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QU’ARRIVE-T-IL AUX MUSULMANS ?‎

by admin

Jusqu’aux révolutions arabes il n’y avait rien à dire sur les pays arabes car il ne se passait ‎rien depuis les guerres israélo-arabes, toutes perdues. Le débat d’idées était clos depuis les ‎‎« Moatazila », la scène politique fermée depuis les indépendances, et les peuples aspiraient ‎en vain depuis la « Nahda » à devenir des classes moyennes. ‎
L’an dernier ce statu quo a magiquement volé en éclats : les peuples, las de rêver du monde ‎moderne lui ont tourné le dos, et les « générations Internet » qui ont ouvert la voie aux ‎régimes islamistes s’interrogent sur leur devenir.

Leurs révolutions vont-elles s’inscrire dans le sens de l’évolution, ou leur feront-elles perdre ‎quelques décennies supplémentaires avant de les ramener au point de départ ? Un point de ‎départ qui ne se situe peut-être pas un an auparavant, mais des siècles en arrière.

Jusque-là le champ d’analyse de l’islamisme était exigu. L’expérience algérienne n’a pas ‎déclenché en son temps une réflexion de grande ampleur car, singulière de prime abord, ‎elle ne semblait pas se prêter à des conclusions extensibles à d’autres pays. Or aujourd’hui, ‎nous, Algériens, avons le sentiment de ne plus être seuls devant le miroir de l’Histoire. En le ‎regardant, nous voyons à notre place des Tunisiens et des Égyptiens, et avons l’impression de ‎revivre à travers eux des situations déjà vécues et d’entendre des slogans déjà entendus.

CE N’EST PAS L’HISTOIRE ALGERIENNE QUI S’EST REPETEE EN TUNISIE ET EN ÉGYPTE, CE ‎SONT LES PHENOMENES OBSERVES CHEZ NOUS IL Y A VINGT ANS QUI SONT APPARUS ‎ICI OU LA DANS L’AIRE CULTURELLE ARABO-MUSULMANE SELON UN TIMING ‎INEXPLICABLE, MAIS A PARTIR DES MEMES RESSORTS MENTAUX.

Ce champ s’est élargi avec l’émergence des partis islamistes comme principale force ‎politique sur la scène arabe « dégagée », piétinant dans le mouvement de foule déclenché ‎les autres courants d’idées mis au défi d’oser encore dire un mot. ‎

LES ELITES INTELLECTUELLES DES PAYS TOUCHES OU NON PAR CES REVOLUTIONS NE ‎SONT PAS ENCORE SORTIES DE L’ETAT DE SIDERATION DANS LEQUEL ELLES LES ONT ‎PLONGEES. IL FAUT DU TEMPS POUR QU’EMERGENT DE NOUVELLES IDEES, ET ENCORE ‎DAVANTAGE POUR QU’ELLES SE REPANDENT DANS LA SOCIETE. MAIS TOUT LE MONDE ‎EST INTERPELLE ET OBLIGE DE REFLECHIR SUR LA QUESTION DU JOUR, L’ISLAMISME, ET ‎CELLE DE DEMAIN, L’APRES-ISLAMISME.

Dans ces colonnes, j’essaie de contribuer à cette réflexion naissante sans prétendre ‎convaincre, et encore moins détenir la vérité.

Qui se souvient de l’inénarrable Rabah Benchérif, le premier président du PNSD ? Il avait ‎introduit au début de la vie politique dans notre pays, avec son parler truculent du ‎Constantinois et ses images renversantes, une note humoristique qui a disparu car depuis on ‎n’a plus ri du fait de la politique. Actuellement, elle fait plutôt pleurer. Il m’avait raconté à ‎l’époque une anecdote qu’il avait vécue. Un éminent candidat du FLN aux élections ‎législatives de décembre 1991 avait organisé une «zerda» dans son bled natal pendant la ‎campagne électorale à laquelle était venu beaucoup de monde.

Dans nos traditions on ne ‎sert pas individuellement les convives quand ils sont trop nombreux, on les réunit par ‎groupes autour de «guessâat» de couscous. Après s’être bien empiffré, un convive a ‎anonymement tracé avec son doigt et les grains de couscous restés au fond de la «guessâa» ‎un mot en lettres majuscules : «FIS». ‎

C’est ce qu’ont fait les tunisiens et les égyptiens aux premières élections libres de leur ‎histoire. Mais eux n’ont pas fait un pied-de-nez a un candidat en compétition, ils l’ont fait a ‎trente ans de bourguibisme pour les premiers, et a un demi-siècle de nasserisme pour les ‎seconds. Les résultats de ces élections ont balayé en fait un siècle et demi d’efforts pour la ‎modernisation de ces pays, provoquant dans le monde le même étonnement que celui que ‎notre peuple avait suscité en décembre 1991. En Tunisie, personne ne s’attendait a une ‎victoire massive d’Ennahda. Que dire alors du tsunami égyptien ou 85% des égyptiens (hors ‎coptes) ont voté islamiste ?‎

MAIS, SE SURPREND-ON A SE DEMANDER, OU SONT PASSES LES AUTRES, LES ‎RATIONALISTES, MODERNISTES, NATIONALISTES, REVOLUTIONNAIRES, TIERS-‎MONDISTES, PROGRESSISTES, SOCIALISTES, COMMUNISTES, BAATHISTES, LIBERAUX, ‎DEMOCRATES, FEMINISTES ET AUTRES LAÏCS QUI, VUS DE LOIN, FAISAIENT TANT ‎ILLUSION ? ‎

Ils étaient persuadés d’avoir forgé une conscience nationale, formé un « homme nouveau » ‎et bâti des institutions «qui survivent aux évènements et aux hommes». Où est passé ce ‎socle populaire solide et acquis au progrès ? Où est passée l’influence civique et patriotique ‎des centaines de films, romans, pièces de théâtre, festivals, poèmes, chants et ‎chansonnettes subventionnés ? Où sont ces institutions pérennes qui n’ont pas survécu à un ‎seul scrutin libre ? Où sont passées les « avant-gardes progressistes » qui croyaient tracter ‎derrière elles les masses populaires ?

Ce qu’on constate c’est que les bêtes de trait sont sur une rive, et la remorque sur une autre. ‎Cela me rappelle que le premier article que j’ai publié dans « El Moudjahid » en novembre ‎‎1970 avait pour titre « Islam et progressisme ». A l’époque, il était hautement « ‎réactionnaire » et « contre-révolutionnaire » d’accoler les deux termes. Après cet article, et ‎surtout les suivants, on m’a collé l’étiquette de « frère musulman ». ‎

Aujourd’hui j’ai envie de dire à ces « On » : « Comment va le progressisme, chers Gros-Jean ‎comme devant ?» Si le progressisme d’hier avait pris en compte les « intérêts spirituels » ‎des peuples au lieu de leurs seuls « intérêts de classe », et si l’islamisme d’aujourd’hui avait ‎été progressiste au sens non-exclusivement marxiste du terme, les sociétés arabo-‎musulmanes n’auraient pas connu l’apartheid intellectuel qui creuse désormais leurs rangs, ‎et la politique serait, comme dans les démocraties et les pays sensés, une simple ‎compétition entre des programmes de gestion des affaires publiques.

ON REALISE AUJOURD’HUI QU’IL ETAIT PLUS FACILE DE CREER DES « ETATS MODERNES » ‎DE BRIC ET DE BROC, QUE DE REFORMER EN PROFONDEUR LES MENTALITES, DE ‎CONSTRUIRE SUR DU VRAI, DE DISPENSER UN ENSEIGNEMENT HOMOGENE ET EPURE ‎D’IDEOLOGIE, DE PROMOUVOIR UNE CULTURE ASSISE SUR LA RATIONALITE ET LES ‎VALEURS MORALES DES PEUPLES. ‎

AU LIEU DE CELA, LES REGIMES « PROGRESSISTES » FLATTAIENT LES FOULES POUR ‎QU’ELLES DEMEURENT A L’ETAT DE MASSES PROPICES AU DESPOTISME, A LA PENSEE ‎UNIQUE ET AU POUVOIR HEREDITAIRE. ILS LES ONT AVILIES, ABRUTIES ET ‎‎« ARABETISEES ». ILS ONT MANIPULE LEURS SENTIMENTS RELIGIEUX ET ENCOURAGE ‎L’ISLAM MARABOUTIQUE COMME L’AVAIT FAIT LE COLONIALISME. ‎
Ils croyaient ainsi l’éloigner de la politique et des affaires publiques, mais voilà qu’il leur est ‎revenu en plein visage comme un boomerang, rouillé en plus.

MAIS UNE TELLE TACHE N’ETAIT PAS A LA PORTEE DE CES REGIMES, ELLE ETAIT DU ‎RESSORT DE L’ESPRIT ET D’UNE VISION HISTORIQUE QU’ILS N’AVAIENT PAS. ILS AVAIENT ‎LA COURTE VUE, LA COURTE ECHELLE ET LA COURTE PAILLE, ET CROYAIENT CONSTRUIRE ‎L’AVENIR AVEC.‎

Les mouvements de l’Histoire évoquent les flux et les reflux des mers. Elle a ses marées ‎montantes et ses marées descendantes, ses avancées et ses reculs, ses victoires et ses ‎revanches. NOUS SOMMES ACTUELLEMENT DANS UNE PHASE DE REFLUX, DE RECUL, DE ‎REVANCHE DU PASSE SUR LE PRESENT ET DES TENEBRES SUR LA LUMIERE.

NOUS AVONS VU DANS LES PRECEDENTES CONTRIBUTIONS COMMENT L’ISLAM, VENU ‎AVEC UN ESPRIT DEMOCRATIQUE, S’EST TRANSFORME EN SYSTEME POLITIQUE ‎MONARCHIQUE UN QUART-DE-SIECLE A PEINE APRES LE DECES DU PROPHETE, ET ‎COMMENT, AYANT JETE LES BASES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE ‎AVEC LES MUTAZILA, IL A SOMBRE DANS L’OBSCURANTISME APRES LA FERMETURE DES ‎PORTES DE L’IJTIHAD. ‎

J’aimerais signaler ici une curieuse coïncidence : un al-Achâari (Abou Moussa, gouverneur ‎de Bassorah et de Koufa, mort en 672) a joué un rôle déterminant dans le coup d’Etat de ‎Muawiya, et un autre al-Achâari (Abou Hassan, descendant du premier, fondateur du «ilm ‎alkalam » et auteur d’un «Tafsir» du Coran, mort en 935) a créé le premier courant de ‎pensée hostile à la liberté dans tous les domaines, courant fataliste et scolastique qui a ‎conduit par diverses voies au maraboutisme et à l’islamisme. On peut dire qu’à eux deux, le ‎premier sur le plan politique et le second sur le plan intellectuel, ces deux Yéménites ont ‎coulé l’islam.

MUAWIYA ET SES EMULES A TRAVERS LES SIECLES ET LES CONTINENTS ONT ERADIQUE ‎L’ESPRIT DEMOCRATIQUE POUR POUVOIR REGNER SUR LES PERSONNES, TANDIS QUE ‎LES PERES SPIRITUELS DE L’ISLAMISME ONT ERADIQUE LA LIBERTE DE PENSEE, ‎D’EXPRESSION ET DE CREATION POUR POUVOIR REGNER SUR LES AMES. ILS ONT AGI DE ‎CONCERT, SE SOUTENANT LES UNS LES AUTRES, EN UNE DOUTEUSE ALLIANCE ENTRE ‎CESAR ET DIEU, ENTRE LE GLAIVE ET LA MOSQUEE.

LES DESPOTES Y ONT TROUVE LEUR COMPTE PARCE QUE LES ULEMAS PARTICIPAIENT A ‎L’ENDORMISSEMENT DES MASSES; ET LES ULEMAS TROUVAIENT LE LEUR EN TANT QUE ‎‎«CORPS CONSTITUE» ET PILIER DE L’ETAT. ILS SE LEGITIMAIENT MUTUELLEMENT, LEURS ‎INTERETS OBJECTIFS ETANT LES MEMES ET SOLIDAIRES. ILS SE SONT PARTAGE LES ROLES ‎MAIS LE BUT ETAIT COMMUN : SOUMETTRE POLITIQUEMENT ET INTELLECTUELLEMENT ‎LES PEUPLES, ELOIGNER CEUX QUI REFLECHISSENT ET ECRIVENT, FAIRE TAIRE LA ‎CRITIQUE, BRIDER LES LIBERTES…

Le changement, la libération de l’esprit et l’encouragement de la créativité n’ont jamais été ‎à l’ordre du jour des dictateurs ignares et des ulémas despotes.

LA LUTTE ENTRE LES IDEES MODERNISTES ET LES IDEES CONSERVATRICES NE DATE PAS ‎D’AUJOURD’HUI, ET CE QUE VIT PRESENTEMENT LE MONDE ARABO-MUSULMAN – UN ‎RETROPEDALAGE ENDEMIQUE – IL L’A VECU PLUSIEURS FOIS DANS LE PASSE.

C’EST AINSI ‎QUE LES IDEES WAHHABITES QUI SE TROUVENT A LA BASE DE L’IDEOLOGIE DES PARTIS ‎ISLAMISTES EGYPTIENS ONT PRIS LEUR REVANCHE SUR LES IDEES MODERNISTES ‎INTRODUITES EN ÉGYPTE PAR MOHAMMED (MEHEMET) ALI AU XIXE SIECLE.

A partir du Xe siècle, le monde musulman a éclaté en plusieurs régions politiques. L’autorité ‎du califat abbasside n’est plus reconnue en Iran où apparaissent les dynasties Tahride puis ‎Saffaride, au Maghreb où surgissent des dynasties kharidjites, et en Égypte qui s’autonomise ‎avec Ibn Touloun avant de devenir, avec Saladin, le siège de l’Empire fatimide. Puis les ‎Mameluks la gouverneront de 1250 jusqu’à l’arrivée des Ottomans en 1517. Entre-temps, le ‎califat abbasside avait disparu sous les invasions mongoles dont la seconde vague, menée ‎par Tamerlan, a mis un terme définitif au règne arabe sur l’islam.‎

En 1798 un général de 29 ans, Napoléon Bonaparte, débarque à Alexandrie. C’était le ‎premier contact entre l’Égypte et l’Occident depuis les Romains. Mohammed Ali, officier ‎d’origine albanaise servant dans l’armée ottomane, prend le pouvoir en 1804 et se proclame ‎pacha d’Égypte. Séduit par la civilisation française dont il avait eu un aperçu avec ‎l’expédition scientifique amenée par Napoléon, il nourrit l’ambition de faire de son pays ‎d’adoption un État moderne et indépendant.

Il prend peu à peu ses distances de la Sublime Porte en jouant sur la rivalité franco-‎britannique et parvient, en quelques années, à créer sa propre armée et sa marine. Il liquide ‎en 1811 les Mameluks puis s’empare en 1812 de Médine, Djeddah, la Mecque et Taïf, et ‎met à terre le pouvoir wahhabite. Il conquiert en 1820 les provinces voisines : Syrie, Liban et ‎Soudan. ‎

Cet homme qui va faire à l’Égypte plus de bien que ne lui feront Nasser, Sadate et Moubarak ‎réunis, s’engage dans une œuvre de modernisation sans pareille dans le monde arabe. Il ‎lance le «Nizam al-gadid », organise l’Égypte en 14 gouvernorats et 64 départements, crée ‎des ministères, un Conseil d’État et une industrie militaire et navale. Il installe le télégraphe, ‎lance des travaux d’adduction et de répartition des eaux du Nil, creuse un canal à Port-Saïd ‎et construit des centaines de digues pour empêcher les débordements du fleuve en période ‎de crue.

Il procède à une véritable révolution agraire en divisant les biens «waqf» en «feddans» qu’il ‎distribue aux fellahs, institue le cadastre sur le modèle français, et crée sa propre monnaie. ‎Il s’entoure de coopérants européens, ouvre une école d’infanterie, une école polytechnique, ‎une école d’administration, une école de traduction, une École des ponts et chaussées, une ‎école de chimie appliquée, une école des mines, une école de géométrie et de géographie, ‎une école vétérinaire, une faculté de médecine, etc.

L’imprimerie et les premiers journaux apparaissent en 1828. Il envoie des missions d’études ‎en Europe comme celle encadrée par le cheikh Tahtaoui dont on a parlé dans une ‎précédente contribution. Son fils, Ibrahim Pacha, étend cette politique de modernisation à la ‎Syrie, au Liban et à la Palestine, et y établit l’égalité entre les trois religions (islam, ‎christianisme et judaïsme). Après avoir conquis le Yémen et la Crète, il se tourne vers le ‎cœur de l’Empire ottoman, s’empare de Konya et arrive à 100 km d’Istanbul quand son père ‎lui ordonne de s’arrêter et de revenir sur ses pas. C’était une erreur.‎

EN 1848, MOHAMMED ALI DECEDE A L’AGE DE 80 ANS. IBRAHIM PACHA ETANT MORT ‎QUELQUES MOIS AUPARAVANT, C’EST LE FILS DE CE DERNIER, ABBAS 1ER, QUI ACCEDE ‎AU TRONE ET DEFAIT EN PEU DE TEMPS CE QUE SON GRAND-PERE AVAIT REALISE EN 44 ‎ANS. INFLUENCE PAR LES MILIEUX RELIGIEUX, IL FERME LES GRANDES ECOLES, ARRETE ‎LA POLITIQUE DES GRANDS TRAVAUX ET CHASSE LES COOPERANTS ETRANGERS. ‎L’ENSEIGNEMENT PUBLIC PERICLITE ET L’EGYPTE RETOURNE EN ARRIERE. L’OBSCURITE ‎TRIOMPHAIT UNE NOUVELLE FOIS DE LA LUMIERE EN TERRE MUSULMANE.

Le même mouvement de modernisation (Tanzimat) est conduit dans l’Empire ottoman par le ‎sultan Abdulmajid 1er. En 1839, un décret instaure l’égalité de tous les sujets (musulmans, ‎chrétiens et juifs) devant la loi ; en 1840 est adopté un code pénal indépendant de la charia ; ‎en 1856 est décrétée l’abolition de la «jizya» (impôt spécifique aux non-musulmans)… Même ‎réaction des milieux religieux wahhabites : de la Mecque, des ulémas lancent des fatwas ‎contre ces réformes et appellent au djihad contre le sultan. QUELQUES ANNEES APRES, LA ‎DYNAMIQUE DE PROGRES MEURT D’ELLE-MEME SOUS LA PRESSION DES IDEES ‎RETROGRADES.

La « Nahda » a également touché à la même époque la Tunisie où le bey nomme Premier ‎ministre Khair-Eddine Pacha, un homme d’État considéré comme le fondateur de la Tunisie ‎moderne. C’est lui qui a créé, notamment, le collège Sadiki où sont enseignées pour la ‎première fois les sciences exactes et les langues étrangères et d’où sortiront les générations ‎qui animeront le mouvement de libération de la Tunisie et construiront son État ‎indépendant.

Sous la colonisation, les musulmans (même si ce n’est qu’une minorité) feront des progrès, ‎étudieront les sciences et les langues étrangères et adopteront ce qu’il y a de bien chez ‎l’occupant.‎

LES DIRIGEANTS DU XIXE SIECLE ETAIENT-ILS PLUS VISIONNAIRES ET PLUS AUDACIEUX ‎QUE CEUX DU XXE ET DU XXIE SIECLE ? FAUT-IL CONCLURE A UNE IMPOSSIBLE ‎RENAISSANCE DES MUSULMANS ? ‎

LE MONDE ARABO-MUSULMAN SEMBLE EN TOUT CAS PRIS DANS UNE IMPLACABLE ‎SPIRALE D’INVOLUTION : LES REVOLUTIONS ARABES N’ONT PAS ECLATE DANS LES ‎MONARCHIES, MAIS DANS LES REPUBLIQUES. PLUS ABSURDE ENCORE, CE SONT LES ‎MONARCHIES LES PLUS RETROGRADES QUI ONT GAGNE DANS L’AFFAIRE ETANT DONNE ‎QUE LES REVOLUTIONS ONT FINI ISLAMISTES. POURQUOI LES PEUPLES DES MONARCHIES ‎IRAIENT-ILS SE SOULEVER PUISQU’AU BOUT DU COMPTE C’EST L’ISLAMISME QUI LES ‎ATTEND, ET QU’ILS L’ONT DEJA ?

CEUX QUI Y TROUVAIENT LEUR PLENITUDE N’ONT PAS BESOIN DE FAIRE LA REVOLUTION, ‎ET CEUX QUI NE VEULENT PAS DE L’ISLAMISME TROUVENT PREFERABLE DE VIVRE SOUS ‎DES REGIMES DETESTABLES PLUTOT QU’ISLAMISTES. C’EST CE QUI AUTORISE A PENSER ‎QUE LA REVOLUTION SYRIENNE SERA LA DERNIERE.

Cette spirale ne s’est pas saisie que des collectifs, elle s’est emparée même des individus ‎détachés de leurs sociétés et évoluant dans d’autres environnements culturels. A peine la ‎dépouille du «franco-algérien» Mohamed Merah a-t-elle été mise en terre que s’est ouvert ‎à Paris le procès d’un autre «Franco-Algérien ». ‎

Ce dernier n’a pas 23 ans et n’est pas carrossier au chômage, il est âgé de 37 ans et est ‎docteur en physique nucléaire et chercheur au Centre européen pour la recherche nucléaire ‎‎(CERN) de Genève. Cinq prix Nobel de physique en sont issus, et peut-être que ce franco-‎algérien aurait pu l’obtenir un jour pour la gloire commune des Algériens, des Français et ‎des musulmans.

Mais ce jour n’arrivera pas car il a été arrêté il y a trois ans sous l’accusation d’avoir ‎envisagé des attentats terroristes en France en liaison avec AQMI. Le parquet a requis ‎contre lui six ans de prison (il en a déjà purgé presque trois, à titre préventif) et le jugement, ‎mis en délibéré, sera connu le 4 mai prochain.‎

C’EST DIRE SI NOUS SOMMES DANS UN PROCESSUS DE REGRESSION QUI DEFIE LES LOIS ‎DE LA NATURE, DE LA SCIENCE ET DU BON SENS. CE QUE NOUS VIVONS EST L’UNIQUE ‎DEMENTI CONCRET APPORTE A CE JOUR A LA THEORIE DE LA SELECTION NATURELLE : CE ‎N’EST PAS LE MEILLEUR QUI L’EMPORTE SUR LE PLUS MAUVAIS, CE N’EST PAS LE ‎DOCTEUR EN PHYSIQUE NUCLEAIRE QUI RAMENE SUR LE DROIT CHEMIN L’ISLAMISTE ‎IGNARE, C’EST LE TERRORISTE QUI MET SUR LE MAUVAIS CHEMIN L’ESPRIT ‎SCIENTIFIQUE. ET CE N’EST NI LE PREMIER NI LE DERNIER CAS.
J’AI D’AILLEURS FAILLI ‎INTITULER CETTE CONTRIBUTION «ISLAM ET REGRESSISME».

L’ISLAM EST DEVENU UN PROBLEME CHEZ LUI MAIS AUSSI CHEZ LES AUTRES, LA OU VIVENT ‎DES COMMUNAUTES MUSULMANES, AUTREMENT DIT DANS LE MONDE ENTIER. A CAUSE ‎DU TERRORISME, IL EST DEVENU UNE QUESTION DE SECURITE INTERNATIONALE. LES ‎MUSULMANS N’IRONT PAS LOIN SANS D’IMPORTANTES MISES AU POINT DANS LEUR FAÇON ‎DE PENSER ET DE PROFONDS CHANGEMENTS DANS LEUR COMPORTEMENT ENTRE EUX ET ‎AVEC LE RESTE DU MONDE.

MAIS QUI DOIT INITIER CES MISES AU POINT ET CES CHANGEMENTS ? LES PHILOSOPHES, ‎SOCIOLOGUES, HISTORIENS ET SPECIALISTES MUSULMANS DES RELIGIONS NE SONT PAS ‎RECONNUS COMME COMPETENTS POUR SE MELER DES QUESTIONS ISLAMIQUES. ON ‎LEUR DENIE LE DROIT DE S’EN APPROCHER. LES INTELLECTUELS MODERNISTES ET LES ‎POLITIQUES ONT PEUR DES « ULEMAS », ILS NE PEUVENT SE PERMETTRE DE LES DEFIER ‎EN RAISON DE L’ASCENDANT QU’ILS EXERCENT SUR LES FOULES. ET UNE FATWA PEUT ‎VITE DEVENIR UN «CONTRAT» SUR UNE TETE.

Les ulémas ont miné le champ d’approche de l’islam, entouré de fils barbelés son domaine ‎et bloqué tous ses accès. Ils ont sous leur coupe les écoles juridiques (madhahib), les ‎universités islamiques, les programmes d’enseignement des matières religieuses, les ‎institutions chargées des fatwas, les spécialistes du «tafsir», les imams et les télé-coranistes.

Eux seuls sont compétents pour l’ijtihad. Et comme ils en ont fermé les portes il y a mille ‎ans, personne ne peut les rouvrir. Même des ulémas comme Kawakibi, Abdou, Abderrazik ou ‎Mohamed al-Ghazali qui s’y sont essayé n’ont pu imposer leurs vues réformatrices. Ils ont ‎été assassiné pour le premier, ostracisé pour le second, persécuté pour le troisième et ‎marginalisé pour le quatrième. ‎
Si on mettait en balance les ouvrages écrits en faveur de l’immobilisme et ceux en faveur du ‎changement, le rapport serait de 1 à 10 000, ou plus ! ‎

IL EST PLUS FACILE DE METTRE A BAS LE DESPOTISME DES ETATS QUE DE CONTESTER ‎CELUI DES ULEMAS.

NON SEULEMENT ILS NE VEULENT PAS LE CHANGEMENT, ILS NE ‎SAURAIENT LE MENER QUAND BIEN MEME ILS LE VOUDRAIENT. LEUR FORMATION, LEUR ‎COMPETENCE, EST JUSTEMENT DANS LE NON-CHANGEMENT. ILS ONT ETE FORMES EN ‎CELA ET POUR CELA. ILS SONT LES GARDIENS DE LA «TRADITION» ET LES ‎TRANSMETTEURS DU PASSE.

ILS ONT INTERET AU MAINTIEN DU STATUT QUO PARCE ‎QUE C’EST AUSSI LEUR METIER, LEUR GAGNE-PAIN. ‎

Ils apprennent par cœur des milliers de pages et prennent leurs prouesses ‎mnémotechniques pour des exploits, pour le summum de la maîtrise des «sciences ‎religieuses», alors que ce n’est qu’une perte de temps et d’énergie. Est-il besoin à l’heure ‎des NTIC d’apprendre par cœur des milliers de pages, de mobiliser des milliards de ‎neurones autour de «connaissances» qu’on peut convoquer par un clic de souris?

LES CHEMINS A PRENDRE POUR ARRIVER AUX SOLUTIONS SONT DIFFICILES PARCE ‎QU’INCONNUS, CE SONT DES SENTIERS NON BATTUS, DES DIRECTIONS DE PENSEE NON ‎EXPLOREES.

La solution n’a pas été identifiée, les ulémas ne la connaissent pas, pas plus que les hommes ‎politiques ou les intellectuels modernistes. ‎

SANS CHANGEMENTS D’IMPORTANCE, L’ISLAM VA AU-DEVANT DE GRAVES DIFFICULTES. ‎LES EXEMPLES NE MANQUENT PAS ET LES PRECEDENTS SONT NOMBREUX. SES RANGS ‎SE DIVISENT DE PLUS EN PLUS ENTRE MUSULMANS ISLAMISTES ET MUSULMANS ‎‎«NORMAUX». SES TERRITOIRES SE MORCELLENT COMME AU SOUDAN, EN PALESTINE ET ‎AU MALI DEPUIS QUELQUES JOURS. SES ETATS SONT AFFAIBLIS LES UNS APRES LES ‎AUTRES. ‎

Les Arabes chrétiens et les Arabes musulmans se méfient les uns des autres. Les Arabes ‎chiites et les Arabes sunnites ne se supportent plus. Les Égyptiens islamistes souhaitent se ‎débarrasser des Égyptiens coptes, et L’OCCIDENT COMMENCE A EN AVOIR ASSEZ DE CEUX ‎QUI, COMME LES FOLKLORIQUES «FORSANE AL-IZZA», LE PROVOQUENT SUR SON ‎PROPRE TERRITOIRE ET TIRENT ARGUMENT DE SA LEGISLATION LIBERALE POUR REJETER ‎SES LOIS ET BRANDIR L’ETENDARD DU CALIFAT. ‎

C’est la guerre mondiale contre eux que les musulmans cherchent ? Ils sont devenus en ‎majorité islamistes et, comme dans le cas du physicien « franco-algérien », on ne sait jamais ‎à quel moment un islamiste peut devenir un djihadiste et se mettre à planifier des attentats ‎contre son pays de naissance ou d’accueil.

‎ « Le Soir d’Algérie » du 8 avril 2012‎

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