REPONSE DE M. N. NAIT-MAZI

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Et voilà que je retrouve M. Noureddine Boukrouh ! Nous avions déjà eu l’occasion, il y a tout juste dix ans, en octobre 1979, d’échanger publiquement des avis différents à propos du « Génie du peuple algérien ».

Une décennie plus tard, il n’a pas changé et professe quoiqu’avec beaucoup plus de virulence les mêmes idées. J’aurais bien mauvaise grâce à lui en tenir rigueur. Ce serait plutôt le contraire, car j’ai moi-même une sainte horreur des « retournements de veste », de l’hypocrisie et des masques ! Avec lui, les choses sont claires, et l’on sait parfaitement à quoi s’en tenir.

L’opinion que j’ai publiée le 28 avril était développée sur 238 lignes. Les 226 premières lignes n’ont soulevé aucune objection notable de sa part et je suis tenté d’en déduire – faussement peut-être ? – qu’il les approuve.

Par contre, ce sont les 12 dernières lignes qui provoquent son ire, l’ultime paragraphe de mon texte : il y répond par plusieurs longs feuillets dactylographiés. Et ces 12 lignes concernent essentiellement le Front de Libération Nationale.

C’est un euphémisme de dire que M. Boukrouh n’aime pas le FLN. Au demeurant, il en a l’incontestable droit. Mais l’excès même de ses attaques, leur déraison parfois – comme aller jusqu’à déclarer que ce n’est pas le FLN qui a libéré le pays ! – leur enlève beaucoup de leur crédibilité et de leur force de conviction.

Il serait certes erroné d’affirmer qu’aucune erreur n’a été commise durant le dernier quart de siècle, mais il est tout autant abusif et même malhonnête d’ignorer toutes les réalisations socio-économiques qui ont été enregistrées par la direction du FLN, pour ne retenir que le négatif.

C’est précisément le point qui constituait déjà notre désaccord il y a dix ans et, semble-t-il, celui-ci persiste toujours. Quoi qu’il en soit, et plutôt que de me livrer à un « dialogue de sourds », je me contenterais de répondre à quelques affirmations de M. Boukrouh m’impliquant personnellement.

1) Je suis accusé de son de « sédition », de « rejoindre mon parti avec armes et bagages confiés par la collectivité… » parce que j’ai écrit qu’à mon sens « El Moudjahid » » devait demeurer un organe du FLN. Même si j’accorde à M. Boukrouh le bénéfice de la bonne foi, je dois dire qu’il s’agit là d’une interprétation quelque peu curieuse, et certainement erronée de ma position.

Si l’on a le droit de déclarer comme l’ont fait plusieurs personnes dans ces mêmes colonnes que le quotidien national ne doit pas être remis au FLN, il me semble que ce droit ne saurait être dénié à ceux qui pensent le contraire. Il est clair que ce n’est pas es-qualité mais à titre personnel – le choix de la rubrique « Opinion » le démontre – que j’ai exprimé cet avis.

Ce n’est bien évidemment qu’un simple souhait et nullement une mesure concrète, laquelle n’est aucunement de mon ressort ni de compétence.

Je ne suis pas mégalomane au point de me croire le « propriétaire » du journal et habilité à en fixer moi-même la destinée ! Lorsque l’autorité compétente en aura décidé, il ne me reviendra que d’en tirer les conséquences personnes que je jugerais utiles. Un point c’est tout

2) M. Boukrouh me chicane sur le fait de l’appartenance d’ « El Moudjahid » au FLN, en affirmant que son seul organe central est « Révolution Africaine », ce en quoi il se trompe, du reste, et  confond avec l’hebdomadaire – « El Moudjahid » en arabe.

Ne soyons pas hypocrites, s’il vous plait ! Je prétends pour ma part que jusqu’ici non seulement le quotidien « El Moudjahid », mais tous les organes de la presse nationale ont été les porte-parole du FLN, qu’ils lui soient directement et organiquement subordonnés ou qu’ils soient sous tutelle du ministère. Car tous ont toujours eu pour mission de diffuser, d’expliciter et de défendre la politique dis FLN, parti dirigeant et au pouvoir. Ne jouons donc pas sur les mots.

3) Il m’est par ailleurs reproché de contester aux journalistes le droit de décider seuls du contenu du journal alors que, selon M. Boukrouh, c’est ce que fait pour ma part « pendant près du quart de siècle ».

Il sait fort bien lui-même que c’est faux ! Il sait fort bien que ce ne sont pas les directeurs d’organes – bien qu’ils aient été naturellement engagés personnellement en faveur de la politique défendue par ces organes – qui ont décidé seuls de la ligne éditoriale de leurs journaux, mais que celle-ci était fixée par la direction politique du pays, conformément à la loi.

Qu’on en soit convaincu ou non, cette direction politique était juridiquement censée représenter la majorité populaire et c’est en son nom qu’elle influait sur les organes d’information. Tel était, et est jusqu’ici, le cadre légal de notre secteur. L’image du directeur de journal, « grand patron » disposant à son gré des pages et de leur contenu, est une légende farfelue, un mythe ridicule.

4) Pour le reste, pour la diatribe contre le FLN, je laisse à M. Boukrouh la responsabilité de ses affirmations. La seule chose que j’ajouterais, pour que tout soit bien clair, c’est que lorsque je me réfère au FLN, ce n’est pas à des personnes ou à un quelconque appareil, mais à un Front qui symbolise l’indépendance nationale et sa consolidation dans tous les domaines en même temps que la justice sociale par un développement harmonieux, débarrassé de toute exploitation.

Je suis d’autre part convaincu qu’un tel FLN ressourcé ne peut pas s’épanouir dans une situation de monopole – le passé l’a prouvé- mais bien plutôt par la lutte sur le terrain, à l’écoute des masses. Et c’est pourquoi j’ai pleinement approuvé la nouvelle Constitution, c’est pourquoi je milite pour son application.

«El-Moudjahid » du 18 mai 1989 

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