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APPEL AUX CITOYENS ET CITOYENNES POUR LA CREATION DU PARTI DU RENOUVEAU ALGERIEN (PRA)

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PREAMBULE

Vingt-sept ans après la reconquête de sa souveraineté nationale l’Algérie fait son entrée, avec le multipartisme, dans l’ère démocratique. Mais le multipartisme n’est pas une fin en soi, ni la démocratie une garantie que les Algériens vont sortir de la tourmente. L’un et l’autre ne peuvent être que des moyens, non pour accentuer les divisions et la démotivation de la société algérienne à des fins électoralistes, mais pour diversifier et multiplier les voies et les chances de parvenir à réconcilier les Algériens avec eux-mêmes, entre eux et avec leurs institutions. La cohésion et la promotion morale et matérielle de la société algérienne doivent être la fin, la démocratie le moyen.

Si l’idée d’opposition, comme principe de contre-pouvoir modérateur, est ce qui séduit le plus dans le multipartisme, il ne faut ni que le champ politique de demain devienne une foire d’empoigne où s’affrontent et s’exacerbent les différences culturelles, les antagonismes économiques et les ambitions personnelles, ni qu’il soit la pâle et médiocre reproduction des jeux et courants politiques existant ailleurs. Les formations politiques algériennes doivent veiller à ne pas prendre le train des conceptions politiques là où l’a laissé la pensée occidentale de l’Est ou de l’Ouest.

Avant de s’interroger sur les programmes de ces formations, les citoyens doivent d’abord s’interroger sur leur essence profonde, leur philosophie réelle, le type de société vers lequel elles se proposent de les conduire. La doctrine précède toujours le programme.  Et un programme politique, avant d’être l’ébauche embellie à souhait d’une action conçue avant tout pour séduire et mener ses promoteurs au pouvoir, doit d’abord être le reflet d’une vision d’ensemble, d’une saisie totale, d’un regard et d’un jugement aptes à embrasser tous les problèmes et toutes les interconnexions de la vie d’une nation, afin de savoir à quoi porter remède et comment adapter les solutions.

Le premier devoir de l’ère démocratique est de restructurer mentalement le peuple algérien, de le ramener à sa réalité, au sens des réalités quant à ce qu’il est, ce qu’il veut et ce qu’il peut dans la situation historique présente.

Pauvre, moyen ou riche, l’Algérien d’aujourd’hui est un homme insatisfait de son sort, mal à l’aise dans sa peau, inquiet pour son avenir et malade de l’avilissement que le système lui a infligé depuis 1962. Ce système n’a donné aux Algériens ni l’eau courante, ni le logement en suffisance, ni les produits alimentaires indispensables en abondance, ni les libertés fondamentales, ni la joie de vivre.

S’il les a instruits, il ne les a pas éduqués. S’il a réparti la terre entre les paysans, c’était pour en faire des « khammès » fonctionnarisés. S’il a distribué des bénéfices illusoires aux travailleurs, c’était pour mieux les faire rattraper par l’inflation…

Le système avait promis la prospérité, il a tenu la pénurie ; il avait promis la justice, il a instauré la «hogra» et la corruption ; il avait promis la démocratie, il a consacré la censure, la candidature unique et la persécution politique.

PRINCIPES POLITIQUES :

D’habitude, les partis politiques naissent d’un regroupement de personnes unies par des affinités et des objectifs donnés. Ensuite, ils se présentent au public dont ils entreprennent la conquête en s’efforçant de l’amener à se reconnaitre en eux. En général, de tels partis sont déjà structurés, leurs dirigeants connus et leur programme déclaré.

Cet appel veut procéder d’une démarche différente en proposant au plus grand nombre de citoyens et de citoyennes, de s’associer dès le début au processus de création du PARTI DU RENOUVEAU ALGERIEN, de mise en in place de ses structures, de désignation de ses dirigeants et de confection de ses documents de base. Ainsi, le caractère foncièrement démocratique du P.R.A aura été acquis dès le départ.

Le PRA se propose d’être un parti politique à vocation nationale, ancré dans les valeurs civilisationnelles islamiques et les traditions patriotiques algériennes, et s’inscrivant dans le sens de l’évolution du monde contemporain. Son programme se réalisera dans le respect, la défense et la mise en œuvre de la Constitution de 1989, avec tout ce que cela implique dans les domaines social, économique, culturel, politique et extérieur.

Le PRA ne se veut, a priori, ni pour le socialisme, ni contre le libéralisme, mais contre les inconvénients avérés du premier et pour les avantages éprouvés du second, dans le cadre d’une synthèse pragmatique dénuée de toute référence à l’étranger et comme prélude à une pensée algérienne soucieuse du seul cas d’espèce algérien.

La formulation et la mise en pratique d’une telle synthèse sont d’autant plus possibles que l’expérience mondiale de ces deux philosophies politiques qui ont marqué le XXème siècle et disparaitront probablement avec lui en tant que telles, révèle qu’elle ont déjà commencé à  céder la place à des modes de gestion inspirés de nouvelles données et d’une nouvelle évaluation de l’homme, non plus par rapport à son espace et à ses besoins, mais par rapport à la biosphère et au Sens du monde.

L’action du PRA devra prioritairement s’atteler à liquider les causes et les effets négatifs de la politique menée depuis 1962 qui s’est soldée par une démotivation généralisée des Algériens et un gaspillage de leur potentiel économique et social. Il s’agit essentiellement de redonner confiance aux Algériens en eux-mêmes, en leurs valeurs nationales et en leurs institutions ; de planter en eux l’espoir que le redressement est réellement possible ; de restaurer dans les esprits la primauté du devoir sur le droit ; de rétablir l’échelle des valeurs sociales ; de diffuser et d’infuser la stimulation, la compétitivité et l’enthousiasme individuel.

Par une action sociale, économique et politique qui favorisera le mérite, la compétence et l’honnêteté, par le légalisme et l’exemple de ses dirigeants, mus par le sens de la licéité et de l’efficacité et grâce, enfin, à la contribution active de tous ceux et de toutes celles qui le composeront demain, Le PRA se propose d’engager en profondeur la rénovation des données sociales, économiques et politiques de l’Algérie.

De nouveaux courants de pensée, de comportement, de gestion devront être impulsés à partir d’un aménagement et d’une adaptation aux nouveaux desseins de la législation sociale, civile et pénale, du contenu de l’enseignement, de la politique budgétaire, monétaire et fiscale. L’Etat, la fonction et les services publics devront être moralisés de nouveau, le faste et le  prestige inutiles supprimés, la tradition des scandales périodiques éclaboussant les hauts responsables abolie, la liberté de la presse érigée en arbitrage de la vie morale et publique de la nation, la vie universitaire, intellectuelle et artistique élevée à une plus grande dignité, la recherche fondamentale et appliquée soutenue, la défense nationale centrée autour d’une armée moderne.

Les sociétés saines, celles que l’Algérien s’en va admirer à l’étranger, fonctionnent avec des idées simples, comme le travail, la discipline, le mérite, et les sociétés malades avec idées affolantes, comme le militantisme, la vigilance, l’égalitarisme… C’est que, pour avoir une bonne société, il faut un Etat sain, des idées claires et une économie rationnelle.

PRINCIPES ECONOMIQUES

La meilleure nationalisation est celle qui consisterait à donner l’Algérie aux Algériens. Le système a fait de ces derniers des usufruitiers, il s’agit d’en faire de bons utilisateurs et de bons propriétaires. Au lieu de penser à doter les Algériens comme on dote des orphelins, il faut plutôt penser à leur ouvrir les voies de la libre entreprise, de la libre création, du crédit… Le « système » a tout fait pour complexer la relation de l’Algérien à l’argent et à la richesse. C’est qu’il ne le concevait que pauvre, assisté et usufruitier, mais jamais aisé, indépendant et propriétaire.

Il s’agit désormais de décriminaliser cette relation, de la décomplexer, d’offrir à tous les citoyens et à toutes les citoyennes, à chances de départ égales, la possibilité de vivre et de travailler en harmonie avec les mécanismes économiques naturels et universels, d’améliorer leur sort matériel et de se distinguer par le mérite, le résultat et l’honnêteté, à l’ombre d’une morale sociale, d’un droit général et d’un appareil judiciaire efficients, équitables, en même temps que sévères.

Si, aujourd’hui, notre développement n’est qu’un immense désordre, une mécanique poussive qui ahane sur les jantes, c’est parce que l’Algérie du parti unique avait honte à paraitre comme un pays agricole, et que seule l’industrialisation forcenée lui semblait être un signe acceptable du progrès.

Le résultat est qu’aujourd’hui nous ne possédons ni une économie de subsistance autosuffisante, ni une économie de développement autocentrée, et que notre dette extérieure représente la moitié de celle un pays comme la Chine, pour un rapport démographique de 1 Algérien pour 500 Chinois, alors que ce pays est entré dans le club des puissances nucléaires.

La solution, le remède, le programme, consistent à lever le plus vite possible les contraintes législatives, juridiques, réglementaires, bureaucratiques, mentales et autres qui ont emmailloté les Algériens et les empêchent de mettre en action leur savoir, leurs compétences, leurs facultés, leur ingéniosité, leur enthousiasme, pour se réaliser individuellement et réaliser collectivement L’ALGERIE NOUVELLE.

L’interventionnisme économique de l’Etat, les monopoles source de corruption et de gaspillage, la planification stérilisante, etc, doivent être réduits à l’extrême nécessité. Entre les notions conventionnelles de secteur public et de secteur privé, il y a de la place pour des milliers de petites et moyennes entreprises individuelles, familiales ou collectives.

L’Algérie est encore en friche, ses Hauts-plateaux inoccupés, son Sud abandonné, ses capacités touristiques inexploitées, ses terres agricoles gelées, sa climatologie détériorée… L’Etat aura assez à s’occuper de la défense nationale, des relations extérieures, des infrastructures importantes, de l’enseignement public, de la santé publique et de la couverture sociale, de la sécurité des biens et des personnes, de la protection des personnes âgées et de la réinsertion des handicapés, de rendre une justice rapide et équitable, de sauvegarder l’écologie…

En matière de politique monétaire et financière, mécanismes royalement ignorés par le système depuis 1962 alors qu’ils constituent les principaux leviers de commande des économies développées, il s’agit d’offrir le plus d’emplois possibles à l’épargne des particuliers et des entreprises sous forme de nouveaux produits financiers, monétaires et à risque, suffisamment attractifs et rémunérés pour réduire les financements monétaires inflationnistes et relancer les investissements sains et porteurs de croissance.

Pour rompre la spirale de l’endettement extérieur, l’investissement direct étranger non générateur de dette devra être préféré chaque fois que possible au recours aux marchés financiers internationaux, et cela en privilégiant les prises de participation et les formules de joint-venture en priorité avec les entreprises et les banques arabes, islamiques de pays amis.

La création de marchés financiers nationaux, la réactivation et l’élargissement du marché monétaire, l’extension du réseau bancaire à de nouveaux organismes de financement spécialisés dans l’aide aux petites et moyennes entreprises, la création de valeurs mobilières variées, l’encouragement de l’actionnariat social, la préparation des conditions à une place financière internationale en Algérie, etc, sont autant d’orientations et de facteurs propres à réorganiser l’économie nationale.

A moyen terme, une telle politique économique qui reste à préciser dans son objet et à affiner dans sa méthode, permettra de doubler le montant actuel et ridicule du Smig, de susciter un courant de nouveaux emplois dans les services, la production et l’agriculture, de stabiliser le pouvoir d’achat et la valeur comparative du dinar, de juguler la création monétaire, de drainer les capitaux algériens existant à l’étranger, d’ouvrir le chemin à la convertibilité de notre monnaie d’ici la fin du siècle, et de réduire l’extraversion de notre économie tout en l’insérant dans le marché mondial.

La finalité de cette philosophie économique est d’engager le processus d’indépendance des exportations d’hydrocarbures, de faire du paysan un agriculteur moderne, de l’ouvrier un technicien, du chef d’entreprise publique ou privée un manager confiant et audacieux, et du peuple algérien en général une société équilibrée, travailleuse, disciplinée, motivée et matériellement à l’aise.

Cette société ne devra être ni une société de consommation, ni une société du productivisme, mais une société du juste milieu, conformément à la nature et à la vocation du peuple algérien musulman.

MODALITES PRATIQUES

Tel n’est pas le programme détaillé et chiffré du P.R.A, cela est pour plus tard et se fera avec le concours du plus grand nombre et des meilleures compétences, mais tels sont déjà les axes politiques et économiques proposés aux citoyens et citoyennes, en guise de base de discussion.

La vision, la philosophie et les buts du PRA ainsi sommairement profilés, il reste à chaque personne dont l’intérêt aura été éveillé d’écrire à l’adresse ci-dessous indiquée pour marquer son accord à ces idées, ou, mieux encore les enrichir les compléter, les critiquer.

Cet appel s’adresse à tous et à toutes : intellectuels, universitaires, étudiants, enseignants, fonctionnaires, professions libérales, cadres, travailleurs, agriculteurs, commerçants, retraités ainsi qu’aux citoyens et citoyennes émigrés, soit à toutes les catégories sociales intéressées par le renouveau de l’Algérie.

Nous répondrons à chaque lettre, nous ferons connaitre entre elles les personnes originaires de mêmes circonscriptions, nous étudierons tous les apports, tous les enrichissements, toutes les propositions, ensuite nous inviterons chacun au Congrès Constitutif qui se tiendra en octobre prochain à Alger, et où seront adoptés les statuts, les structures, le programme, et où seront élus les dirigeants. Entre-temps, le dossier d’agrément aura été déposé et l’opinion informée de la naissance du PRA

Les Algériens sont pour la plupart devenus allergiques aux mots parti, militantisme, charte, réunion… Ils ne croient pas beaucoup non plus au changement, car ils voient le parti unique encore dominer la vie nationale et contrarier du mieux qu’il peut le processus démocratique.

Il faut qu’ils sachent cependant que s’ils ne veulent plus subir le « système » ils doivent lui trouver une solution de rechange qui passe par leur propre engagement. Cet Appel n’est pas le fait de vieux chevaux de retour encore tentés par l’aventure, ni celui d’ex-membres du pouvoir évinces et désireux de se venger, ni encore une initiative sans lendemain de gens désœuvrés, mais l’expression d’une profonde volonté de tout tenter pour essayer de sauver l’Algérie.

Il est possible de faire quelque chose, il est possible d’influer sur les événements par son vote, il est possible, sur cinq ans, d’engager le changement, de mettre fin au droit de mal gouverner du parti unique, d’imposer l’Etat de droit, de la justice et de la compétence…

Les peuples civilisés, les peuples développés, ont fait leur sort de leurs propres mains, ils se sont battus, ils ont vaincu leur indifférence et leur résignation. Leur foi et leur engagement ont permis de déplacer les montagnes du despotisme, de l’injustice et de l’incompétence.

ENSEMBLE ET POUR LE RENOUVEAU DE L’ALGERIE, FAISONS LE PRA !

Pour le Comité préparatoire : Nour-Eddine Boukrouh

03 août 1989

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