIENT EN PERMANENCE. L’HISTOIRE A DONNE A BEAUCOUP LA CHANCE DE ‎DEVENIR DES SOCIETES, DES ECONOMIES ET DES ETATS, ILS NE L’ONT PAS TOUS SAISIE. ‎LE MALI A ETE COUPE EN DEUX PAR QUELQUES CENTAINES DE COMBATTANTS EN 72 ‎HEURES. EST-CE NORMAL ? LA LIBYE A EU SON INDEPENDANCE PAR UNE RESOLUTION ‎DE L’ONU EN 1949. KADHAFI L’A MISE A GENOUX, A DETOURNE SES RICHESSES ET L’A ‎FINALEMENT ABANDONNEE DANS L’ETAT TRIBAL OU ELLE ETAIT EN 1949. EST-CE ‎NORMAL ?‎

LES REVOLUTIONS ARABES SONT DES CYCLES A QUATRE TEMPS : IL Y A EU, COMME ON ‎L’A VU DANS LES PRECEDENTES CONTRIBUTIONS, LE TEMPS DES REVOLTES ET DU REVEIL ‎MAGIQUE, PUIS LE TEMPS DES REVANCHES ET DU VOTE ATAVIQUE. NOUS SOMMES ‎DANS LE TEMPS DES ILLUSIONS ET DE LA « SOLUTION ISLAMIQUE », MAIS CELUI-CI ‎COMMENCE A ETRE BOUSCULE PAR LE TEMPS DU REALISME ET DES SOLUTIONS ‎PRAGMATIQUES.

Ennahda a confirmé qu’elle ne demanderait pas la réécriture de l’article Un de la ‎Constitution tunisienne, et la commission chargée de la rédaction de la nouvelle Constitution ‎égyptienne vient d’être dissoute par une décision du tribunal administratif du Caire.

Dans les deux pays, l’islam institutionnel se tient à distance de l’islamisme politique. Quant à ‎la Libye, il faut attendre que retombent les nuages de poussière des chevauchées tribales ‎pour y voir plus clair. Rien n’est encore joué dans ces pays, et toutes les options sont ‎ouvertes, de la meilleure à la pire.‎

L’HISTOIRE DU MONDE ARABE CONNAIT DES BOULEVERSEMENTS MAJEURS, ENTRAINEE ‎PAR DES MOUVEMENTS SPONTANES QUI PEUVENT ALLER DANS LA BONNE OU LA ‎MAUVAISE DIRECTION. DANS LE CLAIR-OBSCUR OU ON SE TROUVE, IL EST URGENT, IL ‎EST VITAL DE PARLER, DE CRIER, D’ECRIRE, POUR ORIENTER CEUX QUI SONT DANS LE ‎NOIR, QUI SONT PRIS DANS UN MOUVEMENT QUI PEUT DEVENIR FOU, DANS L’ESPOIR ‎DE LES RAMENER AVEC LA VOIX DU BON SENS SUR LA VOIE DE L’HISTOIRE. UN ‎MOUVEMENT SPONTANE, DECLENCHE DE LUI-MEME, PEUT ALLER DE L’AVANT OU DE ‎L’ARRIERE. Or, il n’y a pas de mouvement en arrière salutaire sauf en sport où, ‎effectivement, on peut reculer pour mieux sauter. ‎

S’IL Y A DES ELITES DANS CES PAYS, C’EST MAINTENANT QU’ELLES DOIVENT JOUER ‎PLEINEMENT LEUR ROLE, APPARAITRE, S’EXPRIMER, EXPLIQUER ET S’EXPLIQUER. PAS ‎APRES, QUAND IL SERA TROP TARD, QUAND LA BETE AURA ECHAPPE A TOUT CONTROLE, ‎QUAND ELLE LES AURA REDUITES AU SILENCE, ECRASEES OU CONTRAINTES A L’EXIL. ‎AINSI QUE DISENT LES PASTEURS AU MOMENT DE PRONONCER LE SACREMENT DE ‎MARIAGE : « SI QUELQU’UN A QUELQUE CHOSE A DIRE, QU’IL PARLE MAINTENANT OU SE ‎TAISE A JAMAIS ».

La comparaison n’est pas abusive, il s’agit bel et bien de mariages dont les préparatifs sont ‎en cours sous nos regards. Ils ne sont pas encore scellés, mais les bans ont été publiés. Il est ‎encore possible de poser des questions et même de les annuler : s’agit-il de mariages civils ‎ou religieux, d’amour ou d’intérêt, forcés ou consentis, naturels ou contre-nature, entre des ‎êtres compatibles ou entre l’eau et le feu, qui finiront par un divorce ou dans le sang ?‎

NOUS AVONS VU DANS D’AUTRES CONTRIBUTIONS COMMENT L’ISLAM, VENU AVEC UN ‎ESPRIT DEMOCRATIQUE QUI N’A PAS SURVECU UN QUART DE SIECLE A L’ESPRIT TRIBAL ‎ARABE, N’A CONNU QU’UNE SUITE ININTERROMPUE DE DESPOTISMES MONARCHIQUES ‎OU REPUBLICAINS, ET COMMENT, VENU AVEC UN ESPRIT FAVORABLE A LA SCIENCE, A ‎LA CREATIVITE INTELLECTUELLE ET TECHNOLOGIQUE, IL N’A CONNU – APRES ‎L’EXTINCTION DES FEUX AU XIIE SIECLE PAR UN COURANT INTELLECTUEL PORTEUR ‎D’UNE AUTRE COMPREHENSION DE LA RELIGION – QUE LE FATALISME, LE SOUFISME, LE ‎MARABOUTISME, LE WAHHABISME ET ENFIN L’ISLAMISME DE LA RUE ET LE ‎TERRORISME.

Les ulémas ont été engendrés par les «sciences religieuses», les soufis par les fatalistes, les ‎marabouts par les soufis, et les islamistes par l’ibntaïmiyisme et le wahhabisme, selon une ‎logique de régression intello-génétique allant dans le sens opposé à l’eugénisme, le mauvais ‎donnant naissance au pire et le fanatique au terroriste. ‎

EN ENFANTANT ON SE TRANSMET SOI-MEME, ON LEGUE SON STOCK GENETIQUE. ON ‎ENFANTE DE CE QU’ON EST, LUMIERE OU TENEBRES. ET QUAND ON ELEVE SA ‎PROGENITURE, ON LUI INCULQUE LES IDEES QUE L’ON A, DONT ON A HERITE ET QU’ON A ‎PROFESSEES SA VIE DURANT.

QUAND ON RETOURNE EN ARRIERE, DANS LE CAS DE L’ISLAM, ON NE RENCONTRE PAS ‎TOUT DE SUITE SUR SON CHEMIN LA LUMIERE PHILOSOPHIQUE ET SCIENTIFIQUE D’IBN ‎KHALDOUN OU DES MUTAZILA ; ON NE RISQUE PAS DE REMONTER JUSQU’A LA LUMIERE ‎MORALE ET POLITIQUE DE OMAR IBN ABDELAZIZ OU DES «CALIFES BIEN GUIDES», ON ‎EST VITE STOPPE DANS SON ELAN PAR L’HIMALAYA ELEVE PAR LE « ILM». ON TOMBE ‎RAPIDEMENT SUR LA MURAILLE DE CHINE ERIGEE AUTOUR DES SOURCES ISLAMIQUES ‎DEPUIS AL-ACHAARI, IL Y A DOUZE SIECLES. ON N’ATTEINT PAS LA SOURCE DE LA ‎LUMIERE, ON S’ARRETE A LA SOURCE DES TENEBRES QUI, EN TENANT COMPTE DE ‎L’ECART DU TEMPS, DIFFUSE DES TENEBRES ENCORE PLUS TENEBREUSES.

Les feux de bivouac allumés par quelques esprits isolés dans le monde arabo-musulman et ‎en Europe au cours des derniers siècles ne pouvaient éclairer une étendue aussi vaste. On ‎est tombé de Charybde en Scylla comme disent les Grecs qui, eux aussi, après avoir donné ‎au monde la première moisson de la raison et les clés de la pensée scientifique, ont disparu ‎dans les remous de l’Histoire sans que nul ne comprenne pourquoi. Aux dernières nouvelles, ‎ils seraient en faillite au sens juridique du terme et ne survivent que grâce à la solidarité ‎européenne. Il est question qu’ils vendent quelques-unes de leurs îles pour se remettre à ‎flot. L’Histoire est vraiment cruelle. ‎
Que feraient de pauvres diables comme nous qui ne tiennent qu’à un fil, à un mince filet de ‎pétrole en voie d’assèchement ? ‎

Si, au lieu de perdre son temps à écrire les âneries contenues dans son « Livre vert », ‎Kadhafi avait daigné consacrer quelques heures de ses 41 ans de règne à lire les fables dont ‎s’instruisaient les califes au temps d’Ibn Al-Muqaffâa et les vrais rois au temps de La ‎Fontaine, il n’aurait pas connu la fin qu’il a connue : lynché dans la rue, à la sortie d’un ‎égout, par ceux qu’il traitait de rats. S’il avait lu « Le lion et le rat », une fable qu’on aurait ‎dit écrite pour lui par le fabuliste français, il serait encore en vie…‎

Elle commence par ses mots : « Il faut, autant qu’on peut, obliger tout le monde : on a ‎souvent besoin d’un plus petit que soi », et traite du service rendu par le lion à un minuscule ‎rat dans la peine. Vint un jour où le majestueux lion se fit prendre dans un filet contre lequel ‎ses crocs et ses rugissements ne purent rien et dont ledit rat vint à bout, lui sauvant la vie. Si ‎le guide libyen avait « obligé » ses compatriotes (leur avoir fait du bien), ils ne se seraient ‎pas soulevés contre lui. Il serait mort « mouazzaz, moukarram » dans son lit, et reposerait ‎dans un mausolée au lieu d’une tombe anonyme dans le désert.

La diplomatie algérienne est, depuis un moment déjà, dans la posture de Djouha. Le « droit ‎à l’autodétermination des peuples » était à son zénith à l’époque de la décolonisation et en ‎odeur de sainteté dans les coulisses de l’ONU. Aujourd’hui, des minorités ethniques, ‎religieuses ou politiques veulent s’en prévaloir pour demander leur autonomie ou leur ‎indépendance vis-à-vis des États dans lesquels ils ne veulent plus vivre.

Ayant très tôt enfourché ce « principe intangible » qui est le fondement de sa politique dans ‎la question du Sahara occidental, notre diplomatie ne sait plus comment le justifier dans le ‎nouveau contexte mondial sans ressentir de l’embarras ou encourir le mécontentement ‎d’une partie ou d’une autre.

La Bosnie croyait pouvoir s’en prévaloir pour obtenir sa reconnaissance par notre pays, elle ‎en fut pour ses frais. Le MNLA qui vient de prendre possession de la moitié du Mali pour y ‎installer un État espérait pouvoir exciper de ce principe pour obtenir sa reconnaissance, on ‎lui a opposé une fin de non-recevoir. Si notre diplomatie l’avait fait, c’est tout de suite le ‎président Ferhat Mhenni qui, au nom du « Gouvernement provisoire kabyle », se serait élevé ‎contre la politique des deux poids deux mesures du gouvernement algérien, et exigé ‎l’ouverture de négociations immédiates avec le sien.

ON NE SAIT PAS A QUELLE EPOQUE A ETE CREE LE POSTE-FRONTIERE ENTRE LE MAROC ‎ET L’ALGERIE QUI PORTE LE DROLE DE NOM DE « ZOUDJ BGHAL » (LES DEUX MULETS). SI ‎ON CHERCHAIT L’ORIGINE DE CETTE DENOMINATION ON LA TROUVERAIT ‎PROBABLEMENT DANS LE TRAIT D’ESPRIT DOMINANT DANS LA MENTALITE DES DEUX ‎PAYS : L’ENTETEMENT. ON SAIT QUE L’EXPRESSION « NOTRE ANE EST PREFERABLE A ‎VOTRE MULET » EST COURANTE DANS LE MAGHREB. PEUT-ETRE QU’UN SAGE A DU ‎METTRE AUTREFOIS D’ACCORD LES DEUX VOISINS SUR LA DESIGNATION DE CE POINT DE ‎PASSAGE EN LES METTANT A EGALITE.

Actuellement, la frontière est de nouveau fermée à cause du problème sahraoui que ‎l’intransigeance commune n’a pas permis de résoudre depuis quarante ans. Dans l’affaire, ‎suis-je dans le regret de constater, le Maroc a eu la proie et nous l’ombre, et l’ombre s’est ‎avérée coûteuse pour nous et la proie rentable pour le Maroc. ‎
Maâlich, les principes ne payant pas toujours, on se consolera en nous répétant « ‎taghennant, takhassart»…

‎« Le Soir d’Algérie » du 15 avril 2012‎
‎« Oumma.com » du 23 FEVRIER 2018 ‎

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