La comparaison sibylline faite dans le titre de cet article entre le président Poutine et un personnage historique, Attila, dont a dit que « Là où il est passé, l’herbe ne repousse plus », repose sur trois points : le même théâtre des opérations (l’Europe centrale), le même acharnement à réunir sous leur tutelle des peuples qui la refusaient (Empire hun et Empire russe) et leur même insensibilité à toute considération humaniste. Une différence notable : Attila, surnommé le « fléau de Dieu », a vécu au Ve siècle, époque hautement barbare, alors que Poutine vit à l’époque censée être la plus éclairée de l’histoire.
En menaçant comme il vient de le faire publiquement d’utiliser ses armes stratégiques et nucléaires si on ne le laisse pas poursuivre ses massacres en Ukraine, le président russe a mis le monde devant la perspective de sa destruction totale car c’est ce qui arrivera après l’inévitable riposte occidentale. Juste pour que lui n’aie pas à reconnaître qu’il s’est lancé dans une expédition aventureuse dont il ne sait comment sortir à l’image de quelqu’un qui grimpe trop haut sur un arbre et ne sait comment en descendre.
La possibilité d’une fin du monde par suite d’une troisième guerre mondiale qui serait la dernière (parce que nucléaire justement) est présente dans l’esprit humain depuis le premier usage de l’arme nucléaire fait par deux fois en 1945 par les Américains contre le Japon mais, avec l’acquisition par la Russie des mêmes moyens, on estima qu’un « équilibre de la terreur » étant ainsi instauré, l’apparition d’un Dr Folamour resterait du domaine du cinéma.
Or voilà qu’avec la sortie de Poutine demandant à son état-major de préparer l’emploi de son arsenal « dissuasif » on découvre que les Mayas ne se sont peut-être trompés que de dix ans dans la prédiction de la date : 2022 au lieu de 2012.
En se livrant à ce jeu dangereux, Poutine croit être dans une partie d’échecs où les acteurs sont des pions inertes et son adversaire une entité abstraite (l’OTAN), alors que c’est de la survie du peuple ukrainien et, plus largement, du sort de l’humanité et de la planète qu’il s’agit. Mais en agitant sa menace, Poutine a peut-être oublié – à voir les impairs qu’il multiplie – que son pays est immédiatement devenu la cible pointée de missiles nucléaires européens, américains et d’autres nationalités.
Le rapprochement établi par les commentateurs de l’actualité entre la situation actuelle et l’affaire des missiles soviétiques installés à Cuba en 1962 ne relève pas du copié-collé car, à l’époque, les Américains avaient affaire à un pouvoir collégial représenté par le Politbureau et le Comité central du Parti communiste, et non aux pouvoirs illimités d’un autocrate devant qui les plus hauts responsables civils et militaires tremblent.
Aujourd’hui, la Russie n’est pas dirigée par un parti, un régime, un système ou une junte, mais par un homme devenu autiste et dont le cerveau rejette les réalités objectives pour ne considérer que celles que sa subjectivité lui suggère.
L’arrogance que Poutine affichait avant d’attaquer l’Ukraine et durant les premiers jours de l’invasion attestait de sa certitude que la « guerre éclair » préparée de longue date n’irait pas au-delà de quelques jours. Il donnait des ordres non seulement à ses généraux, mais aussi aux généraux ukrainiens qu’il sommait de renverser leur gouvernement avant de venir négocier avec lui leur vassalisation.
Or l’Ukraine est toujours debout au cinquième jour des combats et a réussi à ralentir l’avancée des chars russes, parfois au moyen de cocktails-molotov, tandis que le nombre des soldats russes abattus se compte en milliers. Qu’en sera-t-il dans cinq semaines ou cinq mois si les négociations ouvertes ce matin ne débouchaient pas sur le retrait des forces russes ?
Poutine était persuadé que la virée de son armée en Ukraine serait une promenade de santé. Il était sûr que les Occidentaux le laisseraient faire comme à l’accoutumée alors qu’il apparaît de plus en plus nettement qu’ils ne lui ont laissé le champ libre que pour mieux l’enfermer dans un piège. Les choses n’ayant pas pris le cours qu’il espérait, il redoute désormais un échec, une déroute et une humiliation qui signifierait sa fin.
Se peut-il vraiment qu’il ait été manipulé par les Occidentaux qui juraient leurs grands dieux qu’ils ne se battraient pas pour l’Ukraine ? Il les croyait désunis, incapables de s’entendre sur une politique étrangère ou une défense commune, les voilà subitement unis comme les doigts d’une main, agissant à l’unisson et redoublant d’ingéniosité chaque jour davantage pour appauvrir et affaiblir la Russie en l’isolant du monde, des institutions multilatérales, des systèmes financiers, du commerce mondial, des liaisons aériennes, des compétitions sportives, des manifestations culturelles et artistiques…
Les échanges entre les nations sont à l’image des mouvements respiratoires, et les importations et les exportations l’équivalent de l’inspiration et de l’expiration sans lesquels on étouffe, puis meurt.
Les pays de l’Union européenne se comportent avec l’Ukraine comme si elle était membre de l’UE et de l’OTAN. Ils lui ont généreusement accordé les avantages du Traité de Rome et des articles 4 et 5 du Traité de l’OTAN au grand dam de Poutine dont le but suprême était justement d’éviter cela. Ils se sont même mués en maquisards décidés, le cas échéant, à acheminer des armes aux résistants ukrainiens à dos d’âne.
Eh oui ! Chaque nouvelle guerre initie à de nouvelles techniques de lutte, et les peuples s’ingénient chaque fois à inventer de nouveaux moyens de résistance. Et quand ils n’en trouvent pas, ils reviennent à ceux qu’utilisaient les hommes au temps des mammouths.
Devant la cascade de conséquences qu’il n’avait pas prévues, l’esprit du président Poutine a dû chavirer. Rongé par le doute, en proie à des soupçons insupportables et craignant de de tout perdre dans cette affaire engagée avec énormément de brutalité et peu d’intelligence, le voilà acculé à avisant le monde qu’il n’hésiterait pas à déclencher le feu nucléaire, saisissant d’effroi l’humanité et décuplant, du coup, sa haine envers lui.
Bombardera-t-il dans les prochains jours ou semaines l’Ukraine avec des bombes atomiques miniatures pour montrer qu’il ne bluffe pas ? Ce n’est pas à exclure car il semble avoir perdu le sens des réalités. En fait il l’avait perdu bien avant l’invasion, en amont de sa stratégie basée sur l’illusion qu’il occuperait l’Ukraine et l’écraserait sans coup férir sous les yeux apeurés des Occidentaux.
Il doit maintenant enrager dans son bureau, pester conte ses généraux à l’instar de Hitler lorsque la défaite commença à poindre, mais lui ce n’était pas au cinquième jour du déclenchement de la deuxième guerre mondiale, mais cinq ans après. Et ce n’était pas contre un pays de la taille de l’Ukraine, mais contre les armées de quasiment le monde entier.
La Russie doit se préparer – si elle ne trouve pas le moyen de s’extirper très vite de la situation où l’a mise Poutine – à vivre dans un monde sans elle, un monde dont elle aura été exclue, mise à son ban bêtement, pour rien, par la faute de la courte vue de l’autocrate auquel elle a confié imprudemment son destin.
La seule chose positive susceptible d’être mise au crédit de Poutine sera celle d’avoir réussi à faire oublier le Covid 19 ne serait-ce que pour un temps.
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