KAN YA MAKAN…

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Il était une fois au XIVe siècle deux civilisations, l’une orientale et ployant sous le poids des ‎siècles, l’autre occidentale et frétillante de jeunesse. Un jour, les deux civilisations se croisent sur la route du Temps sous le regard d’un témoin, ‎l’Histoire. Celle-ci les regarde tour à tour, fixe avec mansuétude la première qui lui a ‎longtemps tenu compagnie, puis lâche sur un ton de regret « Adieu ! » ; puis elle se tourne ‎vers la toute jeune qu’elle ne connaissait pas, la jauge et, avec un sourire engageant, lui ‎lance : « Bienvenue ! ».‎

Habituée à ce que le soleil se lève à l’Orient et se couche à l’Occident, l’Histoire ressentit un ‎trouble : n’y avait-il pas là quelque dérèglement dans les lois du cosmos ? Elle se ressaisit en ‎se rappelant que son rôle était seulement de témoigner de l’œuvre des hommes : ‎l’important n’était-il pas que le monde continuât à être éclairé ?

La vieille civilisation, fripée et malade, quitta la modernité où elle n’avait plus rien à faire, ‎et prit tristement le chemin du Moyen-âge en sens inverse, pendant que la jeune civilisation, ‎fringante et guillerette, se dépoussiéra du Moyen-âge et mit le pied dans l’ère moderne où ‎elle allait réaliser de grandes choses. ‎

‎« Tels sont les jours, Nous les alternons entre les hommes » dit le Coran.

La première chose qui se présente à l’esprit lorsqu’on regarde l’état du monde musulman, à ‎de rares exceptions près, est que l’islam a échoué dans son ambition d’élever l’homme ‎musulman au niveau du progrès moral et matériel atteint dans d’autres civilisations. S’il n’y ‎avait cette extraordinaire contribution au développement des sciences, des arts, des ‎inventions techniques et de la philosophie pour prouver qu’il n’en a pas toujours été ainsi, s’il ‎n’y avait l’essor donné à la civilisation humaine par l’islam entre le moment de son ‎apparition et la « Moqaddima » d’Ibn Khaldoun (XIVe siècle), on en viendrait à désespérer de ‎lui.‎

En fait, ce n’est pas lui qui est en cause mais ses supports sociologiques. En effet, l’islam n’a ‎pas apporté avec lui son humanité, il l’a trouvée sur place. Il n’a pas été révélé à des ‎hommes neufs, sortis tout frais des mains de la Création, mais est intervenu en cours de ‎route et a été proposé à des peuples pris dans des habitudes de vie et de pensée, de vieux ‎conflits d’intérêts et des haines tribales ancestrales.

Il n’a pas créé ex-nihilo l’Homme musulman, il a attrapé l’ancien Arabe, Persan, Berbère, ‎Mongol, Turc ou Pachtoune, l’a badigeonné de vert et jeté dans l’Histoire. Il les a « islamisés ‎‎» mais en apparence seulement car ils avaient gardé au fond d’eux-mêmes leurs systèmes ‎psychiques, leurs structures mentales, leurs gènes, et allaient s’affranchir à la première ‎occasion venue de son esprit novateur pour revenir à leurs manières de vivre et de penser.

L’ISLAM S’EST PLAQUE SUR LEURS MENTALITES MAIS NE LES A PAS TRANSFORMES EN ‎PROFONDEUR PUISQU’ON LES A VUS LE PLIER ULTERIEUREMENT A LEURS INCLINATIONS ‎NATURELLES POUR EN FAIRE DU CHIISME EN IRAN, DU WAHHABISME DANS LES PAYS DU ‎GOLFE, DU MARABOUTISME AU MAGHREB ET EN AFRIQUE, DU TALIBANISME EN ‎AFGHANISTAN, DU TERRORISME ICI OU LA, ET ENFIN DE L’ISLAMISME POLITIQUE ‎VICTORIEUX AUX ELECTIONS DEMOCRATIQUES A PARTIR DE LA FIN DU XXE SIECLE.

L’islam est une conception de l’univers et un système de valeurs proposé à l’homme il y a ‎près de quinze siècles. Les premières générations en ont fait une civilisation, les suivantes ‎une décadence. Il est possible d’expliquer, sans déformer le moindre fait, pourquoi l’islam a ‎sombré dans le despotisme et l’obscurantisme, et pourquoi on n’est pas arrivé à rallumer ses ‎moteurs depuis plus d’un siècle malgré toutes les tentatives.

Il faut tout d’abord savoir que l’histoire de l’islam a été embellie à souhait et même ‎tronquée, soi-disant pour le protéger des erreurs des hommes et le présenter sous son ‎meilleur jour. Des milliers de tonnes de livres ont été composés dans cet esprit au fil des ‎siècles, et c’est de ces ouvrages apologétiques mais souvent éloignés de la vérité qu’a été ‎tiré l’enseignement dispensé dans les écoles et les universités, surtout islamiques.

Jusqu’à sa mort le Prophète avait refusé, malgré les pressions de son entourage, de désigner ‎un successeur temporel. Il pensait que c’était l’affaire des croyants ainsi que l’avait ‎recommandé le Coran (« Amrouhoum choura baynahoum»).

Sur les quatre califes qui ‎allaient lui succéder, le premier, Abou Bakr (qui restera moins de trois ans au pouvoir) a été ‎élu par ceux qui étaient présents sur les lieux ce jour-là. Le second, Omar (qui restera dix ‎ans) a été désigné par Abou Bakr sur son lit de mort. Le troisième, Uthman (douze ans) a été ‎désigné par une commission, et le quatrième, Ali (quatre ans) a déféré à la demande ‎populaire.

Sur ces quatre «califes rachidin» (bien guidés), trois sont morts assassinés. La crise politique, ‎la « mère des crises » qui allait frapper l’islam et dont tous les drames futurs dériveront a ‎éclaté sous le califat d’Ali. Les protagonistes en étaient les Banu Omeyya, famille d’Abou ‎Soufiane qui a combattu le Prophète jusqu’au jour de la prise de la Mecque, et de Muawiya ‎son fils, et les Banu Hachem, famille dont descendent le Prophète et son cousin Ali.

Sous son califat, Uthman (un Banu Omeyya) s’était laissé aller au népotisme et avait placé ‎les gens de son clan dans les rouages de l’Etat et à la tête des provinces. C’est pour cette ‎raison qu’il a été renversé et assassiné par une sédition dont on soupçonna Ali d’être ‎l’inspirateur. Quand ce dernier accéda au califat, les Banu Omeyya refusèrent de le ‎reconnaître et se liguèrent contre lui jusqu’à son assassinat par un kharidjite. Finalement ‎vainqueur par la ruse et la corruption, Muawiya a enterré le principe de l’élection du calife ‎et mis à sa place la transmission héréditaire du pouvoir.

C’ETAIT LA PREMIERE GRAVE ENTORSE A L’ESPRIT DE L’ISLAM : LA SOUVERAINETE ‎POPULAIRE, FONDEMENT DE LA DEMOCRATIE ET DE L’ETAT DE DROIT, VENAIT D’ETRE ‎PROSCRITE DE L’HISTOIRE DE L’ISLAM.

CETTE CRISE POLITIQUE QUI A DIVISE LES RANGS DES MUSULMANS EN TROIS ALLAIT ‎DEVENIR THEOLOGIQUE, JURIDIQUE ET INTELLECTUELLE ET DONNER NAISSANCE A TROIS ‎DOCTRINES RELIGIEUSES : KHARIDJISME, CHIISME ET SUNNISME.

Le courant kharidjite a été le premier à apparaître (657) et regroupait ceux qui, d’abord du ‎côté d’Ali, l’ont quitté parce qu’il avait accepté que le conflit l’opposant à Muawiya soit ‎soumis à l’arbitrage. Leur conception politique est que tout musulman, quelle que soit son ‎ethnie ou sa couleur, est éligible à la fonction de calife.

La doctrine chiite, apparue en 660, regroupe les partisans de la légitimité d’Ali. Leur ‎conception politique est que le califat doit revenir à la famille du Prophète (« Ahl al-bayt»).‎

La troisième doctrine, le sunnisme, a accepté, contrairement aux deux autres, le coup d’État ‎de Muawiya et devait par conséquent le légitimer. S’appuyant sur un hadith relatif à la tribu ‎des Qoreïch à laquelle appartenait la dynastie omeyyade fondée par Muawiya, il décréta ‎que le califat devait rester dans cette tribu. Le sunnisme inaugurait ainsi l’ère de la pensée ‎unique au service du despotisme. Il soutiendra dans les siècles qui suivront aussi bien les ‎monarchies que les régimes républicains. ‎

Si, par hypothèse, le milliard de musulmans des diverses régions, races et couleurs du ‎monde devaient se reconstituer en Etat islamique centralisé ou fédéral, à quelle doctrine ‎religieuse et politique devraient-ils se rallier pour désigner le calife ?

En principe, à la plus proche du Coran et de la Sunna, à la plus démocratique et la plus ‎rationnelle, autrement dit celle du kharidjisme. Or, elle est minoritaire pour ne pas dire ‎qu’elle a entièrement disparu. Le sunnisme s’est depuis trop longtemps imposé et bunkerisé.

J’ai fait dans une précédente contribution un rapprochement entre la déclaration ‎d’investiture d’Abou Bakr et la Déclaration d’Indépendance américaine pour démontrer que ‎les deux textes fondateurs portent le même esprit démocratique et préconisent la même ‎attitude devant le despotisme. Il y a aussi ce hadith, « Tels vous êtes, tels vous serez ‎gouvernés », d’où l’idée que les gouvernants soient désignés hors de la souveraineté ‎populaire est exclue puisqu’impliquant la possibilité de choix.

EN LANGAGE COURANT, CELA VEUT DIRE QUE SI ON PORTE LA CULTURE DEMOCRATIQUE ‎ON A DES INSTITUTIONS DEMOCRATIQUES, SI ON PORTE LA CULTURE DU DESPOTISME ‎ON EST AVILI PAR UN POUVOIR DESPOTIQUE, ET SI ON PORTE LA CULTURE ‎THEOCRATIQUE IL NE FAUT PAS S’ETONNER D’ETRE GOUVERNE PAR L’ISLAMISME. ‎

Dans une autre contribution, j’ai sollicité un alem égyptien, Tahtaoui, pour traduire en ‎langage moderne le principe selon lequel « L’État croyant n’a aucune chance de durer s’il ‎n’est pas fondé sur la justice et la liberté, alors que l’État incroyant peut durer aussi ‎longtemps qu’il reposera sur la liberté et la justice ». ‎

L’histoire a confirmé sa véracité : les États religieux mais despotiques ont disparu (sauf dans ‎le monde arabe) alors que les États laïques fondés sur les libertés et la justice sont à la tête ‎du monde, adaptant régulièrement leurs formes aux nouvelles exigences pour durer plus ‎longtemps. ‎

Ce principe a été reformulé avec d’autres termes par un sunnite du XIIIe siècle, Rida-Eddine ‎Ibn Ta’us («Le souverain infidèle mais juste est préférable au souverain musulman mais ‎injuste») et au XVe par un chiite, le grand mystique Jami’ («La justice sans religion vaut ‎mieux pour l’ordre de l’univers que la tyrannie d’un prince dévot»). ‎
Mais ce ne sont pas ces objections qui perceront la chape de béton qui protège le sunnisme ‎et sa représentation de l’islam.‎

Les luttes pour le pouvoir qui avaient pour théâtre la péninsule arabique n’ont heureusement ‎pas freiné la dynamique d’expansion de l’islam. Il s’est très vite répandu dans l’espace, mais ‎il s’est vite aussi imposé dans le domaine de la pensée.

Une microsociété, l’Arabie pré-coranique où n’existait pas un seul livre et où seuls quelques ‎poèmes constituaient la matière intellectuelle nourrissant l’esprit et exaltant les vertus ‎tribales, allait en quelques décennies maîtriser la pensée de l’Antiquité et la reprendre là où ‎elle l’avait laissée, élargir la vision humaine de l’univers et réaliser des découvertes dans ‎tous les domaines des arts, des métiers et des sciences.

LE PREMIER COURANT DE PENSEE A SE FORMER EST, COMME POUR LA DOCTRINE ‎POLITIQUE, UN COURANT RATIONNEL ET DEMOCRATIQUE, CELUI DES MOATAZILA, QUI ‎APPARAIT A LA CHUTE DES OMEYYADES ET CONDUIRA LE MONDE MUSULMAN, ENTRE ‎LE VIIIE ET LE XIIE SIECLE, A SON APOGEE CULTURELLE ET SCIENTIFIQUE.

De 750 à 1200, une suite ininterrompue de savants, d’esprits brillants et de découvertes va ‎donner son sens au hadith selon lequel « L’encre des savants est plus précieuse que le sang ‎des martyrs ». L’esprit musulman évolue dans une ambiance intellectuelle où l’homme est ‎libre d’investiguer, de spéculer et de critiquer ; les intellectuels cherchent avidement à ‎connaître les secrets de la nature et de la vie pour en tirer inventions et techniques ; la ‎tolérance entre musulmans, chrétiens et juifs est à son faîte puisque des savants des trois ‎religions travaillent ensemble à la « maison de la sagesse » créée à Bagdad en 832.

L’EPOQUE DES MOATAZILA EST LA PERIODE PENDANT LAQUELLE L’ISLAM A DONNE LA ‎PLEINE MESURE DE SA NATURE LIBERALE, RATIONNELLE ET DEMOCRATIQUE. IL N’Y EN ‎AURA PAS D’AUTRE. ‎

Le mot «moatazila» signifie «ceux qui se sont isolés » de la lutte pour le pouvoir et des ‎interprétations religieuses mises en avant pour étayer un point de vue ou un autre pendant ‎la crise politique. Ils sont «Ahl al-âdl wa attawhid » (les partisans de la justice et de l’unicité). ‎

C’est un rameau qui s’est détaché du sunnisme qui a plié devant le fait accompli omeyyade. ‎C’est alors qu’il va bourgeonner et donner une riche floraison. Parmi ses idées ‎philosophiques, on peut citer celles-ci : Dieu ne peut être conçu par l’esprit humain, Il est au-‎delà de toute représentation et ses descriptions dans les Textes sacrés comme «être assis ‎sur un trône» ne sont que des allégories ; l’être humain est libre et non le jouet de la fatalité ‎‎; si Dieu est l’auteur des actes de l’Homme, alors Il serait responsable du mal qu’il commet, ‎et l’idée de châtiment n’aurait plus de sens ; l’Homme est en droit de se révolter contre ‎l’autorité si elle est injuste, en vertu du principe de «Commander le Bien et réprouver le ‎Mal»… ‎

C’EST ASSEZ POUR COMPRENDRE POURQUOI LES DETENTEURS DU POUVOIR ET LES ‎DOCTEURS DE LA FOI SUNNITE NE POUVAIENT S’ACCOMMODER DE CES THESES QU’ILS ‎JUGEAIENT SUBVERSIVES : ELLES ENCOURAGEAIENT L’ESPRIT CRITIQUE, CREATIF ET ‎DEMOCRATIQUE, ET CE N’ETAIT NI DANS L’INTERET DES GOUVERNANTS, NI DE CELUI DE ‎LA CLASSE DES ULEMAS NOUVELLEMENT APPARUE DANS LE SPECTRE SOCIAL POUR ‎LEGITIMER LEURS ACTES PAR DES FETWAS ET DES PANEGYRIQUES, DE LAISSER DE TELLES ‎IDEES SE PROPAGER DANS LA MASSE. ‎
C’EST CETTE PERIODE QU’ON VISE PAR L’EXPRESSION « AGE D’OR DES MUSULMANS » ‎CAR C’EST LA SEULE OU ON A VU APPARAITRE UN GRAND NOMBRE D’ESPRITS ‎SCIENTIFIQUES ET HUMANISTES parmi lesquels on peut énumérer :‎

Al-Khawarizmi (781-850), père de l’algèbre et des algorithmes sans lesquels il n’y aurait pas ‎de monde moderne, d’informatique et d’Internet ; les Banou Moussa (trois frères dont le ‎plus âgé est mort en 872) qui ont créé les premiers automates et inventé la valve conique ‎dont le principe est aujourd’hui appliqué aux avions à réaction et aux machines à laver ; Ibn ‎Firnas (810-887), médecin et premier constructeur d’une machine volante dont les ‎continuateurs auraient pu inaugurer l’ère de l’aéronautique ; Al-Razi (865-923), chimiste et ‎médecin ayant découvert l’acide sulfurique, l’observation clinique et la psychosomatique et ‎fondé le premier hôpital annonciateur de l’idée de santé publique ; Abou Al-Qacim (936-‎‎1013), créateur de la chirurgie ; Ibn Al-Haytham (965-1040), fondateur de la physique ‎expérimentale et de l’optique moderne ; Biruni (973-1048) qui a calculé pour la première ‎fois le diamètre de la Terre et soutenu qu’elle tournait autour d’elle-même, avant Galilée, et ‎dont les recherches auraient pu, si elles avaient été relayées, mener à l’astrophysique ; Al-‎Djazari (1136-1206) qui a inventé la manivelle, l’arbre à cames, le vilebrequin, la roue ‎hydraulique, la chasse d’eau, les portes automatiques, etc, et qui en explique la construction ‎et le fonctionnement dans « Le livre de la connaissance des dispositifs mécaniques ‎ingénieux »; Hassan Al-Rammah (mort en 1295), père de la balistique, premier concepteur ‎et expérimentateur de la torpille et auteur d’un traité sur les machines de guerre dans ‎lequel est esquissée la première fusée qu’il a décrite comme «l’œuf qui bouge lui-même et ‎brûle»… Sans parler des esprits et génies appartenant tous à la même période et intégrés au ‎patrimoine intellectuel de l’humanité : Al-Kindi, Farabi, Ibn Sina, Ibn Rochd, Ibn Tofaïl, et des ‎dizaines d’autres.‎

PUIS, BRUSQUEMENT, PLUS DE SAVANTS, PLUS D’ESPRITS CURIEUX, PLUS ‎D’INVENTEURS, PLUS DE PHILOSOPHES, COMME SI UN IMMENSE INTERDIT ETAIT TOMBE ‎DU CIEL, STERILISANT A JAMAIS LES MUSULMANS. C’EST LE CAS DE LE DIRE. ‎

Un courant de pensée, fondé par un ancien moatazilite, Abou Moussa Al-Achâri (873-935), ‎apparaît à la fin du Xe siècle et s’attaque aux thèses des Moatazila sur tous les fronts. Il sera ‎renforcé par Al-Ghazali (mort en 1111) qui décomposera le savoir en sciences religieuses et ‎non religieuses, jetant l’opprobre sur les « falasifa » en les faisant passer pour des ‎hérétiques.

CE COURANT D’IDEES, OPPOSE A L’IJTIHAD, LA RATIONALITE ET LA LIBERTE, MONTERA ‎EN PUISSANCE JUSQU’A L’ERADICATION DE CETTE PENSEE DES LUMIERES. ACHAARISME ‎ET GHAZALISME INFLUENCERONT LES QUATRE ECOLES THEOLOGIQUES SUNNITES ET CE ‎SONT LEURS THESES QUI SERONT ESTAMPILLEES COMME ORTHODOXES ET ENSEIGNEES.

APRES LA GRAVE ENTORSE FAITE A L’ISLAM DANS LE DOMAINE POLITIQUE, VENAIT ‎L’ENTORSE FATALE A SON INTELLECT ET A SA CREATIVITE.

La ligne de démarcation a été tracée le jour où on a fermé les portes de l’ijtihad, ‎ralentissant puis stoppant la pensée, la dynamique sociale et la créativité scientifique et ‎technique qui avaient caractérisé les premiers siècles. Le biréacteur venait de perdre son ‎deuxième moteur. IL NE VA PAS TARDER A ATTERRIR POUR NE PLUS JAMAIS VOLER.

LA CONCEPTION TRADITIONNALISTE QUI ALLAIT PREDOMINER DANS LA SUITE DES ‎SIECLES PRONE LA SOUMISSION AU «SALAF» (LES PREDECESSEURS) ET A LEUR EXEGESE. ‎NON PAS LE «SALAF» RATIONNEL, SCIENTIFIQUE ET ECLAIRE, MAIS CELUI QUI A DONNE ‎LE COUP D’ARRET A LA REFLEXION, A L’EVOLUTION ET AU PROGRES. IL NE FAUT PLUS ‎CHERCHER A INTERPRETER LE CORAN, MAIS L’APPLIQUER A LA LETTRE EN SE ‎CONFORMANT A L’INTERPRETATION DONNEE PAR LES ULEMAS MEME SI LEURS IDEES ‎SONT DEPASSEES ET QU’IL NE S’AGIT PAS DE TOUCHER AU DOGME, MAIS D’AMELIORER ‎L’ORGANISATION DE LA SOCIETE.‎

CETTE LIBERTE A ETE ACCORDEE AUX MUSULMANS PAR LE PROPHETE qui a dit : «Pour les ‎questions religieuses, suivez-moi car elles procèdent de la Révélation. Pour les problèmes de ‎la vie courante, consultez-moi car je ne suis qu’un homme et vous êtes mieux qualifiés que ‎moi pour la solution de vos problèmes ».‎

L’ESPRIT TRADITIONNALISTE LA LEUR A RETIREE, ouvrant la voie à une foisonnante moisson ‎de soufis, de mystiques, d’ayatollahs iraniens, d’ulémas moyen-orientaux, de mollahs ‎afghans et de cheikhs de la rue algérienne. ‎
Cet esprit est fataliste, littéraliste et conformiste en matière politique : il faut obéir au ‎détenteur de l’autorité sans se mêler de savoir comment il est arrivé au pouvoir puisque ‎c’est Dieu qui le jugera. ‎

ON N’A PLUS EU DEPUIS D’INVENTEURS ET DE PHILOSOPHES MAIS DES MILLIERS DE « ‎DA’IYA » QUI NE PENSENT PAS ET N’ECRIVENT PAS, SE CONTENTANT DE PRECHER DANS ‎LA RUE, LES MOSQUEES OU SUR LES PLATEAUX DE TELEVISION. ; ON N’A PLUS EU DE ‎SALADIN MAIS DES BEN LADEN.

L’ISLAMISME CONTEMPORAIN EST L’HERITIER DU COURANT QUI A LEGITIME LE COUP ‎D’ETAT DE MUAWIYA ET REPRIME LA PENSEE LIBERALE ET SCIENTIFIQUE DES ‎MOATAZILA.‎

AVANT D’ETRE UNE REGRESSION PAR RAPPORT AU MONDE MODERNE, IL EST UNE ‎REGRESSION PAR RAPPORT A L’ISLAM LUI-MEME. IL VEHICULE LES VALEURS DE LA ‎DECADENCE, ET NON CELLES DE L’ISLAM ORIGINEL ECLAIRE. ON LE CONFOND AVEC ‎L’ISLAM PARCE QU’IL AFFICHE SES RITES, MAIS AU-DEDANS IL EST VIDE ET NE RENFERME ‎AUCUN FERMENT DE VIE OU DE PROGRES. IL EST AU POUVOIR DEPUIS DES DECENNIES ‎DANS LES PAYS DU GOLFE, EN IRAN ET AU SOUDAN, MAIS IL N’EST APPARU DANS CES ‎PAYS NI SAVANTS, NI HUMANISTES, NI INVENTEURS. ‎
POURQUOI LES UNIVERSITES ISLAMIQUES D’AL-AZHAR OU DE QARAWIYINE, VIEILLES DE ‎MILLE ANS, NE SONT-ELLES PAS DEVENUES DES «MAISON DE LA SAGESSE» ?

PARCE QUE ‎LE CŒUR N’Y ETAIT PAS, PARCE QUE L’ESPRIT ET L’AME N’Y SONT PAS. ON Y APPREND ‎PAR CŒUR DES OUVRAGES AU CONTENU OBSOLETE, Y ENSEIGNE LE HALLAL ET LE ‎HARAM, Y DISSEQUE LES PROCEDES INGENIEUX DU DIABLE POUR TENTER LES ‎CROYANTS, SANS SE PREOCCUPER DE LEUR VIE SOCIALE, ECONOMIQUE ET POLITIQUE, NI ‎DE LEUR AVENIR PARMI LES NATIONS. LEUR HORLOGE INDIQUE L’AN 1463 (DE L’ERE ‎CHRETIENNE). ‎

A la «Maison de la sagesse» de Bagdad, au milieu de l’An 800, les Arabo- musulmans ‎rassemblaient et traduisaient en arabe tout ce que le génie humain avait produit comme ‎ouvrages de science, de philosophie et de religion en Grèce, en Inde, en Perse et dans la ‎chrétienté. ‎

Aujourd’hui, la petite Grèce de 11 millions d’habitants traduit dans sa langue chaque année ‎plus que ne traduit l’ensemble du monde arabe avec ses 300 millions d’habitants vers la ‎sienne, tandis que l’Espagne traduit en 1 an ce que les Arabes ont traduit en 1000.

L’Occident a inventé au cours du dernier demi-siècle plus que ce qu’ont inventé toutes les ‎civilisations au cours des cinq derniers millénaires, y compris la sienne. ‎
à moins d’une catastrophe générale qui abolirait l’humanité il va, dans les deux prochains ‎siècles, créer la vie, vaincre la maladie, voyager dans l’espace a une vitesse proche de celle ‎de la lumière et mettre le pied sur de nouvelles planètes.

DE CE RAPPEL EXTREMEMENT CONDENSE DE L’HISTOIRE POLITIQUE ET INTELLECTUELLE ‎DE L’ISLAM, IL FAUT RETENIR CETTE CONSTATATION CAPITALE : PLUS ON REMONTE ‎DANS LE TEMPS ET SE RAPPROCHE DES SOURCES, PLUS ON DECOUVRE L’ESSENCE ‎DEMOCRATIQUE ET RATIONNELLE DE L’ISLAM. PLUS ON S’ELOIGNE DES SOURCES ‎CORANIQUES ET DE L’EXEMPLE DU PROPHETE, PLUS ON SE RAPPROCHE DE LA ‎DECADENCE.

C’EST AU RETOUR A CETTE DECADENCE QU’APPELLENT, QUE VEULENT OBLIGER, LA ‎PENSEE TRADITIONNALISTE QUI S’EST IMPOSEE PAR LE DESPOTISME ET LE ‎DOGMATISME, ET L’ISLAMISME SON HERITIER QUI A AUJOURD’HUI LES FAVEURS DE ‎L’ELECTORAT THEOCRATIQUE. ILS NE PORTENT PAS A LA MAIN LA LAMPE D’ALADIN, ‎MAIS UNE TORCHE COMME AUX TEMPS OU L’HUMANITE VIVAIT DANS LES GROTTES.

SI L’OBSCURANTISME N’AVAIT PAS VAINCU L’ELAN DES LUMIERES CORANIQUES, LES ‎SCIENCES, LA TECHNOLOGIE, L’HUMANISME, LES DROITS DE L’HOMME ET LA PENSEE ‎POLITIQUE AURAIENT GAGNE UN MILLENAIRE, ET LA CIVILISATION ISLAMIQUE SERAIT ‎AUJOURD’HUI UNIVERSELLE.

MAIS IL S’EST PASSE CE QUI S’EST PASSE… FI KADIM EZZAMAN.‎

‎« Le Soir d’Algérie » du 25 mars 2012 ‎

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