YEZZIKOM TGARMIT !‎

by admin

Lorsque j’ai entendu parler pour la première fois dans les médias du scandale inouï causé par ‎l’adjudant-chef Garmit Bounouira, c’est d’abord à ce prénom de Garmit que j’entendais et lisais ‎pour la première fois que je me suis arrêté. Avant les faits inouïs.

Ça n’aurait pas été le cas s’il avait été son nom de famille, sachant comment s’amusaient les ‎fonctionnaires de l’état-civil colonial à indigéniser les Algériens en les affublant au pied levé de ‎patronymes involontairement déformés ou sciemment dévalorisants.

Mais en tant que prénom, j’ai douté de sa réalité. Était-il l’unique Algérien à le porter, ou cela ‎revenait-il à mon ignorance de la richesse des prénoms en usage dans notre vaste pays ? Dans ce ‎cas, que signifie-t-il et de quelle langue dérive-t-il ?

Je n’ai pas tardé à me rappeler que dans l’armée, en particulier les « Services », il était courant de ‎porter des pseudonymes et, sur ce, le sujet disparût de ma tête pour me laisser sans voix devant ‎l’énormité des faits liés à cet homme au prénom insolite qui le fera probablement rentrer dans ‎l’histoire.

Il manquait au langage familier algérien un mot populaire décent pour désigner les situations ‎incroyables, insensées, irrationnelles, inexplicables, inadmissibles, dans lesquelles on peut se ‎retrouver à l’issue d’un enchaînement d’actes défiant l’entendement au point de vous dégoûter ‎de tout et de ne savoir, sur le coup, s’il faut en rire à s’éclater la rate, ou en pleurer à se dessécher.

Je crois que je viens de le découvrir : « Tgarmit !» en langage arabe courant, « Garmitisme » en ‎français ésotérique.

Il peut convenir quand on veut désigner d’un mot simple et facile à retenir les situations ubuesques, illogiques, ‎ridicules, et ayant pour origine l’amateurisme, le dilettantisme, le raisonnement au ras des ‎pâquerettes, l’absence de pensée et de culture, soit tout ce qui est mal fait et mal fichu.

Ce sera ‎mieux que « Pieds nickelés ! », sans dire qu’en plus il fleure le terroir, les « tawabit » et l’ « authenticité » dont ‎on aime se gargariser.

‎Et ce ne serait pas pour me moquer du prénom de cet homme, mais pour montrer comment notre ‎pays, nos affaires nationales, sont menés au plus haut niveau de l’Etat.‎

L’adjudant-chef en question était le secrétaire particulier du défunt général de corps d’armée, vice-‎ministre de la Défense nationale et chef d’état-major de l’armée algérienne.

Son « filtre », dit-on, ‎devant qui des généraux se mettaient au garde-à-vous. On dit aussi qu’il serait à la tête d’une fortune ‎considérable.

Quelque temps après le décès de ce dernier, en décembre dernier, Garmit s’est fait la malle en ‎emportant avec lui à l’étranger les secrets de l’état-major algérien pour les négocier !!!‎

Le « Tgarmit », ce n’est pas ce qu’a fait Garmit Bounouira.

C’est la culture managériale du général Gaïd Salah qui a mis entre ses mains une telle puissance, de ‎telles responsabilités et tant de secrets…

C’est la légèreté des autorités militaires et sécuritaires qui ‎l’ont laissé quitter ses fonctions et le pays avec on ne sait quels documents gravés sur des CD, flash ‎disk ou mémoire externe.

Et ce dans un contexte extrêmement périlleux tant à l’intérieur qu’à ‎l’extérieur.

Le « tgarmit » est l’illustration ponctuelle et grossie de notre génie à échouer dans les petites ‎comme dans les grandes choses par incompétence ou désinvolture, à tout gâcher et à persister ‎dans les erreurs qui ont conduit à ces échecs.

Cela fait maintenant plusieurs années qu’il dure, ‎plusieurs décennies, plusieurs générations, plusieurs siècles…

Le « tgarmit » c’est la synthèse de l’esprit du douar, du khéchinisme et du « djouhisme ».

C’est le charlatanisme, l’ignorance sacrée, le maraboutisme qui impute injustement le coronavirus à ‎Dieu et fait distribuer par la police des exemplaires du Coran au personnel sanitaire pour le ‎récompenser, police qui s’est plus souvent illustrée par la distribution de coups de matraques ‎ensanglantant les visages de pacifiques manifestants.‎

L’adjudant-chef Garmit Bounouira n’est pas le premier à disposer des secrets d’Etat pour s’enrichir, ‎il n’est que le maillon faible de la chaîne..

Les secrets d’Etat et les dossiers confectionnés par les « Services » depuis l’indépendance sont ‎devenus le business de sites TV et des réseaux sociaux, fuités par des clans rivaux et faisant la ‎fortune de dizaines d’aventuriers au service de clans réglant leurs comptes au détriment de ‎l’Algérie.

Les signes de la fin se multiplient, c’est juste qu’on ne les voit pas d’en haut où le « tgarmit » règne ‎et gouverne.

Comme on ne voit pas le coronavirus qui ruinera les nations avant d’en tuer une petite partie ‎directement et la plus grosse indirectement.‎

04 Août 2020

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