Home ARTICLESLa problématique algérienne2017-2019 RÉPONSE DE M. BOUKROUH AU GÉNÉRAL-MAJOR ALI GHEDIRI

RÉPONSE DE M. BOUKROUH AU GÉNÉRAL-MAJOR ALI GHEDIRI

by admin

J’ai lu avec un plaisir quelque peu gâté par une pointe de regret votre réponse à mon ‎interpellation des responsables actuels et passés de l’ANP après les évènements choquants ‎qui nous ont été donnés à vivre le mois dernier. Je n’aurais rien ajouté à ce que vous avez ‎écrit s’il n’y avait ces compléments à vous proposer pour la justesse de votre idée sur ma ‎démarche.

Cette pointe de regret est apparue en moi dès les premières lignes en découvrant qu’il y ‎avait erreur sur la personne. Vous avez en effet construit votre texte sur un malentendu. En ‎affirmant « De ceux-là, les « ex-ceci et cela », je fais partie et je vous réponds en tant que ‎tel », vous vous êtes placé parmi la poignée d’ex-hauts responsables alors que vous n’en ‎faisiez notoirement pas partie. Rassurez-vous, vous êtes innocent. Estimez-vous heureux, ‎votre honneur est sauf et personne ne vous demandera de comptes.‎

Je n’ai pas visé les « retraités de l’ANP », quel que fut leur grade, mais les anciens hauts ‎responsables de l’ANP qui ont ramené l’actuel Président qui ne veut plus partir quoiqu’il ‎arrive au pays. Vous avez écrit : « J’ai estimé qu’il fallait répondre sur certains points qui me ‎concernent es-qualité », sans nous révéler cette qualité ni répondre en fait à ces points. ‎Quelques lignes plus loin, pourtant, vous vous ravisez en notant : « Quant à l’ANP, j’aurais ‎aimé ne pas en parler. Elle a ses tuteurs… », reconnaissant que vous n’avez pas été un de ces ‎‎« tuteurs ».

Mais là où vous glissez sans vous en rendre compte dans… comment dirais-je… une forme ‎de… disons « déformation des faits », c’est lorsque vous enchaînez insidieusement : « Elle a ‎ses tuteurs que vous semblez avoir pris grand soin (à) ménager, préférant vous attaquer aux ‎‎« ex »… Il vous suffisait de simplement lire le texte pour constater que c’est le contraire que ‎j’ai fait. ‎

J’ai nominativement cité le Vice-ministre de la Défense nationale, chef d’état-major de ‎l’ANP, pour lui reprocher le manque de pertinence qui a caractérisé ses dernières ‎déclarations. Y a-t-il plus élevé que lui dans l’Armée, général ? Le Président de la République ‎‎? Il en a pris pour plus que son grade dans cet écrit et d’autres.‎

Voici les passages en question qui vous ont, je ne sais comment, échappé :‎
‎(Début de citation) : « Il importe en effet de préciser que lorsqu’on évoque cette ‎institution, c’est son haut-commandement qu’on vise et non l’ensemble des forces ‎terrestres, aériennes et maritimes avec leurs effectifs, leur encadrement, leurs ‎équipements et les services de sécurité qui en dépendent…

On ne peut pas dire qu’elle soit muette car elle s’exprime régulièrement surtout quand ‎il s’agit de rappeler, comme vient de le faire le général Gaïd Salah à Constantine, qu’elle ‎est une « armée républicaine ». Faut-il encore que nous nous entendions sur le sens de ‎cette expression, général, car « hnayekhtalfou-l-oulama »…‎

Dans la réalité, l’Armée algérienne est devenue sous la chefferie du général Gaïd Salah ‎l’Armée du Président, lequel président et ministre de la Défense nationale a changé la ‎Constitution plusieurs fois durant ses quatre mandats pour en faire un habit sur-‎mesure, un justaucorps qui lui colle à la peau comme l’habit porté par certains artistes ‎ou sportifs. Quel sens peuvent revêtir des déclarations d’allégeance à la République ‎quand cette allégeance ne va pas au « peuple souverain » mais à un homme invisible, ‎inaudible et notoirement dépourvu de ses moyens physiques et intellectuels ? Quand le ‎haut-commandement de l’Armée, à la suite d’un enchaînement de décisions et de ‎restructurations, est devenu le bras armé et ponctuellement menaçant d’un régime ‎moribond, d’un pays sans gouvernance et d’un État qui n’est plus Gérant ou Garant, ‎mais tout simplement Errant ?‎

Le chef d’état-major de l’ANP affirmait récemment avec une autosatisfaction qui m’a ‎rappelé Saddam Hussein que notre Armée comptait parmi les plus puissantes au monde. ‎Là ausssi « yekhtalfou-l-oulama », général !‎

Car le savoir universel enseigne et l’expérience des dernières guerres montre qu’une ‎armée qui n’est pas adossée à une économie et des technologies indépendantes et ‎performantes, qui ne produit pas les matériels requis par la guerre moderne mais les ‎achète, qui ne possède pas une industrie capable de produire de l’armement ‎conventionnel et stratégique, est une armée juste bonne à réprimer le petit peuple ‎pour qu’il plie devant le despotisme d’un tyranneau de douar ou d’une smala… » (Fin de ‎citation).

Il apparaît donc clairement que c’est à tort que vous avez écrit à mon sujet : « Il est plus aisé ‎de tirer à boulets rouges sur des « ex » que sur les maîtres du moment. Où est l’honneur et ‎où est le courage dont vous avez pourtant dénoncé l’absence chez les « ex » ? »‎

Il vous a inexplicablement échappé, une fois encore, que dans le même article j’ai évoqué le ‎procès que m’a intenté le ministère de la Défense nationale en 1991. Ne s’agissait-il pas des ‎‎« maîtres du moment » ? Vous en connaissez beaucoup qui ont « osé » à ce point par écrit, ‎pas de bouche à oreille ? Montrez-les.

Vous-même, vous vous y êtes essayé ?‎

Vous voulez d’autres preuves, liées à un autre contexte ? Elles sont, notamment, dans cet ‎article que j’ai publié dans « Le Soir d’Algérie » du 10 juin 2015 sous le titre de, ô ‎coïncidence ! « Ne serions-nous plus que des lâches ? »:‎

‎(Début de citation) : « Si Gaïd Salah n’avait été qu’un maréchal-ferrant veillant au bon ‎état des sabots des mulets de son douar, personne ne se serait intéressé au message ‎d’allégeance qu’il vient d’envoyer à Amar Sâadani qui est le dernier « bounadem » en ‎Algérie à mériter d’être placé à la tête d’un FLN même avili et traîné dans la boue par ‎des décennies de servilité, car ce sigle reste quand même celui sous lequel sont tombés ‎un million et demi de chouhada.‎

Mais il se trouve que Gaïd Salah est général de corps d’armée, chef d’état-major de ‎l’ANP et vice-ministre de la Défense nationale, et qu’à ce triple titre il n’avait pas le ‎droit d’adresser ce message au chef imposé du FLN ou de tout autre parti. Le droit ‎n’étant pas de son côté, il ne reste que le mépris du droit pour expliquer cet acte sans ‎pareil depuis 1989, année où l’armée s’est retirée officiellement de la vie partisane.‎

Auprès de qui peut-on se plaindre de cet attentat contre la morale publique, le droit, la ‎démocratie et l’intérêt du pays ? Auprès de Dieu ? Il faudra attendre la fin du monde ‎pour connaître sa décision. Auprès de l’Armée ? C’est lui l’Armée et elle est très ‎disciplinée, assure-t-il. Auprès du « premier magistrat du pays » ? Il est depuis le viol de ‎la constitution en 2008 le maître d’œuvre de tous les complots contre la morale ‎publique, le droit, la démocratie et l’intérêt du pays, sans dire que le général en ‎question est son adjoint préposé à la répression.‎

S’il n’y a rien à attendre de Dieu dans l’immédiat, si l’Armée reste muette devant les ‎atteintes à la morale publique, au droit, à la démocratie et à l’intérêt du pays, si le « ‎premier magistrat » n’est pas un recours mais la source de tous les problèmes, il reste ‎l’ultime solution qui est nous-mêmes, le peuple qui, selon les termes mêmes de la ‎constitution en vigueur, est le détenteur de la souveraineté nationale et du droit ‎constituant… » (fin de citation).‎

Cela vous suffit-il comme preuves de courage, mon général ? Car je peux remonter à ‎l’affaire Betchine en 1998 qui m’a valu d’être embarqué par la police et interrogé pendant ‎deux jours au commissariat central.

Vous étiez alors bien placé pour savoir qu’il était au faîte de sa puissance et l’histoire m’a ‎consacré, à mon corps défendant d’ailleurs, comme son « tombeur »…‎

Je peux remonter aussi aux années 1980 où j’écrivais déjà dans « Le socialisme de la ‎mamelle » paru dans « Algérie-Actualité » du 10 octobre 1985 :‎

‎« Jusqu’à une date récente, pourquoi le cacher, on ne parlait pas à l’étranger de l’ « ‎Algérie du FLN » mais de l’ « Algérie des colonels ». C’était surement une manière de ‎piquer les Algériens, de les assimiler à ces nombreux pays africains prisonniers de la ‎fatalité du coup d’Etat. Mais c’était aussi parce que le Parti du FLN n’apparaissait ‎concrètement que comme un cadre théorique, une ombre fantomatique, une sorte de « ‎ministère de la parole » aux missions irréelles qu’on sollicitait pour orchestrer une ‎campagne de reboisement ou expédier une élection communale »
.‎
Vous avez également écrit dans votre volonté de me réduire à un couard ou à un ‎opportuniste : « Nous sommes tous responsables devant l’histoire d’avoir accepté, car qui ne ‎dit (rien) consent… ».‎

Non mon général, moi je n’ai pas accepté et j’ai dit, ou plutôt écrit, NON ! Depuis 1971, et ‎mes écrits des années 70, 80 et 90 sont pour la plupart sur ma page Facebook. Ils vous ‎étonneront !

Voici quelques autres « preuves » qui, je l’espère, vous édifieront mieux sur mon compte que ‎la rumeur et les approximations :‎

a) Dans « El-Moudjahid » du 15 avril 1981, j’ai publié « L’Algérien et le sens du monde » où ‎je dénonçais le despotisme en ces termes : « L’euphorie des premières années de ‎l’indépendance passée, et en butte à une réalité d’année en année plus difficile, les ‎peuples de l’hémisphère Sud supportent de moins en moins le « droit divin de mal ‎gouverner » de leurs dirigeants, ayant fini par comprendre la vanité des personnes, et ‎par contre coup la nécessité d’institutions « capables de survivre aux évènements et aux ‎hommes ». Échaudés par l’expérience du culte de la personnalité, de l’homme ‎providentiel ou de la présidence à vie, ayant appris à leur détriment qu’un chef d’Etat ‎pouvait ne se trouver être qu’un dément ou un sinistre bandit, persuadés enfin que « là ‎où un homme est beaucoup, le peuple est peu de chose », ils abattent qui son Shah, qui ‎son Somoza, qui son Bokassa ».‎

Ça ne vous rappelle pas quelque chose dans le présent, général ? Ça remonte pourtant à 36 ‎ans !‎

b) Dans « Algérie-Actualité » du 4 octobre 1984, j’ai publié « Notre triangle des Bermudes » ‎où j’écrivais : « Il faut craindre le jour où il n’y aura plus rien à dire, où aucune épithète ‎ne conviendra pour traduire les formes de scepticisme ou de désespoir ressenti, où ‎personne ne pourra plus rien reprocher à personne, où la force de l’inertie aura eu ‎raison de la dernière énergie…‎
Notre pays est passé par une période de « delirium tremens » dont nos représentations ‎mentales sont sorties profondément affectées. Nous en gardons encore des séquelles. ‎Durant cette période, nous nous sommes imaginés devenus la Prusse de la ‎Méditerranée. Nous avons pensé que la prospérité définitive n’était qu’à quelques barils ‎de pétrole, juste à la sortie du deuxième plan quinquennal.‎

Nous avons compris la notion d’indépendance nationale comme autant ‎d’indépendances qu’il y avait d’individus. On s’est gonflé la gandoura, on s’est monté le ‎bourrichon, à tel point que nous avons basculé dans la mégalomanie. C’est ainsi que ‎nous nous sommes inconsciemment (?) corrompus.

Entre l’épicurisme de quelques hauts responsables et le freudisme de beaucoup de ‎dirigés, un modus vivendi s’est de lui-même établi, selon lequel la richesse nationale ‎était à partager en fonction de modes d’appropriation particuliers à chaque catégorie. ‎C’était presque de la rapine concertée.‎

Le choix du coupable n’est pas à faire entre le « système » et les hommes, si tant est que ‎l’on puisse séparer le premier des derniers et l’habit du moine…‎

L’influence des hommes a pesé d’un poids trop lourd sur les affaires de la nation à ‎toutes les échelles. La plus grande faute que l’on ait commise dans ce pays a été de ‎méconnaître dans la pratique un postulat fondamental dans la vie des nations : les ‎principes sont plus sacrés que la vie d’un homme ou d’un groupe d’hommes.‎

Si la prééminence qui doit en toutes circonstances revenir aux principes, aux valeurs, ‎aux idées, aux lois, est dévolue à la seule personne des hommes, rien ne pourra ‎empêcher que tout le « système » soit grevé de leur marque propre et, partant, de leurs ‎erreurs… Ce sont les édifices bâtis sur de telles confusions qui sont les plus prompts à ‎s’écrouler. Ce sont les nations qui confient leurs destinées aux principes et aux lois qui ‎perdurent… »‎

c) Le 1er novembre 1984, l’Algérie célébrait dans un faste dont vous vous souvenez peut-‎être, mon général, le trentième anniversaire du déclenchement de la révolution de ‎novembre. Ce jour-là paraissait aussi un article de moi intitulé « Peuple et Histoire » dans « ‎Algérie-Actualité » où, tempérant quelque peu l’enthousiasme qui s’était emparé de nous, je ‎vous donnais rendez-vous, à vous et aux Algériens en … 2014 ! J’écrivais en effet :‎

‎« Que sera l’Algérie dans trente ans, en l’an 2014 du troisième millénaire ? Nul ne saurait ‎répondre à pareille question, certes, mais quand on connaît les règles d’airain et les ‎théorèmes de la vie active dans l’Histoire, on peut se hasarder quelque peu et ‎prononcer au moins sur l’essentiel… Puissions-nous mériter du noble sacrifice de nos ‎chouhada et de nos moudjahidine, et figurer en ces temps-là parmi ceux qui ne seront ‎pas les damnés de la terre ou les déshérités de l’espace intergalactique ».‎

La divine surprise est sous vos yeux, général, le 4e mandat et ses conséquences…‎
d) Dans « L’obligation des vivants », un article du 6 décembre 1984 dans « Algérie-Actualité ‎‎», je revenais sur le sujet du despotisme : « Que de millions de vies humaines ont été ‎sacrifiées sur l’autel de l’erreur par des dirigeants qui, se trompant sur l’art de ‎gouverner ou de conduire les révolutions sociales, ont «polpotisé » leurs peuples à ‎coups de sabre.‎

L’ère des « Zaïms », des « Guides » et des « Petit père de la nation », n’est ‎malheureusement pas close sur cette terre où l’on voit encore se lever des hommes ‎leurrés se préparant à fourvoyer leur peuple dans des aventures comme celles qu’ont ‎connues les peuples d’Égypte, de Guinée, ou du Chili ».‎

GENERAL, VOUS VOUS ETES TROMPE SUR MOI ET J’ESPERE QUE VOUS ALLEZ VOUS ‎CORRIGER.

Non pas pour moi, je suis habitué, mais pour mieux documenter les réponses que vous ‎pourriez encore vouloir m’adresser à l’avenir. J’ai donné l’exemple comme le recommandait ‎Camus, sauf qu’il n’y avait personne pour me comprendre dans mon pays et encore moins ‎pour prendre exemple sur moi. Même aujourd’hui…‎

Je n’ai pas été au bout du passage que vous avez commencé par « Nous sommes tous ‎responsables devant l’histoire… » car j’avais hâte de vous démontrer que là aussi vous ‎commettiez une erreur sur la personne, mais cette fois sur moi.

Vous reconnaissez avoir « accepté » et ça vous honore, mais NE M’INCLUEZ PAS DANS ‎VOTRE « TOUS », S’IL VOUS PLAIT, JE N’Y AI PAS MA PLACE.‎

Vous avez un sérieux problème de géolocalisation, général : vous ne vous placez là où ‎personne ne vous met, et placez les autres là où ils ne sont pas…‎

Je continue maintenant la citation : « …responsables devant l’histoire d’avoir accepté ‎l’accaparement de notre identité nationale par une minorité, de notre religion par une ‎bande d’illuminés enragés, de notre histoire par une génération… ».‎

Voulez-vous que je vous montre les centaines de fois où j’ai écrit et parlé de ce que j’ai ‎appelé les « açabiyates » que j’ai définies justement comme étant l’accaparement, etc ? Et ‎cela dès 1989…

Si quelqu’un d’autre prétend l’avoir fait exactement en ces termes, à commencer par vous, ‎qu’il se fasse connaître. JE DIS BIEN 1989.‎

Je n’ai pas abordé un volet que vous avez ouvert, ma participation au gouvernement – qui est ‎distinct du « pouvoir » – et j’espère que vous ne l’ignorez pas. C’est parce qu’il me faudrait ‎plusieurs pages de ce journal.‎

J’en ai parlé par bribes dans mes écrits depuis 2011 ainsi qu’en réponse aux questions des ‎amis de ma page Facebook à qui j’ai promis de le faire. Je crois que le moment approche…‎

Dans mon dernier article, J’AI INTERPELLE LES MILITAIRES-DECIDEURS POLITIQUES, PAS ‎TOUS LES GENERAUX.‎

Comme vous devez le savoir, on les comptait sur les doigts d’une main. Moi j’en ai connu un ‎seul, le plus important, je l’ai nommé dans cet article, il a lu ce que vous avez lu, et sachez ‎encore que je lui ai dit de vive voix plus que ce que vous avez lu.‎

Alors, qu’est-ce qu’on fait maintenant ?‎
‎ ‎
‎« EL WATAN » du 06/09/2017‎

You may also like

Leave a Comment