En 1853, le tzar Nicolas 1er a inventé l’expression « l’homme malade de l’Europe» pour désigner l’Empire ottoman entré en déclin sur les plans économique, militaire et diplomatique depuis près d’un siècle.
Le sultan-calife qui était alors à sa tête, Abdelmadjid 1er, était en excellente santé et s’efforçait, à travers le programme de réformes surnommé « Tanzimat », de redonner quelque lustre à son Empire. Si ce n’est lui qui était malade, c’était donc sa nation.
La formule sera appliquée un siècle plus tard à la Grande Bretagne affaiblie au lendemain de la seconde guerre mondiale par la perte de son empire colonial et la récession de son économie jusqu’à l’arrivée de Margaret Thatcher. Elle remportera la guerre des Malouines, redressera l’économie et rétablira la puissance de son pays.
Elle sera aussi appliquée à la Russie d’Eltsine avant qu’il n’accepte de se retirer au profit d’un inconnu, Vladimir Poutine, qui s’imposera vite comme l’ « homme fort » du Kremlin…
L’expression « homme malade » a donc été utilisée pour des empires en difficulté comme la Grande Bretagne et la Russie, ou en voie de disparition comme l’Empire ottoman. Celui-ci a été détruit par le conservatisme entêté des « ulémas » impliqués dans la vie des institutions, comme en Arabie saoudite depuis l’instauration de la monarchie, et qui s’opposaient de toutes leurs forces à la modernisation des lois et de l’administration, à l’adoption d’idées et de techniques nouvelles et au changement du mode de gouvernance.
Le même conservatisme avait stoppé l’extraordinaire impulsion donnée dans tous les domaines à l’Egypte par Mohammed Ali au début du XIXe siècle.
Que dire de nous qui ne sommes pas un empire, qui ne possédons pas de colonies mais en avons été une, qui occupons les derniers rangs mondiaux dans tous les domaines, qui n’avons connu que le déclin tout au long de notre histoire, et qui sommes dirigés par un vieillard très malade ?
En vérité, la locution de Nicolas 1er n’est pas applicable à nous mais aux nations qui ont été grandes, fortes, qui ont atteint à la splendeur puis sont tombées de leur faste comme l’homme qui se vide de ses forces à la suite d’une altération de sa santé.
Que peuvent penser de nous et de Bouteflika, qui prête serment aujourd’hui, d’éminents personnages comme les présidents russe et turc et la souveraine du Royaume britannique ?
QU’UN « CHAAB ADHIM » (GRAND PEUPLE) A MIS A SA TETE UN HOMME « MARID » (MALADE), OU QU’UN HOMME « ADHIM » » A MIS A SES PIEDS UN PEUPLE « MARID » ?
Je n’ai pas de réponse à cette question que j’abandonne à la perspicacité des lecteurs, ayant assez à faire avec une autre : « Où allons-nous comme ça ? »
Boudiaf, que Dieu ait son âme, est mort doublement étonné. Il a été étonné à quelques secondes de sa mort par le bruit de la grenade dégoupillée par le garde du corps, né après l’Indépendance, qui allait le fusiller dans le dos, lui l’initiateur de la guerre d’indépendance.
Il a été étonné en 1964 par le cours pris par la Révolution du 1er novembre et mettra cet étonnement dans le titre de son livre « Où va l’Algérie ? »
Lors de l’audience qu’il a accordée en février 1992 aux figures de l’opposition, dont plusieurs ont quitté ce monde sans en savoir plus que lui sur le destin de l’Algérie (Ben Bella, Mehri, Kasdi, Amirat et Nahnah), j’ai essayé de lui proposer une réponse qui valait surtout pour l’avenir auquel il était venu présider.
Je lui avais dit : « Monsieur le Président, vous n’avez pas affaire au peuple de Novembre 1954 mais à celui d’Octobre 1988. Vous n’êtes pour rien dans la crise algérienne, restez au-dessus de ceux qui, de part et d’autre, l’ont déclenchée… » Il en a été courroucé.
Quand on pose une telle question, il ne faut pas s’attendre à une réponse car un pays n’est pas comme un homme ou une femme qui peut répondre à une interpellation sur ses allées et venues ou ses intentions vis-à-vis de l’Histoire. Un pays est constitué de dizaines de millions d’hommes et de femmes qui peuvent aller dans une ou plusieurs directions, alléchés par des mirages, portés par une funeste résignation ou poussés dans le dos.
Quand Boudiaf pose la question « Où va l’Algérie » et moi « Où allons-nous ? », ce n’est pas tant le problème de la direction qui est soulevé mais un autre, subtilement caché et dont on n’a peut-être pas conscience : celui de notre identité commune, de notre volonté collective, du contenu idéologique et politique de ce « Nous ».
Car un pays ne se meut pas par lui-même comme un engin bourré d’automatismes, ce sont ses habitants qui décident de sa destination et, par procuration, ses élites civiles et militaires à l’endroit et dans les institutions où elles se trouvent.
CE DONT IL EST QUESTION ICI, C’EST LA DIRECTION QUE NOUS VOULONS PRENDRE EN MATIERE CIVILISATIONNELLE. VOULONS-NOUS UNE SOCIETE MODERNE OU TRADITIONNELLE, UNE SOCIETE DE CITOYENS OU UNE COMMUNAUTE DE CROYANTS, UN PAYS DEMOCRATIQUE OU UN TROUPEAU GUIDE PAR DES HOMMES PROVIDENTIELS FUSSENT-ILS A L’AGONIE ?
Notre histoire depuis l’Indépendance n’a pas suivi une ligne continue, un mouvement constant et régulier vers l’avant ou dans la même direction. Elle a pris entre 1962 et 1979 le chemin du socialisme qui s’avéra être une impasse. Elle a tourné en rond entre 1979 et 1988, jusqu’à ce qu’elle trébuche en octobre de la même année dans une mare de sang. Elle a voulu faire un bond en arrière (vers les temps médinois exactement) entre 1989 et 1992. Elle a erré comme une âme en peine entre les maquis terroristes et le risque de mise sous tutelle de l’ONU de notre pays après les grands massacres qui ont effaré le monde. Elle a trouvé un équilibre précaire grâce aux revenus des hydrocarbures entre 2000 et 2014…
ET VOILA QU’AVEC LE 4E MANDAT ELLE VEUT REVENIR A LA VIE BASIQUE DU DOUAR. VISANT LES POLITIQUES ECONOMIQUES SUIVIES, J’AI QUALIFIE DANS DES ECRITS ANTERIEURS CES PERIODES D’ « ETAT GERANT » (1962-1989), D’« ETAT GARANT » (1990-1999), D’« ETAT ERRANT » (1999-2014), ET SUIS PERSUADE QUE CELLE QUI S’OUVRE SERA CELLE DE L’ « ETAT IMPOTENT ».
A l’Indépendance, la vision des autorités se voulait claire sur où nous voulions aller : construction d’un État moderne, mise sur pied d’une économie de développement, instruction publique généralisée, arabisation progressive, égalité entre l’homme et la femme… Dans la pratique, on prenait les mesures allant dans ce sens mais on en prenait d’autres aussi, allant en sens contraire, qui allaient dévier les premières de leurs objectifs.
L’État moderne allait être perverti en « système » qui perdure à ce jour ;l’économie dirigée se traduire par la destruction de la valeur-travail, de l’agriculture et de l’artisanat, une dépendance de plus en plus accrue des hydrocarbures et des importations et une source de corruption ; l’instruction publique ressembler à des garderies d’enfants et d’adolescents, et l’arabisation se muer en haine de la langue française et de ceux qui la pratiquent. Quant à l’égalité entre l’homme et la femme, elle fut subordonnée au Code de la famille.
Ces choix ambigus allaient cliver la société en francophones et arabophones diffusant autour d’eux leur mode de pensée. Le peuple francophone est en voie de disparition et le peuple arabophone en voie de prolifération, mais le genre qui prédomine est un hybride des deux caractérisé par une effroyable chute de niveau aussi bien en français qu’en arabe. La façon dont les nouvelles générations parlent l’arabe est singulière, ne se rapprochant d’aucun accent arabe. Même la manière d’articuler les mots est étrange, évoquant des sons gutturaux.
A la désorientation favorisée par l’incapacité des autorités à faire des choix cohérents et à appliquer des réformes difficiles mais indispensables, s’est superposée une désorientation idéologique amenée par l’ouverture politique de 1989 où en un court laps de temps le pays s’est « Kaboulisé ».
POLITIQUEMENT L’ISLAMISME N’EST PEUT-ETRE PLUS UNE ALTERNATIVE, MAIS CULTURELLEMENT IL GAGNE DE PLUS EN PLUS DE COUCHES SOCIALES. L’ESPRIT DU DOUAR N’EST PAS UN OBSTACLE POUR LUI, IL EST AU CONTRAIRE SON TERRAIN DE PREDILECTION. LE SALAFISME FAIT DES RAVAGES, RESSUSCITANT L’ANCIEN MARABOUTISME, LE FATALISME ET LE CHARLATANISME, ET SE POSE COMME UN BARRAGE SUR LA VOIE DE LA MODERNISATION DES MENTALITES. ON N’A PLUS BESOIN D’ALLER EN AFGHANISTAN, AU PAKISTAN OU EN ARABIE POUR VIVRE COMME LEURS HABITANTS, ON A RAMENE LEUR MODE DE VIE, DE PENSEE ET D’HABILLEMENT INTRA MUROS.
Arrêtons-nous aux images-télé que nous montre de temps à autre l’ENTV, qu’il s’agisse de sketchs et pièces de théâtre des années 40 et 50, de films des années 60 à 80, ou de documentaires, reportages et émissions de l’époque. Nous voyons d’autres hommes et femmes, d’autres manières de parler, d’autres façons de s’habiller.
Il y avait dans les grandes villes des activités culturelles nombreuses et variées, des cycles de conférences publiques, des salles de cinéma et des centres culturels étrangers actifs où un grand nombre d’Algériens se rendait pour se distraire, se cultiver, ou débattre des problèmes et des idées qui agitaient le monde.
Tout cela a disparu, et chaque année qui passe nous éloigne un peu plus des normes acquises tout au long du XXe siècle et qui n’ont rien à voir avec le colonialisme lui-même. C’était celles du progrès et nous venaient aussi bien d’Occident que d’Orient.
L’ORDRE, L’ESTHETIQUE, LES ARTS, LES BONNES MANIERES AVAIENT LEUR PLACE DANS NOTRE VIE. NOS RAPPORTS ENTRE NOUS ETAIENT DETENDUS, FRATERNELS, EMPREINTS DE RESPECT, DE SOLIDARITE ET DE TOLERANCE. IL Y AVAIT UNE JOIE DE VIVRE, UNE INSOUCIANCE QUANT A L’AVENIR, UNE CERTITUDE QUE NOUS ETIONS DANS LA BONNE DIRECTION ET QUE NOS DIRIGEANTS SAVAIENT OU ILS NOUS MENAIENT.
AU RETOUR EN ARRIERE SUR LE PLAN SOCIAL ET CULTUREL EST VENU S’AJOUTER LE CHOC MORAL CAUSE PAR LE 4E MANDAT QUI VA NOUS ENFONCER DANS L’ « ENCANAILLEMENT » EN LIVRANT LE POUVOIR AUX FORCES DE LA CORRUPTION MORALE ET FINANCIERE.
BOUTEFLIKA PARTIRA UN JOUR OU L’AUTRE, MAIS APRES AVOIR AVILI LE PAYS ET SES HABITANTS PLUS QU’ILS NE L’ONT ETE SOUS TOUS SES PREDECESSEURS REUNIS ET SES TROIS MANDATS. CE N’EST PAS LUI « L’HOMME MALADE », C’EST LUI +NOUS. LUI DANS LE CORPS, NOUS DANS LA TETE.
Portons notre esprit encore plus loin dans le passé, à la période coloniale, et posons-nous cette autre question : qu’aurait été l’Algérie d’aujourd’hui, pour nous et les Français d’Algérie, si les dirigeants de la IIIe et de la IVe République et les élites politiques « pieds noirs» avaient écouté les élites politiques algériennes, de l’Emir Abdelkader au GPRA en passant par l’Emir Khaled, Ben Badis, Messali Hadj et Ferhat Abbas ? Jusqu’à l’ultime minute le GPRA avait donné des garanties à qui voulait l’entendre que l’Algérie indépendante respecterait les droits des Français qui resteraient. Mais, à de très rares exceptions, ils ont choisi « la valise » sous la pression de l’OAS.
L’intéressant dans la question n’est pas l’aspect politique car on ne refait pas l’histoire, mais les incidences économiques, sociales et culturelles qui auraient résulté pour le pays du maintien d’une minorité d’ « Algériens d’origine française ». Est-on sûr que ça aurait été un mal ?
On a pris des Français d’Algérie et ils ont pris de nous puisque lorsqu’ils ont quitté notre pays pour se replier sur la France ils se distinguaient nettement des Français de la métropole qui les assimilaient presque à des « Arabes » en raison de leur façon de parler, de gesticuler, de manger et de penser car il s’agissait bien d’une tournure d’esprit, d’une manière d’être algéro-européenne née de leur brassage avec les Algériens du cru. Leur recyclage ne les pas changés et ils ne se sont pas dissous dans la masse métropolitaine.
LORSQU’UN PAYS ARABO-MUSULMAN EST EBRANLE PAR UN CHANGEMENT DE REGIME VIOLENT COMME L’ONT ETE L’IRAK IL Y A LONGTEMPS ET LA LIBYE RECEMMENT, ET QUE LE POUVOIR EST MIS PAR TERRE, ON N’ASSISTE PAS A UN BOND EN AVANT MAIS A UN RETOUR EN ARRIERE, AUX CONFLITS ET MASSACRES CONFESSIONNELS, AUX MILICES ARMEES ET AUX CHEFS DE GUERRE, A LA VIE TRIBALE ET AUX VIEILLES HAINES.
Dans le cas de l’Irak et de la Libye, le changement de régime a été possible grâce à l’intervention militaire étrangère, sinon les despotes seraient encore là. Comme en Syrie. Après l’occupation de l’Irak en avril 2003 par les Américains et les Anglais, le penseur palestino-américain Edward Said avait pris position et fait campagne contre cette intervention.
Un intellectuel irakien, Khalid Kishtaini, l’a contré dans un article publié la même année par « Asharq al-Awsat » où on peut lire : « Tous les sondages montrent qu’une majorité d’Irakiens approuvent la guerre, l’occupation et l’administration occidentale, et souhaitent leur maintien dans le pays… La raison est que nous nous sommes libérés de la tutelle occidentale et que nous sommes retournés à nos racines sous-développées… Je suis parvenu à la triste certitude que nous ne pourrons pas seuls reprendre le train de l’évolution là où nous l’avons laissé dans les années quarante, afin de nous hisser au niveau des nations en voie de développement. Nous n’y parviendrons pas sans un élément exogène qui puisse nous emmener, voire nous conduire, sur cette voie. Sans cet élément étranger occidental, les Irakiens n’auraient pu se débarrasser du régime de Saddam Hussein » (cf. « Courrier international » No 670, Paris, septembre 2003).
On n’a pas vu les phénomènes et les malheurs observés en Irak et en Libye se reproduire en Tunisie et en Égypte, deux États enracinés dans la conscience populaire. Les Tunisiens ont trouvé dans leur société civile la force citoyenne nécessaire pour forcer l’islamisme vainqueur aux élections à entrer dans une constitution moderne, alors que les Égyptiens ont dû s’en remettre à l’armée pour les en débarrasser au risque d’une guerre civile qui a déjà commencé parce que leur société ne recelait pas la force citoyenne nécessaire pour contraindre dans le même sens l’islamisme : les forces démocratiques étaient désunies et faibles, comme dans l’Algérie de 1991 et d’aujourd’hui.
Si bien que l’Égypte s’est vue obligée d’opérer une marche-arrière la ramenant à son point de départ : l’année 1952 et les « Officiers libres », avec Sissi à la place de Nasser. Le maréchal a demandé un mandat populaire pour liquider les Frères musulmans et il lui fut accordé séance tenante. Les opérations sont en cours, mais Sissi n’est pas Atatürk ; il n’a pas sa vision et se contentera donc de traiter le problème en surface.
En Tunisie l’esprit tribal, les chefs de guerre et l’intolérance envers les autres confessions sont des paradigmes qui ont été effacés des mentalités il y a très longtemps et ont été remplacés par une société homogène cimentée par des idées progressistes et où les individus ont majoritairement été gagnés à la culture citoyenne.
Dans la tourmente de la révolution, les Tunisiens ont trouvé à quoi s’accrocher : l’héritage de Bourguiba et la constitution qu’il a laissée et qui a joué le rôle de gilet de sauvetage. Les Libyens n’avaient pas cette chance. Kadhafi a détruit la monarchie traditionnelle des Senoussi pour mettre à sa place une monarchie plébéienne, ignare et prédatrice formée de sa famille et de membres de son clan qu’il a appelée « al-jamahiriya al-ôdhma » (c’est le pendant de notre « châaba âdhim »). En voulant remonter à leur passé pour y trouver une inspiration, ils ont vite rencontré l’ancienne organisation tribale et le découpage laissé par Montgomery et entériné par l’ONU en 1949.
Et nous, que risquons-nous de trouver comme repères ou valeurs communes en cherchant autour de nous, dans nos souvenirs et nos référents, s’il devait nous arriver un malheur semblable à celui des Tunisiens, des Égyptiens ou des Libyens ? Un malheur dont en fait nous avons déjà eu un avant-goût qui nous brûle encore la gorge. Eh bien, nous ne trouverions rien !
LA GENERATION DE NOVEMBRE A TROP TERNI PAR SES ABUS, SES MAUVAIS EXEMPLES, SON EGOÏSME ET SON AMOUR IRRAISONNE DE L’AUTORITARISME LES VALEURS ET LES IDEAUX DE LA REVOLUTION. CE NE SONT PLUS QUE DES MOTS VIDES DE SENS. LE POUVOIR N’A PAS LAISSE DE TRADITIONS DE GOUVERNEMENT QUI INCITENT A L’IDEALISME MAIS AU SACCAGE, A L’EMEUTE ET AU NIHILISME DESTRUCTEUR, SURTOUT CES DERNIERES ANNEES OU TOUT LE MONDE CONNAIT LES NOMS DES CORROMPUS ET LES MONSTRUEUX MONTANTS QU’ILS ONT DETOURNES, SANS COMPRENDRE POURQUOI ILS SONT PROMUS ET PROTEGES AU LIEU D’ETRE POURSUIVIS. EN PLUS ILS NARGUENT LA NATION A LA TELEVISION PARCE SURS DE L’IMPUNITE. CELA NE S’EST JAMAIS VU AVANT BOUTEFLIKA.
Par ailleurs, aucune constitution n’a laissé d’échos dans le subconscient algérien, et personne ne croit au « pouvoir constituant » du peuple. Si une Assemblée constituante devait être élue et se réunir pour rédiger une constitution, elle ne lèverait jamais la séance. Comme le Congrès de Tripoli (1962) qui n’a pas, à ce jour, déclaré sa session fermée.
DEUX IDEES ONT CAPTE L’ADHESION DES ALGERIENS DEPUIS L’OUVERTURE « DEMOCRATIQUE » DE 1989 : L’AMAZIGHISME ET L’ISLAMISME QUI DOMINENT TOUJOURS LA CARTE IDEOLOGIQUE ET POLITIQUE DU PAYS. TOUT LE RESTE N’EST QUE SOIT ENCANAILLEMENT POUR LES PARTIS ADMINISTRATIFS, SOIT COMPTINES ET PAS DE DANSE DEVANT LE MIROIR DES MEDIAS POUR LE RESTE.
Or si on saute par-dessus la période d’indépendance et la Révolution, que pourrions-nous trouver ? Un siècle et quart de colonisation française, précédés de trois siècles de Régence turque, avant de tomber sur des royaumes régionaux éphémères et de type théocratique qui ont fleuri quelque temps à Tiaret, Bejaia, Tlemcen ou Alger.
Seuls les Mozabites, n’étaient les inexplicables violences qui ont mis à mal leur cohabitation avec les « Arabes », tireraient leur épingle du jeu car ils possèdent depuis des siècles des institutions consensuelles qui régulent leur vie sociale et économique. Mais pourraient-ils vivre en autarcie ?
Le reste des Algériens n’a rien conservé dans son psychisme ou sa mémoire de relatif à ces royaumes et dynasties. Encore moins de la période numide qu’ils ne connaissent que par les livres d’histoire. Ce dont ils sont pleins en revanche, c’est de souvenirs tout frais, concrets et vivaces qu’ils gardent et chérissent : ceux du bled, du douar, de la déchra, du ârch, de la tribu, du dernier conflit pour une source d’eau, une limite de terre ou une haine recuite pour un bestiau volé par un proche du gaïd avant la Révolution.
Ils y trouveront le charme de la vie écologique mais aussi le virus de la division, des querelles de voisinage, des jalousies ancestrales et des vendettas d’honneur.
Si notre État devait donc s’effondrer, et ça lui est arrivé entre 1992 et 1995 où il n’y avait ni président, ni parlement, ni assemblées communales et wilayales, il y aurait toujours l’armée, mais elle se ressentirait de cet effondrement et ne pourrait pas tenir indéfiniment à bout de bras la nation désarticulée. Que peut-elle faire du reste dans un pays où l’économie est à l’arrêt ou anéantie ? Sans elle, notre pays serait devenu un califat où les chefs de guerre n’auraient pas tardé à proclamer chacun leur territoire d’influence, voire leur émirat.
Mais elle ne possède pas la solution durable, elle ne peut rien contre un problème de nature socioculturelle comme on le constate au Yémen où les mentalités et les traditions sont réfractaires à la notion d’État.
LA SOLUTION IDOINE ET DURABLE EST DANS LA COHESION DE LA SOCIETE, DANS SON UNITE MORALE, DANS SON ACCLIMATATION A L’ESPRIT REPUBLICAIN ET A LA CULTURE DEMOCRATIQUE ET DANS SON DYNAMISME ECONOMIQUE.
« L’homme malade » turc s’est rétabli à partir de 1923 grâce à son armée et à l’esprit décisionnaire de son chef, Mustapha Kamal, qui avait tôt compris qu’il n’était pas possible d’échapper à l’occupation et au dépeçage territorial en traînant à son pied le boulet califal. Aussi s’en est-il débarrassé par la force et instauré une République tournée vers la modernité.
Mais, ô paradoxe ! c’est un gouvernement islamique qui, en une quinzaine d’années, a fait de la Turquie pauvre héritée d’Atatürk et des régimes militaires un pays développé. Il a réussi dans cette tâche parce qu’il a respecté le caractère républicain et laïc de la Turquie ; il n’a pas été tenté d’exhumer le califat et a été encadré dans son évolution par les « critères de convergence » dictés par l’Union européenne contre la promesse d’une intégration qui, aux yeux des Turcs, tarde à être conclue.
Où va l’Algérie ? Ou allons-nous ? A notre destin tout simplement, un destin qu’on peut connaître à l’avance contrairement à ce qu’on pense.
Il sera assurément misérable et tragique si nous nous laissons prendre dans l’étau de l’encanaillement venu d’en haut et du charlatanisme monté d’en bas, comme il pourrait être celui d’un pays normal, doté d’atouts naturels et d’une population entreprenante qui, si elle est bien éduquée et qu’on lui ouvre les portes du travail et de l’initiative économique, pourra transformer les atouts de la nature en dynamique sociale profitable à tous.
UNE SEULE CHOSE A DE TOUT TEMPS MANQUE A CE PAYS : UNE VISION D’ENSEMBLE, UN DISCOURS DE VERITE, UN SENS DE L’EXEMPLE AU NIVEAU DE SES DIRIGEANTS ET UN CAP ALLANT DU PLUS COURT AU PLUS LONG TERME.
(« LE SOIR D’ALGERIE » DU 27 AVRIL 2014)