Home ARTICLESLa problématique algérienne1980-1989 ALLOCUTION DE M. NOUREDDINE BOUKROUH: Résultats des travaux du IIème congre ordinaire du parti du renouveau algérien

ALLOCUTION DE M. NOUREDDINE BOUKROUH: Résultats des travaux du IIème congre ordinaire du parti du renouveau algérien

by admin

Il y a quelques mois encore, nous rêvions de tenir notre deuxième Congrès Ordinaire dans la joie ‎des retrouvailles et le sentiment du devoir accompli, mais voilà que l’intensification de la tragédie ‎qui s’est abattue sur notre pays nous oblige à le tenir dans la tristesse et la sobriété.‎

‎ Tenir un congrès en de pareilles circonstances s’apparente presque à un exploit tant il est devenu ‎périlleux de voyager loin ou de s’imposer des dépenses supplémentaires en ces temps d’insécurité ‎et de crise économique.‎

Mais nous ne pouvions, les uns et les autres, retarder cette échéance, car il nous fallait rendre ‎compte de notre gestion, évaluer ensemble le chemin parcouru, rappeler à l’opinion publique nos ‎positions face aux dernières évolutions, et enfin remettre entre les mains de ce Congrès le mandat ‎que le précédent nous avait confié.‎

Le Secrétaire général vous présentera dans un moment le bilan moral et matériel de notre parti ‎depuis sa fondation. Quant à moi, je voudrais rappeler brièvement les grandes lignes de l’analyse ‎qui sous-tend habituellement nos prises de position.‎

Parmi les causes majeures qui ont précipité notre pays dans l’état de guerre déclaré qui le ‎caractérise actuellement, le PRA aperçoit, en premier lieu, L’OBSTINATION DES HOMMES ET DES ‎INTERETS QUI ONT TOUJOURS COMPOSE LE POUVOIR ALGERIEN A REFUSER DE TOUTE LEUR ‎ENERGIE QUE L’ALGERIE SE DOTE D’UN ETAT DE DROIT ISSU DE LA VOLONTE DU PLUS GRAND ‎NOMBRE ET QUE DES PRINCIPES DEMOCRATIQUES LE GOUVERNENT DANS LA TRANSPARENCE.‎

Cette mentalité qui avait ses justifications dans un passé encore proche a empêché que les ‎nouvelles générations, les élites et les forces naturelles qui se font jour dans toute société se ‎sentent concernées par les affaires de leur pays et, plus grave encore, les a incitées à haïr de tout ‎leur être un pouvoir incompétent qui les a trompées, frustrées de toute participation à la définition ‎de leur propre destin et privées de toute perspective d’avenir.‎

C’EST CETTE OBSTINATION QUI A FAIT QUE NOTRE PAYS N’AIT, APRES TRENTE LONGUES ANNEES, ‎REUSSI A ERIGER AUCUNE INSTITUTION FIABLE, AUCUN SECTEUR ECONOMIQUE VIABLE, AUCUN ‎CONTENU D’ENSEIGNEMENT CAPABLE DE FORGER DES CITOYENS PORTEURS DE CONSCIENCE ‎CIVIQUE ET SOCIALE.‎

On a vu à l’œuvre cette obstination au cours des dernières années et enregistré ses résultats : des ‎milliers de morts, une fuite généralisée vers l’étranger, la transformation de l’Etat en faction de ‎combat, de premiers appels à l’ingérence étrangère et la répression de partis d’opposition ‎démocratiques et pacifiques comme le PRA.‎

Ce pouvoir qui rappelait fièrement et ponctuellement à la nation qu’il était le produit de la force ‎est, aujourd’hui, confronté au sous-produit de sa propre mentalité, la violence. ‎

Une violence qu’il est de plus en plus impuissant à vaincre en dépit de ses désirs et de ses moyens.‎

Il est devenu évident que les torrents de haine qui se sont formés depuis deux ou trois années ‎menacent d’emporter le pouvoir, l’État et la société à la fois, et qu’il faut de profonds changements, ‎d’extraordinaires moyens de persuasion et de véritables prouesses politiques et économiques ‎pour transformer cette dérive tragique en dynamique de construction associant tous les Algériens ‎et toutes les Algériennes afin que NOTRE NATION, TANT EPROUVEE PAR L’HISTOIRE, ‎ENTREPRENNE DE DEVENIR ENFIN UN PAYS NORMALISE, PACIFIQUE, DEVELOPPE ET CIVILISE.‎

Des milliers d’Algériens innocents sont déjà tombés pour que les survivants soient sommés de ‎prendre conscience du danger qui plane sur eux et sur la patrie. Il faut que cesse l’assassinat des ‎intellectuels, des Journalistes, des agents des forces de l’ordre et autres citoyens. Il faut que cesse ‎également la répression aveugle et sur simple présomption qui nourrit le feu de la violence.‎

L’heure de l’apaisement doit sonner au plus vite car les familles, les orphelins et les veuves des ‎Algériens à qui on a ôté la vie sont trop nombreux. Une peur panique s’est emparée des autres. Les ‎taches publiques de sauvegarde des personnes et des biens ne peuvent plus être accomplies, la ‎criminalité sévit massivement et ouvertement. Nous ne sommes pas loin de l’anarchie et du chaos ‎final. Et pourquoi tout cela ? ‎

AU LIEU DE RECHERCHER SINCEREMENT ET INTELLIGEMMENT LE MOYEN D’IMPLIQUER LA NATION ‎DANS LE CHOIX DE SOLUTIONS DEFINITIVES, LES HOMMES ET LES INTERETS QUI CONSTITUENT LE ‎POUVOIR ALGERIEN DEPUIS TOUJOURS S’OBSTINENT A LUI IMPOSER DES GOUVERNEMENTS, DES ‎COMITES ET AUTRES COMMISSIONS QUI NE REPRESENTENT RIEN ET NE REGLERONT RIEN.‎

ILS N’AGISSENT AINSI QUE PARCE QU’IL VOULANT EVITER COUTE QUE COUTE LA MISE EN PLACE ‎D’UNE SCENE POLITIQUE TRANSPARENTE, DE REGLES DE FONCTIONNEMENT CLAIRES ET ‎OPERANTES, ET SURTOUT L’EMERGENCE DE DIRIGEANTS POLITIQUES NOUVEAUX, CREDIBLES ET ‎COMPETENT. ‎

TANT QUE CETTE MENTALITE ET CES RUSES IMPRODUCTIVES CONTINUERONT A PRESIDER A LA ‎DIRECTION DU PAYS, LE FOSSE IRA EN S’ELARGISSANT ENTRE LE POUVOIR ET LE RESTE DE LA ‎NATION.‎

Et ce ne sont pas les complicités rencontrées auprès de certains partis alléchés par la perspective ‎d’accéder au pouvoir sans avoir à passer par la légitimation populaire, qui fortifieront les structures ‎préfabriquées que le HCE a mises en place depuis deux ans ou qu’il projette de mettre sur pied ‎pour on ne sait combien de temps encore.‎

S’agissant du dialogue national, le PRA en approuve naturellement le principe mais considère que ‎son objectif ne doit pas être de maintenir en place un pouvoir illégitime ou de l’élargir à des états-‎majors de partis au terme de négociations occultes, mais d’aboutir à remettre entre les mains des ‎citoyens et des citoyennes la faculté de décider et de choisir entre plusieurs programmes politiques ‎concurrents.‎

Si transition supplémentaire il doit encore y avoir, car de toute façon L’ALGERIE N’EST JAMAIS ‎SORTIE DU PROVISOIRE ET DU TRANSITOIRE, elle doit être comprise comme l’intervalle de temps ‎séparant l’annonce de la date de reprise du processus électoral, du déroulement effectif des ‎premières élections.‎

C’est à cette seule condition que le dialogue national pourra avoir un sens et un objet : celui de fixer ‎les modalités d’organisation de la consultation populaire, de définir les critères d’éligibilité des ‎candidats, de mettre au point et de faire adopter les principes intangibles sur lesquels reposera le ‎futur Etat, et enfin d’assurer un traitement égal aux diverses tendances en compétition.‎

Et quand nous parlons d’élections, il s’agit bien sûr des élections présidentielles, car c’est le seul ‎bout par lequel il soit encore possible de reprendre les choses compte tenu du point où elles ‎en sont. ‎

S’il n’est plus permis de rêver d’une réconciliation nationale qui ramènerait les Algériens à la ‎situation affective, morale, politique et sociale qu’ils connaissaient jadis, il est du moins autorisé de ‎penser que l’on pourra voir leurs différences et leurs divergences reconnues mutuellement, ‎respectées réciproquement, mesurées statistiquement et gérées pacifiquement comme c’est le ‎cas dans les pays civilisés.‎

Si le dialogue national pouvait aboutir à l’engagement de tenir avant le mois de juin 1994 les ‎élections présidentielles, à confier leur organisation à une structure représentant l’institution ‎présidentielle qui sera bientôt mise en place et les partis politiques, la transition dont il est tant ‎question pourrait alors servir effectivement à quelque chose. ‎

La vie politique reprendrait ainsi normalement et l’accès aux médias porteurs permettrait de ‎sensibiliser les citoyens sur les conséquences de leurs choix et de cultiver en eux le sens de la ‎responsabilité.‎

Une fois le nouveau président de la République élu de manière incontestée, celui-ci, fort d’une ‎majorité populaire à l’intérieur et de la reconnaissance de tous les pays du monde à l’extérieur, et ‎lié par les engagements auxquels il aura souscrit quand il n’était que candidat, serait ‎particulièrement qualifié pour proposer au pays les nécessaires amendements constitutionnels, ‎ouvrir une véritable concertation avec l’ensemble des forces politiques, prendre les mesures ‎d’apaisement souhaitables et, enfin, préparer avec le Gouvernement d’union nationale dont il se ‎sera entouré, les élections législatives puis communales qui parachèveront la construction du ‎nouvel édifice institutionnel algérien.‎

Ce Président-là ne sera pas un homme providentiel mais, plus modestement, un homme légitime, ‎tout autant que le président de n’importe quel pays démocratique au monde n’est pas un homme ‎providentiel mais simplement un homme légitime.‎

En cinq ans, le nouveau président de la République, seul et unique garant de la Constitution, chef ‎suprême des forces armées et premier magistrat du pays, aura toute latitude pour mener à son ‎terme l’édification d’un système institutionnel fondé cette fois non pas sur la détention de la force ‎ou la complice de groupes de pressions en possession quelque « capacité de nuisance », mais sur la ‎légitimité, la crédibilité et la compétence.‎

Du point de vue du PRA, et nous appelons les médias et l’opinion publique à en être témoins, ‎aucune autre solution, fut-ce un dialogue direct entre le pouvoir actuel et des représentants de ‎l’ex-FIS ou des groupes armés eux-mêmes, ne sera à même de ramener pour de bon la paix et la ‎concorde sur la terre algérienne.‎

Il ne s’agit plus de chercher à négocier, à partager le pouvoir entre factions hostiles ou à réussir un ‎compromis entre forces et intérêts antagonistes (ce qui ne serait que revenir aux mécanismes et ‎manigances qui sont à l’origine de tous nos drames actuels et persister dans l’erreur de vouloir se ‎substituer à la volonté générale), mais de se décider enfin à suivre le mode d’emploi universel pour ‎construire un État durable. ‎

Il s’agit de normaliser, de se conformer au bon sens, de bâtir sur du solide comme on dit dans le ‎langage courant.‎

AU DEMEURANT, CE N’EST PAS SEULEMENT UN ETAT DE DROIT QU’IL FAUT CONSTRUIRE MAIS LA ‎SOCIETE ALGERIENNE ELLE- MEME CAR LES VIOLENCES EN COURS, LA SAUVAGERIE AVEC LAQUELLE ‎SONT COMMIS MEURTRES, ASSASSINATS ET AUTRES ACTES DE VENGEANCE, DEMONTRENT QUE ‎QUELQUE CHOSE DE GRAVE, D’EXTREMEMENT GRAVE, A AFFECTE POUR TRES LONGTEMPS LE ‎CONSCIENT ET L’INCONSCIENT DES INDIVIDUS QUI CONSTITUENT NOTRE PEUPLE.‎

Au-delà du problème du pouvoir, c’est celui de l’homme algérien et des représentations mentales ‎qu’il porte qui est essentiellement en cause. ‎

MAIS POUR REFORMER LE SECOND, IL EST NECESSAIRE DE REUSSIR LA REFORME DU PREMIER AFIN ‎QU’IL PUISSE EFFECTIVEMENT AGIR ET DETERMINER LE COMPORTEMENT GENERAL DE LA ‎COLLECTIVITE. VOILA POURQUOI LE PRA PENSE LE DRAME ALGERIEN EN TERMES DE PROJET DE ‎SOCIETE ET NON DE PARTAGE DU POUVOIR. ‎

Paix pour l’âme de ceux qui sont tombés, Paix pour l’Algérie meurtrie, Paix pour l’Algérie de ‎toujours !‎

‎« El-Watan » du 27octobre 1993

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