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LA PENSEE ECONOMIQUE DE MALEK BENNABI A TRAVERS « LE MUSULMAN DANS LE MONDE DE L’ECONOMIE »

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Le dernier livre de Bennabi, « Le musulman dans le monde de l’économie », a été composé en 1972 à Beyrouth, soit un an avant la mort de son auteur. Comme par une ironie du sort cet ouvrage clôt à l’étranger une œuvre commencée vingt-six ans plus tôt dans une prison. C’est à Chartres (ouest de Paris) où avait été enfermé Malek Bennabi d’août 1944 à avril 1945 à la suite d’une dénonciation calomnieuse pour « intelligence avec les forces d’occupation allemandes » (accusation dont le lavera au demeurant la justice française ), que fut en effet rédigé « Le phénomène coranique », la première œuvre de Bennabi. Il était dédicacé à un certain Georges Marlin qui en avait sauvé le manuscrit en le faisant sortir de prison par sa femme. Il sera dactylographié sous la dictée personnelle de Bennabi par un juif de Tébessa en octobre 1946 et publié quelques mois plus tard par les Editions algériennes « En-Nahda ». Les trois religions du Livre auront donc providentiellement eu leur part dans ce premier travail d’exégèse moderne de la pensée coranique dû à l’ « ijtihad » d’un homme au nom prédestiné dans la quarantième année de son existence.

Si, à travers « Le phénomène coranique », Malek Bennabi a voulu poser et régler au moyen de ses seules facultés intellectuelles le problème de l’ « authenticité » de l’islam en une situation historique dramatiquement défavorable (occupation coloniale, sous-développement économique, archaïsme culturel), on le surprend dans ce livre soulevant et tâchant d’y répondre la question de l’inexplicable manque d’ « efficacité » des musulmans en une conjoncture pourtant particulièrement favorable (indépendance, pétrole, ressources de toutes sortes, étendue géographique).

« Le musulman dans le monde de l’économie » est essentiellement un concentré des points de vue, arguments et illustrations économiques que Bennabi a soutenus et utilisés tout au long des « Conditions de la renaissance » (1949), de « Vocation de l’islam » (1954), de « L’Afro-Asiatisme » (1956), de « Idée d’un Commonwealth islamique » (1958) et des nombreux articles parus dans la presse algérienne entre 1964 et 1970 et alors qu’il échafaudait des thèses dépassant la seule perspective économique. C’est pourquoi le lecteur averti ressent par moments une impression de « dejà lu », comme d’autres pourront s’étonner de la vétusté des données et de la caducité des exemples cités. Les lignes, les noms et les chiffres peuvent dater des années 1950 ou 1960, mais quand on sait que la vision, elle, était en avance, on n’a plus le sentiment d’avoir perdu au change.

Le monde a, depuis, bien changé : la situation économique du Tiers-monde  s’est aggravée, des pays et des empires ont disparu ou volé en éclats, les idéologies se sont effondrées, mais le fond du problème visé par Bennabi dans sa quête des voies et moyens de tirer des flots impétueux de l’Histoire le corps encore en vie de la civilisation islamique est plus que jamais à l’ordre du jour : je veux parler de l’inavéré décollage économique et civilisationnel du monde musulman. Que le lecteur ne s’arrête donc pas au détail anachronique, mais reste attentif et implacable à l’égard de la cohérence de la démarche et de la qualité du raisonnement. Il ne sera pas déçu. Au moment du bilan il s’apercevra combien les évolutions postérieures aux jugements de Bennabi et les faits survenus longtemps après ses analyses ont confirmé les prémonitions du visionnaire.

Ce n’est pas exagérer que d’affirmer qu’il n’y a pas aujourd’hui dans le monde musulman de pays développés. Il en existe certes de riches mais leur prospérité ne résulte pas d’un effort productif comme celui des pays d’Asie du sud-est, d’une croissance régulière comme celle du Japon depuis un siècle, ou d’une dynamique sociale comme celle qui s’est emparée de l’Europe depuis deux siècles, mais provient plus prosaïquement et plus accidentellement d’une rente (vente d’hydrocarbures à l’état brut ou placements financiers). Or, comme chacun sait, richesse n’est pas développement.

A l’origine de ce paradoxe de pays disposant de ressources fabuleuses, de l’étendue géographique et du nombre mais parfaitement incapables de les catalyser pour en extraire le mouvement, la dynamique, le rendement, l’autosuffisance et la puissance, Malek Bennabi aperçoit une première cause, de nature psychologique, et écrit : « L’homme musulman n’a pas trouvé en lui-même, dans ses traditions, dans ses habitudes, le moyen de s’arracher à son aliénation. L’économique n’a pas pris dans la conscience du monde musulman le développement qu’il a pris en Occident dans la conscience et dans la vie de l’homme européen. Depuis des siècles déjà l’économie était en effet devenue en Occident une base fondamentale de la vie sociale, une norme essentielle de son organisation. En Orient, elle demeurait par contre au stade d’économie naturelle, non organisée. La société orientale n’était pas appelée par ses nécessités internes à fonder, comme la société occidentale, une doctrine économique tel le capitalisme. Elle n’y était pas appelée en raison d’une psychologie particulière nouée depuis des siècles sur un idéal de « renoncement ». Une doctrine économique s’inspirant d’un tel idéal et issue de lui ne peut évidemment exprimer avec la même précision scientifique ni la notion de « profit » propre à la doctrine capitaliste, ni la notion de « besoin » propre à la doctrine marxiste. Le renoncement, le besoin et le profit ne peuvent pas s’insérer dans le même processus social, dans les mêmes réalités économiques. Il y avait donc là un élément d’incompatibilité fondamentale entre les structures personnelles héréditaires dans les pays musulmans et les structures économiques implantées par l’Occident ».

A cette explication psychologique Malek Bennabi va adjoindre une justification historique qui en atténuera la férocité : « La civilisation musulmane s’est insérée dans une période de l’évolution générale de l’humanité entre les civilisations de l’Antiquité et celle de l’Occident. Son économie représente un passage de l’économie naturelle de la première à l’économie taylorisée de cette dernière. En outre, à partir de l’ère post-almohadienne, l’esprit musulman se trouvant en quelque sorte démobilisé de ses tâches historiques, était désamorcé en somme, comme une machine tournant à vide. Si bien qu’une attitude et encore moins une doctrine économique musulmane ne pouvait voir le jour. Les outils conceptuels (précision, exactitude, ordre, organisation, confiance…) de l’activité économique traditionnelle de la société musulmane se diluèrent dans la décomposition générale qui l’affectait juste au moment où l’Europe se trouvait, avec les grandes découvertes géographiques du XVIème siècle, au seuil d’une nouvelle ère économique. Alourdie du passif d’une civilisation à son déclin, elle ne pouvait suivre les pas d’une autre civilisation naissante, au seuil des bouleversements qui allaient amener le monde moderne non seulement à revitaliser les supports conceptuels classiques de l’économie, mais à en créer de nouveaux comme l’heure-travail, la productivité et autres supports matériels insoupçonnés : vapeur, électricité, machine, avec lesquels l’humanité est entrée dans la révolution technologique ».

Dans le système bennabien l’économie n’est pas seulement une science qu’on apprend, des courbes et des chiffres qu’on agite ou trafique à des fins démagogiques, mais d’abord une conscience, une disposition de l’esprit, un comportement et pour tout dire une culture. L’économie n’est pas extérieure à l’homme, elle lui est consubstantielle. Elle est le premier et le principal résultat du phénomène social, du mécanisme sociétaire et associatif. Elle est la forme finale et achevée du processus d’imbrication des relations humaines lors des échanges entre les hommes en vue d’assurer l’intérêt de chacun en poursuivant celui de tous.  Elle est structures mentales avant d’être affaire de matières premières, d’argent, de technologie ou de parts de marché.

Ce qui empêche et empêchera toujours les pays sous-développés en général et musulmans en particulier de se développer, c’est précisément l’inadéquation entre des structures mentales qu’ils véhiculent et entretiennent depuis l’ère post-almohadienne en dépit de leur archaïsme et de leur inaptitude à susciter la dynamique sociale, et des structures économiques qui ne sont opérantes que dans la mesure où elles présupposent en chacun l’existence du sens collectif et de la conscience d’être un élément dans un mouvement d’ensemble comme peut l’être un musicien dans un orchestre philharmonique.

La négligence par les économistes et les hommes politiques du contenu de la notion d’ « équation sociale » particulière à chaque peuple dans des conditions données a conduit au gâchis, à la perte de temps, à l’endettement et au ratage de précieuses occasions historiques au cours des dernières décennies. Tant du côté des créanciers que du côté des débiteurs on semblait convaincu que le « décollage » n’était qu’une question de fonds, de plans et de coopération internationale, ignorant que les structures mentales des uns et les équations sociales des autres n’étaient pas toujours interchangeables, et que les idées et les mentalités ne pouvaient pas être aussi neutres et stables que pouvaient l’être les facteurs de production d’essence purement matérielle (capitaux, matières premières, équipements). Pour illustrer cela, Bennabi écrit : « Le problème était et demeure celui d’une imprégnation culturelle de la société islamique à même de lui permettre d’utiliser ses capacités intellectuelles et physiques et, d’une manière générale, d’assurer l’activité de chaque individu sur la base d’une équation sociale le qualifiant pour œuvrer au succès de n’importe quel plan économique…. La dynamique économique n’est pas une question de théories relevant de la science économique, mais plutôt un lien avec un fonds social global. L’économie n’a sa pleine efficacité que dans les conditions que lui offre une expérience sociale donnée. Un principe d’économie n’est valable que dans la mesure où il n’entre pas en conflit avec les données de l’équation personnelle qui prévaut dans le milieu où on veut l’appliquer. Au début d’une expérience sociale il ne s’agit pas seulement de résoudre une équation économique, mais de l’adapter à une équation personnelle… L’inertie imposée par le sous-développement dans le domaine économique est la résultante de sa conception des choses, et non de la nature des choses elles-mêmes. L’équation sociale peut être le fruit d’une reproduction d’expériences qui se transforment au fil des jours en coutumes fixes qui estampillent d’une façon spontanée le comportement individuel et collectif d’un sceau d’efficacité ». 

Tout le drame du monde musulman depuis six siècles réside dans son incapacité à renouer les fils et à reconstituer les liens brisés par une suite de scissions, de « fiten » et de désagrégations sociales, économiques et politiques. Parti à la recherche du virus qui, tel celui du sida, détruit peu à peu le dispositif immunitaire de la société musulmane, Bennabi le trouve logé dans le cerveau, dans le « programme », dans les idées périmées et inactuelles que véhiculent aussi bien les élites intellectuelles que politiques des pays musulmans.

La description qu’il donnait il y a quarante ans de l’homme post-almohadien (archétype de l’homme décadent) dans « Vocation de l’islam » vaut toujours pour le musulman contemporain, qu’il soit d’Algérie ou d’ailleurs. Chez nous, on lui a trouvé une dénomination locale, le HTM (« hchicha talba maïcha », littéralement « l’homme qui végète »). Bennabi n’a pas employé d’autres termes : « La société post-almohadienne a créé l’être amibien qui végète, pousse un pseudopode vers une proie facile et la digère tranquillement. Le hasard lui tend d’autres proies et satisfait ainsi ses modestes besoins. L’homme post-almohadien a végété de cette façon durant des siècles et n’a compté que sur la providence pour le nourrir. Mais la colonisation est venue et tout ce qui était mangeable fut raflé. L’être amibien n’eut même plus sa bouchée de pain. Son estomac – la conscience amibienne – s’en émut et il poussa un pseudopode vers une proie imaginaire qu’il appela le « droit ». Ainsi naquit la « boulitique », pseudopode d’une société qui avait faim mais qui n’avait plus rien pour satisfaire son besoin de nourriture… ; l’individu post-almohadien fera de la politique quand il cessera d’être l’amibe qui attend une proie problématique. Il cessera d’être une créature déshéritée quand il parlera un peu moins de ses droits et un peu plus de ses devoirs. Il cessera d’être une proie facile quand il aura rectifié ses manières de penser et d’agir selon une logique pragmatique de l’action et une logique cartésienne de la pensée…. »   

L’immense service rendu par Bennabi à la pensée sociologique moderne est d’avoir fourni une explication cohérente et globale de la trajectoire du monde musulman dans l’Histoire, depuis son envol majestueux sous la guidée du Prophète et des quatre grands successeurs jusqu’à sa déchéance totale dans la colonisation et le sous-développement. Pour les besoins de la cause il s’est fait alternativement historien, sociologue, économiste, psychologue, politologue… Nietzsche aurait lapidairement dit « médecin de la civilisation ».

Bennabi –et le penser serait un grand tort commis contre lui- n’était pas homme à croire que le monde musulman était un corps céleste obéissant à des règles particulières. Il le plaçait dans l’orbite terrestre et l’inscrivait le plus naturellement du monde dans le parcours universel de la civilisation humaine, n’envisageant pour lui aucun sort particulier ou singulier. Dans le même « Vocation de l’islam » il note : « Le monde musulman n’est pas un groupe social isolé susceptible d’achever son évolution en vase clos. Sa double participation au drame humain  comme acteur et témoin lui impose le devoir d’ajuster son existence matérielle et spirituelle aux destinées de l’humanité. Pour s’intégrer effectivement, efficacement, à l’évolution mondiale, il doit connaître le monde, se connaître et procéder à l’évaluation de ses valeurs propres et de toutes les valeurs qui constituent le patrimoine humain… Les formules comme le panarabisme et le panislamisme sont désormais désuètes… » Ces lignes sont de 1949, année où a été rédigé « Vocation de l’islam » qui ne paraîtra toutefois qu’en 1954 chez le Seuil.

S’il emploie parfois des formules comme « économie islamique », ce n’est certainement pas pour conférer à cette expression un quelque pouvoir miraculeux ou apporter de nouvelles illusions, mais tout simplement pour situer culturellement et géographiquement la nécessaire adaptation d’une certaine équation humaine à l’équation économique du XXème siècle. Pour lui « l’économie, quelle que soit sa couleur doctrinale, n’est en fait que la concrétisation d’une civilisation, c’est-à-dire un ensemble de conditions morales et matérielles à même de permettre à une société quelconque d’offrir à chaque individu toutes les garanties sociales ».    

Dès l’introduction du livre, il avait pris le soin de préciser à l’intention des docteurs du droit musulman («oulamas ») qu’ « il n’est pas de leur ressort d’indiquer les solutions économiques puisées dans le Coran, la sounna ou dans d’autres sources, mais que leur mission est de vérifier la conformité des solutions proposées par les spécialistes avec la Charia. »  

En termes de tendances mondiales Bennabi percevait que l’économie évoluait partout « vers la socialisation à l’intérieur et l’internationalisation à l’extérieur ». C’est ce qui l’a amené à écrire dans la foulée de la première conférence de Bandoeng « L’Afro-Asiatisme », préfacé par un certain colonel Anouar Sadate. Bennabi y jetait les bases théoriques d’un bloc indépendant, englobant l’Inde, la chine, le monde arabe, l’Afrique et les pays musulmans d’Asie, non point à partir de positions politiques et idéologiques dogmatiques, mais en vue de fédérer leurs économies alors basées sur la commercialisation des matières premières et livrées au dictat des cours boursiers occidentaux. Sa grande idée était que les pays en voie de développement ne devaient pas compter pour leur décollage sur l’ « investissement financier » dont ils n’avaient pas les moyens et qui les conduirait fatalement à la dépendance, mais sur l’investissement social qui sauvegarderait leurs souveraineté et leur dignité. Il recommandait alors aux pays musulmans qu’il rêvait de voir rassemblés à l’intérieur d’un « Commonwealth islamique » (titre d’un de ses ouvrages paru en 1958) de rendre complémentaire leurs économies et leurs stratégies afin que l’axe Washington-Moscou n’inféode pas l’axe Tanger-Djakarta. Lui n’avait jamais personnellement cru au nationalisme économique.

Opposé aussi bien au capitalisme qu’au marxisme, quoique n’ayant pas manqué de montrer son intérêt pour l’expérience chinoise (il avait été reçu par Mao Tsé Toung et Chou En Lai) tout comme il n’avait jamais caché son admiration pour le miracle japonais, Bennabi considérait qu’ « il ne s’agit pas de résoudre une équation économique, mais de l’adapter à une certaine équation personnelle ». En essayant de tendre vers le double postulat qui fonde son idéal économique : toutes les bouches doivent être nourries, tous les bras doivent travailler. Il écrit : « L’économie suit ses propres voies qui ne sont pas nécessairement celles du capitalisme ni celles du marxisme. A son point de départ une société jouit toujours du pouvoir social représenté par l’homme, le sol et le temps dont elle dispose dans tous les cas. Elle ne dispose pas toujours d’un pouvoir financier. »

Dans le contexte islamique, et partant des données fondamentales de sa pensée selon lesquelles rien dans l’œuvre humaine n’était destiné à durer s’il n’émanait de nécessités internes ou, pour être conforme à cette terminologie, des valeurs psycho-culturelles inhérentes à l’aire de civilisation à laquelle on appartient. Bennabi attendait évidement d’une politique économique en terre d’islam qu’elle s’inscrive dans la logique spirituelle de l’islam et de ses exigences morales (protection sociale, droits des pauvres, problème de l’intérêt usuraire…)

Dans la deuxième partie du «Musulman dans le monde de l’économie » Bennabi laisse percer sa déception et sa grande douleur au spectacle d’un monde musulman avili politiquement (Palestine) et abruti économiquement (l’échec est quasi général) et écrit : « Le monde musulman n’a pas encore repris conscience. Il s’affaire en partant d’une catastrophe à préparer la prochaine catastrophe. Les musulmans croient guérir tous leurs maux avec une nouvelle panacée. On parle d’économie comme d’une nouvelle pierre philosophale capable de transformer sur le champ la pauvreté en richesse. On est tombé dans une espèce d’infantilisme économique. La panacée destinée à le guérir de tous ses maux n’a eu d’autre effet pour le monde musulman que d’en faire davantage la proie du plus ridicule d’entre ces maux en le faisant tomber dans l’économisme. Celui-ci n’est pas venu du ciel avec le Coran. Il est sécrété par des êtres amibien qui ont incarné la colonisabilité et incarnent aujourd’hui le sous-développement. Mal réveillé par les deux guerres de ce siècle, il est passé d’une totale inconscience économique à l’obsession économique comme s’il n’y avait pour lui qu’une seule voie d’épanouissement : être homo eoconomicus et n’être que cela. »

Malek Bennabi est mort il y a 19 ans. Homme de bien et de devoir, il a voulu préparer les nouvelles générations à comprendre qu’il n’y aura ni développement, ni paix sociale, ni indépendance, aussi longtemps que les hommes d’un pays comme l’Algérie ou tout autre de tradition islamique n’auront pas réalisé une véritable révolution mentale, condition préalable à leur insertion dans le nouveau monde qui se profile à l’horizon. Ce monde sera celui du marché unique, de la standardisation, de la super-compétitivité et de l’ultra-précision. Les peuples qui ne s’auto-suffiront pas n’auront pas de place dans un monde où l’espace est devenu vital, les énergies rares et la contrainte écologique une norme. La conscience internationale de demain n’acceptera pas que des peuples croupissent dans la misère et tendent la main alors que de grandes richesses dorment sous leurs pieds, les privant, eux et leurs semblables, de leur exploitation sous prétexte de souveraineté nationale.

Même la morale islamique ne pourra pas couvrir de tels paradoxes, elle qui a failli classer la pauvreté parmi les péchés, qui recommande de ne pas être un « faible sur la terre », qui déconseille de s’endetter, et admet que la terre soit l’héritage de ceux qui y accomplissent des œuvres utiles ainsi que l’indique le Coran lui-même. On le voit bien, les idées de Malek Bennabi sont plus que jamais d’actualité.

« El-Watan » des 18 et 19 octobre 1992

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