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LA VIE DE MALEK BENNABI (18)‎

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En février 1947 le PPA-MTLD tient à Alger son premier Congrès où est prise la décision de ‎doter le parti d’un instrument paramilitaire, l’ « Organisation Spéciale » (OS). Amar Imache ‎qui s’est brouillé avec Messali, rédige une lettre aux militants où il veut dénoncer le culte de ‎la personnalité orchestré par Messali autour de sa personne dans laquelle il écrit : « Nous ‎vous avons libérés du fétichisme et du fanatisme, et vous dérivez vers quelque chose de plus ‎dangereux encore. Nous vous avons réveillés de l’idolâtrie. Nous vous avons incités à tout ‎voir, tout comprendre, tout contrôler, et vous tombez à genoux en extase devant de ‎nouvelles idoles. Vous osez voir une vertu divine jusque dans les poils d’une barbe. Laissez les ‎jongleurs de foire qui vous offrent des mirages trompeurs. Retournez à la réalité (1). ‎

Toujours déterminé à quitter la colonie et la métropole, Bennabi demande un passeport ‎pour se rendre en Égypte. Non seulement on le lui refuse, mais le commissaire de police de ‎Annaba l’arrête le 28 avril 1947 dans cette ville où il est de passage et lui dit qu’il a un ‎mandat d’amener lancé contre lui depuis septembre 1945. Il passe deux nuits en cellule, puis ‎est relâché après qu’on lui eut notifié l’interdiction de quitter le pays. Ce n’était qu’un ‎prétexte pour lui faire sentir la pression et la surveillance qui s’exerçaient sur lui sans ‎relâche.‎

Il se rend à Tébessa puis à Alger pour voir cheikh al-Okbi et Tewfik al-Madani. Il leur parle ‎de sa dernière arrestation. Al-Okbi le recommande auprès d’un compatriote qui lui prend ‎rendez-vous avec le colonel Schoen au siège du Gouvernement général (actuellement Palais ‎du Gouvernement), lequel l’envoie à la préfecture de Constantine voir le colonel Tercé qui ‎lui propose d’entrer… dans la police, comme « conseiller social ». ‎

Bennabi s’indigne et lui rétorque : « Monsieur, je suis le témoin, et les êtres innocents qui, ‎autour de moi, souffrent par ma faute ont Dieu pour protecteur ». C’est à l’issue de cette ‎rencontre insolite où il a tenu les mots qu’on vient de lire que Bennabi a pensé pour la ‎première fois écrire un livre dont le titre serait « Le témoin ». Ce sera finalement une ‎autobiographie, « Mémoires d’un témoin du siècle ». Il écrit sur le coup : « Le ‎‎« psychological-service » me plaçait entre un dénuement extrême, la détresse des miens, et ‎un chantage policier, tirant prétexte d’un dossier de « collaboration » pour me faire ‎accepter une sinécure dans le plus vil travail de mouchardage. On voulait mon suicide ‎moral ». ‎

Etant sous le coup d’une interdiction de sortie du territoire, il songe à quitter ‎clandestinement l’Algérie par la Tunisie. Les cheikhs Tébessi, Ibrahimi et Kheireddine (1902-‎‎1993) approuvent son projet et lui proposent une aide, mais ne feront finalement rien. Il ‎rentre à Tébessa. Le nouveau commissaire de la ville lui montre un visage avenant et ‎l’assure de ses bonnes dispositions. Bennabi pense qu’on veut acheter sa conscience et le ‎détourner de son engagement contre le colonialisme. Il rédige une lettre à l’intention du ‎commissaire de police de Annaba et charge son père d’aller la remettre au commissaire de ‎Tébessa qui la transmettrait à son tour à son collègue. ‎

Dans cette lettre, il affirme qu’il n’est plus disposé à accepter la pression policière exercée ‎sur lui et qu’il ne déférerait désormais à aucune convocation qui n’émane de la justice. Il ‎s’enferme chez lui et se prépare à défendre sa vie au moyen d’une arme à feu qu’il s’est ‎procurée on ne sait comment. Deux jours après, le commissaire Castelli vient le voir pour lui ‎notifier la levée de sa mise en résidence. C’était en juillet 1947. ‎

Quelques jours plus tard, un « Appel » de Massignon aux intellectuels des deux rives pour la ‎création d’une « Entente France-Islam » paraît dans la presse. Bennabi est contacté. Il donne ‎son accord et en devient membre-fondateur. Pour s’expliquer sur cette adhésion, il donne ‎une conférence à la salle des fêtes de Tébessa. On lui fait savoir qu’une enquête ‎administrative rapide a été ouverte en vue de sa nomination à un poste important au ‎Gouvernement général. Il est invité à donner une conférence à Alger et fait à cette occasion ‎la connaissance du professeur André Mandouze. Un mois après, c’est ce dernier qui est ‎invité à prononcer une conférence au cercle franco-musulman. Bennabi est chargé de le ‎présenter au public.‎

Le 15 août 1947, après des troubles inouïs, l’Inde est divisée et le Pakistan voit le jour. ‎Bennabi qui suit depuis longtemps l’évolution de la situation dans le sous-continent ‎interprète l’événement comme un complot britannique contre l’islam. Dans son livre inédit, ‎‎« Vocation de l’islam II », il évoque « cet Etat pakistanais dans lequel nous sommes obligés, ‎hélas, de voir le chef d’œuvre de la politique anglaise ». ‎

Il ne cessera de regretter la partition de l’Inde dans laquelle il voyait une terre d’élection ‎pour la cohabitation entre l’islam et la pensée védique. Il écrira dans « La lutte idéologique ‎dans les pays colonisés » (1960) : « Aucun historien ne pourra évaluer à sa juste valeur la ‎catastrophe qui a frappé le monde musulman le jour de la création de l’Etat du Pakistan. ‎Nous pouvons d’ores et déjà dire que l’événement a changé le cours de l’histoire de l’islam ‎en Asie pour des siècles… ». ‎

Mais il saura se rendre à la réalité et tempérer son jugement et cela dès 1952 puisqu’on ‎peut lire dans « Vocation de l’islam II » (inédit) : « Quoiqu’il en soit, nos frères Pakistanais ‎peuvent encore jouer un rôle éminent dans l’histoire morale du monde qui vient. Ils ont ‎d’ailleurs le mérite d’être aujourd’hui à peu près les seuls musulmans (ceux de l’Afrique ‎noire mis à part) qui aient repris la mission pacifique de l’islam dans le monde. Le Pakistan ‎est en effet le seul pays musulman qui consacre des efforts au prosélytisme et qui entretient ‎déjà des missions à l’extérieur, notamment en Angleterre et en Suisse. Mais cette œuvre si ‎méritoire, si admirable, serait incomplète si elle négligeait l’imposante masse humaine que ‎représente la population de l’Inde. D’autant plus que tout laisse prévoir que cette masse, ‎évoluant sous la direction intelligente d’un Nehru, jouera bientôt un rôle de premier plan ‎dans le monde, de même que la Chine. » (Il faut s’arrêter à cette dernière phrase et noter ‎combien les vues de Bennabi étaient justes).‎

Mieux encore : dans « Vocation de l’islam » (1954), on le voit assigner au Pakistan un rôle ‎important dans le devenir de l’islam, aux côtés de l’Indonésie : « La fin de l’ère ‎méditerranéenne marque pour l’islam sa libération des entraves internes. C’est ce qui est ‎particulièrement visible au Pakistan comme à Java, pays d’acclimatation islamique ‎relativement récente, c’est-à-dire pays neufs et jeunes où la pensée et l’action doivent ‎primer la tradition de la science close et où l’islam est appelé à se rénover, à se rendre actif, ‎à réapprendre à vivre. ‎

La structure de son nouveau climat social, en effet, n’est pas hiérarchisée, mais largement ‎populaire ; et, d’autre part, il lui faut s’y adapter au génie des peuples agraires, à leur sens ‎inné du travail : d’où la promesse d’une nouvelle synthèse de l’homme, du sol et du temps, ‎et par conséquent d’une nouvelle civilisation. Il lui faudra enfin s’adapter à un nouveau ‎climat spirituel, au voisinage de cette Inde complexe où rayonne encore la pensée des ‎Védas… Au Pakistan, l’Angleterre a laissé une certaine ossature intellectuelle dont la qualité ‎n’est pas niable. Sayed Amer Ali, le premier apologiste moderne et son premier penseur, Sir ‎Mohamed Iqbal, ont appartenu à cette élite de marque… » ‎

Et lorsqu’éclatera en 1971 la guerre entre l’Inde et le Pakistan, on verra Bennabi désavouer ‎la politique d’Indira Gandhi, fille de Nehru et premier ministre de l’Inde, à qui il reproche ‎d’avoir « consommé la ruine métaphysique et politique de l’idéologie sur laquelle fut fondée ‎l’alliance morale des peuples afro-asiatiques à Bandoeng » (2). ‎

En septembre 1947 est promulgué un nouveau « Statut de l’Algérie » prévoyant la mise en ‎place d’une Assemblée algérienne composée de deux collèges de soixante députés chacun, ‎élus par la population européenne pour l’un, et la population algérienne (dix fois plus ‎nombreuse) pour l’autre. En octobre, se tiennent des élections municipales auxquelles ‎participent toutes les forces du mouvement national ainsi que des candidats « libres » ‎algériens soutenus par l’administration. Le parti de Messali les remporte (il s’agit des sièges ‎réservés au « deuxième collège »). ‎

Une réunion d’intellectuels est organisée par le gouverneur général à la villa Sidi Madani à ‎laquelle sont conviés des personnalités de renom : Albert Camus, Brice Parrain, Parot, Melle ‎Sugier, Omar Racim (1884-1959), Mimouni, Khaldi, Bennabi… Ce dernier est maintenant ‎reconnu, mais son refus de passer sous l’influence de l’administration fait qu’il restera ‎jusqu’au bout tenu en suspicion et soumis à des pressions. Il n’a implicitement pas le droit de ‎travailler ni de quitter le territoire français dont l’Algérie fait partie. ‎

En avril 1948 doit se tenir l’élection de la nouvelle Assemblée algérienne. Un nouveau ‎gouverneur général vient d’être désigné, l’ancien ministre socialiste de l’éducation, Edmond ‎Naegelen, qui va lier son nom à la fraude électorale. Le PPA-MTLD est particulièrement visé ‎par la répression et le trucage. Il n’obtient finalement que 9 sièges sur les 60 réservés à la ‎population musulmane. ‎

Sans ces trafics, le parti nationaliste – de l’aveu des rapports des préfets – aurait obtenu 90% ‎des sièges (3). La base du PPA contient mal sa fureur, les troupes de l’OS (environ 1500 ‎éléments) piaffent d’impatience de passer à l’action armée, la plupart des membres de la ‎direction ne cachent plus leur gêne devant les incohérences de la politique de Messali que ‎personne n’ose cependant interpeller. ‎

‎« LEBBEIK, PELERINAGE DE PAUVRES » ‎

Au début de l’année 1948, un deuxième livre de Bennabi est publié aux Editions En-Nahda. ‎‎(4). Curieuse chose que ce roman de 99 pages écrit en un mois et dans lequel sont annoncés ‎deux nouveaux livres : « Visages à l’aurore » et « Sur les traces de la pensée scientifique ‎musulmane ». Les ouvrages annoncés ne paraîtront jamais, du moins sous ces titres : « Les ‎conditions de la renaissance algérienne » sortira un an plus tard à la place (nous le ‎supposons car Bennabi ne le dit pas explicitement), de « Visages à l’aurore » ; quant au ‎second, aucun livre de Bennabi ne portera ce titre. Celui qui sera publié après ‎‎« Les conditions de la renaissance » sera « Vocation de l’islam » qui devait s’intituler ‎‎« Infrastructure du monde musulman moderne », puisque c’est sous ce titre que des extraits ‎en ont été publiés dans la presse de 1950 et 1951. C’est Khaldi qui proposera à Bennabi le ‎titre final du livre qui sera édité en 1954 par les Editions du Seuil. Il sera dédicacé « A si ‎Mohammed Khettab, en témoignage de gratitude, à mon frère le Dr. Khaldi à qui l’ouvrage ‎doit le titre et l’auteur beaucoup ». ‎

Pourquoi ce roman dont Khaldi, en rédigeant une année plus tard la préface des « Conditions ‎de la renaissance », dira qu’« il a été jugé par certains lecteurs comme étranger à l’orbite ‎étincelante tracée par « Le phénomène coranique» ? Il faut peut-être y voir un intermède ‎entre deux moments de très grande concentration dans la vie intellectuelle de Bennabi : ‎celle qui lui a été nécessaire pour rédiger « Le phénomène coranique », et celle qu’il est en ‎train de mobiliser pour formuler dans « Les conditions de la renaissance » sa conception de ‎la civilisation. ‎

L’homme a peut-être besoin de souffler, de se détendre, d’oxygéner son cerveau par un ‎apport de spiritualité. D’entrée de jeu, l’auteur nous prévient que la rédaction du roman a ‎été expédiée entre deux voyages, « quasiment dans une chambre d’hôtel ». Il précise aussi ‎que les deux principaux personnages du roman, un charbonnier et un gosse de Annaba, ont ‎réellement existé. C’est peut-être une façon de nous dire qu’il n’est pas un romancier, c’est-‎à-dire quelqu’un de voué à la fabrication de trames et de personnages fictifs, et qu’il ‎s’excuse par avance de proposer quelque chose de bien modeste dans le genre. Selon ‎certains témoignages, il n’aimait pas qu’on lui rappelle l’existence de « Lebbeik » dans sa ‎bibliographie, comme s’il regrettait d’avoir cédé à un moment de sa vie à une faiblesse, ‎celle d’avoir rédigé un « roman », lui l’esprit scientifique. ‎

La toile de fond du livre est essentiellement religieuse. L’histoire est construite sur des ‎émotions que l’auteur cherche visiblement à transmettre au lecteur. Le thème quant à lui ‎n’est pas nouveau, c’est celui du repentir et de la rédemption qu’on trouve au cœur de ‎toutes les morales religieuses ; il a été exploité à satiété par les romanciers et les cinéastes, ‎il a inspiré les chansons de geste et les chansons populaires. ‎

Comme s’il voulait annoncer « Lebbeik », Bennabi parle dans « Le phénomène coranique » ‎de « conscience humaine gagnée par le repentir et vaincue par l’innocence et la probité » à ‎propos de la femme de Putiphar qui, dans le récit biblique de la légende de Joseph, tente de ‎séduire ce dernier. A la fin, elle finit par confesser sa faute et faire son mea-culpa.‎

Le triomphe du bien sur le mal, la grandeur d’âme, la générosité, enthousiasment depuis ‎toujours et partout les foules parce qu’ils montrent ce qu’il y a de meilleur en l’homme. La ‎lutte entre le vice et la vertu, entre la déchéance et la sainteté, entre le juste et l’injuste, fait ‎encore vibrer les lecteurs et les spectateurs du monde entier. On sait Bennabi sensible aux ‎manifestations de l’âme et des valeurs morales ; aussi son roman est-il centré sur l’histoire ‎d’un homme de bonne extraction sociale qui sombre, pour on ne sait quelles raisons, dans ‎l’alcoolisme et qui arrive, en une nuit, à retrouver le droit chemin. ‎

Le livre s’ouvre sur une description de l’atmosphère sociale à Annaba à la veille du départ ‎des pèlerins pour la Mecque. Ceux-ci viennent de villes proches comme Tébessa ou ‎Constantine pour prendre le bateau qui doit les conduire aux Lieux saints. Dans les habitudes ‎algériennes de l’époque on ne va pas à l’hôtel, ce sont les familles de la ville qui se chargent ‎de recevoir chez elles les pèlerins qu’elles vont chercher à leur descente du train à la gare. ‎Tout cela donne une animation particulière à la ville. ‎

Cette année-là, le pèlerinage survient au mois d’avril. A la tombée du jour, dans une obscure ‎ruelle, deux ivrognes mènent grand tapage. L’un d’eux, le héros du roman, s’appelle Brahim. ‎Il a trente ans et exerce la profession de charbonnier dans la boutique où ils viennent de ‎s’engouffrer en titubant son compagnon et lui. Dans le roman, celui-ci n’est pas nommé, ‎l’auteur ayant résolu de le désigner du début à la fin par l’expression « l’acolyte de ‎Brahim ».‎

Les parents de ce dernier étaient des gens pieux qui lui ont laissé en héritage des biens ‎commerciaux et une maison dont il occupe une chambre et loue le reste. Sa femme, Zohra, ‎l’a quitté à cause de la boisson. Depuis, il est tombé bien bas, dilapidant ce qu’il gagnait et ‎noyant ses remords dans la boisson. Des biens légués, il n’est resté que ce petit local où il ‎exerce le métier de charbonnier. Dans le quartier, il est l’objet du mépris de ses voisins et ‎des quolibets des enfants : « Quand le milieu social juge ainsi un individu, ce sont les enfants ‎qui prononcent implacablement le jugement : ils appellent le fou un fou et l’ivrogne un ‎ivrogne, et sont alors les justiciers des usages, des conventions, des traditions » écrit ‎Bennabi, philosophe.‎

Au petit matin, Brahim se réveille à l’instant même où finit le rêve qui l’avait transporté à la ‎Mecque. Son subconscient a dû, la veille, s’emplir du spectacle du flot de pèlerins déferlant ‎sur la ville. Dans son enfance, il a fréquenté l’école coranique : « Brahim avait gardé, ‎malgré la mauvaise tournure de sa vie, l’esprit mystique que lègue une lignée d’honnêtes ‎gens à sa descendance ». Il se réveille, son rêve encore frais, prend conscience de sa triste ‎condition et se sent gagné par un sentiment de honte : «Quelle que soit sa déchéance, une ‎âme musulmane garde ainsi une certaine dignité par ce sentiment qu’elle a de l’opprobre, ‎quand elle y a succombé » assure Bennabi. ‎

Brahim est préoccupé par le sens qu’il faut accorder à son rêve. Il se dit que c’est peut-être ‎un signe de Dieu. Il est maintenant tout à fait lucide : son passé défile dans sa mémoire ‎comme la bande d’un film. Il revoit la scène qui a emporté sa vie conjugale et mesure la ‎déchéance dans laquelle il est tombé… La voix du muezzin brise le silence matinal ; l’appel à ‎la prière transperce sa conscience ; Brahim a l’impression que son âme s’est brusquement ‎allégée comme si elle venait d’être libérée des lourdes chaînes par lesquelles il la croyait à ‎jamais entravée. L’homme tourmenté se précipite hors de la boutique et court dans la ‎direction de la mosquée du quartier où il hésite à rentrer. Il lève les mains vers le ciel et ‎s’écrie : « O, mon Dieu guéris-moi de mon mal, dirige-moi ; je suis égaré. » ‎

Tout-à-coup, une idée traverse sa tête : serait-il possible de donner un prolongement réel au ‎rêve ? Quelque chose qui ressemble à un projet prend forme dans son esprit. Il se dirige vers ‎un bain maure, se lave, puis retourne à la maison confier la folle idée qui vient de s’emparer ‎de lui à son voisin, un vénérable vieillard qu’il regarde comme son père. Pour faire face aux ‎dépenses, il est disposé à vendre la maison et le dit à son interlocuteur qui en est sidéré, ‎croyant assister à un miracle. Il adhère néanmoins à son projet et trouve une solution pour ‎régler le problème : il gagera la maison pour obtenir un prêt. ‎

Quant à la boutique, Brahim annonce qu’il en fait don à son « acolyte ». S’agissant des ‎papiers, il connaît un élu qui va effectivement l’aider à obtenir à la sous-préfecture ‎l’autorisation de voyage nécessaire. Il court chez un marchand de tissu et achète l’ ‎‎« ihram », le vêtement de rigueur du pèlerin. Tout cela en quelques heures.‎

Quand il eut achevé d’accomplir les formalités du voyage, Brahim retourne à la maison où ‎oncle Mohamed, le voisin, a alerté tout à l’heure les autres locataires. Ceux-ci l’accueillent ‎avec le sentiment de surprise mêlé d’admiration qu’on éprouve devant l’extraordinaire. Cet ‎accueil lui montre le respect qu’il vient de gagner à leurs yeux. Il n’est plus le clochard que ‎la veille encore ils répugnaient de croiser. Ils lui ont préparé des provisions pour la ‎traversée. Il en est touché. Il sent qu’il bénéficie du statut hautement valorisant de « hadj » ‎alors même qu’il n’a pas quitté la ville. Même sa femme a été prévenue. Elle lui a fait ‎parvenir le chapelet que les parents de Brahim lui ont offert avant de quitter ce monde. ‎L’ « acolyte » quant à lui ne comprend rien quand son ami vient lui tendre les clefs du local ‎auquel il renonçait définitivement en sa faveur. Brahim fait ses adieux à ses voisins et prend ‎le chemin du port. ‎

Bennabi écrit : « En prenant pied sur le pont du bateau, Brahim eut l’impression de franchir ‎le seuil d’un nouveau monde ». Son passé s’éloigne de lui et se détache pendant que le ‎bateau entame les manœuvres de dégagement. C’est comme si ce passé avait été celui d’un ‎autre : « Le temps de la faute était révolu » ponctue Bennabi, hugolien, avant d’ajouter : ‎‎« Une béatitude inexprimable l’envahissait à présent. Il ne se sentait aucun tourment pour ‎ce passé… Le musulman croit trop profondément en Dieu pour s’abandonner au regret ‎obsédant quand il s’est relevé. Seul le crime grave, comme la destruction irréparable d’une ‎vie humaine, peut imprimer un regret éternel dans l’âme musulmane. » ‎

Dans le roman, point besoin d’une cure de désintoxication ou d’un traitement de longue ‎durée : c’est le miracle de la religiosité, le miracle de la foi sur un charbonnier, la grâce de ‎Dieu sur une créature repentie. Pendant le voyage, l’auteur décrit les scènes de ‎fraternisation entre les pèlerins organisés en groupes, vivant dans une convivialité et une ‎solidarité exceptionnelle. ‎

Brahim a retrouvé sa place dans cette micro-société qui le traite comme un homme de haut ‎rang ; il est ennobli par le titre de « hadj » qui lui est attribué comme une promotion sociale. ‎Il n’est plus au ban de la société mais à son faîte moral ; il n’est plus un paria, un objet de ‎mépris et d’insulte, mais un notable religieux, c’est-à-dire le personnage le plus respecté ‎dans le spectre social d’un milieu traditionnel. L’alcool l’a coupé de la société et jeté dans le ‎ruisseau, voilà que la foi l’y ramène. ‎

Devant une transfiguration morale et psychologique semblable, quand Jean Valjean était ‎effondré de remord devant Monseigneur Muriel, Victor Hugo a écrit dans « Les ‎misérables » : « C’est une chute, mais une chute sur les genoux qui s’est achevée en prière ». ‎

Le bateau accoste au port de la Goulette, à Tunis, où il doit prendre les derniers pèlerins de ‎l’Afrique du Nord. Au moment où la passerelle va être retirée pour laisser partir le navire, ‎un homme surgit sur le quai et se précipite vers la passerelle, tentant de l’agripper pour ‎monter à bord. Des policiers se jettent sur lui pour l’arrêter : « Tous les regards du bateau ‎étaient braqués sur lui comme sur une sorte d’incarnation de la foi…Ceux qui suivent la ‎scène, y compris les policiers, sont touchés du désespoir de l’homme qui s’écrie à voix ‎haute : « O Prophète ! Tu vois : j’ai abandonné ma tente et mes enfants pour venir vers toi. ‎Mais tu vois, j’ai fait 700 Km à pied, et je ne peux plus aller plus loin, Ô Prophète ! » ‎

Ce sont de telles scènes qui ont rendu certains romans immortels. Bennabi qui affirme dans ‎la préface de son roman que ce fait divers est vrai et qu’il a fait l’objet d’un article dans la ‎presse tunisienne commente : « Tolstoï a connu sa plus grande crise morale à la vue d’un ‎mendiant malmené à Moscou par un sergent de ville, sous prétexte que la mendicité était ‎interdite ». Sur le pont, Brahim pleure en songeant à la douleur qui aurait été la sienne s’il ‎n’avait pu, comme le bédouin, réaliser son rêve. ‎

Le lendemain matin le personnel de bord découvre un passager clandestin. Il s’agit de Hadi, ‎un jeune garçon qui a embarqué à Annaba. Brahim reconnaît en lui l’enfant qui, quelques ‎jours plus tôt, lançait à son passage le cri si blessant de : « Ivrogne ! Ivrogne !». Redoutant le ‎pire pour lui, il se propose pour payer le prix de son billet, mais le commissaire de bord, un ‎homme au cœur bon, se contente de le commettre aux cuisines. Hors de ses heures de ‎travail, Hadi vit avec le groupe dont fait partie Brahim. Ce dernier se prend d’affection pour ‎lui et l’initie aux ablutions et à la prière. Le récit file et vogue avec le navire qui poursuit la ‎traversée.‎

Bennabi décrit le quotidien des pèlerins, leurs prières collectives, les repas pris ensemble… ‎On a même droit à un débat philosophique impromptu entre un matelot français qui déplore ‎que le monde soit rempli de conflits, de misère et d’injustice, et un groupe de pèlerins qui ‎dénie toute responsabilité divine dans les dérives humaines. Un tel milieu est la projection ‎de la société dans laquelle aurait voulu vivre Bennabi, une société vertueuse, une cité idéale ‎où tout est régi par la foi et où la morale tient lieu de loi. ‎

Il s’attarde sur la transfiguration morale de ce cireur jeté à la rue à la mort de ses parents et ‎ayant dû apprendre à survivre. A l’époque, on appelait cette sorte d’enfants les « Yaouled ». ‎Brahim est heureux de transmettre son maigre savoir à Hadi qu’il veut s’attacher comme un ‎fils. Le bateau poursuit sa trajectoire rythmée par les vagues et les cinq prières de la ‎journée : « Une atmosphère sereine enveloppait le bateau qui traçait son sillage de nacre ‎dans une mer étale ». Accoudé au bastingage du navire, Brahim égrène le chapelet de ses ‎parents que lui a envoyé son ex-femme. ‎

Comme s’il était lui-même sur le bateau, Bennabi trouve que « le musulman aime ‎contempler le ciel, comme le Basque l’océan. L’un et l’autre recherchent l’évasion dans ‎l’infini ». Impression toute personnelle d’un rêveur qui a pris de multiples fois le bateau ‎depuis 1925. ‎

Brahim est tout à ses pensées de bonheur : il veut se fixer pour toujours à Médine, ‎reconquérir sa femme, adopter Hadi… Après quatre jours de navigation, le navire franchit le ‎canal de Suez et débouche sur la Mer Rouge. C’est là que se termine le voyage et bientôt le ‎roman, le temps de savoir, en deux pages, qu’un pèlerin vient un matin remettre à oncle ‎Mohamed une lettre de Brahim par laquelle ce dernier l’informe qu’il est désormais installé ‎à Médine vendant pour vivre du café aux clients d’un hammam tenu par un maghrébin avec ‎Hadi qu’il a adopté. ‎

Ainsi prend fin un roman peut-être délibérément non achevé. A l’époque, Bennabi n’avait ‎pas encore accompli le pèlerinage ; il le fera en 1955, en 1961 et en 1972. Ce qu’il en sait, ‎c’est ce que lui en ont appris ses études à la medersa et sa culture sociale. Mais les ‎émotions attachées au pèlerinage, c’est de sa mère qu’il les tient, elle qui, en 1933, avait ‎accompli le devoir sacré. ‎

Dans ses Mémoires inédits Bennabi a consacré de nombreux passages à la narration qu’elle ‎lui en faisait : « Ses récits m’enchantaient ou m’émouvaient et m’instruisaient par surcroît. ‎Je faisais avec elle, en pensée, le pèlerinage. Je subissais une indescriptible émotion quand ‎elle me décrivait l’ambiance où des milliers d’âmes s’élancent éperdument pour se livrer à ‎Dieu dans le cri rituel, ce « Lebbeik ! Mon Dieu ! » qui est pour le musulman qui est ‎musulman le don total de soi. Les récits de ma mère étaient si vrais dans leur simplicité ‎qu’ils me bouleversaient parfois… Je me retirais alors brusquement dans ma chambre pour ‎cacher mes larmes ». ‎

Comme il aurait été heureux dans le saint compagnonnage du Prophète, aux côtés de Bilal, ‎de Ammar Ibn Yasser, d’Abou Dherr al-Ghifari et des autres ! Comme il aurait voulu vivre ‎aux Temps médinois ! Ce sont ces émotions arrachées par tout ce qui a trait au sacré que ‎Bennabi a voulu restituer dans ce roman écrit quatorze ans après le décès de sa mère. Est-‎ce pour elle qu’il l’a composé ? On ne le sait pas. Quant au décor dans lequel commence ‎l’histoire, la maison de Brahim, elle ressemble étrangement à la description donnée dans ‎‎« Mémoires d’un témoin du siècle » de la maison de sa grand-mère paternelle, Khalti Bibya ‎‎(5).‎

Celle-ci habitait avec un de ses frères, Allaoua, qu’il décrit dans ses Mémoires comme un ‎vieux garçon doux comme un agneau et qui était établi dans une rue toute proche comme ‎charbonnier. Ce sont peut-être sa condition et son caractère désintéressé que Bennabi a ‎transposés dans la composition du personnage de Brahim. En tout cas, on a la nette ‎impression que c’est dans son milieu, ses souvenirs et ses émotions personnelles que ‎Bennabi a puisé pour construire ses personnages.‎

Dans la fiction, Brahim est un ivrogne alors que dans la réalité Allaoua ne buvait pas. On ne ‎boit pas dans la famille de Bennabi, car dans leur morale familiale boire ne signifiait pas ‎seulement enfreindre un interdit religieux, mais surtout trahir l’esprit de sa nation et de sa ‎culture. Cet ivrogne, c’est peut-être Mokhtar, ce joueur de « ray-ray » que nous avons croisé ‎précédemment et qui était allé un jour remettre une grosse somme d’argent au comité ‎chargé de la construction d’une mosquée à Tébessa avant de devenir un fervent « islahiste ». ‎

Quant au personnage de Hadi, il rappelle beaucoup le « yaouled » que Bennabi a rencontré ‎lors de sa première tentative d’émigration en France en 1925 et qui avait spontanément mis ‎sa maigre fortune à leur disposition, Gaouaou et lui. En tout cas, il lui ressemble et a le ‎même comportement fait d’innocence et de ruse, d’audace et de générosité. Rappelons-‎nous aussi qu’il avait « grillé » le bateau selon l’aveu qu’il avait fait à Bennabi.‎

Cette histoire simple, rudimentaire, avec peu de personnages, un scénario assez plat où il n’ ‎y a ni énigme, ni action, se décline comme un roman spirituel frôlant le roman à l’eau de ‎rose. A qui s’adresse-t-il ? On sait qu’il est dédicacé « A ma chère épouse en témoignage de ‎sa maternelle tendresse pour les humbles de mon pays ; à ma sœur Hadja Latifa ; à M. ‎Billard, l’hommage de mon admiration respectueuse ». On ne sait pas qui est M.Billard. ‎

Mais il doit s’adresser de façon plus subliminale à ceux qui, au moment où le roman est ‎écrit, parlent du peuple sans connaître son âme et ses misères, à ceux qui méprisent l’islam ‎et doutent de ses capacités rédemptrices. De toutes façons, tous les écrits de Bennabi sont ‎destinés au peuple à l’exclusion, précise-t-il, des intellectomanes, comme il tient à le ‎souliger dans ses Mémoires inédits : « Ces Mémoires sont destinés au peuple quand il saura ‎lire son histoire authentique, quand les fausses historiettes qu’on monte en films pour le ‎duper seront jetées sur le tas des choses périmées de l’ère coloniale ». ‎

Par ce roman, l’auteur voulait peut-être aussi dépeindre cette frange de plus en plus large ‎de la population algérienne précipitée dans la misère et le vice par la colonisation. C’est un ‎regard islahiste qui est jeté sur cette lie dont devraient s’occuper justement les Oulamas et ‎les « bouliticiens » pour qui elle n’est souvent qu’un auditoire ou un thème de discours. ‎

On peut penser qu’il y a de la naïveté dans l’histoire, voire du simplisme, mais c’est ‎justement cela l’état d’âme général de Bennabi fait d’angélisme, de pudeur et de ‎compassion. Il faut se remettre à l’esprit les impressions avec lesquelles il est revenu de son ‎séjour à Aflou et les jugements favorables que lui avaient inspiré les âmes simples et frustes ‎qu’il y avait connues, les seules à ses yeux capables de renaissance, de sacrifice, de « sursum ‎corda ». ‎

La foi du savant qui vient de publier le magistral « Phénomène coranique » est la même que ‎la foi du charbonnier décrite dans « Lebbeik ». Il y a de grandes et de petites raisons de ‎croire. ‎

Bennabi a aimé dans son enfance les contes et anecdotes que lui racontait sa grand-mère. Il ‎en a été profondément marqué puisqu’il y fait souvent référence dans son œuvre et qu’il en ‎a même tiré le sujet de plusieurs articles à l’exemple de « Politique et sagesse populaire » ‎où le genre littéraire est mis au service de l’éducation de la société. ‎

La forme adoptée n’est qu’un moyen de faire passer des messages à un peuple qu’il sait ‎sensible à la culture du terroir et à l’une de ses incarnations, Djouha. Voici comment il s’y ‎est pris dans cet article : « Pour parler à la conscience humaine, la religion a utilisé souvent ‎le symbole pour traduire ses notions les plus ardues. D’ailleurs, on peut dire que la ‎mathématique n’utilise que cette méthode traduite en équations. Et les peuples ont éprouvé ‎dans leurs expériences spirituelles ou scientifiques l’efficacité d’un tel langage. Le symbole ‎est un moyen d’expression qui s’impose chaque fois que le langage ordinaire peut trahir la ‎signification ou choquer nos conventions et le bon goût… Ma grand-mère me racontait jadis ‎beaucoup d’histoires de Djouha. Mais il en est une qui me semble très propre à mettre en ‎relief la signification psychologique et méthodologique que je me propose de saisir dans cet ‎article. Djouha donc était, par une journée froide de l’hiver de nos hauts plateaux, avec ses ‎compagnons d’infortune sous le toit d’un gourbi, comme vous en connaissez, autour d’un feu ‎qui répandait sa bonne chaleur. Mais le feu commençait à tomber, faute d’aliment. – Allons ‎chercher un peu de bois dans la forêt à côté ! Chacun prit une direction. Djouha prit aussi la ‎sienne. Mais quand tous ses compagnons furent de retour, chacun avec sa brassée de bois, ‎lui n’était pas encore là. Ils s’inquiétèrent. – Allons voir ce qu’est devenu notre compagnon ! ‎Ils partirent sur ses traces et le trouvèrent en train de passer une immense corde autour ‎d’une multitude d’arbres.- Djouha, que fais-tu là ? Et notre héros de répondre : – « Vous ‎voyez bien que je veux vous apporter toute la forêt pour ne plus revenir faire du bois tous les ‎jours ». Et ses compagnons, au comble de l’admiration devant une aussi gigantesque ‎entreprise et presque confus de n’avoir rapporté que leurs pauvres brassées, le prièrent ‎humblement de laisser son entreprise à un autre jour puisqu’il y avait encore assez de bois, ‎et de s’en retourner avec eux. Et Djouha, gonflé d’orgueil, revint se réchauffer autour du ‎feu, gratuitement… ». ‎

Puis Bennabi change brusquement de ton et de style : fini le badinage ! Du coup on est ‎arraché à l’endormissement pour être placé devant les réalités désagréables qui va révéler ‎la moralité de l’histoire : « L’attitude de Djouha montre comment on peut vivre du travail ‎des autres, sans rien faire soi-même. C’est l’astucieux qui exploite la naïveté en prenant des ‎airs de héros. Et la palme de héros lui est décernée par ses propres dupes qui travaillent ‎pour lui…» (6).‎

Dans un autre article, « Simple anecdote », (7) il rapporte les sensations avec lesquelles il ‎est rentré en 1968 d’un séjour en Angleterre. Descendu à Leeds chez un petit-fils de l’Emir ‎Abdelkader, celui-ci lui raconte une étrange histoire qui lui était arrivée lorsqu’il avait ‎accompli son pèlerinage en 1935 : il y avait fait la connaissance d’un Sud-Africain qui avait ‎couvert à pied avec femme et enfants le trajet jusqu’à Port Soudan en quatre ans pour ‎effectuer son hadj. Ce jour-là, un Malek Bennabi âgé de 63 ans en eut les larmes aux yeux. ‎

Il ne faut pas croire que dans la vie et la philosophie de Bennabi les vertus morales ne sont ‎destinées qu’à produire des effets larmoyants sur les âmes tendres. Il n’aimait ni le ‎moralisme ni le misérabilisme. Dans sa pensée, les valeurs morales ont une fonction ‎essentielle dans la vie, elles sont l’énergie motrice de l’Histoire. Ce sont elles qui donnent sa ‎force ascensionnelle à une idée et créent la tension nécessaire dans la psychologie humaine ‎pour la hisser au niveau des grands défis. ‎

Bennabi croit à l’influence de la littérature sur l’esprit d’un peuple, d’une époque ou même ‎d’une civilisation, et à sa fonction de véhicule des idées courantes en leur sein. Les romans ‎de Daniel Defoe, « Robinson Crusoé », et de Ibn Tofaïl, « Hay Ibn Yakdhan », sont évoqués ‎dans son œuvre comme des archétypes culturels, comme des expressions représentatives de ‎l’idiosyncrasie de deux civilisations symétriques, celle de l’Occident, centrée sur l’efficacité, ‎et celle de l’islam, centrée sur la morale. ‎

Comme les philosophes de l’Antiquité, comme les Prophètes, il croyait au pouvoir des vertus, ‎de la foi, des idées… Il a commencé par le commencement en produisant dans l’ordre « Le ‎phénomène coranique » et « Lebbeik », ces livres d’ « intérieur » qui représentent en fait sa ‎propre « phase de l’âme ». (A ‎SUIVRE) ‎
NOTES :‎

‎1 Cité in Amar Ouerdane : « La question berbère dans le mouvement national algérien, 1926-1980 », Ed. Dar El-‎Ijtihad, Alger ‎

‎2 Cf. QSI n° 06, février 1972.‎

‎3 Cf. A.Mahsas, op.cité. ‎

‎4 « Lebbeik » a été réédité en 2005 pour la première fois depuis 1948 par les Editions Dar al-Gharb (Algérie) ‎avec une préface de Abdelkader Djeghloul. ‎
‎ 5 Cette maison n’existe plus, ayant été rasée en 1986 lors d’une opération de réhabilitation du quartier.‎

‎6 « Révolution africaine » du 18 septembre 1965.‎

‎7 Révolution africaine » du 22 février 1968. ‎

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