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REVOLUTIONS ARABES : ENFIN DANS LE VIF DU SUJET !‎

by admin

En un mois l’islamisme dans le monde a vu deux de ses modèles sérieusement remis en ‎cause. Si l’exemple turc a été ébréché mais sans gravité grâce au sens du compromis de ‎l’AKP, l’exemple égyptien, lui, a carrément explosé. Le modèle égyptien, père de l’islamisme ‎mondial, est entré dans une phase (la guerre civile) dont il ne reviendra pas s’il ne fait pas ‎montre de retenue
. ‎
Les événements qui viennent d’éclater en Égypte auront sans aucun doute, à plus ou moins ‎long terme, des répercussions importantes sur le monde arabo-musulman, notre voisinage ‎et peut-être nous-mêmes à travers notre nébuleuse islamiste qui n’opère plus seulement ‎dans la sphère politique, mais a largement débordé sur la sphère sociale et médiatique ‎‎(chaînes tv privées) à la manière des « Frères musulmans » depuis 1928.

Ces événements nous concernent au plus haut point et nécessitent à ce titre d’être bien ‎analysés. Cette évolution prévisible dans les révolutions arabes (en ce qui me concerne du ‎moins, comme on va le voir) nous ramène au vif du sujet ouvert mais pas tranché par ces ‎révolutions.

ELLE ANNONCE LE DEBUT DE LA FIN DE L’ISLAMISME COMME ALTERNATIVE POLITIQUE ‎DANS LES PAYS QUI SE SONT LIBERES DU DESPOTISME. RESTE A SAVOIR A QUEL PRIX ET ‎DANS QUELS DELAIS.‎

J’ai beaucoup écrit en 2011 sur la première phase de ces révolutions que j’avais suivies du ‎plus près, comme j’ai consacré en 2012 dans ces mêmes colonnes une série de contributions ‎proposant une LECTURE CULTURALISTE des résultats des élections qui venaient de porter au ‎pouvoir les partis islamistes en Tunisie et en Égypte, résultats dans lesquels j’avais vu un ‎‎« vote atavique » davantage qu’un « vote politique ».

Au moment où les médias du monde entier disaient leur déception devant la mutation du ‎‎« printemps arabe » en « hiver islamique », j’affichais personnellement ma satisfaction, ‎écrivant :

‎« Les révolutions arabes n’ont ni avorté ni été volées, elles ont juste constitué un effet ‎d’aubaine pour ceux qui guettaient depuis plusieurs décennies l’occasion de sortir de ‎derrière les fagots. Ce qui arrive aux Arabes n’est ni un printemps, ni un hiver, ni quelque ‎chose d’autre qui peut être exprimé par les particularités d’une saison… Les révolutions ne ‎se sont pas terminées dans les pays où on a voté et donné la majorité absolue ou relative au ‎courant islamiste… Le premier acte des révolutions arabes a été le soulèvement des peuples ‎dans plusieurs pays en même temps, le deuxième la chute du régime, et le troisième les ‎élections. LE QUATRIEME SERA CELUI DE LA MISE AU BANC D’ESSAI DE L’ISLAMISME…La ‎victoire des islamistes aux élections en Tunisie, au Maroc et en Égypte est une excellente ‎chose. Les peuples qui se sont libérés du despotisme sont devant un test espéré, redouté ou ‎différé depuis les Indépendances. Le moment est venu de faire face à la situation, quels que ‎soient les périls encourus… C’est la grande épreuve qui les attendait et à laquelle ils ont ‎échappé jusqu’ici pour une raison ou une autre. IL VAUT MIEUX CREVER L’ABCES UNE FOIS ‎POUR TOUTES ET AFFRONTER LE PROBLEME, SI PROBLEME IL Y A, PLUTOT QUE DE ‎CONTINUER A LE RENVOYER AU LENDEMAIN OU A VIVRE AVEC UNE EPEE DE DAMOCLES ‎SUR LA TETE. Le moment est venu de lever l’hypothèque islamiste en donnant aux partis qui ‎s’en réclament l’occasion de montrer ce dont ils sont capables. S’ils démontrent qu’ils sont ‎respectueux des lois républicaines, qu’ils n’engageront pas leurs pays sur des chemins ‎aventureux à la recherche de quelque chimère, qu’ils tiendront leurs promesses d’apporter ‎la justice et la prospérité, alors ils gouverneront aussi longtemps que le voudra le suffrage ‎populaire. MAIS S’ILS ECHOUENT A AMELIORER LE SORT DE LEURS COMPATRIOTES OU ‎S’ILS PORTENT ATTEINTE AUX LIBERTES NOUVELLEMENT CONQUISES, ALORS ILS SERONT ‎CHASSES DE LA SCENE POLITIQUE PAR UNE REVOLUTION… » (« Le nouvel âge arabe », ‎‎« Le Soir d’Algérie » du 26 janvier 2012).

N’est-ce pas exactement, une année et demie après l’écriture de ces lignes, ce qui vient de ‎se produire en Égypte ? Cette mise au banc d’essai aura au total duré une année et ‎débouché sur un « coup d’État populaire ».

Des dizaines de millions d’Égyptiens insatisfaits des résultats de la mise à l’épreuve étant ‎sortis dans la rue pour réclamer le départ du régime islamiste, l’armée avait le choix entre ‎les réprimer sur ordre du pouvoir légal du Dr Morsi, ou contraindre ce dernier au départ au ‎nom de la « volonté populaire ». C’est cette deuxième option qu’elle a choisie avec l’appui ‎d’al-Azhar, de l’Église copte, des salafistes d’an-Nour, du Front du salut national et de trente ‎millions de citoyens de toutes tendances et confessions.

Mais, peut-on se demander, où était cette «volonté populaire » au moment des élections ‎législatives et présidentielle ? Elle était aux abonnés absents, elle ne s’était pas encore ‎formée, elle en était au stade de « poussière d’individus » composant la fameuse « majorité ‎silencieuse » qui ne vote pas lors des scrutins mais râle le reste du temps.

Je disais d’elle dans « Réveil magique, vote mécanique » (LSA du 23 janvier 2012) : ‎

‎« Ceux qui ont manifesté et affronté les forces de la répression, hommes, femmes, ‎musulmans, coptes, jeunes, classes moyennes, artistes, intellectuels, libéraux, gauchistes, ‎islamistes, etc., étaient unis autour d’un objectif unique : la chute du régime. Le but atteint, ‎le gros d’entre eux a regagné ses pénates heureux et comblé. Pour l’essentiel, ils ‎appartenaient à la jeunesse «branchée» qui a agi spontanément et par idéalisme. Elle ‎n’avait pas d’intérêts particuliers à défendre, ni de programme politique à proposer, ni de ‎pénates à rejoindre à la fin des opérations. Les islamistes, par contre, avaient leurs intérêts, ‎leur «programme» et des pénates où se replier, rendre compte et prendre les ordres. Ils ont ‎rejoint la révolution à pas de loup, regardant devant et derrière, avançant ou reculant en ‎fonction des directives, participant un jour et s’absentant un autre… C’est de la sorte qu’ont ‎été récupérées les révolutions là où elles ont eu lieu à travers l’Histoire. Il y a toujours eu ‎ceux qui agissent par exaltation et ceux qui agissent par calcul. A tous les coups ce sont ces ‎derniers qui partent avec la caisse. Une fois encore les minorités agissantes ont fait ‎l’histoire. En science, comme en politique, c’est toujours un petit groupe d’individus qui fait ‎avancer l’humanité ». ‎
CE SONT L’AMATEURISME, LES ERREURS ET LA TENTATION DU TOTALITARISME DES ‎‎« FRERES MUSULMANS » ET DE MORSI QUI ONT PERMIS A L’ANCIENNE MINORITE DE ‎DEVENIR LA NOUVELLE MAJORITE.

Prédisant ce qui allait arriver aux partis islamistes, je déclarai dans « La boîte de Pandore » ‎‎(LSA du 24 janvier 2012) :

« Les islamistes ne croient pas au fond d’eux-mêmes à la ‎souveraineté populaire comme source du pouvoir, ni à la démocratie comme cadre de vie ‎institutionnel, ni à la citoyenneté comme ensemble de droits et de devoirs de l’individu. Ils ‎composent avec ces idées qui vont à l’encontre de leurs principes fondamentaux tant qu’ils ‎n’ont pas le choix, autrement c’est vers le califat et le modèle taliban qu’ils marcheraient ‎d’un pas vaillant… »

Dans « La lampe d’Aladin » (LSA du 25 janvier 2012) j’ajoutai : ‎

‎« La «solution islamique» qu’ils brandissaient comme une lampe d’Aladin, ils vont devoir la ‎mettre en place et en démontrer rapidement l’efficacité, sinon personne ne les croira plus ‎et eux-mêmes peut-être cesseront d’y croire. Car grande sera leur déconvenue lorsqu’ils ‎s’apercevront que la lampe mirifique est vide, qu’il n’en sort aucun « djinn » faiseur de ‎prodiges, qu’il ne tombe rien du ciel et qu’ils devront tout faire eux-mêmes… C’est de ‎problèmes d’emplois, de logement, de dette extérieure, de rentrées en devises et autres ‎‎«patates chaudes» que les islamistes ont hérité. OR, LEUR SAVOIR-FAIRE EN MATIERE DE ‎GESTION DES AFFAIRES PUBLIQUES EST MODESTE. Prêcher la bonne parole, raconter en ‎boucle les merveilleuses histoires d’un passé mythifié et momifié, exhorter les gens à ‎l’observance des prescriptions religieuses et aux signes extérieurs de religiosité ne suffira ‎pas et ne pourra pas tenir lieu de programme de gouvernement. Les opérations caritatives ‎ponctuelles, l’aide aux nécessiteux, les actions de bienfaisance ambulatoires et ‎intermittentes ne rimeront plus à rien, sauf à en faire bénéficier toute la nation. Le ‎background de secouriste n’est plus de mise, il faut déployer de véritables aptitudes ‎opérationnelles pour faire face aux urgences brûlantes et aux attentes pressantes. L’attirail ‎de charité devra être remplacé par une batterie d’instruments de gouvernement efficients, ‎SINON C’EST L’ECHEC ASSURE ET PEUT-ETRE UNE NOUVELLE REVOLUTION… »‎
C’est ce qui vient d’arriver dans la populeuse Égypte ET ARRIVERA IMMANQUABLEMENT ‎EN TUNISIE OU EXISTE UNE SOCIETE CIVILE D’UNE CERTAINE CONSISTANCE.‎

Je poursuivais dans le même article :

« Ayant placé la barre trop haut en laissant croire à ‎des masses crédules qu’Allah allait regarder de leur côté et multiplier ses bénédictions sur ‎elles pour avoir voté en faveur de l’islam, les nouveaux dirigeants vont devoir à tout le moins ‎faire mieux que l’ancien régime. … Les islamistes prétendaient incarner la troisième voie ‎entre le socialisme et le capitalisme et être une alternative à l’Occident. Voici que ‎l’opportunité d’en faire la démonstration devant leurs peuples et l’humanité leur est ‎offerte… Arrivés au pouvoir par la voie des urnes, ils ne pourront pas espérer retirer ‎l’échelle après s’en être servis pour grimper. Ils ne pourront pas vouloir abolir la démocratie ‎sans voir se soulever contre eux les autres partis, les citoyens qui n’ont pas voté pour eux, les ‎instances internationales et l’opinion publique mondiale. Ils se trompent ceux qui, parmi eux, ‎pensent qu’ils pourront rester au pouvoir par la force. Ils l’auraient gardé s’ils l’avaient ‎conquis de haute lutte. Or ils ne l’ont pas conquis, ils n’ont pas vaincu le despote, c’est «le ‎peuple Facebook» qui l’a vaincu et le vote atavique qui leur a confié les clés du pays dans ‎l’espoir d’une vie meilleure, voire de résultats miraculeux. Ils auront juste été les premiers ‎bénéficiaires de l’alternance. Ils céderont la place un jour… »‎

Deux années et demie après la chute de Moubarak, la « minorité » qui a fait la révolution ‎sans être alors en état de prendre le pouvoir a réussi le tour de force de recueillir 22 ‎millions de signatures en faveur de la pétition exigeant le départ de Morsi, confirmant les ‎prévisions que je faisais dans « Le nouvel âge arabe ». ‎

Il a fallu tout ce temps pour que la « jeunesse internet », les libéraux, les nassériens, les ‎laïcs, les coptes et des personnalités nationales en vue trouvent les compromis nécessaires à ‎une action de cette ampleur.

Voici ces prévisions :

‎« La phase postrévolutionnaire ne s’arrêtera pas avec l’investiture des partis qui ont gagné ‎les premières élections. On n’est qu’au début d’une nouvelle ère qui verra s’installer une ‎véritable vie politique qui clarifiera au fur et à mesure les idées et les choses. Au fil du ‎temps, des expériences et des leçons tirées, de nouveaux partis vont se former, des alliances ‎se nouer, une société civile apparaître, le corps électoral s’instruire des conséquences de son ‎vote et les esprits crédules se désensorceler. Le courage qui a soulevé des centaines de ‎milliers de personnes et la liberté de pensée et d’expression arrachée dans la foulée ne ‎disparaîtront pas parce que des courants politiques religieux ont été portés au pouvoir. Ceux ‎qui se sont soulevés contre la dictature et fait face à des moyens de répression ‎impressionnants le referont le cas échéant. Ils étaient des milliers à échanger sur la Toile, ils ‎deviendront des dizaines et des centaines de milliers…Ceux qui ont trouvé le courage de ‎s’insurger contre le despotisme séculier trouveront celui de se soulever contre le despotisme ‎religieux ou l’État totalitaire. Ils n’accepteront pas que le père qu’ils ont tué soit remplacé ‎par un beau-père autoproclamé. Les médias, jaloux de leur nouvelle liberté, défendront la ‎liberté éditoriale et le pluralisme télévisuel. Les syndicats de magistrats qui se sont investis ‎dans la révolution exigeront et obtiendront l’indépendance de la justice. Dans l’opposition, ‎les partis démocrates se feront connaître en harcelant le gouvernement, en mettant en ‎avant ses contre-performances, en ne lui concédant rien qui puisse remettre en cause les ‎acquis de la démocratie… Petit à petit ils trouveront le répondant nécessaire auprès de leurs ‎concitoyens, toucheront en eux des fibres nouvelles et finiront par en attirer un certain ‎nombre dans leurs rangs. Dans cette nouvelle vie politique libérée de la peur et de la ‎censure les masses s’intéresseront au débat politique, croiront en ce qu’elles verront, ‎formeront leur jugement et se libéreront progressivement de la culture théocratique. Les ‎intellectuels, les journalistes, les artistes et les cinéastes mettront en branle leurs capacités ‎et leur génie pour contribuer à cette prise de conscience et à l’œuvre de rationalisation des ‎masses. Il en sortira que la religion est une foi et la politique un art de gérer, que Dieu n’est ‎pour rien dans les actes des hommes politiques, qu’il n’en a missionné aucun et qu’ils ‎n’engagent qu’eux-mêmes. Telle est la dynamique intellectuelle et politique dans laquelle ‎vont rentrer les peuples arabes, même ceux non touchés par la révolution… Les pays ‎concernés passeront peut-être par une période d’instabilité, de tensions, voire de violence, ‎mais s’il faut en passer par là ils gagneront à le faire le plus tôt possible. Lorsque la mise à ‎l’épreuve de l’islamisme aura été menée à son terme, ses effets, qu’ils soient positifs ou ‎négatifs, libéreront l’esprit musulman et c’est de cette libération que dateront les efforts ‎réels et profonds d’adaptation de l’islam au monde moderne. Si les nouveaux ‎gouvernements déçoivent leurs peuples, l’islamisme disparaîtra de l’esprit des gens comme ‎panacée capable de remédier aux problèmes des musulmans… »

Tout indique que l’Égypte qui s’était unifiée dans le combat contre le despotisme est ‎désormais divisée en deux camps rassemblant chacun des dizaines de millions de citoyens ‎prêts à s’étriper. Ces deux peuples sont aujourd’hui aux portes de la guerre civile comme ‎deux ennemis n’ayant rien en commun et résolus à en découdre jusqu’à la dernière goutte ‎de leur sang. En fait, il y avait deux peuples dès le début. Ils s’ignoraient seulement.

Le même phénomène peut être observé dans n’importe quel pays arabo-musulman.

J’avais ‎traité aussi de cette dualité dans « La boîte de Pandore » :

« Par la suite il est apparu que le ‎‎«peuple» qui a lancé la dynamique révolutionnaire et le «peuple» qui a donné la majorité ‎aux islamistes formaient deux populations distinctes. Dans un premier temps il y a eu la ‎révolution suivie de la chute du régime, et dans un deuxième les élections. Les deux temps ‎se sont succédé mais ne découlent pas l’un de l’autre et ne sont pas de même nature. Ceux ‎qui ont fait tomber les despotes ne sont pas ceux qui ont hissé sur leurs épaules les ‎islamistes pour les porter au pouvoir. Dans les deux étapes nous avons eu affaire à deux ‎catégories d’acteurs, à deux ensembles différents, comme si dans ces pays il y avait deux ‎peuples dans chacun. Le peuple qui a fait la révolution était formé de la «jeunesse Facebook ‎‎» et de membres de la classe moyenne (intellectuels, avocats, magistrats, artistes, etc.) ‎auxquels s’est joint par la suite un peu de tout, tandis que celui qui a voté pour les partis ‎islamistes était formé des militants islamistes mais aussi et surtout de la frange ‎conservatrice de la société. Les premiers étaient acquis aux idées modernes, et les seconds ‎attachés aux idées traditionnelles. Le dénominateur commun qui les unissait ne valait que ‎pour la première étape, le rejet du pouvoir. Autrement, chacun avait plus ou moins son idée ‎sur ce qu’il ferait de sa liberté recouvrée… Les premiers figurent ce que pourrait être une ‎société démocratique arabe composée de musulmans ouverts, modernes et tolérants ‎comme l’étaient les musulmans de Cordoue et de Chine au XIIIe siècle, ou d’Inde au XVIIe ‎siècle. Les seconds seraient plus heureux dans quelque «chariâland», vivant entre eux, ‎rassemblant salafistes, djihadistes, modérés et conservateurs. Ces regroupements ‎s’effectueraient d’eux-mêmes s’il était possible de permuter les populations et les ‎nationalités, ou d’échanger les territoires… »‎

Les révolutions arabes ont commencé en Tunisie, mais la Tunisie n’a pas l’importance ‎humaine, intellectuelle, culturelle, historique, politique et géostratégique de l’Égypte. Elle ‎n’a pas la même résonance dans le monde et le monde arabo-musulman en particulier. ‎Mais elle a une société civile qui est consciente d’avoir été flouée par les islamistes qui n’ont ‎pas déclenché la révolution, mais en ont empoché les bénéfices. PLUSIEURS CENTAINES DE ‎MILLIERS DE TUNISIENS ONT DEJA SIGNE « TAMAROD TUNISIE », UNE PETITION ‎DEMANDANT LE RENVOI DE L’ASSEMBLEE CONSTITUANTE ET DU GOUVERNEMENT ‎D’ENNAHDA.

C’est en Égypte que l’histoire du monde musulman est en train de se faire, que le problème ‎resté en suspens depuis l’entrée en décadence du monde musulman au XVe siècle va devoir ‎trouver une réponse : « Que faire de l’islam ? »‎

Les révolutions arabes en sont arrivées à l’essentiel, aux vrais enjeux, au cœur du problème. ‎Ce qui s’est passé jusque-là n’était qu’un préalable : le départ du despotisme et la remise de ‎la souveraineté au peuple. Celui-ci s’est avéré divisé au moment du choix de ce qu’il fallait ‎faire de la liberté retrouvée. Quel régime ? Quelle démocratie ?

ELLES SONT ENFIN RENTREES DANS LE VIF DU SUJET : « ISLAMISME OU DEMOCRATIE ? » ‎à défaut de « islam et démocratie », une équation qui n’a pas été résolue. Le premier tour ‎‎(élections) a été remporté par l’islamisme. Une année après, les perdants rassemblaient ‎leurs forces et évinçaient les islamistes. Une finale doit donc être jouée pour les départager.

C’est un match de coupe du monde (musulman). Si celle-ci se joue tous les quatre ans, le ‎match qui va commencer durera, lui, des années et n’a jamais été joué entre une armée et ‎la moitié de son peuple, ou entre deux moitiés à peu près égales d’un même peuple. Il ‎s’était joué à un niveau inférieur, peu pléthorique et sans violence, au niveau des élites, ‎entre réformateurs religieux et modernistes au siècle dernier.‎

L’histoire, selon Hegel et Marx à sa suite, avance grâce à la dialectique entre une thèse et ‎une antithèse. Une synthèse doit naître de cette contradiction, de cet affrontement. On ‎appelle cela le « dépassement dialectique d’un conflit ». En Égypte le conflit est entre l’islam ‎des « Frères musulmans », d’un côté, et l’islam d’al-Azhar et des dizaines de millions de ‎musulmans qui les ont renversés avec le soutien de leurs compatriotes coptes, de l’autre.

C’est un conflit entre deux conceptions de l’islam, l’une traditionnelle, l’autre moderne ; ‎entre l’islamisme théorisé par Sayyed Qotb, le penseur des « Frères musulmans », et la ‎démocratie. Les deux camps maîtrisent l’éloquence, savent chauffer les masses et possèdent ‎des arguments non négligeables. Le gagnant ne pourra pas être l’islamisme ; il ne pourra ‎pas être l’armée toute seule.

LE GAGNANT SERA LA SYNTHESE, LE COMPROMIS HISTORIQUE, L’ADOPTION ET LA ‎COMPLETE CONSECRATION DE LA DEMOCRATIE EN TANT QU’ESPRIT ET NON EN TANT ‎QUE PURES FORMES ET SIMPLES URNES. CE SERA DIFFICILE, LONG ET MEME SANGLANT.

SI L’EGYPTE NE LE REGLE PAS, IL SE REPOSERA AILLEURS, DEMAIN, PLUS TARD ENCORE, ‎JUSQU’AU JOUR OU L’ISLAM AURA REGLE SON PROBLEME AVEC LES MUSULMANS. C’EST ‎A CETTE CONDITION QUE L’HISTOIRE DES PAYS ARABO-MUSULMANS SE REMETTRA EN ‎MARCHE.

J’écrivais dans « Le nouvel âge arabe » : ‎

‎« LES REVOLUTIONS EN COURS ONT SIGNE LE REVEIL DE LA CONSCIENCE ARABO-‎MUSULMANE DANS LES PROPORTIONS REVELEES PAR LES ELECTIONS. LES PEUPLES QUI ‎LES ONT FAITES NE SONT PAS ENTRES EN DEMOCRATIE, MAIS DANS UN NOUVEL AGE ‎QUI PEUT LES MENER A LA DEMOCRATIE. CE NOUVEL AGE COMMENCERA AVEC LA ‎CONFRONTATION ENTRE LES TENANTS DE LA CULTURE THEOCRATIQUE ET LES TENANTS ‎DE L’ETAT DEMOCRATIQUE, ET SE CONFIRMERA AVEC LA DEFINITION D’UNE VIE ‎INSTITUTIONNELLE QUI PRENNE EN COMPTE LES VALEURS MUSULMANES MAIS AUSSI LA ‎DIVERSITE DES CROYANCES, DES OPINIONS POLITIQUES ET DES ETHNIES… LE NOUVEL ‎ÂGE C’EST UNE ERE, UNE ETENDUE DE TEMPS DURANT LAQUELLE IL FAUDRA REUNIR ‎L’UNE APRES L’AUTRE LES CONDITIONS NECESSAIRES A L’ETABLISSEMENT D’UNE VIE ‎NATIONALE PACIFIEE ET CIVILISEE… Chaque expérience en cours dans le monde arabo-‎musulman sera une source d’inspiration, chaque expérience aboutie deviendra un ‎précédent, chaque précédent tendra à devenir une norme, et le tout donnera aux ‎musulmans une nouvelle conception du monde. Cette évolution mènera à la pratique d’un ‎islam éclairé, tolérant, comme celui qu’ont connu leurs ancêtres. L’important est que le ‎chemin soit pris, que l’on se mette dans l’axe, qu’on regarde loin devant soi, par-dessus ‎l’épaule des despotes et des ulémas obscurantistes… Ce sera, à long terme, l’acquis le plus ‎extraordinaire de ces révolutions, quand elles auront réconcilié l’homme arabe avec la ‎modernité, la citoyenneté et le reste de l’univers. La promesse de cet acquis est infiniment ‎plus importante que le renversement des régimes dictatoriaux. C’est ce qu’il faut déjà ‎comptabiliser comme gain historique. Le Nouvel Âge s’imposera, le cours de l’Histoire le ‎dicte, et l’exemple de pays musulmans non-arabes comme la Turquie, la Malaisie et ‎l’Indonésie qui ont beaucoup avancé sur la voie de la modernité et de la démocratie le ‎montre. Il résultera de la convergence de trois évolutions : celle du courant moderniste, ‎celle du courant islamiste et celle de la conscience populaire. Elles ont commencé il y a un ‎siècle, surtout dans les républiques, mais elles ont été retardées et contrariées par le ‎despotisme intéressé par leur immobilisme… »‎

Dans un autre écrit, « Avant et aujourd’hui » (LSA du 19 février 2012) je disais : « Le ‎problème de l’islamisme appelle d’autres solutions que les coups d’Etat et la répression, il ‎attend des réponses éducationnelles, culturelles, intellectuelles et économiques. Il ne s’agit ‎pas de chercher à refermer la boîte de Pandore sur lui, cela a déjà été fait en pure perte, ‎mais d’améliorer le niveau d’éducation et de développement socioéconomique des masses. ‎COMMENT SORTIR DE LA CULTURE THEOCRATIQUE ? COMME EN SONT SORTIS LES PAYS ‎DE TRADITION CHRETIENNE, COMME SONT SORTIS DU COMMUNISME LES PEUPLES QUI ‎Y ETAIENT ASSERVIS : PAR L’ASPIRATION A LA LIBERTE, PAR LA LIBERATION DE LA ‎PENSEE ET DE L’EXPRESSION, PAR UNE RENOVATION DU FONDS MENTAL. L’OCCIDENT ‎EST PASSE PAR LA, IL A ATTAQUE LE DESPOTISME DE DROIT DIVIN A LA BASE, SAPE SES ‎FONDEMENTS CULTURELS EN LUI OPPOSANT LA RAISON, LA PHILOSOPHIE, LA CRITIQUE, ‎LES SCIENCES HUMAINES ET LE DROIT DES GENS, AVANT DE L’ACHEVER PAR LES ‎REVOLUTIONS POLITIQUES. ENSUITE IL A MIS A SA PLACE LA SOUVERAINETE POPULAIRE, ‎LE DROIT POSITIF, LA LIBERTE DE CULTE ET D’EXPRESSION, ET LE COURONNEMENT DE ‎TOUT CELA, L’ETAT DE DROIT. C’est ainsi que la culture théocratique a été progressivement ‎remplacée par la culture démocratique. La religion n’a pas été supprimée ou interdite, mais ‎éloignée de l’exercice du pouvoir qui est la somme des délibérations, décisions et actes pris ‎au quotidien pour gérer au mieux et sur la base de ces valeurs les intérêts de tous. EN ‎QUELQUES DECENNIES LES PEUPLES ARABO-MUSULMANS PEUVENT REALISER CE QUE ‎LES OCCIDENTAUX ONT MIS UN DEMI-MILLENAIRE A REALISER PARCE QU’ILS N’AVAIENT ‎PAS A LEUR DISPOSITION LE SAVOIR, LE POTENTIEL ECONOMIQUE ET LES TECHNOLOGIES ‎DE COMMUNICATION D’AUJOURD’HUI. LES IDEES CIRCULAIENT A LA VITESSE DU CHEVAL, ‎ALORS QUE DE NOS JOURS ELLES VONT A LA VITESSE DE L’ECLAIR, DU CLIC D’UNE ‎SOURIS D’ORDINATEUR. »‎

J’ai cité des écrits remontant à l’année dernière. J’aurai pu en citer d’autres remontant à ‎plusieurs décennies comme « Coups d’Etat » paru il y a vingt ans dans l’hebdomadaire ‎algérien « La Nation » (du 25 août 1993) où j’écrivais : « Les musulmans sont confrontés à ‎une atroce contradiction : ils n’arrivent pas à s’insérer dans l’évolution historique et ils ne ‎parviennent pas à définir un mode de vie social, économique et politique compatible avec ‎leurs croyances. Les citoyens de la plupart des Etats musulmans sont indifférents à leurs ‎régimes politiques car ils ne leur semblent conformes ni à l’original dont ils ont une vue ‎idéalisée, ni aux modèles contemporains auxquels ils reconnaissent une grande efficacité. ‎L’INNE ISLAMIQUE EN EUX EST EN GRAVE CONFLIT AVEC L’ACQUIS MODERNE AUTOUR ‎D’EUX… LE DISPOSITIF D’IDEES AVEC LEQUEL LES MUSULMANS DE TOUS LES PAYS ‎ABORDENT LE 21E SIECLE EST EN GRANDE PARTIE ERRONE ET LES EXPOSE PAR ‎CONSEQUENT A DE NOUVELLES DECONVENUES… IL FAUT ROMPRE AVEC CETTE LOGIQUE ‎DE L’ECHEC. LES QUELQUES ANNEES QUI RESTENT D’ICI A LA FIN DU SIECLE ‎CONSTITUENT LA DERNIERE CHANCE DE NOUER DES RAPPORTS NOUVEAUX AVEC LA ‎PENSEE MODERNE ET LES INSTITUTIONS MONDIALES QUI SE METTENT DOUCEMENT EN ‎PLACE, FAUTE DE QUOI NOUS REJOINDRONS LES PRECOLOMBIENS AU CIMETIERE DES ‎CIVILISATIONS DEFINITIVEMENT REVOLUES ».

‎« Le Soir d’Algérie » du 8 juillet 2013‎

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