LA LAMPE D’ALADIN

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Les partis islamistes vainqueurs en Tunisie et en Égypte donnaient l’impression d’être ‎complexés par les conditions de leur victoire (pas assez nette dans le premier cas, ‎compromettante dans le second) et effrayés par les problèmes qui les attendent. Ils ont fait ‎dans leurs discours et leurs déclarations à la presse, surtout occidentale, les premières ‎concessions en se voulant rassurants sur l’État de droit, la société civile, la démocratie et les ‎accords internationaux.

D’où un certain adoucissement de leurs propos. Ils n’ignorent pas qu’ils vont être observés ‎comme des extraterrestres, qu’aucun faux pas ne passera inaperçu, et qu’aucune erreur ne ‎leur sera pardonnée.‎

La «solution islamique» qu’ils brandissaient comme une lampe d’Aladin, ils vont devoir la ‎mettre en place et en démontrer rapidement l’efficacité, sinon personne ne les croira plus ‎et eux-mêmes peut-être cesseront d’y croire. Car grande sera leur déconvenue lorsqu’ils ‎s’apercevront que la lampe mirifique est vide, qu’il n’en sort aucun « djinn » faiseur de ‎prodiges, qu’il ne tombe rien du ciel, et qu’ils devront tout faire eux-mêmes.‎
Les despotes n’ont pas laissé les caisses pleines, une administration performante et une ‎économie dynamique mais d’énormes problèmes, sans parler des traumatismes occasionnés ‎par leur résistance à la contestation populaire. ‎

C’est de problèmes d’emploi, de logement, de dette extérieure, de rentrées en devises et ‎autres «patates chaudes» que les islamistes ont hérité. Or, leur savoir-faire en matière de ‎gestion des affaires publiques est modeste. ‎

PRECHER LA BONNE PAROLE, RACONTER EN BOUCLE LES MERVEILLEUSES HISTOIRES ‎D’UN PASSE MYTHIFIE ET MOMIFIE, EXHORTER LES GENS A L’OBSERVANCE DES ‎PRESCRIPTIONS RELIGIEUSES ET AUX SIGNES EXTERIEURS DE RELIGIOSITE, ETC, NE ‎SUFFIRA PAS ET NE POURRA PAS TENIR LIEU DE PROGRAMME DE GOUVERNEMENT.

Les opérations caritatives ponctuelles, l’aide aux nécessiteux, les actions de bienfaisance ‎ambulatoires et intermittentes ne rimeront plus à rien sauf à en faire bénéficier toute la ‎nation. Le background de secouriste n’est plus de mise, il faut déployer de véritables ‎aptitudes opérationnelles pour faire face aux urgences brûlantes et aux attentes pressantes.

L’ATTIRAIL DE CHARITE DEVRA ETRE REMPLACE PAR UNE BATTERIE D’INSTRUMENTS DE ‎GOUVERNEMENT EFFICIENTS, SINON C’EST L’ECHEC ASSURE ET PEUT-ETRE UNE ‎NOUVELLE REVOLUTION.

Le voile pour les femmes, la barbe et la calotte blanche pour les hommes, la traque des ‎couples «suspects», la généralisation des salles de prière sur les lieux de travail et même la ‎libération de la Palestine peuvent attendre.

CE QUI URGE, C’EST DE FAIRE REDEMARRER L’ECONOMIE POUR QUE LES GENS NE ‎CREVENT PAS DE FAIM. IL VA FALLOIR AGIR SUR LA BASE DE LOIS, METTRE AU POINT DES ‎METHODES DE TRAVAIL, DES PROGRAMMES D’ACTION ET DES PLANS ECONOMIQUES, ‎ASSURER LE FONCTIONNEMENT DU SERVICE PUBLIC SUR TOUT LE TERRITOIRE, FAIRE ‎RENTRER DE L’ARGENT DANS LES CAISSES DE L’ETAT ET MILLE AUTRES SOUCIS ‎QUOTIDIENS.‎

‎ Sans parler des inévitables tiraillements avec les partis qui se sont alliés à eux. ‎
Ayant placé la barre trop haut en laissant croire à des masses crédules qu’Allah allait ‎regarder de leur côté et multiplier ses bénédictions sur elles pour avoir voté en faveur de ‎l’islam, les nouveaux dirigeants vont devoir à tout le moins faire mieux que l’ancien régime.

OR, EN PRENANT LES RENES DU GOUVERNEMENT ILS VONT TOUT DE SUITE SE HEURTER ‎AUX REALITES, A L’IMPATIENCE DES CITOYENS, A LA RARETE DES MOYENS, A LA CRISE ‎ECONOMIQUE ET FINANCIERE MONDIALE, A LA BAISSE DRASTIQUE DES RESSOURCES DU ‎TOURISME…‎

Ils prendront alors conscience de l’inanité des discours moralisateurs, de l’exhibition ‎ostentatoire de la dévotion, et des risques et périls induits par des promesses irréalistes. Ils ‎découvriront que les affaires humaines sont trop fluctuantes pour être régies par des règles ‎immuables, qu’il y a tant de contraintes, d’imprévus, d’évolutions rapides dans la vie et dans ‎le monde. ‎

CONFRONTES A L’APRETE DES RELATIONS INTERNATIONALES, ILS CONSTATERONT ‎QU’ILS NE PEUVENT PAS FAIRE CE QU’ILS VEULENT, MEME CHEZ EUX.‎

LES ISLAMISTES PRETENDAIENT INCARNER LA TROISIEME VOIE ENTRE LE SOCIALISME ET ‎LE CAPITALISME, ET ETRE UNE ALTERNATIVE A L’OCCIDENT. VOICI QUE L’OPPORTUNITE ‎D’EN FAIRE LA DEMONSTRATION DEVANT LEURS PEUPLES ET L’HUMANITE LEUR EST ‎OFFERTE. ‎

TANT QUE LA PROBLEMATIQUE DE L’ISLAM, «RELIGION ET ETAT», «FOI ET MONDE», ‎ETAIT DEBATTUE IN ABSTRACTO, ILS ETAIENT IMBATTABLES. MAINTENANT QU’ELLE VA ‎DEVOIR ETRE ABORDEE SOUS L’ANGLE PRATIQUE, ELLE COMMENCE A DONNER DES ‎CHEVEUX BLANCS AUX PLUS LUCIDES D’ENTRE EUX QUI N’EN AVAIENT PAS.‎
L’affrontement ne va plus être idéologique, culturel ou rhétorique, il va être politique, ‎économique et diplomatique. On ne sera plus dans la casuistique, pliant devant le principe ‎d’autorité, mais dans le réel, le vivant et le mouvant.

Le débat portera sur des questions précises comme l’emploi des jeunes, les fins de mois des ‎travailleurs, le pouvoir d’achat, les conditions de vie des citoyens, les taux du chômage et de ‎l’inflation, les indices de développement humain, l’attrait des investisseurs étrangers… Le ‎critère entre le vrai et le faux sera la gestion des affaires publiques et ses résultats, et non ‎telle ou telle profession de foi. ‎

ARRIVES AU POUVOIR PAR LA VOIE DES URNES, ILS NE POURRONT PAS ESPERER RETIRER ‎L’ECHELLE APRES S’EN ETRE SERVIS POUR GRIMPER. ILS NE POURRONT PAS VOULOIR ‎ABOLIR LA DEMOCRATIE SANS VOIR SE SOULEVER CONTRE EUX LES AUTRES PARTIS, LES ‎CITOYENS QUI N’ONT PAS VOTE POUR EUX, LES INSTANCES INTERNATIONALES ET ‎L’OPINION PUBLIQUE MONDIALE. ‎

Ils se trompent ceux qui, parmi eux, pensent qu’ils pourront rester au pouvoir par la force. Ils ‎l’auraient gardé s’ils l’avaient conquis de haute lutte. Or ils ne l’ont pas conquis, ils n’ont pas ‎vaincu le despote, c’est «le peuple Facebook» qui l’a vaincu et le vote atavique qui leur a ‎confié les clés du pays dans l’espoir d’une vie meilleure, voire de résultats miraculeux.‎

ILS AURONT JUSTE ETE LES PREMIERS BENEFICIAIRES DE L’ALTERNANCE. ILS CEDERONT ‎LA PLACE UN JOUR, PEUT-ETRE AUX PROCHAINES ELECTIONS, SAUF A REUSSIR ‎SPECTACULAIREMENT, EN QUEL CAS ILS SERONT RECONDUITS POUR LE BONHEUR DE ‎LEURS ELECTEURS ET DU RESTE DU MONDE.

Autre source de problèmes pour les islamistes devenus «modérés» par la force des choses : ‎ils perdront leur «authenticité» aussitôt qu’ils commenceront à donner suite aux ‎‎«concessions» faites publiquement. ‎

S’ILS REPRENNENT A LEUR COMPTE LES NOTIONS DE REPUBLIQUE, DE DEMOCRATIE, DE ‎TOLERANCE, D’ELECTIONS, DE LIBERTES PUBLIQUES, DE DROITS DE LA FEMME, ETC., ‎QU’EST-CE QU’IL LEUR RESTERA D’ISLAMISTE OU MEME D’ISLAMIQUE ? EN TRANSIGEANT ‎SUR LES QUESTIONS DE L’HERITAGE, DE L’ADOPTION ET DES CHATIMENTS CORPORELS ‎COMME ILS L’ONT PROMIS, ILS PERDRONT LE DROIT A L’UTILISATION DU LABEL ‎‎«ISLAMISTE». ‎

Celui-ci ne couvre que les produits d’origine contrôlée. Or, par rapport aux critères de ‎distinction du musulman du non-musulman enseignés par leurs maîtres à penser, ils sont ‎dans la contrefaçon, dans le «kofr», le reniement et l’opportunisme.

Ils seront dès lors confrontés à la surenchère des radicaux de leur pays et de l’étranger qui ‎se poseront en censeurs vigilants de leurs paroles et en juges implacables de leurs actions. ‎C’est de là que viendront les plus vives oppositions, et non de ceux qu’ils croient être leurs ‎ennemis de toujours : les laïcs. ‎

Ces alter ego les sommeront d’appliquer l’ensemble des dispositions coraniques, à ‎commencer par le voile de la femme, l’interdiction de l’alcool, la suppression de la mixité, la ‎discrimination envers les adeptes des autres confessions, les châtiments corporels, etc. Ils ‎réclameront l’application en bloc et dans le détail de toutes les prescriptions de la charia, y ‎compris celles qui dresseront contre eux la communauté internationale. Ils tireront leur ‎argument-massue du verset : «Croirez-vous en une partie du Livre saint et pas en l’autre ?»‎

Ce qui reste d’Al-Qaïda ne tardera pas non plus à s’en prendre à eux. Il leur arrivera ce qui ‎est arrivé au communisme lorsqu’il a abandonné sa pureté et sa dureté avec les réformes de ‎Gorbatchev (Perestroïka et Glasnost). Le doute s’étant introduit dans la doctrine comme le ‎ver dans le fruit, tout s’est écroulé un jour.

ENFIN, LES AMBITIONS PERSONNELLES, LE GOUT DU POUVOIR ET ‎L’EMBOURGEOISEMENT ACCOMPLIRONT LEUR TRAVAIL D’USURE ET DE CORRUPTION ‎SUR LES ETRES HUMAINS PAREILS AUX AUTRES QU’ILS SONT. AVEC LE TEMPS ILS SE ‎BANALISERONT ET SE DEMONETISERONT. A CE MOMENT-LA ON LEUR EN VOUDRA PLUS ‎QU’A L’ANCIEN REGIME, PLUS QU’AUX PARTIS QUI AURONT GOUVERNE AVEC EUX CAR ‎LEURS ELECTEURS ESTIMERONT AVOIR ETE TRAHIS DANS CE QU’ILS ONT DE PLUS CHER : ‎LEUR IDEE DE L’ISLAM.‎

C’est devenu une mode, tous les partis islamistes disent vouloir s’inspirer de l’expérience de ‎l’AKP en Turquie. AKP signifie «Parti de la justice et du développement ». En Égypte les ‎Frères musulmans ont appelé leur parti « Parti de la justice et de la liberté », au Maroc le ‎parti qui a remporté les élections s’appelle « Parti de la justice et du développement », et en ‎Libye le parti nouvellement créé porte le nom de « Parti pour le développement et la ‎réforme ». Si le qualificatif islamique a disparu des appellations, ce n’est pas un pur hasard ‎mais un signe des temps : on veut changer d’enseigne. ‎

Le modèle turc est cité en exemple d’abord parce qu’il n’y en a pas d’autre, ensuite pour ‎rassurer sur leurs propres intentions et, enfin, pour faire croire aux masses qu’avec un ‎gouvernement islamiste leur fortune est faite ici-bas et dans l’Au-delà. Le message est : une ‎nation ne peut que prospérer si elle est gouvernée au nom d’Allah. Et c’est vrai !

La Turquie ‎a réalisé des avancées sociales, économiques et diplomatiques considérables au cours de la ‎dernière décennie, correspondant justement à la gouvernance islamiste. Elle occupe ‎aujourd’hui la 16ème place dans le classement économique mondial et la 6e en Europe.

MALHEUREUSEMENT L’ECONOMIE TURQUE N’EST PAS UNE ECONOMIE ISLAMIQUE ET ‎SES PERFORMANCES NE SONT PAS DUES A L’ISLAMISME. C’EST UNE ECONOMIE DE ‎MARCHE AUSSI CLASSIQUE ET LIBERALE QUE CELLES DES PAYS EUROPEENS AUXQUELLES ‎ELLE EST ETROITEMENT LIEE. IL N’Y A D’ISLAMIQUE DANS LA BONNE GOUVERNANCE ‎TURQUE QUE LES CONVICTIONS PERSONNELLES DES MEMBRES DE L’AKP. ‎

Ce n’est pas pour amoindrir le mérite d’Erdogan, de Gül et de leurs équipes qui ont ‎démontré qu’islam et démocratie étaient compatibles, mais pour garder une vue claire et ‎objective des choses.‎

QUAND ON SE PROMENE AUJOURD’HUI A ISTANBUL OU A ANKARA RIEN N’INDIQUE QUE ‎L’ON EST DANS UN PAYS MUSULMAN S’IL N’Y AVAIT LES MOSQUEES ET LE VOILE ‎FEMININ. TEYYIP ERDOGAN N’EST PAS ALADIN, ET IL N’A PAS TROUVE LA LAMPE ‎MERVEILLEUSE D’OU SORT A LA DEMANDE UN GENIE BIENFAISANT QUI REALISE DES ‎MIRACLES. IL A APPLIQUE LES REGLES DE L’ECONOMIE DE MARCHE AVEC LE SERIEUX QUI ‎SIED A UN PAYS QUI A UNE HAUTE IDEE DE LUI-MEME, QUI A ADMINISTRE DURANT DES ‎SIECLES UN EMPIRE COMPOSE D’UNE TRENTAINE DE PAYS D’ASIE, D’AFRIQUE ET ‎D’EUROPE, ET QUI A SU METTRE A PROFIT SES AVANTAGES COMPARATIFS.

LA TURQUIE ISLAMISTE N’A PAS INVENTE UNE NOUVELLE ECONOMIE, NI DEPOSE ‎BEAUCOUP DE BREVETS D’INVENTION, ELLE A FAIT, TOUTES PROPORTIONS GARDEES, ‎COMME LA CHINE, L’INDE OU LE BRESIL, C’EST-A-DIRE DEVELOPPE DES NICHES DE ‎COMPETITIVITE QUI LUI ONT OUVERT LES MARCHES EUROPEENS ET ARABES.

Elle a connu une forte poussée de son taux de croissance (7% en 2011) et un énorme bond ‎en avant de ses exportations, mais elle n’est pas à l’abri de la crise européenne. Ses ‎exportations en dépendent à 50%. ‎

Actuellement l’inflation et le déficit budgétaire plafonnent à 10% et sa monnaie, la livre, ‎vient de perdre près du quart de sa valeur par rapport au dollar. Si l’euro continue de ‎s’affaiblir et la croissance européenne de baisser, ses exportations chuteront dans des ‎proportions importantes et rendront son taux de croissance négatif. Les prévisions officielles ‎annoncent pour 2012 un taux de croissance de 4%, tandis que le FMI le situe autour de 2%.‎

L’ISLAMISME TURC N’EST PAS ARRIVE AU POUVOIR A LA FAVEUR D’UNE REVOLUTION, ‎MAIS PAR LA VOIE DEMOCRATIQUE ET APRES UNE LENTE EVOLUTION. IL A UN LONG ‎CHEMINEMENT DERRIERE LUI FAIT D’APPRENTISSAGE, DE VICTOIRES ET D’ECHECS DONT ‎IL A SU TIRER LES ENSEIGNEMENTS.

Le premier parti politique islamiste est apparu en 1970 sous le nom de «Parti de l’ordre ‎national». L’année suivante, il est dissous. En 1972 le « Parti du salut national » est créé par ‎Necmettin Erbakan et présente des candidats à l’élection législative de 1973 où il obtient ‎‎11,8% des voix, score qui le place au troisième rang des partis vainqueurs. Les islamistes ‎font leur entrée au gouvernement pour la première fois en s’alliant à d’autres formations. ‎De 1983 à 1990 le « Parti de la mère patrie » gouverne avec succès sous la direction de ‎Turgut Özal qui a été Premier ministre puis président de la République.‎

‎ En 1997, le « Parti de la prospérité » (Rafah) d’Erbakan, dans lequel militent Erdogan et Gül, ‎est dissous et Erbakan renversé parce qu’il voulait supprimer l’article 2 de la Constitution ‎relatif à la laïcité. Ce dernier était en outre opposé à l’adhésion de la Turquie à l’Union ‎européenne. ‎

En 2001 les deux amis créent l’AKP qui se réclame des idées modérées et de l’œuvre de ‎Turgut Özal et prennent leurs distances des positions jugées extrémistes d’Erbakan. En 2002 ‎la nouvelle formation politique gagne les législatives. Elle en est à son troisième mandat qui ‎expirera en 2014.‎

L’AKP N’A PAS GAGNE L’ADHESION DE LA MAJORITE DES TURCS ET LE RESPECT ‎INTERNATIONAL EN FANATISANT SES MEMBRES, EN OPPOSANT LES CROYANTS AUX ‎NON-CROYANTS, EN PROMETTANT DE BOULEVERSER LA VIE DES TURCS, EN ‎S’ENGAGEANT A RETABLIR LE CALIFAT (EUX QUI L’ONT DETENU JUSQU’EN 1923) MAIS EN ‎SE TOURNANT VERS LES DEFIS DU MONDE MODERNE ET EN S’APPROPRIANT LES ‎ATTRIBUTS DE LA MODERNITE. ‎

Il n’a pas été infecté par le salafisme et le djihadisme comme les partis islamistes apparus ‎dans le monde arabe. Dans la Turquie d’aujourd’hui il existe 6 000 journaux quotidiens, 200 ‎chaînes de télévision locales et 1200 radios, ce qui renseigne sur le pluralisme et le climat ‎de liberté qui y règnent. ‎

DEUX FACTEURS CAPITAUX DONT NE BENEFICIERONT PAS LES PARTIS ISLAMISTES ‎ARABES SONT A L’ORIGINE DU SUCCES DE L’ISLAMISME TURC : LA LAÏCITE ET LE ‎PROCESSUS D’ADHESION A L’UE.

LA LAÏCITE A SERVI L’AKP PLUS QU’ELLE NE L’A DESSERVI CONTRAIREMENT A CE QU’ON ‎PEUT PENSER. ELLE L’A PREMUNI CONTRE LA TENTATION THEOCRATIQUE (DANS LE PAYS ‎QUI FUT PENDANT DES SIECLES LE SIEGE DU CALIFAT), LE CHARLATANISME DONT SONT ‎COUTUMIERS LES PARTIS RELIGIEUX ARABES ET L’HOSTILITE DE LA COMMUNAUTE ‎INTERNATIONALE. ELLE LUI A FERME LA VOIX DE L’OBSCURANTISME ET LUI A ASSIGNE ‎UNE LIGNE ROUGE A NE PAS FRANCHIR, CELLE DES LIBERTES INDIVIDUELLES.

D’un autre côté, la laïcité l’a innocenté aux yeux des islamistes radicaux qui ne pouvaient ‎pas lui reprocher de ne pas appliquer la charia puisqu’il était censé avoir une baïonnette sur ‎la gorge. Fort opportunément, elle le libérait de l’embarrassante obligation d’avoir à ‎appliquer des prescriptions, coraniques certes, mais non moins inapplicables de nos jours : ‎amputations, lapidation, statut de «dhimmi» pour les non-musulmans, etc. ‎

C’EST POURQUOI, LORS DE SA RECENTE TOURNEE DANS LES PAYS ARABES OU LA ‎REVOLUTION A TRIOMPHE, LE PREMIER MINISTRE TURC A CRU BON DE LA ‎RECOMMANDER AUX PARTIS ISLAMISTES QUI N’ONT PAS DU LE COMPRENDRE BIEN ‎SUR. ‎

QUANT AU PROCESSUS D’ADHESION A L’UE, IL A INDUIT UNE MISE A NIVEAU DU ‎DISPOSITIF JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL DE LA TURQUIE VISANT A L’HARMONISER ‎AVEC CELUI DES ETATS-MEMBRES DE L’UNION EUROPEENNE. IL LUI A BALISE LE CHEMIN ‎VERS L’ECONOMIE DE MARCHE MAIS, PLUS IMPORTANT ENCORE, IL A PROTEGE L’AKP ‎DES INTERVENTIONS INTEMPESTIVES DE L’ARMEE.

LE GOUVERNEMENT, ACCROCHEUR DANS SA DEMARCHE D’ADHESION A L’UE PENDANT ‎UNE DECENNIE, SEMBLE S’EN DESINTERESSER ETRANGEMENT DEPUIS QUELQUE TEMPS. ET ‎SI CE N’ETAIT QU’UNE MANŒUVRE INTELLIGENTE POUR SE LIBERER DE LA MENACE ‎MILITAIRE ? CAR ENTRETEMPS L’ARMEE A PERDU L’UNE APRES L’AUTRE SES PREROGATIVES ‎REGALIENNES SUR LA VIE POLITIQUE ET N’EST PLUS LA GARANTE DE LA CONSTITUTION. ‎ELLE EST RENTREE DANS LES RANGS ET C’EST ELLE QUI DEPEND DESORMAIS DU POUVOIR ‎CIVIL. ‎

En septembre 2010 une réforme constitutionnelle a rendu ses membres justiciables des ‎tribunaux civils. C’était la première étape. Deux mois après la victoire de l’AKP aux ‎législatives de juin 2011, le gouvernement engage une purge de grande ampleur contre le ‎commandement militaire suprême.

Le chef d’état-major et les commandants des trois armes (terre, air, mer) sont acculés à la ‎démission, tandis que 250 officiers supérieurs (dont une quarantaine de généraux) sont ‎incarcérés pour «complot contre le gouvernement». C’était la deuxième étape. Il y a une ‎vingtaine de jours, c’était au tour de l’ancien patron de l’armée, chose inimaginable il y a un ‎an, d’être arrêté et jeté en prison sous l’accusation de «complot terroriste contre le ‎gouvernement». ‎

C’était le coup de grâce : l’archétype d’une armée au-dessus de tout et de tous depuis la ‎création de la Turquie a été brisé. Une nouvelle Constitution est en cours d’élaboration dont ‎la rédaction a été confiée aux partis représentés au parlement. Elle remplacera celle ‎rédigée par les militaires en 1982 et dessinera le nouveau visage de la Turquie. On en ‎connaîtra la teneur en 2013.

Ceux qui aimaient à dire que les militaires en Égypte et en ‎Algérie doivent, pour faire contrepoids aux islamistes, prendre exemple sur l’armée turque ‎doivent être bien embarrassés.

‎ « Le Soir d’Algérie » du 25 janvier 2012‎

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