L’invasion de l’Ukraine par Poutine n’est pas une nouvelle péripétie dans la stratégie de reconstitution de la défunte Union soviétique, mais signe sa fin dans un avenir proche.
Elle ne s’inscrit pas comme une avancée dans le prolongement des « victoires » remportées en Tchétchénie, en Ossétie, au Bélarus, en Géorgie, en Crimée, etc, mais constitue une erreur qui place d’ores et déjà la Russie dans le processus connu naguère par l’Allemagne après son invasion de la Pologne. Si elle ne reprend pas rapidement ses esprits, cette faute morale, politique et militaire commise par son président la conduira inéluctablement à sa perte.
Pourquoi Poutine a-t-il pu vassaliser ces pays sans soulever dans le monde les réactions de réprobation, de condamnation et de solidarité auxquelles on assiste dans le cas de l’Ukraine ? Parce qu’on les considérait comme relevant naturellement du « domaine russe ». Il en est autrement de l’Ukraine dans la perception universelle telle que reflétée par les positions prises ces trois derniers jours par un grand nombre d’Etats et les réactions de leurs sociétés civiles.
Cette invasion, suivie en direct à la télévision et à travers les réseaux sociaux dans le monde entier, a fait apparaitre Poutine et son pays comme une anachronique résurgence de l’impérialisme dans toute son horreur. Il faudrait que Poutine efface toute vie humaine sur la terre pour faire accepter par les vivants cette image ou l’effacer des mémoires. Il ne le pourrait pas, même en utilisant son arsenal nucléaire avec lequel il menace quiconque entravera son chemin. Le fera-t-il contre le peuple ukrainien qui est décidé à lui faire barrage ?
Il n’est rien arrivé à l’ancienne Union soviétique après son invasion de la Hongrie, de la Tchécoslovaquie et de la Pologne, mais celle de l’Afghanistan lui a été fatale. Non seulement elle a perdu ce petit pays pauvre qu’elle voulait vassaliser et qui lui résista pendant une décennie jusqu’à la saigner, mais elle perdit l’ensemble des pays qu’elle avait sous sa botte en Europe de l’Est.
L’invasion de l’Ukraine par Poutine sera le dernier acte de l’interventionnisme russe hors de ses frontières. Il détruira en grande partie l’Ukraine mais n’arrivera jamais à la coloniser car ses habitants préfèrent mourir en résistant que revenir en arrière, aux années du communisme, du goulag et de la nomenklatura remplacée par les oligarques que Poutine installe et protège là où s’étend son pouvoir.
Seuls quelques pays autoritaires portant dans leurs gènes le rejet de la démocratie ont exprimé non sans une certaine gêne leur « compréhension » à Poutine. Le reste du monde y a vu ce qu’il fallait y voir, c’est-à-dire une violation du droit international et de la charte de l’ONU, une agression d’un pays indépendant et souverain par un autre, 18 fois plus grand et puissant, une cause injuste à laquelle aucune personne humaine ne saurait rester insensible tant Poutine incarne Goliath en plus cruel et le président Zelinsky David en plus émouvant.
Il est inutile de s’interroger sur le silence des pays arabo-musulmans car là le despotisme n’est pas regardé comme un mal, mais célébré comme une vertu.
Les arguments mis en avant par Poutine pour justifier son acte ne tiennent pas. Il n’a pas le droit d’interdire à ses voisins de faire partie d’un ensemble économique et douanier ou d’une alliance militaire sous prétexte que c’est une menace pour sa propre sécurité. Beaucoup de pays du pourtour de la Russie et qui ont fait partie il n’y a pas longtemps de l’Union soviétique et du Pacte de Varsovie font aujourd’hui partie de l’Union européenne et de l’Otan.
A suivre son raisonnement, la Russie ne devrait pas avoir de voisins géographiques mais devenir une île, un archipel, ou occuper à elle seule les terres émergées de la planète. Qu’a fait Poutine des 17 millions de km2 que compte la Russie ? Que lui ajouteraient ou retrancheraient les 630.000 km2 de l’Ukraine ?
On ne choisit pas ses voisins, on n’a pas le droit de décider à leur place, ni de les subordonne par la force, la peur, le chantage et la violence, à sa fantaisie. Si chaque nouveau despote devait y aller de son « récit national », il faudrait rappeler à Poutine que Moscou, tout autant que la Crimée, a été un « Khanat » musulman.
Le président russe a pris tout son temps depuis 2014 pour préparer l’invasion de l’Ukraine. Il a anticipé les risques d’une mésentente durable avec l’Occident, prévu l’amplification des sanctions économiques qui lui seraient appliquées, mais il n’a pas pris en compte un facteur : le sentiment d’injustice qui dresserait l’humanité contre lui.
A la célèbre question de Staline sur la « puissance » du Vatican (« Combien de divisions ?) il lui aurait été répondu de nos jours : « Les médias du reste du monde, l’opinion publique mondiale et les réseaux sociaux auront raison de votre arrogance ».
Ce sentiment va de plus en plus peser sur la décision des États qui, de tièdes, rivalisent désormais en fermeté pour affaiblir la Russie et lui occasionner par divers moyens des dommages non calculés par elle.
Non, cette fois il ne s’agit pas d’un problème de politique internationale posé à des États dans les enceintes multilatérales ou étudié à huis-clos dans des états-majors militaires, mais d’une injustice qui ne tardera pas à prendre les proportions d’une CAUSE UNIVERSELLE, d’une indignation mondiale devant l’usage de la force brute contre un petit pays qui ne recule devant aucun sacrifice pour défendre son droit à la vie dans l’indépendance et la dignité.
Ce n’est pas un problème géopolitique, c’est une question d’éthique, de morale, d’humanisme, et c’est le sens du message twitté par le Pape : « Toute guerre est une capitulation honteuse ». En effet, Poutine a profané les valeurs qui servent de bases à la vie humaine.
La Russie voit que l’Ukraine reçoit des armes et des financements de partout pour l’aider à se défendre et à deviendra bientôt la cible d’attaques « asymétriques » provenant des réseaux sociaux, de l’action humanitaire, de cyberattaques de toute provenance et de « brigades internationales » comme celles qui ont combattu le fascisme en Espagne en 1936.
Le monde a besoin d’idéaux nouveaux, pas d’un retour à la guerre froide, à la course aux armements, à l’expansionnisme qu’il soit russe, américain, européen, ottoman, nippon, israélien, chinois ou iranien.
Si le jeune président ukrainien venait à être tué ou arrêté, il deviendrait le héros-martyr du XXIe siècle. Son nom serait associé à celui de l’Ukraine qui sortirait des décombres. S’il ne l’est pas, il lui sera conféré la qualité de « Sauveur », et le pape François est homme à le béatifier, à le sanctifier, bien que juif. C’est ce qu’était aussi Jésus avant que le christianisme n’en fasse le fils de Dieu.
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